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11/10/2017 | FRANCE | N°16-60295

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 octobre 2017, 16-60295


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Marseille, 28 septembre 2016), que Mme Y... a été engagée le 10 septembre 2002 par la société Colas Midi Méditerranée ; que par lettre du 31 mai 2016, le syndicat CFDT construction et bois a informé la société de la désignation de la salariée en qualité de représentant syndical au comité d'établissement de l'agence Colas Marseille au sein de laquelle elle était affectée depuis le 1er janvier 2016 ; que par lettre du

1er juin 2016, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à un...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Marseille, 28 septembre 2016), que Mme Y... a été engagée le 10 septembre 2002 par la société Colas Midi Méditerranée ; que par lettre du 31 mai 2016, le syndicat CFDT construction et bois a informé la société de la désignation de la salariée en qualité de représentant syndical au comité d'établissement de l'agence Colas Marseille au sein de laquelle elle était affectée depuis le 1er janvier 2016 ; que par lettre du 1er juin 2016, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; que le 15 juin 2016, elle a sollicité l'annulation de la désignation, invoquant son caractère frauduleux et soutenant que la salariée n'avait pas une ancienneté suffisante dans l'établissement ;

Attendu que la société fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation, alors, selon le moyen :

1°/ que seul le salarié qui travaille dans un établissement depuis au moins un an peut être désigné comme représentant syndical au sein du comité d'établissement ; que le tribunal d'instance a jugé régulière la désignation de Mme Y... en qualité de représentante syndicale au comité d'établissement de l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille du 31 mai 2016 aux motifs que la salariée a été embauchée par la société Colas Midi Méditerranée le 10 septembre 2012 ; qu'en statuant ainsi, en considération de l'ancienneté de la salariée au sein de l'entreprise Colas Midi Méditerranée alors que cette dernière n'a été affectée dans l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille qu'à compter du 1er janvier 2016, en sorte qu'elle ne comptabilisait pas un an d'ancienneté au sein de cet établissement, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2324-2 et L. 2324-15 du code du travail ;

2°/ en toute hypothèse, que la fraude corrompt tout ; que la désignation d'un représentant syndical au comité d'établissement destinée à assurer la seule protection individuelle du salarié est nulle ; que le juge d'instance qui a relevé que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement de manière concomitante à sa désignation en tant que représentante syndicale au comité d'établissement de l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille, lors même qu'elle s'était abstenue d'exercer une quelconque fonction syndicale jusqu'alors, aurait dû en déduire que la désignation était frauduleuse, effectuée dans l'unique dessein d'assurer la protection individuelle de la salariée ; qu'en décidant le contraire, le juge d'instance a violé le principe suivant lequel la fraude corrompt tout ;

Mais attendu, d'abord, que selon les articles L. 2324-2 et L. 2324-15 du code du travail, ne peut être désigné représentant syndical au comité d'établissement qu'un salarié qui y est éligible ; que l'ancienneté acquise par le salarié au sein de l'entreprise, quels que soient les établissements où il a été successivement affecté, doit être prise en compte pour le calcul de l'ancienneté requise pour être éligible dans l'un de ces établissements ;

Et attendu qu'ayant constaté que la salariée travaillait dans l'entreprise depuis plus d'un an à la date de la désignation litigieuse, la cour d'appel a exactement décidé qu'elle remplissait la condition d'ancienneté requise ;

Attendu, ensuite, que sous le couvert d'une violation de la loi, le moyen pris en sa seconde branche ne tend qu'à remettre en discussion
devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par le tribunal de l'absence de fraude ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Colas Midi Méditerranée à payer à Mme Y... et au syndicat CFDT construction et bois la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Colas Midi Méditerranée

Le moyen reproche au jugement attaqué ;

D'AVOIR rejeté la demande d'annulation de la désignation de Mme Y... en qualité de représentante syndicale au comité d'établissement de l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille ;

AUX MOTIFS QUE « sur le moyen tiré d'un défaut d'ancienneté pour être éligible. En vertu de l'article L. 2324-15 du code du travail, sont éligibles (au Comité d'entreprise) les électeurs âgés de dix-huit ans révolus et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins. La Cour de Cassation, dans le domaine comparable d'une désignation comme délégué syndical, indique que c'est la totalité de la présence dans les sociétés d'un même groupe qui doit être prise en compte. La société demanderesse invoque un avis doctrinal contraire qu'elle ne produit pas, ni les motifs d'une telle analyse. Il est en réalité généralement admis que la condition d'ancienneté pour la désignation au comité d'entreprise s'apprécie au niveau de l'ensemble des établissements de l'entreprise ; qu'elle peut résulter de un ou plusieurs contrats, même interrompus. Il convient de constater et dire que la condition d'ancienneté de une année dans l'entreprise était remplie par Mme Y... à la date de la désignation en cause, dès lors qu'elle a été embauchée par la société Colas le 10 septembre 2012. Sur le moyen tiré d'une fraude : A l'appui de son allégation, la société Colas invoque d'une part le peu d'intérêt qu'aurait manifesté Mme Y... pour la fonction syndicale jusque là. On ne peut toutefois déduire de ce qui appartient à la sphère privée, et peut par conséquent rester non-dit ou non manifesté vis à vis de l'employeur, ou encore d'une abstention à toute fonction syndicale jusque là, la preuve d'une volonté de fraude. La Société Colas invoque d'autre part des erreurs qui auraient été commises par Mme Y... dans l'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées, nécessitant nouvelles explications ou reprise de son travail (attestation A...; B...; C... épouse Z...; D..., E...) lors de la      saisie des contrats, ou encore lors de l'embauche d'un intérimaire. La société ne justifie pas d'un avertissement donné à la salariée sur ces reproches, au moins d'un écrit valant avertissement sur les défaillances invoquées. A cet égard la société Colas produit plusieurs mails contenant des demandes relatives au travail de Mme Y..., mais ne contenant pas l'once d'un reproche, et s'apparentant davantage à des précisions, dans un cas à un rappel, sur la manière de faire. On ne peut tirer de la lecture de ces documents la preuve d'une insuffisance, ni d'un reproche, encore moins d'un reproche pouvant conduire à un licenciement. La société Colas ne justifie d'aucun avertissement donné à la salariée, ni pendant les années de son travail dans l'entreprise, ni surtout dans la période précédant sa candidature. La convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement est datée du 1er juin 2016, soit postérieure à la désignation du 31 mai 2016 ; il s'ensuit que la preuve de ce que la candidature de Mme Y... n'aurait répondu qu'à une volonté frauduleuse n'est pas faite. Il convient de rejeter la demande d'annulation de la désignation en cause ».

ALORS QUE seul le salarié qui travaille dans un établissement depuis au moins un an peut être désigné comme représentant syndical au sein du comité d'établissement ; que le tribunal d'instance a jugé régulière la désignation de Mme Y... en qualité de représentante syndicale au comité d'établissement de l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille du 31 mai 2016 aux motifs que la salariée a été embauchée par la société Colas Midi Méditerranée le 10 septembre 2012 ; qu'en statuant ainsi, en considération de l'ancienneté de la salariée au sein de l'entreprise Colas Midi Méditerranée alors que cette dernière n'a été affectée dans l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille qu'à compter du 1er janvier 2016 (page 3 de l'arrêt), en sorte qu'elle ne comptabilisait pas un an d'ancienneté au sein de cet établissement, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2324-2 et L. 2324-15 du code du travail.

ALORS, en toute hypothèse, QUE la fraude corrompt tout ; que la désignation d'un représentant syndical au comité d'établissement destinée à assurer la seule protection individuelle du salarié est nulle ; que le juge d'instance qui a relevé que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement de manière concomitante à sa désignation en tant que représentante syndicale au comité d'établissement de l'agence Colas Midi Méditerranée de Marseille, lors même qu'elle s'était abstenue d'exercer une quelconque fonction syndicale jusqu'alors, aurait dû en déduire que la désignation était frauduleuse, effectuée dans l'unique dessein d'assurer la protection individuelle de la salariée ; qu'en décidant le contraire, le juge d'instance a violé le principe suivant lequel la fraude corrompt tout.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-60295
Date de la décision : 11/10/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise - Comité d'établissement - Représentant syndical au comité d'établissement - Désignation - Conditions - Eligibilité du salarié - Nécessité - Portée

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Comité d'établissement - Eligibilité - Conditions - Ancienneté - Ancienneté dans l'entreprise - Calcul - Ancienneté acquise dans des établissements distincts - Prise en compte - Nécessité - Portée

Selon les articles L. 2324-2 et L. 2324-15 du code du travail, ne peut être désigné représentant syndical au comité d'établissement qu'un salarié qui y est éligible. L'ancienneté acquise par le salarié au sein de l'entreprise, quels que soient les établissements où il a été successivement affecté, doit être prise en compte pour le calcul de l'ancienneté requise pour être éligible dans l'un de ces établissements


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Marseille, 28 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 oct. 2017, pourvoi n°16-60295, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.60295
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