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11/10/2017 | FRANCE | N°16-19057

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 octobre 2017, 16-19057


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 mai 2016), que, le 19 janvier 1982, un jugement a prononcé l'adoption simple, par M. Robert X..., du fils de son épouse, Marc, né le 6 juillet 1959 ; que, selon actes de donation partage des 20 décembre 1990 et 23 juin 2011, M. et Mme X...ont fait donation à leurs cinq enfants de parts sociales, puis d'une somme d'un million d'euros chacun ; qu'invoquant des violences de ce fils à l'égard de son père adoptif, ainsi que son absence d'affection et de solidarité

familiale, M. et Mme X...ont sollicité la révocation de l'adoption...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 mai 2016), que, le 19 janvier 1982, un jugement a prononcé l'adoption simple, par M. Robert X..., du fils de son épouse, Marc, né le 6 juillet 1959 ; que, selon actes de donation partage des 20 décembre 1990 et 23 juin 2011, M. et Mme X...ont fait donation à leurs cinq enfants de parts sociales, puis d'une somme d'un million d'euros chacun ; qu'invoquant des violences de ce fils à l'égard de son père adoptif, ainsi que son absence d'affection et de solidarité familiale, M. et Mme X...ont sollicité la révocation de l'adoption simple et des donations qu'ils lui avaient consenties ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que M. Y...-X...soutient que le mémoire ampliatif lui a été signifié le 30 novembre 2016 et qu'en raison de sa tardiveté le pourvoi est frappé de déchéance ;

Attendu que M. et Mme X...ont fait procéder à la signification du mémoire ampliatif à M. Y...-X...par un huissier de justice qui a émis, le 4 novembre 2016, un acte de notification à destination de l'autorité espagnole, requise conformément au règlement CE n° 1393/ 2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale ; que, le pourvoi ayant été formé le 15 juin 2016, la date de notification à l'étranger, faite dans un délai déterminé, étant celle de l'expédition de l'acte par l'huissier de justice, le mémoire ampliatif a été régulièrement déposé et la déchéance du pourvoi n'est pas encourue ;

Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X...font grief à l'arrêt de rejeter les demandes tendant à la révocation de l'adoption et des libéralités ;

Attendu que l'arrêt se bornant, dans son dispositif, à rejeter les demandes de révocation, sans les déclarer prescrites, le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de M. et Mme X...formées à l'encontre de M. Marc Y... et tendant à la révocation de l'adoption et à la révocation des libéralités avec effet rétroactif notamment s'agissant des parts de la SCI MYSOMPS ;

AUX MOTIFS QUE « l'affaire a été régulièrement communiquée au ministère public ; qu'il a été statué en Chambre du conseil et en dernier ressort après avis du ministère public » ;

ALORS QUE, premièrement, faute d'avoir constaté que l'avis du ministère public a été communiqué aux parties et notamment à M. et Mme X..., pour respecter le principe du contradictoire, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, faute d'avoir constaté que le ministère public était présent à l'audience, circonstance dispensant les juges du fond de constater la communication de son avis aux parties, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 16 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, troisièmement, il n'a pas d'avantage été relevé que le ministère public s'en serait rapporté à justice ; qu'à cet égard également, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 16 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de M. et Mme X...formées à l'encontre de M. Marc Y... et tendant à la révocation de l'adoption et à la révocation des libéralités avec effet rétroactif notamment s'agissant des parts de la SCI MYSOMPS ;

AUX MOTIFS QUE « Les dispositions de l'article 370 précité exigent un motif grave apprécié souverainement par les juges du fond ; au regard de l'aspect institutionnel prépondérant de l'adoption, sa révocation est aussi une mesure exceptionnelle ; en conséquence elle ne peut être fondée sur la mésentente ou le différend même persistants. En l'espèce, les longs développements consacrés par chaque partie montrent que cette mésentente n'est apparue qu'en 2010, soit près de 30 ans après l'adoption consentie, lors du conflit qui a opposé M. Marc Y...-X...aux appelants quant à la gestion de la SCI familiale MYSOMPS et dont l'intimé relève justement le rôle de « catalyseur ». Dénonçant des dysfonctionnements et une mise à l'écart en ce qu'il n'a jamais pu exercer la gérance effective de cette SCI, il a sollicité d'une part l'annulation de certaines délibérations d'assemblées générales et d'autre part son retrait. Si M. Marc Y...-X...a été débouté d'une partie de ses demandes, [l'action en retrait n'ayant pas encore été jugée], par un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières le 3 avril 2015 et dont les appelants font grand cas, force est de constater que cette décision a-rejeté la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts de la SCI et des associés pour procédure abusive de telle sorte que l'acharnement procédural que prêtent les appelants à l'intimé et dont ils seraient les victimes n'est pas fondé. Il ne peut non plus lui être reproché au regard d'une rupture de l'affectio societatis qui semble aujourd'hui consommée, de vouloir se retirer d'une société, quand bien même il s'agit d'une société familiale et c'est sans doute par un abus de langage que les appelants parlent d'« ignominie » alors que M. Marc Y...-X...entend exercer un droit fondé sur l'article 900-1 du code civil et sur les mérites duquel la juridiction saisie n'a pas encore statué ainsi qu'il a été dit ci-dessus. En outre, il est constant au visa des courriers figurant à son dossier qu'il a proposé en vain plusieurs solutions amiables pour mettre un terme à des relations financières qu'il n'entend plus poursuivre et dont la cessation serait peut-être à même de rétablir les relations familiales proprement dites. L'altercation intervenue lors d'un vol sur la compagnie Ryanair et dont M. Marc Y...-X...affirme sans être contredit avoir lui-même informé la presse, est tout aussi inopérante en ce qu'elle est manifestement étrangère aux débats. Celle l'ayant opposé à son père adoptif en 1995 est certes regrettable et d'ailleurs regrettée puisque M. Marc Y...-X...a présenté des excuses écrites et renouvelées ; nul n'a jamais remis en cause avant la présente procédure la sincérité de ces regrets ; cette altercation est aussi antérieure de 17 ans à l'assignation introductive d'instance et n'a pas empêché les donations postérieures de 2002 et 2011. Elle peut être aussi rapprochée du courriel de 2009 du frère Philippe X...rappelant les « coups partagés » dans l'enfance avec l'intimé, « les coups de ceinture venants'ajouter aux coups de savate-et-le passé commun-qui-explique certainement l'hypersensibilité de tous les membres de la famille à toute forme d'autorité ». M. Marc Y...-X...fait aussi état, sans être contredit, des pressions de M. Robert X...à l'occasion de son divorce qu'il n'acceptait pas, le menaçant de réduire ses revenus dans la SCI MYSOMPS, puis de sa mise à l'écart en 2008 lors des réunions familiales de fin d'aimée à Courchevel et d'une diffusion par l'appelant à I'ensemble de la fratrie d'un courrier intime expliquant les raisons de ce divorce, ce qui ne relève pas de la plus grande élégance. L'absence de réaction familiale à l'occasion de la naissance de son enfant Enzo dont M. Marc Y...-X...justifie par constat d'huissier en avoir informé les appelants ne relève pas plus d'une attitude adaptée. Enfin le courrier du 16 mai 2012 adressé par Mme Josette X...à sa fille Sophie X...et qui n'a reçu aucune réponse est curieusement signé « maman J. X...» et constitue à tout le moins une preuve faite à soi-même » ;

ET AUX MOTIS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « il convient de faire observer que les motifs justifiant la révocation ne peuvent résider que dans les faits précis commis à l'encontre de l'adoptant, du donateur ou de ses proches ; il est donc sans intérêt pour les demandeurs d'exciper des sentiments de familiers de M. Y... notamment quant à ses traits de personnalité ou d'événements totalement étrangers à la sphère familiale »

ALORS QUE les exposants avaient produit, au soutien de leur demande de révocation de l'adoption, des lettres de chacun des frères et soeurs de M. Marc Y... ; qu'elles attestaient que son comportement et ses actions affectaient l'unité et la solidarité familiales ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cet élément susceptible de caractériser un motif grave justifiant la demande de révocation, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 370 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de M. et Mme X...formées à l'encontre de M. Marc Y... et tendant à la révocation de l'adoption et à la révocation des libéralités avec effet rétroactif notamment s'agissant des parts de la SCI MYSOMPS ;

AUX MOTIFS QUE « L'article 953 du code civil dispose que « la donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude et pour cause survenance d'enfants ». Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'exercice d'un droit dont M. Marc Y...-X...entend faire reconnaître le bien-fondé ne relève pas d'une inexécution au sens de ces dispositions. Selon l'article 955 du même code l'ingratitude du donataire est acquise lorsque celui-ci, 1° a attenté à la vie du donateur, 2° a commis envers lui des sévices délit ou injure grave, 3° lui refuse des aliments. En l'occurrence, seul le deuxième cas mérite examen, la gravité étant appréciée souverainement par les juges du fond ; l'article 957 précise que l'action doit être engagée dans l'année du fait imputé ; les déclarations précitées sur le compte Facebook du 17 février 2011 sont donc prescrites en l'état d'une assignation au 5 novembre 2012. Les courriers dont s'emparent les appelants ont été adressés soit à la SCI MYSOMPS soit à eux mêmes, M. Marc Y...-X...faisant justement observer que les premiers doivent être distingués des seconds en ce qu'ils relèvent du litige entre associés ; aucun d'eux ne comporte de propos outranciers, injurieux ou violents. L'introduction d'une action en justice relève d'une droit, sauf mauvaise foi ou erreur grossière et le tribunal de grande instance de Charlmeville-Mézières a déjà rejeté une demande en paiement de dommages-intérêts formulés à ce titre ; l'aboutissement des procédures formulées que critiquent les époux X.../ Noé ne constitue pas non plus leur souci majeur puisque la lecture des différents incidents d'instance montre qu'ils cherchent à différer l'issue de celle relative au retrait de L. Marc Y...-X...de la SCI MYSOMPS de telle sorte que « la violence psychologique » invoquée est toute relative »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les termes de la page Facebook de l'intéressé se heurte également à la prescription de l'article 957 du Code civil dans la mesure où les demandeurs n'invoquent aucunement un ensemble de faits de même nature et indivisibles commis postérieurement, sachant par ailleurs que l'utilisation de cette phrase célèbre ne peut être sortie de son contexte, qui demeure pour le moins aussi indéterminé qu'incertain et que le terme de famille est également imprécis car il ne peut concerner que les frères et soeurs de l'intéressé, et plus précisément sa soeur gérante de la SCI MYSOMPS, particulièrement concernée par les conflits ici évoqués »

ALORS QUE la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où le délit a pu être connu par le donateur ; qu'en se bornant à relever que « les déclarations précitées sur le compte facebook du 17 février 2011 sont donc prescrites en l'état d'une assignation au 5 novembre 2012 », sans rechercher, comme ils y étaient invités (conclusions p. 13, 57, 58 et 59), si les exposantes n'avaient pas eu connaissance de ces déclarations que le 16 mai 2012, les juges du fond ont violé l'article 957 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-19057
Date de la décision : 11/10/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 19 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 oct. 2017, pourvoi n°16-19057


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19057
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