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12/10/2017 | FRANCE | N°16-21686

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 octobre 2017, 16-21686


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'ayant mis en oeuvre un plan d'attribution gratuite d'actions en faveur de l'ensemble des membres de son personnel à l'exception du président-directeur général et des membres du comité exécutif, la société France télécom, devenue la société Orange (la société), s'est acquittée, en août 2011, de la contribution prévue par l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale auprès de l'URSSAF du Bas-Rhin, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) ; qu'elle a demandé à

celle-ci, le 19 juillet 2013, si elle pourrait solliciter le remboursement d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'ayant mis en oeuvre un plan d'attribution gratuite d'actions en faveur de l'ensemble des membres de son personnel à l'exception du président-directeur général et des membres du comité exécutif, la société France télécom, devenue la société Orange (la société), s'est acquittée, en août 2011, de la contribution prévue par l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale auprès de l'URSSAF du Bas-Rhin, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) ; qu'elle a demandé à celle-ci, le 19 juillet 2013, si elle pourrait solliciter le remboursement des sommes versées au cas où les conditions d'attribution des actions ne seraient pas acquises au 31 décembre 2013 ; que l'URSSAF ayant répondu par la négative, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins d'annulation de cette décision et a présenté une demande en remboursement de la contribution versée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que, dans un mémoire distinct et motivé, la société Orange a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, en ce qu'il prévoit que la contribution due par les employeurs sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce est exigible le mois suivant la date de la décision de principe d'attribution des actions, de sorte que la contribution est due même si les actions viennent en définitive à ne pas être effectivement attribuées en raison de la défaillance des conditions auxquelles cette attribution avait été subordonnée, ce qui porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe d'égalité devant la loi fiscale garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique ;

Mais attendu que, se prononçant par une décision n° 2017-627/628 QPC du 28 avril 2017 sur les questions prioritaires de constitutionnalité de la société Orange transmises par le Conseil d'Etat statuant au contentieux et la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots "ou des actions" figurant dans la seconde phrase du paragraphe II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Orange fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'aux termes du I de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, "il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs : (...) sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code" ; que, selon ce texte de loi, le fait générateur de la contribution spécifique est l'attribution d'actions aux salariés ; que lorsque cette attribution d'actions est soumise à une condition suspensive qui ne se réalise pas - entraînant en conséquence l'absence de toute attribution effective d'actions aux salariés -, le fait générateur de la contribution spécifique ne saurait être considéré comme constitué ; qu'en l'espèce, en l'absence d'attribution effective d'actions aux salariés de la société Orange, du fait de la non-réalisation de la condition suspensive tenant à l'atteinte par la société d'un seuil de résultats, le fait générateur de la contribution spécifique sur l'attribution d'action n'était donc pas constitué ; qu'en conséquence, la contribution patronale dont la société Orange a fait l'avance était constitutive d'un indu dont elle était fondée à obtenir la restitution intégrale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 137-13 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable au litige, que le fait générateur de la contribution instituée, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, sur les actions attribuées gratuitement dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du code de commerce est constitué par la décision d'attribution de celles-ci, même assortie de conditions ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 137-13, II du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que la contribution patronale sur les actions attribuées gratuitement est exigible le mois suivant la décision d'attribution de celles-ci ; qu'il résulte de la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-627/628 QPC du 28 avril 2017 que cette disposition ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles l'attribution des actions gratuites était subordonnée ne sont pas satisfaites ;

Attendu que pour débouter la société Orange de ses demandes, l'arrêt retient que la non-réalisation de la condition de performance à laquelle l'attribution des actions était subordonnée ne rend pas indue la contribution litigieuse ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 9 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne l'URSSAF d'Alsace aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF d'Alsace et la condamne à payer à la société Orange la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Orange

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société ORANGE de ses demandes d'annulation de l'avis négatif de l'URSSAF du Bas-Rhin du 2 octobre 2013 et d'annulation de la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable de l'URSSAF du Bas-Rhin, et d'AVOIR débouté la Société ORANGE de sa demande de condamnation de l'URSSAF du Bas-Rhin à lui reverser la somme de 19 528 405 € ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L. 137-13.II du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur au temps du versement opéré par la société appelante au mois d'août 2011, la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites était exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des actions. Il résulte de cette disposition que le fait générateur de la contribution, ainsi instaurée au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie, est constitué par la décision, même assortie de conditions, d'attribution d'actions gratuites (Cass. civ. 2, 7 mai 2014), et ce indépendamment du montant de la contribution. En l'espèce, la contribution de 19 528 405 € était donc exigible quand, dans le mois suivant sa décision du 27 juillet 2011 adoptant un plan d'attribution d'actions gratuites, la société ORANGE s'en est acquittée en août 2011. Comme l'a indiqué l'URSSAF intimée dans le rescrit critiqué, l'exigibilité de la contribution n'a pas été affectée par la circonstance ultérieure que n'ont pas été réalisées les conditions mises à l'attribution effective des actions gratuites aux salariés. La société appelante est certes recevable à solliciter le remboursement de sa contribution sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, mais il lui incombe de démontrer le caractère indu qu'elle prête au montant qu'elle a versé. En premier lieu, la société appelante fait valoir qu'elle a expressément soumis l'attribution des actions à une condition suspensive de performance qui n'a pas été réalisée. Mais l'exigibilité de la contribution est attachée à la décision d'attribution, et non à l'effectivité de l'attribution des actions gratuites. La non-réalisation de la condition ne rend pas indue la contribution versée. En deuxième lieu, la société appelante avance que le législateur, l'administration fiscale, l'Autorité des Marchés Financiers et les organisations patronales incitent à assortir les attributions d'actions gratuites de conditions liées à la performance des entreprises. Mais elle ne peut pas pour ayant en tirer que sa contribution patronale n'était pas due. En troisième lieu, la société appelante fait valoir l'effet rétroactif de la non-réalisation d'une condition suspensive. Mais si la non-réalisation de la condition de performance a rétroactivement mis fin à l'obligation d'attribuer des actions conformément au plan que la société ORANGE avait adopté, elle n'a cependant pas emporté l'annulation de la décision d'attribution qui seule constitue le fait générateur de la contribution litigieuse. En quatrième lieu, la société appelante invoque la disparition de l'objet de son obligation. Mais la contribution patronale ayant pour fait générateur la décision d'attribution d'actions gratuites, l'obligation de payer n'a pas perdu son objet par le fait de la non-attribution effective des actions. En cinquième lieu, la société appelante invoque une violation du principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, en considérant que la contribution patronale constitue une imposition sans assiette qui revêt un caractère confiscatoire et qui fait peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables. La société appelante reprend ainsi un motif d'inconstitutionnalité de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, sur lequel il ne peut être statué que par voie de question prioritaire de constitutionnalité. La question prioritaire posée par la société ORANGE étant dépourvue de caractère sérieux et ne pouvant être transmise, comme il est dit ci-dessus, le motif doit être écarté. Au demeurant, il peut être observé que la contribution patronale étant calculée sur la valeur des actions telle qu'elle avait été estimée pour les comptes consolidés, ou telle qu'elle avait été fixée par le conseil d'administration ou le directoire à la date de la décision d'attribution, elle ne perd pas son assiette en cas de non-réalisation de la condition de performance. En sixième lieu, la société appelante relève que n'a pas été payée la part salariale qui n'est due que lorsque les actions gratuites sont effectivement attribuées. Il ne résulte cependant d'aucune disposition que la contribution salariale sur les attributions d'actions gratuites, instituée à l'article L. 137-14 dans une autre section du code de la sécurité sociale, serait la contrepartie de la contribution patronale, même si elle a été présentée ainsi par le rapporteur du projet de loi devant l'Assemblée Nationale. En tout cas, l'absence de versement de la contribution salariale ne rend pas indu le paiement de la contribution patronale. En septième lieu, la société appelante se prévaut à nouveau de la loi 2015990 du 6 août 2005 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques en ce qu'elle a reporté l'exigibilité de la contribution patronale au mois suivant la date d'acquisition des actions par le bénéficiaire. Conformément à l'article 2 du code civil, la disposition nouvelle n'a cependant pas d'effet pour le passé. Elle n'est pas venue combler un vide juridique et elle n'a pas rétroactivement transformé en indu le versement fait en août 2011 en application de la loi alors en vigueur. En huitième lieu, la société appelante se plaint d'une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme par une discrimination injustifiée et déraisonnable entre les entreprises suivant qu'elles attribuent effectivement au nom des actions gratuites. La société appelante reconnaît cependant que la contribution patronale en cause visait à procurer rapidement une source de financement au régime de l'assurance-maladie en déficit, ce qui constitue un moyen rationnel et justifié dans un but d'intérêt général. Le seul constat que la contribution patronale pèse sur les entreprises décidant de l'attribution des actions gratuites, indépendamment de savoir si l'attribution est effective ou non, ne révèle pas de discrimination inconventionnelle rendant indues les sommes versées. En neuvième et dernier lieu, la société appelante invoque deux violations du droit au respect des biens, tel que garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme. La société appelante se plaint d'une première atteinte fondamentale au droit au respect de ses biens en ce qu'elle considère la contribution patronale en inadéquation avec le but poursuivi qu'elle affirme être la taxation des actions gratuites. Mais la cotisation patronale, exigible indépendamment de l'attribution effective des actions, s'avère un procédé adéquat à l'objectif qui était en réalité le financement du régime d'assurance-maladie en déficit. La société appelante se dit victime d'une seconde atteinte fondamentale au droit au respect de ses biens en affirmant avoir supporté une charge excessive. Alors que pèse sur elle la charge de la preuve en application de l'article 9 du code de procédure civile, elle se dispense cependant de tout élément d'appréciation de l'excès qu'elle invoque, fût-ce par comparaison de la contribution patronale en cause avec son capital, son chiffre d'affaires ou son résultat d'exploitation au temps de sa décision d'attribuer des actions gratuites à ses salariés. Qu'aucune atteinte au droit au respect des biens ne permet d'écarter l'exigibilité de la contribution versée. Il ne résulte en définitive, comme l'ont dit les premiers juges, que non seulement le rescrit du 2 octobre 2013 mérite d'être maintenu mais que, faute pour la société appelante de démontrer le caractère indu qu'elle attribue à la contribution patronale de 19 528 405 € qu'elle a versée au mois d'août 2011, elle doit être déboutée de sa demande de répétition » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Le 27 juillet 2011, le conseil d'administration de la SA FRANCE TELECOM a arrêté les modalités d'un plan d'attribution gratuite d'actions au profit des membres du personnel travaillant en France et à l'étranger sous conditions de performance et de présence s'appréciant au 31 décembre 2013. La société ORANGE soutient que les conditions suspensives n'ayant pas été remplies, l'attribution prévue n'a pas pu être réalisée et qu'elle est fondée à demander la restitution de la contribution patronale qu'elle a versée et qui constitue un indu. L'obligation contractée sous condition suspensive est celle qui dépend d'un événement futur. Elle ne peut être exécutée qu'après la réalisation de l'événement et elle est réputée n'avoir jamais existé si la condition n'est pas réalisée dans le délai fixé. La contribution, prévue par l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale est une contribution sociale destinée au financement des régimes de la sécurité sociale. En vertu de l'article précité, elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des actions. Il résulte de ce texte que le fait générateur de la contribution patronale n'est pas l'attribution effective des actions gratuites mais la décision d'attribution de celles ci même assortie de conditions (Cass civ 2ème, 7 mai 2014). Il résulte des débats parlementaires que si le principe et le taux de la taxation avaient été discutés, la question du remboursement éventuel n'avait pas été évoquée. Au surplus, la contribution patronale est assise, notamment sur la valeur des actions à la date de la décision du conseil d'administration. Aucun texte ne prévoyant la date de distribution effective, seule la date de la décision du conseil d'administration doit être retenue sans prendre en considération le fait que l'attribution ne s'est pas réalisée en raison de la non-réalisation des conditions suspensives dont l'appréciation échappe aux organismes de recouvrement. L'exigibilité de la contribution patronale à la date de la décision d'attribution n'est pas incompatible avec la liberté d'entreprise et ne restreint pas le choix de la société à disposer de son capital. Si le législateur a fait une distinction entre les charges patronales et salariales en ce qui concerne la date d'exigibilité, il convient de rappeler que l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, posant le principe de non-discrimination, n'interdit pas de distinguer entre des situations différentes. En ce qui concerne les charges sociales sur les salaires, les charges patronales ne sont pas identiques tant par leur taux que par leur nature aux charges salariales alors qu'elles se rapportent toutes deux au salaire. Dès lors que l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale prévoit expressément la date de la décision, qu'aucun cas de remboursement n'est prévu, que la non-réalisation des conditions suspensives n'est pas opposable à l'URSSAF, la société ORANGE ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale sur la restitution de l'indu » ;

ALORS QUE dans un mémoire distinct et motivé, la Société ORANGE a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, en ce qu'il prévoit que la contribution due par les employeurs sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce est exigible le mois suivant la date de la décision de principe d'attribution des actions, de sorte que la contribution est due même si les actions viennent en définitive à ne pas être effectivement attribuées en raison de la défaillance des conditions auxquelles cette attribution avait été subordonnée, ce qui porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, au principe d'égalité devant la loi fiscale garanti par l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, et au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(à titre subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société ORANGE de ses demandes d'annulation de l'avis négatif de l'URSSAF du Bas-Rhin du 2 octobre 2013 et d'annulation de la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable de l'URSSAF du Bas-Rhin, et d'AVOIR débouté la Société ORANGE de sa demande de condamnation de l'URSSAF du Bas-Rhin à lui reverser la somme de 19 528 405 € ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L. 137-13.II du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur au temps du versement opéré par la société appelante au mois d'août 2011, la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites était exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des actions. Il résulte de cette disposition que le fait générateur de la contribution, ainsi instaurée au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie, est constitué par la décision, même assortie de conditions, d'attribution d'actions gratuites (Cass. civ. 2, 7 mai 2014), et ce indépendamment du montant de la contribution. En l'espèce, la contribution de 19 528 405 € était donc exigible quand, dans le mois suivant sa décision du 27 juillet 2011 adoptant un plan d'attribution d'actions gratuites, la société ORANGE s'en est acquittée en août 2011. Comme l'a indiqué l'URSSAF intimée dans le rescrit critiqué, l'exigibilité de la contribution n'a pas été affectée par la circonstance ultérieure que n'ont pas été réalisées les conditions mises à l'attribution effective des actions gratuites aux salariés. La société appelante est certes recevable à solliciter le remboursement de sa contribution sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, mais il lui incombe de démontrer le caractère indu qu'elle prête au montant qu'elle a versé. En premier lieu, la société appelante fait valoir qu'elle a expressément soumis l'attribution des actions à une condition suspensive de performance qui n'a pas été réalisée. Mais l'exigibilité de la contribution est attachée à la décision d'attribution, et non à l'effectivité de l'attribution des actions gratuites. La non-réalisation de la condition ne rend pas indue la contribution versée. En deuxième lieu, la société appelante avance que le législateur, l'administration fiscale, l'Autorité des Marchés Financiers et les organisations patronales incitent à assortir les attributions d'actions gratuites de conditions liées à la performance des entreprises. Mais elle ne peut pas pour ayant en tirer que sa contribution patronale n'était pas due. En troisième lieu, la société appelante fait valoir l'effet rétroactif de la non-réalisation d'une condition suspensive. Mais si la non-réalisation de la condition de performance a rétroactivement mis fin à l'obligation d'attribuer des actions conformément au plan que la société ORANGE avait adopté, elle n'a cependant pas emporté l'annulation de la décision d'attribution qui seule constitue le fait générateur de la contribution litigieuse. En quatrième lieu, la société appelante invoque la disparition de l'objet de son obligation. Mais la contribution patronale ayant pour fait générateur la décision d'attribution d'actions gratuites, l'obligation de payer n'a pas perdu son objet par le fait de la non-attribution effective des actions. En cinquième lieu, la société appelante invoque une violation du principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, en considérant que la contribution patronale constitue une imposition sans assiette qui revêt un caractère confiscatoire et qui fait peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables. La société appelante reprend ainsi un motif d'inconstitutionnalité de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, sur lequel il ne peut être statué que par voie de question prioritaire de constitutionnalité. La question prioritaire posée par la société ORANGE étant dépourvue de caractère sérieux et ne pouvant être transmise, comme il est dit ci-dessus, le motif doit être écarté. Au demeurant, il peut être observé que la contribution patronale étant calculée sur la valeur des actions telle qu'elle avait été estimée pour les comptes consolidés, ou telle qu'elle avait été fixée par le conseil d'administration ou le directoire à la date de la décision d'attribution, elle ne perd pas son assiette en cas de non-réalisation de la condition de performance. En sixième lieu, la société appelante relève que n'a pas été payée la part salariale qui n'est due que lorsque les actions gratuites sont effectivement attribuées. Il ne résulte cependant d'aucune disposition que la contribution salariale sur les attributions d'actions gratuites, instituée à l'article L. 137-14 dans une autre section du code de la sécurité sociale, serait la contrepartie de la contribution patronale, même si elle a été présentée ainsi par le rapporteur du projet de loi devant l'Assemblée Nationale. En tout cas, l'absence de versement de la contribution salariale ne rend pas indu le paiement de la contribution patronale. En septième lieu, la société appelante se prévaut à nouveau de la loi 2015990 du 6 août 2005 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques en ce qu'elle a reporté l'exigibilité de la contribution patronale au mois suivant la date d'acquisition des actions par le bénéficiaire. Conformément à l'article 2 du code civil, la disposition nouvelle n'a cependant pas d'effet pour le passé. Elle n'est pas venue combler un vide juridique et elle n'a pas rétroactivement transformé en indu le versement fait en août 2011 en application de la loi alors en vigueur. En huitième lieu, la société appelante se plaint d'une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme par une discrimination injustifiée et déraisonnable entre les entreprises suivant qu'elles attribuent effectivement au nom des actions gratuites. La société appelante reconnaît cependant que la contribution patronale en cause visait à procurer rapidement une source de financement au régime de l'assurance-maladie en déficit, ce qui constitue un moyen rationnel et justifié dans un but d'intérêt général. Le seul constat que la contribution patronale pèse sur les entreprises décidant de l'attribution des actions gratuites, indépendamment de savoir si l'attribution est effective ou non, ne révèle pas de discrimination inconventionnelle rendant indues les sommes versées. En neuvième et dernier lieu, la société appelante invoque deux violations du droit au respect des biens, tel que garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme. La société appelante se plaint d'une première atteinte fondamentale au droit au respect de ses biens en ce qu'elle considère la contribution patronale en inadéquation avec le but poursuivi qu'elle affirme être la taxation des actions gratuites. Mais la cotisation patronale, exigible indépendamment de l'attribution effective des actions, s'avère un procédé adéquat à l'objectif qui était en réalité le financement du régime d'assurance-maladie en déficit. La société appelante se dit victime d'une seconde atteinte fondamentale au droit au respect de ses biens en affirmant avoir supporté une charge excessive. Alors que pèse sur elle la charge de la preuve en application de l'article 9 du code de procédure civile, elle se dispense cependant de tout élément d'appréciation de l'excès qu'elle invoque, fût-ce par comparaison de la contribution patronale en cause avec son capital, son chiffre d'affaires ou son résultat d'exploitation au temps de sa décision d'attribuer des actions gratuites à ses salariés. Qu'aucune atteinte au droit au respect des biens ne permet d'écarter l'exigibilité de la contribution versée. Il ne résulte en définitive, comme l'ont dit les premiers juges, que non seulement le rescrit du 2 octobre 2013 mérite d'être maintenu mais que, faute pour la société appelante de démontrer le caractère indu qu'elle attribue à la contribution patronale de 19 528 405 € qu'elle a versée au mois d'août 2011, elle doit être déboutée de sa demande de répétition » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « le 27 juillet 2011, le conseil d'administration de la SA FRANCE TELECOM a arrêté les modalités d'un plan d'attribution gratuite d'actions au profit des membres du personnel travaillant en France et à l'étranger sous conditions de performance et de présence s'appréciant au 31 décembre 2013. La société ORANGE soutient que les conditions suspensives n'ayant pas été remplies, l'attribution prévue n'a pas pu être réalisée et qu'elle est fondée à demander la restitution de la contribution patronale qu'elle a versée et qui constitue un indu. L'obligation contractée sous condition suspensive est celle qui dépend d'un événement futur. Elle ne peut être exécutée qu'après la réalisation de l'événement et elle est réputée n'avoir jamais existé si la condition n'est pas réalisée dans le délai fixé. La contribution, prévue par l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale est une contribution sociale destinée au financement des régimes de la sécurité sociale. En vertu de l'article précité, elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des actions. Il résulte de ce texte que le fait générateur de la contribution patronale n'est pas l'attribution effective des actions gratuites mais la décision d'attribution de celles ci même assortie de conditions (Cass civ 2ème, 7 mai 2014). Il résulte des débats parlementaires que si le principe et le taux de la taxation avaient été discutés, la question du remboursement éventuel n'avait pas été évoquée. Au surplus, la contribution patronale est assise, notamment sur la valeur des actions à la date de la décision du conseil d'administration. Aucun texte ne prévoyant la date de distribution effective, seule la date de la décision du conseil d'administration doit être retenue sans prendre en considération le fait que l'attribution ne s'est pas réalisée en raison de la non-réalisation des conditions suspensives dont l'appréciation échappe aux organismes de recouvrement. L'exigibilité de la contribution patronale à la date de la décision d'attribution n'est pas incompatible avec la liberté d'entreprise et ne restreint pas le choix de la société à disposer de son capital. Si le législateur a fait une distinction entre les charges patronales et salariales en ce qui concerne la date d'exigibilité, il convient de rappeler que l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, posant le principe de non-discrimination, n'interdit pas de distinguer entre des situations différentes. En ce qui concerne les charges sociales sur les salaires, les charges patronales ne sont pas identiques tant par leur taux que par leur nature aux charges salariales alors qu'elles se rapportent toutes deux au salaire. Dès lors que l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale prévoit expressément la date de la décision, qu'aucun cas de remboursement n'est prévu, que la non-réalisation des conditions suspensives n'est pas opposable à l'URSSAF, la société ORANGE ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale sur la restitution de l'indu » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes du I de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, « il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs : (...) sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code » ; que selon ce texte de loi le fait générateur de la contribution spécifique est l'attribution d'actions aux salariés ; que lorsque cette attribution d'actions est soumise à une condition suspensive qui ne se réalise pas - entraînant en conséquence l'absence de toute attribution effective d'actions aux salariés - le fait générateur de la contribution spécifique ne saurait être considéré comme constitué ; qu'en l'espèce en l'absence d'attribution effective d'actions aux salariés de la Société ORANGE, du fait de la non-réalisation de la condition suspensive tenant à l'atteinte par la société d'un seuil de résultats, le fait générateur de la contribution spécifique sur l'attribution d'action n'était donc pas constitué ; qu'en conséquence la contribution patronale dont la Société ORANGE a fait l'avance était constitutive d'un indu dont elle était fondée à obtenir la restitution intégrale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 137-13 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'à défaut de réalisation de la condition suspensive qui conditionne la validité d'un acte ce dernier est réputé n'avoir jamais existé ; que l'employeur qui a acquitté la contribution spécifique au titre d'une décision d'attribution d'actions qui ne s'est finalement pas réalisée - décision qui est en conséquence réputée n'avoir jamais existé - dispose dès lors d'un indu de cotisation en vertu duquel il peut exercer une action en répétition ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 137-13, L. 137-4 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale et 1181, 1235 et 1376 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU‘il ne saurait être porté atteinte au droit de propriété consacré par l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; qu'en retenant, sur le fondement de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, qu'en cas de non-réalisation de la condition suspensive subordonnant l'attribution effective d'actions à ses salariés l'employeur restait néanmoins redevable de la contribution spécifique sans pouvoir exercer une action en répétition pour obtenir son remboursement, la cour d'appel a violé le droit de propriété érigé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

ALORS, ENFIN, QU'en décidant, sur le fondement de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, que malgré la non-réalisation de la condition suspensive subordonnant l'attribution effective d'actions gratuites à ses salariés la Société ORANGE restait néanmoins redevable de la contribution spécifique au titre de l'attribution d'actions, sans pouvoir exercer une action en répétition pour obtenir son remboursement, l'URSSAF D'ALSACE a créé une inégalité de traitement discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-21686
Date de la décision : 12/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Financement - Contribution sur les actions attribuées gratuitement - Restitution - Conditions - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE - Financement - Contribution sur les actions attribuées gratuitement - Fait générateur - Détermination - Portée

Selon l'article L. 137-13, II du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable au litige, la contribution patronale sur les actions attribuées gratuitement est exigible le mois suivant la décision d'attribution de celles-ci. Il résulte de la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-627/628 QPC du 28 avril 2017, que cette disposition ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles l'attribution des actions gratuites était subordonnée ne sont pas satisfaites. Doit dès lors être cassé l'arrêt qui, pour débouter une société de sa demande de restitution, retient que la non-réalisation de la condition de performance à laquelle l'attribution des actions était subordonnée ne rend pas indue la contribution litigieuse


Références :

article L. 137-13, II, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 09 juin 2016

Evolution par rapport à :2e Civ., 7 mai 2014, pourvoi n° 13-15790, Bull. 2014, II, n° 105 (cassation)Sur la réserve formulée par le Conseil constitutionnel concernant l'attribution d'actions gratuites dont les conditions ne sont pas satisfaites, cf. :Cons. Const., 28 avril 2017, décision n° 2017-627/628 QPC


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 oct. 2017, pourvoi n°16-21686, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.21686
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