LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Fédération Internationale de Ski (FIS) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Gras Savoye Rhône-Alpes Auvergne ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1448, alinéa 1, du code de procédure civile ;
Attendu que, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2010, MM. X... et Y..., skieurs acrobatiques français, ont été inscrits pour participer aux épreuves de la coupe du monde de ski cross, organisée par la FIS aux Etats-Unis ; qu'en 2007, conformément au Règlement FIS pour sa spécialité, M. Y... avait signé la déclaration des athlètes en relation avec l'inscription à la FIS, acte qui comporte une clause d'arbitrage ; que, lors d'une épreuve de saut de la coupe du monde, M. X... a été victime d'une grave chute à la suite d'une collision avec M. Y... ; qu'après avoir été assignés en responsabilité par M. X..., M. Y... et son assureur, la société AGA international, devenue la société AWP PetC, ont appelé la FIS en garantie ; que cette dernière a soulevé l'existence de la clause compromissoire au profit du Tribunal arbitral du sport ;
Attendu que, pour déclarer la juridiction étatique compétente, l'arrêt retient que la déclaration des athlètes est manifestement inapplicable au litige résultant d'un accident survenu au cours d'une compétition organisée trois ans après la signature de la déclaration, en lien avec l'inscription annuelle du sportif à la FIS ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'analyse approfondie des conditions d'inscription aux compétitions organisées par la FIS, a violé le texte susvisé ;
Et attendu, qu'il convient, sur sa demande, de mettre hors de cause M. X... dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
Met hors de cause M. X... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la juridiction étatique compétente pour statuer sur l'appel en garantie dirigé par M. Y... et la société AGA international, devenue la société AWP PetC, à l'encontre de la Fédération Internationale de Ski, l'arrêt rendu le 11 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. Y... et la société AWP PetC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à payer à la Fédération Internationale de Ski la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la Fédération Internationale de Ski.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré le tribunal de grande instance compétent pour connaître de l'appel en garantie dirigée par M. Y... et la société AGA International, devenue la société AWP PetC SA, à l'encontre de la Fédération Internationale de Ski et d'avoir débouté celle-ci de son exception d'incompétence ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 1448 du Code de Procédure Civile, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. En l'espèce, la clause d'arbitrage invoquée par la FIS est contenue dans un document intitulé "Déclaration des Athlètes en Relation avec l'Inscription à la Fédération Internationale de Ski (FIS)" signé par Monsieur Robin Y... le 9 janvier 2007. Il ressort de la lecture même de ce document qu'il est manifestement inapplicable au litige résultant d'un accident survenu au cours d'une compétition internationale le 24 janvier 2010. En effet, par son intitulé, la déclaration invoquée est en lien avec l'inscription du sportif à la Fédération Internationale de Ski. Or, au vu de l'extrait du règlement de cette Fédération versé aux débats (pièce n° 14 de la FIS), l'inscription à cette fédération est effectuée annuellement pour chaque sportif par sa Fédération nationale (dite "NSA") au vu du calendrier des compétitions de la saison ; il est ainsi mentionné que les compétiteurs peuvent être inscrits "durant toute la saison" (point 1) ; enfin, cette inscription a comme contrepartie la licence permettant de participer aux compétitions, elle aussi délivrée annuellement. Par conséquent, selon ses propres mentions, la clause invoquée ne s'applique pas à la compétition en cause, qui s'est déroulée plus de trois ans après la signature de la déclaration qui la contient. Les attestations produites par la FIS, ne sont pas de nature à remettre en cause cette évidence, la première en ce qu'elle émane de l'un de ses membres, la seconde en ce qu'elle témoigne du fonctionnement de la Fédération Suisse de Ski qui ne concerne pas le présent litige. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le Tribunal arbitral du sport n'a pas été saisi du litige avant que celui-ci soit porté devant le Tribunal de Grande Instance. Dès lors, c'est à bon droit que le Juge de la Mise en Etat a rejeté l'exception d'incompétence, le principe de "compétence-compétence" n'y faisant pas obstacle puisque le caractère manifestement inapplicable de la clause ne conduit pas la présente Cour à se prononcer sur le pouvoir juridictionnel du Tribunal arbitral.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'exception d'incompétence relative à l'action en garantie de M. Robin Y... et de la SA AGA International à l'encontre de la Fédération Internationale de Ski (FIS), il convient de relever tout d'abord que cette dernière ne rapporte pas la preuve que la clause arbitrale à laquelle elle se réfère est opposable à M. Robin Y... et à son assureur. En effet, il apparaît que ladite clause qui, pour être validée en droit français, selon l'article 1443 du code civil, doit être écrite, n'est justifiée concernant M. Robin Y..., que dans la déclaration d'athlète pour l'année 2007, alors que les licences autorisant la participation aux compétitions de la Fédération Internationale de Ski (FIS) sont annuelles. Eu égard au fait que l'accident est survenu en 2010, il n'est donc aucunement établi que M. Robin Y... ait adhéré à une quelconque clause arbitrale pour cette année-là. Par ailleurs, la Fédération International de Ski (FIS) ne démontre pas plus que le tribunal arbitral du sport de Lausanne ait une quelconque compétence en matière de litige portant sur la responsabilité civile et l'indemnisation d'un préjudice corporel. Comme il a été rappelé ci-dessus, le présent litige est fondé sur la responsabilité délictuelle de M. Robin Y... et vise à réparer les préjudices corporels patrimoniaux et extrapatrimoniaux de M. Fabien X.... Or le tribunal arbitral du sport de Lausanne, comme il est indiqué dans les pièces produites aux débats par la Fédération Internationale de Ski (FIS), n'a pour compétence que les litiges ayant un lien direct ou indirect avec le sport : « il peut s'agir de litiges de nature commerciale (par ex. : contrat sponsoring) ou de litiges disciplinaires (par ex. : affaire de dopage) » (pièce n° 15 de la Fédération Internationale de Ski (FIS)). Il convient encore de rappeler que l'intervention de la Fédération Internationale de Ski (FIS) dans la procédure opposant M. Fabien X... à M. Robin Y... et son assureur, résulte d'un appel en garantie et qu'en application des dispositions de la convention de Lugano (art. 6.1 et 2), elle peut être attraite devant le tribunal saisi de la demande originaire. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le caractère prématuré ou non de cette exception au regard des demandes formulées par M. Fabien X..., le juge de la mise en état ne peut que constater la compétence du tribunal de grande instance de Grenoble (38) pour connaître de l'appel en garantie formé contre la Fédération Internationale de Ski (FIS) et débouter cette dernière de son exception d'incompétence ;
1°) ALORS QUE lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, de sorte que le juge ne peut procéder à un examen substantiel et approfondi de la convention d'arbitrage et des relations entre les parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que la « déclaration des athlètes » signée par M. Robin Y... le 9 janvier 2007 « est manifestement inapplicable au litige résultant d'un accident survenu au cours d'une compétition internationale le 24 janvier 2010 », dès lors que « par son intitulé », elle est « en lien avec l'inscription du sportif à la Fédération Internationale de Ski » et que, selon l'extrait du règlement de cette fédération, l'inscription à celle-ci est effectuée annuellement pour chaque sportif par sa fédération nationale, au vu du calendrier des compétitions de la saison, de sorte que la clause compromissoire invoquée « ne s'applique pas à la compétition en cause, qui s'est déroulée plus de trois ans après la signature de la déclaration qui la contient », la cour d'appel, qui a ainsi procédé à un examen substantiel et approfondi de la convention d'arbitrage et des documents liant les parties, a violé l'article 1148, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris, d'une part, que la clause compromissoire figurant à « la déclaration des athlètes est en lien avec l'inscription du sportif à la Fédération Internationale de Ski » signée par M. Y... le 9 janvier 2007 est, par son intitulé, en lien avec l'inscription du sportif à la FIS, effectuée annuellement pour chaque sportif par sa fédération nationale au vu du calendrier des compétitions de la saison, d'autre part, que la clause invoquée « ne s'applique pas à la compétition en cause, qui s'est déroulée plus de trois ans après la signature de la déclaration qui la contient », et, enfin, que le Tribunal arbitral du sport n'a pas été saisi du litige avant que celui-ci soit porté devant le tribunal de grande instance, qu'il n'est pas établi que le TAS ait une quelconque compétence en matière de litige portant sur la responsabilité civile et indemnisation d'un préjudice corporel, le litige étant fondé sur responsabilité délictuelle de M. Y..., et qu'en application de la Convention de Lugano, la Fis étant appelée en garantie, elle peut être attraite devant le tribunal saisi de la demande originaire, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire figurant à la déclaration des athlètes du 9 janvier 2007 signée par M. Y..., à l'appel en garantie de ce dernier et de son assureur dirigé contre la FIS, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1448, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE selon le « règlement pour le calendrier FIS, les cotisations du calendrier FIS et les inscriptions » visé par l'arrêt (pièce n° 14 de la FIS), « si « l'enregistrement des compétiteurs peut se faire pendant toute la saison » (art. 1), « seuls les compétiteurs ayant signé la déclaration des athlètes (…) du RIS et ayant l'assurance appropriée (RIS 212.4) pourront être inscrits par l'Association Nationale » (art. 2) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris qu'il résulte du règlement de la FIS (pièce n° 14 de la FIS) que « l'inscription à cette fédération est effectuée annuellement pour chaque sportif par sa Fédération nationale (dite « NSA ») au vu du calendrier des compétitions », que « cette inscription a pour contrepartie les licences permettant de participer aux compétitions, elles aussi délivrées annuellement » et en déduire que la clause compromissoire, figurant à la « déclaration des athlètes en relation avec l'inscription à la Fédération Internationale de Ski (FIS) », signée par M. Y... le 9 janvier 2007, est manifestement inapplicable au litige résultant d'un accident survenu au cours d'une compétition internationale le 24 janvier 2010, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du Règlement pour le calendrier FIS, les cotisations du calendrier FIS et les inscriptions, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°) ALORS QUE selon la « déclaration des athlètes en relation avec l'inscription à la Fédération Internationale de Ski (FIS) » signée par M. Y... le 9 janvier 2007, qui contient la clause compromissoire, celui-ci a accepté que sa « participation à toute compétition faisant partie d'un calendrier FIS est sujette à » son « acceptation de toutes les Règles, Règlements et Procédures de la FIS qui sont applicables en relation avec cette compétition » et, en conséquence, a accepté « d'être sujet à ces Règles, Règlements et Procédures et à la compétence des instances en charge de les appliquer », et « sans que cela soit limité à ce cas », a accepté « en particulier la compétence exclusive du Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne lorsque celle-ci est instituée par les règles FIS » ; que l'article 5 ajoute que « sans préjudice à la compétence d'instances compétentes au regard des Règles, Règlements et Procédures de la FIS, auxquels j'accepte de me soumettre comme conséquence de ma participation à des compétitions qui figurent dans le calendrier FIS (cf. point 1 ci-dessus), j'accepte que toute dispute qui n'est pas décidée en application des procédures prévues dans les Règles et Règlement de la FIS, et qui s'élève entre moi-même et la FIS et/ou les organisateurs d'une compétition du calendrier FIS, incluant sans limitation celles liées à des prétentions en dommages et intérêts élevées par une partie à l'encontre de l'autre et résultant de circonstances (actes ou omissions) liées à ma participation à de telles compétitions, sera examinée au regard du droit suisse et tranchée exclusivement par arbitrage par-devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) à Lausanne, conformément aux règles d'arbitrage du TAS alors en vigueur » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que la déclaration en cause est liée à l'inscription annuelle du sportif à la FIS, par sa fédération nationale, au vu du calendrier de compétitions de la saison, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la déclaration des athlètes en relation avec l'inscription à la Fédération Internationale de Ski (FIS) signée le 9 janvier 2007 par M. Y..., en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.