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11/10/2017 | FRANCE | N°17-80258

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 2017, 17-80258


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Michel X...,

contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2° section, en date du 5 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui notamment des chefs de corruption d'agents publics étrangers, recel d'abus de biens sociaux et complicité, abus de confiance, blanchiment aggravé, complicité de faux et usage de faux et travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant le déclinatoire de compét

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La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 septembr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Michel X...,

contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2° section, en date du 5 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui notamment des chefs de corruption d'agents publics étrangers, recel d'abus de biens sociaux et complicité, abus de confiance, blanchiment aggravé, complicité de faux et usage de faux et travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant le déclinatoire de compétence ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Moracchini ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller D'HUY, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI, Me SPINOSI et Me FARGE ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 mars 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 25 juillet 2013, le procureur de la République, destinataire d'une note de renseignement de la direction centrale de la police judiciaire faisant état des agissements de M. X..., ressortissant franco-gabonais, dirigeant du groupe Kabi dont l'activité recouvre aussi bien les jeux et les casinos que le transport aérien et l'immobilier, lié au grand banditisme corse, et susceptible d'être l'organisateur d'un réseau frauduleux de sociétés multiples, a ouvert une information en co-saisine des chefs de blanchiment de fraude fiscale et /ou d'abus de biens sociaux, d'abus de biens sociaux, de faux en écriture privée et usage ; que par deux réquisitoires supplétifs des 31 mars et 20 juin 2014, les juges d'instruction ont été saisis, notamment, de faits de corruption d'agents publics étrangers commis dans le cadre de la passation de marchés intéressant les Etats du Mali, du Cameroun, du Tchad, du Sénégal, du Gabon et de la République démocratique du Congo ; que les investigations diligentées sur ces agissements ont révélé que, d'une part, le demandeur, aux fins de faire obtenir des marchés à des sociétés de droit français ou étranger, est intervenu auprès de dirigeants de certains Etats africains, et notamment auprès du Président du Mali et de plusieurs ministres de ce pays, et en contrepartie, a financé au profit de ceux-ci et de leurs proches, à l'occasion de leur passage à Paris, outre des cadeaux de valeur, plusieurs séjours dans des hôtels de luxe français ainsi que leurs déplacements et des soins médicaux et leur a remis à plusieurs reprises des espèces, d'autre part, un avocat français a administré, depuis son cabinet, des sociétés off-shore mises en place pour véhiculer les commissions versées au demandeur dans le cadre de son activité de lobbying ; qu'il a également été établi que le produit de ses multiples activités a permis à M. X... d'acquérir un important patrimoine immobilier tant en France qu'à l'étranger et d'assurer à sa compagne et sa maîtresse, vivant sur le territoire français, un train de vie incompatible avec leurs revenus officiels ;

Attendu que, le 20 juin 2014, M. X... a été mis en examen des chefs, notamment, de corruption d'agents publics étrangers, recel d'abus de biens sociaux et complicité, abus de confiance, blanchiment aggravé ; que, par déclaration au greffe du 6 octobre suivant, il a saisi les juges d'instruction d'une demande tendant à voir constater leur incompétence à instruire sur les faits de corruption d'agents publics étrangers ; que, le 17 novembre 2014, les juges ont rejeté cette exception d'incompétence par ordonnance dont le mis en examen a interjeté appel ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2 et 435-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de rejet du déclinatoire de compétence déposé par le demandeur ;

"aux motifs que par deux réquisitoires supplétifs des 31 mars 2014 et 20 juin 2014, la saisine des juges d'instruction, initialement saisis de faits de blanchiment de fraude fiscale et/ou d'abus de biens sociaux et de faux en écriture privée et usage de faux, a été élargie à des faits de corruption d'agents publics étrangers relativement à divers marchés intéressant les Etats du Mali, du Cameroun, du Tchad, du Sénégal, du Gabon et de la République démocratique du Congo ; que le mis en examen M. X... soulève l'incompétence des juges d'instruction pour instruire sur ces faits au motif qu'aucun élément constitutif de l'infraction de corruption d'agent public étranger n'est susceptible d'avoir été commis sur le territoire national ; que l'article 113-2 du code pénal dispose que la loi française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République et que l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs au lieu sur ce territoire ; que l'infraction de corruption active d'agent public étranger reprochée au requérant, prévue et réprimée à l'article 435-3 du code pénal, consiste pour l'auteur à adresser à l'agent public étranger une proposition de nature corruptrice ou à céder à une telle proposition émanant de l'agent public étranger et a fortiori à exécuter le pacte de corruption par l'octroi de l'avantage proposé ou réclamé ; qu'il ressort des pièces qui ont servi de fondement aux deux saisines supplétives critiquées, en l'espèce le rapport d'information de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales du 19 mars 2014 et la procédure n°13/00125 établie par cet Office en exécution de la commission rogatoire du 29 juillet 2013, que des propositions corruptrices ont pu être formulées, reçues, acceptées ou exécutées sur le territoire français ; qu'en effet, la perquisition au domicile de M. Philippe Y... et la société Marck a permis de retrouver des annotations relatives à des commissions se rattachant à des marchés avec le Cameroun et M. X... lui-même a admis qu'il s'était entremis pour deux marchés conclu par la société Marck au Cameroun ; que M. X... a encore admis qu'il faisait du lobbying pour des sociétés voulant s'implanter au Gabon, au Congo, au Sénégal, au Tchad, ce que de nombreux courriels interceptés ont illustré, notamment avec la société China Railways (CRCC) et que ces échanges ont fait ressortir que M. X..., qui dispose de plusieurs implantations en France où il séjournait régulièrement, supervisait les contacts mais n'était manifestement pas lui-même présent sur le terrain ; que ces mêmes pièces font encore ressortir que des faits susceptibles de correspondre à la remise d'avantages ont eu lieu sur le territoire français, la remise de cadeaux à Paris en faveur du président malien ou de son entourage, la remise d'espèces au ministre malien des mines venu assister à Paris à une réunion sur le développement du contrôle de l'or au Mali ; que tous ces actes commis en France sont susceptibles de caractériser des éléments constitutifs de l'infraction de corruption active d'agents publics étrangers ; qu'à ce stade de la procédure, il suffit que l'incompétence du juge saisi ne soit pas manifeste ; que ces faits suffisent à emporter l'application de la loi pénale français et, partant, la compétence du juge d'instruction français ; qu'en outre, les faits de corruption d'agents publics étrangers imputés à M. X... apparaissent former un tout indivisible avec les infractions d'abus de confiance, complicité et recel d'abus de biens sociaux et blanchiment de trafic d'influence également retenues dans sa mise en examen, le signalement à l'origine de la procédure formulant déjà l'hypothèse que les ressources de l'intéressé pouvaient provenir de la corruption des personnalités officielles africaines ; que la compétence du juge saisi n'est pas remise en cause pour les autres infractions de la saisine ;

"alors que la compétence internationale du juge pénal constitue un moyen juridique d'ordre public qui peut être soulevé à tout moment de la procédure, y compris au moment de l'instruction ; qu'il appartient dès lors au juge d'instruction, tout comme à la chambre de l'instruction saisie sur appel d'une ordonnance rejetant un déclinatoire de compétence, de justifier de sa compétence ; qu'en renversant cette logique en considérant qu'« à ce stade de la procédure, il suffit que l'incompétence du juge saisi ne soit pas manifeste », la chambre de l'instruction a méconnu la teneur de son office" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2 et 435-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de rejet du déclinatoire de compétence déposé par le demandeur ;

"aux motifs que par deux réquisitoires supplétifs des 31 mars 2014 et 20 juin 2014, la saisine des juges d'instruction, initialement saisis de faits de blanchiment de fraude fiscale et/ou d'abus de biens sociaux et de faux en écriture privée et usage de faux, a été élargie à des faits de corruption d'agents publics étrangers relativement à divers marchés intéressant les Etats du Mali, du Cameroun, du Tchad, du Sénégal, du Gabon et de la République démocratique du Congo ; que le mis en examen M. X... soulève l'incompétence des juges d'instruction pour instruire sur ces faits au motif qu'aucun élément constitutif de l'infraction de corruption d'agent public étranger n'est susceptible d'avoir été commis sur le territoire national ; que l'article 113-2 du code pénal dispose que la loi française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République et que l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a lieu sur ce territoire ; que l'infraction de corruption active d'agent public étranger reprochée au requérant, prévue et réprimée à l'article 435-3 du code pénal, consiste pour l'auteur à adresser à l'agent public étranger une proposition de nature corruptrice ou à céder à une telle proposition émanant de l'agent public étranger et a fortiori à exécuter le pacte de corruption par l'octroi de l'avantage proposé ou réclamé ; qu'il ressort des pièces qui ont servi de fondement aux deux saisines supplétives critiquées, en l'espèce le rapport d'information de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales du 19 mars 2014 et la procédure n°13/00125 établie par cet Office en exécution de la commission rogatoire du 29 juillet 2013, que des propositions corruptrices ont pu être formulées, reçues, acceptées ou exécutées sur le territoire français ; qu'en effet, la perquisition au domicile de M. Philippe Y... et la société Marck a permis de retrouver des annotations relatives à des commissions se rattachant à des marchés avec le Cameroun et M. X... lui-même a admis qu'il s'était entremis pour deux marchés conclu par la société Marck au Cameroun ; que M. X... a encore admis qu'il faisait du lobbying pour des sociétés voulant s'implanter au Gabon, au Congo, au Sénégal, au Tchad, ce que de nombreux courriels interceptés ont illustré, notamment avec la société China Railways (CRCC) et que ces échanges ont fait ressortir que M. X..., qui dispose de plusieurs implantations en France où il séjournait régulièrement, supervisait les contacts mais n'était manifestement pas lui-même présent sur le terrain ; que ces mêmes pièces font encore ressortir que des faits susceptibles de correspondre à la remise d'avantages ont eu lieu sur le territoire français, la remise de cadeaux à Paris en faveur du président malien ou de son entourage, la remise d'espèces au ministre malien des mines venu assister à Paris à une réunion sur le développement du contrôle de l'or au Mali ; que tous ces actes commis en France sont susceptibles de caractériser des éléments constitutifs de l'infraction de corruption active d'agents publics étrangers ; qu'à ce stade de la procédure, il suffit que l'incompétence du juge saisi ne soit pas manifeste ; que ces faits suffisent à emporter l'application de la loi pénale française et, partant, la compétence du juge d'instruction français ; qu'en outre, les faits de corruption d'agents publics étrangers imputés à M. X... apparaissent former un tout indivisible avec les infractions d'abus de confiance, complicité et recel d'abus de biens sociaux et blanchiment de trafic d'influence également retenues dans sa mise en examen, le signalement à l'origine de la procédure formulant déjà l'hypothèse que les ressources de l'intéressé pouvaient provenir de la corruption des personnalités officielles africaines ; que la compétence du juge saisi n'est pas remise en cause pour les autres infractions de la saisine ;

"1°) alors qu'il résulte de l'alinéa 2 de l'article 113-2 du code pénal que pour que l'infraction soit réputée commise sur le territoire de la République, l'un de ses faits constitutifs doit s'être réalisé sur ce territoire ; que s'agissant d'une partie des faits pour lesquels M. X... a été mis en examen du chef de corruption d'agent public étranger, la chambre de l'instruction ne pouvait se borner à affirmer, pour justifier sa compétence, que «la perquisition au domicile de M. Philippe Y... de la société Marck a permis de retrouver des annotations relatives à des commissions se rattachant à des marchés avec le Cameroun et M. X... lui-même a admis qu'il s'était entremis pour deux marchés conclu par la société Marck au Cameroun" ;

"2°) alors qu'en justifiant la compétence territoriale du juge français, s'agissant de faits prétendus de lobbying pour des sociétés voulant s'implanter au Gabon, au Congo, au Sénégal et au Tchad, au regard de la circonstance selon laquelle le demandeur séjournait régulièrement en France et n'était pas lui-même présent sur le terrain, lorsque la notion de séjour régulier n'est aucunement de nature à entraîner l'application de la loi française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2 et 435-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de rejet du déclinatoire de compétence déposé par le demandeur ;

"aux motifs que par deux réquisitoires supplétifs des 31 mars 2014 et 20 juin 2014, la saisine des juges d'instruction, initialement saisis de faits de blanchiment de fraude fiscale et/ou d'abus de biens sociaux et de faux en écriture privée et usage de faux, a été élargie à des faits de corruption d'agents publics étrangers relativement à divers marchés intéressant les Etats du Mali, du Cameroun, du Tchad, du Sénégal, du Gabon et de la République démocratique du Congo ; que le mis en examen M. X... soulève l'incompétence des juges d'instruction pour instruire sur ces faits au motif qu'aucun élément constitutif de l'infraction de corruption d'agent public étranger n'est susceptible d'avoir été commis sur le territoire national ; que l'article 113-2 du code pénal dispose que la loi française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République et que l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs au lieu sur ce territoire ; que l'infraction de corruption active d'agent public étranger reprochée au requérant, prévue et réprimée à l'article 435-3 du code pénal, consiste pour l'auteur à adresser à l'agent public étranger une proposition de nature corruptrice ou à céder à une telle proposition émanant de l'agent public étranger et a fortiori à exécuter le pacte de corruption par l'octroi de l'avantage proposé ou réclamé ; qu'il ressort des pièces qui ont servi de fondement aux deux saisines supplétives critiquées, en l'espèce le rapport d'information de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales du 19 mars 2014 et la procédure n°13/00125 établie par cet Office en exécution de la commission rogatoire du 29 juillet 2013, que des propositions corruptrices ont pu être formulées, reçues, acceptées ou exécutées sur le territoire français ; qu'en effet, la perquisition au domicile de M. Philippe Y... et la société Marck a permis de retrouver des annotations relatives à des commissions se rattachant à des marchés avec le Cameroun et M. X... lui-même a admis qu'il s'était entremis pour deux marchés conclu par la société Marck au Cameroun ; que M. X... a encore admis qu'il faisait du lobbying pour des sociétés voulant s'implanter au Gabon, au Congo, au Sénégal, au Tchad, ce que de nombreux courriels interceptés ont illustré, notamment avec la société China Railways (CRCC) et que ces échanges ont fait ressortir que M. X..., qui dispose de plusieurs implantations en France où il séjournait régulièrement, supervisait les contacts mais n'était manifestement pas lui-même présent sur le terrain ; que ces mêmes pièces font encore ressortir que des faits susceptibles de correspondre à la remise d'avantages ont eu lieu sur le territoire français, la remise de cadeaux à Paris en faveur du président malien ou de son entourage, la remise d'espèces au ministre malien des mines venu assister à Paris à une réunion sur le développement du contrôle de l'or au Mali ; que tous ces actes commis en France sont susceptibles de caractériser des éléments constitutifs de l'infraction de corruption active d'agents publics étrangers ; qu'à ce stade de la procédure, il suffit que l'incompétence du juge saisi ne soit pas manifeste ; que ces faits suffisent à emporter l'application de la loi pénale français et, partant, la compétence du juge d'instruction français ; qu'en outre, les faits de corruption d'agents publics étrangers imputés à M. X... apparaissent former un tout indivisible avec les infractions d'abus de confiance, complicité et recel d'abus de biens sociaux et blanchiment de trafic d'influence également retenues dans sa mise en examen, le signalement à l'origine de la procédure formulant déjà l'hypothèse que les ressources de l'intéressé pouvaient provenir de la corruption des personnalités officielles africaines ; que la compétence du juge saisi n'est pas remise en cause pour les autres infractions de la saisine ;

"alors que la notion d'indivisibilité entre des faits commis en France et des faits commis à l'étranger implique qu'ils soient rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ; que n'a caractérisé aucune indivisibilité autorisant l'extension de la compétence territoriale du juge français la chambre de l'instruction qui se borne à affirmer que « les faits de corruption d'agents publics étrangers imputés à M. X... apparaissent former un tout indivisible avec les infractions d'abus de confiance, complicité et recel d'abus de biens sociaux et blanchiment de trafic d'influence également retenues dans sa mise en examen, le signalement à l'origine de la procédure formulant déjà l'hypothèse que les ressources de l'intéressé pouvaient provenir de la corruption des personnalités officielles africaines" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2 et 435-3 du code pénal, préliminaire, 689, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de rejet du déclinatoire de compétence déposé par le demandeur ;

"aux motifs que par deux réquisitoires supplétifs des 31 mars 2014 et 20 juin 2014, la saisine des juges d'instruction, initialement saisis de faits de blanchiment de fraude fiscale et/ou d'abus de biens sociaux et de faux en écriture privée et usage de faux, a été élargie à des faits de corruption d'agents publics étrangers relativement à divers marchés intéressant les Etats du Mali, du Cameroun, du Tchad, du Sénégal, du Gabon et de la République démocratique du Congo ; que le mis en examen M. X... soulève l'incompétence des juges d'instruction pour instruire sur ces faits au motif qu'aucun élément constitutif de l'infraction de corruption d'agent public étranger n'est susceptible d'avoir été commis sur le territoire national ; que l'article 113-2 du code pénal dispose que la loi française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République et que l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs au lieu sur ce territoire ; que l'infraction de corruption active d'agent public étranger reprochée au requérant, prévue et réprimée à l'article 435-3 du code pénal, consiste pour l'auteur à adresser à l'agent public étranger une proposition de nature corruptrice ou à céder à une telle proposition émanant de l'agent public étranger et a fortiori à exécuter le pacte de corruption par l'octroi de l'avantage proposé ou réclamé ; qu'il ressort des pièces qui ont servi de fondement aux deux saisines supplétives critiquées, en l'espèce le rapport d'information de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales du 19 mars 2014 et la procédure n°13/00125 établie par cet Office en exécution de la commission rogatoire du 29 juillet 2013, que des propositions corruptrices ont pu être formulées, reçues, acceptées ou exécutées sur le territoire français ; qu'en effet, la perquisition au domicile de M. Philippe Y... et la société Marck a permis de retrouver des annotations relatives à des commissions se rattachant à des marchés avec le Cameroun et M. X... lui-même a admis qu'il s'était entremis pour deux marchés conclu par la société Marck au Cameroun ; que M. X... a encore admis qu'il faisait du lobbying pour des sociétés voulant s'implanter au Gabon, au Congo, au Sénégal, au Tchad, ce que de nombreux courriels interceptés ont illustré, notamment avec la société China Railways (CRCC) et que ces échanges ont fait ressortir que M. X..., qui dispose de plusieurs implantations en France où il séjournait régulièrement, supervisait les contacts mais n'était manifestement pas lui-même présent sur le terrain ; que ces mêmes pièces font encore ressortir que des faits susceptibles de correspondre à la remise d'avantages ont eu lieu sur le territoire français, la remise de cadeaux à Paris en faveur du président malien ou de son entourage, la remise d'espèces au ministre malien des mines venu assister à Paris à une réunion sur le développement du contrôle de l'or au Mali ; que tous ces actes commis en France sont susceptibles de caractériser des éléments constitutifs de l'infraction de corruption active d'agents publics étrangers ; qu'à ce stade de la procédure, il suffit que l'incompétence du juge saisi ne soit pas manifeste ; que ces faits suffisent à emporter l'application de la loi pénale française et, partant, la compétence du juge d'instruction français ; qu'en outre, les faits de corruption d'agents publics étrangers imputés à M. X... apparaissent former un tout indivisible avec les infractions d'abus de confiance, complicité et recel d'abus de biens sociaux et blanchiment de trafic d'influence également retenues dans sa mise en examen, le signalement à l'origine de la procédure formulant déjà l'hypothèse que les ressources de l'intéressé pouvaient provenir de la corruption des personnalités officielles africaines ; que la compétence du juge saisi n'est pas remise en cause pour les autres infractions de la saisine ;

"1°) alors que les articles 113-2 du code pénal et 689 du code de procédure pénale sont contraires au droit à l'immunité de juridiction qui est reconnu aux chefs d'Etats et hauts dignitaires étrangers, en ce qu'ils n'excluent pas la compétence des juridictions françaises pour instruire et juger des faits mettant en cause des personnes bénéficiant de l'immunité de juridiction, en sorte qu'il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;

"2°) alors que les principes de souveraineté de l'Etat et d'immunité de juridiction des chefs d'Etat et hauts dignitaires étrangers s'opposent, de manière absolue, à la compétence du juge d'instruction pour instruire sur des faits qui pourraient les concerner ; qu'en retenant que la discussion sur la qualité d'agent public étranger du président malien, personne bénéficiaire de l'immunité de juridiction, sur les faits de laquelle le juge d'instruction n'était pas compétent pour instruire, était étrangère à la question de la compétence du juge saisi, la chambre de l'instruction a violé les principes et textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance rejetant l'exception d'incompétence, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des pièces annexées aux réquisitoires supplétifs des 30 mars et 21 juin 2014 que des propositions corruptrices ont pu être formulées, reçues, acceptées ou exécutées en France et que M. X..., qui a admis qu'il exerçait l'activité de lobbying pour des sociétés désireuses de s'implanter au Gabon, au Congo, au Sénégal ou au Tchad et qu'il s'était notamment entremis pour deux marchés conclus par la société de droit français Marck au Cameroun, disposait sur le territoire français de plusieurs implantations, y séjournait régulièrement, et supervisait les contacts avec les autorités sollicitées ; que les juges ajoutent que les investigations ont révélé que des faits susceptibles de caractériser la remise d'avantages dans le cadre d'un pacte de corruption ont été commis sur le territoire français, comme la remise de cadeaux au président malien ou à son entourage ou la remise d'espèce au ministre malien des mines de passage à Paris ; qu'enfin, la chambre de l'instruction relève que les faits de corruption d'agents publics étrangers imputés au demandeur forment un tout indivisible avec les infractions d'abus de confiance, de complicité et recel d'abus de biens sociaux et de blanchiment de trafic d'influence des chefs desquelles il est également mis en examen, les ressources de l'intéressé étant susceptibles de provenir des faits de corruption d'agents publics étrangers ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs propres à établir que les faits imputés à M. X... et aux autres mis en examen sont, soit commis ou réputés commis sur le territoire français, soit rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres, de sorte que les infractions commises ou réputées commises sur le territoire de la République en application de l'article 113-2 du code pénal sont indivisibles des infractions qui pourraient avoir été commises en dehors de ce territoire, et dès lors que l'immunité de juridiction instaurée par le droit international coutumier en faveur des personnes qui occupent un rang élevé dans l'Etat et le principe de souveraineté ne s'opposent pas à ce que le juge d'instruction soit saisi du délit de corruption active d'agents publics étrangers, prévu par l'article 435-3 du code pénal et du chef duquel est poursuivi le demandeur, qui constitue un délit distinct, dans ses éléments constitutifs, de celui de corruption passive des mêmes agents prévu par l'article 435-1 du même code, dont n'est pas saisi ce magistrat, ces deux délits supposant deux faits principaux dont l'un ne saurait être l'accessoire de l'autre et étant susceptibles d'une appréciation différente, au regard de leurs éléments constitutifs ;

D'où il suit que les moyens, dont le quatrième, pris en sa première branche est devenu sans objet par la suite de l'arrêt du 28 juin 2017 de la Cour de cassation déclarant irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 113-2 du code pénal et 689 du code de procédure pénale, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80258
Date de la décision : 11/10/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 05 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 2017, pourvoi n°17-80258


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:17.80258
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