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06/10/2017 | FRANCE | N°16-10431

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2017, 16-10431


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 27 juillet 2011 par M. Y... en qualité de boulanger ; qu'il a, le 1er février 2013, démissionné sans réserve ; qu'il a, le 4 mars 2013, saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures de nuit, et, ultérieurement, d'une demande en requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le m

oyen unique, pris en ses sixième à huitième branches, ci-après annexé :

A...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 27 juillet 2011 par M. Y... en qualité de boulanger ; qu'il a, le 1er février 2013, démissionné sans réserve ; qu'il a, le 4 mars 2013, saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures de nuit, et, ultérieurement, d'une demande en requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le moyen unique, pris en ses sixième à huitième branches, ci-après annexé :

Attendu que c'est sans dénaturer les documents de la cause que les juges du fond ont estimé que le salarié étayait sa demande au titre des heures supplémentaires ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, en ce qu'il vise les chefs de dispositif disant que la démission produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement de sommes à ce titre :

Vu les articles L. 1231-1 et L. 1237-2 du code du travail ;

Attendu que pour dire que la démission produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait démissionné sans réserve le 1er février 2013, retient qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 4 mars suivant pour solliciter un rappel d'heures supplémentaires et d'heures de nuit et que, compte tenu de ces circonstances contemporaines à la démission, celle-ci est équivoque ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié remettait en cause sa démission en raison de faits ou de manquements imputables à l'employeur, qu'il résultait de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission qu'à la date où elle avait été donnée celle-ci était équivoque et que les faits invoqués la justifiaient, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie la démission de M. X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne M. Y... à lui payer des sommes au titre d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 10 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié la démission de monsieur X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné monsieur Y... à payer à monsieur X... les sommes de : 1.667,54 € à titre d'indemnité de préavis, 166,75 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, 4.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 519,84 € à titre de solde de majoration des heures de nuit congés payés compris, 950,30 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, 95,03 € à titre de congés payés y afférents, 1.300 € à titre de rappel de prime d'entretien, 150 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la santé au travail, 360,74 € à titre de remboursement des cotisations AG2R La Mondiale ;

AUX MOTIFS QUE : « la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat ; lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission. Le salarié a donné sa démission le 1er février 2013 et saisi le conseil de prud'hommes le 4 mars 2013, pour solliciter un rappel d'heures de nuit et d'heures supplémentaires ainsi qu'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. Compte tenu de ces circonstances contemporaines à la démission, celle-ci est équivoque. Il convient d'analyser les faits invoqués par le salarié. Sur le comportement violent de l'employeur : M. X... soutient qu'il a été violenté par son employeur et produit une attestation de M. Z.... Cependant, l'écriture figurant sur cette attestation, au demeurant non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, signée par M. Z..., ancien apprenti dont le contrat a été résilié, est la même que celle de la lettre de démission. Cette similitude d'écriture met en cause le caractère probant de ce témoignage. En outre, il résulte des nombreuses attestations précises, circonstanciées produites par M. Y..., que celui-ci n'a jamais fait preuve d'un comportement violent envers son personnel. Il s'ensuit que ce grief n'est pas établi. Sur la majoration des heures de nuit : l'employeur ne conteste pas le défaut de règlement de la majoration des heures de nuit et s'est acquitté en cours de procédure de la majeure partie de la somme due (2.492,28 €) sans d'ailleurs tenir compte d'une majoration de 30 % du salaire horaire de base conformément à l'accord collectif du 10 mars 1995 relatif au travail de nuit des ouvriers de la boulangerie-pâtisserie (article 1er). Il était donc dû au salarié la somme de 2.738,29 € outre les congés payés y afférents. Ce grief est donc établi. Le solde dû au salarié est précisé au dispositif. Sur les heures supplémentaires : il résulte de l'article 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande. Le salarié soutient qu'il effectuait 36 heures de travail par semaine, soit heure supplémentaire qui ne lui était pas payée. Il produit, outre ses bulletins de salaire, une lettre de son employeur indiquant : « Je n'ai jamais eu un entretien verbal avec vous sur des heures supplémentaires. Pouvez-vous me mettre en détail les heures supplémentaires dites et me fournir la preuve s'il vous plaît. Je suis étonné de cette réclamation très tardive. Je vous ai versé votre salaire du 1er février 2013… ». Cette lettre, dans laquelle l'employeur ne conteste pas formellement l'existence d'heures supplémentaires, demandant au salarié un décompte, étaye la demande du salarié. En tout état de cause, l'employeur ne fournit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et ne conclut pas précisément sur les heures supplémentaires faisant un amalgame avec la majoration des heures de nuit. La demande de rappel d'heures supplémentaires est donc fondée. La somme due étant précisée ci-après. Sur la prime d'entretien du matériel : une prime d'entretien du matériel de 100 € était stipulée au contrat de travail. Or elle n'a été réglée qu'en août et septembre 2011. L'employeur ne peut utilement soutenir que le salarié n'entretenait pas le matériel ou qu'il n'a pas formulé de réclamation pendant l'exécution du contrat de travail. Il est dû au salarié la somme mentionnée au dispositif pour la période de 13 mois qu'il revendique. Sur le prélèvement des cotisations de mutuelle : les bulletins de salaire de M. X... font état d'un prélèvement mensuel de 21,22 € au titre de la mutuelle AG2R. Or, cet organisme a écrit le 2 avril 2014 au salarié que son embauche par M. Y... n'avait pas été déclarée. Le grief est démontré et la somme due à ce titre est mentionnée au dispositif. Sur la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la santé au travail : M. X... n'a pas passé de visite médicale lors de son embauche. Le préjudice qui lui a été nécessairement causé sera réparé par la somme figurant au dispositif. Compte tenu du non-paiement des heures supplémentaires, de la majoration des heures de nuit en temps voulu, de la prime contractuelle d'entretien, du prélèvement indu de cotisations de mutuelle et du défaut de visite médicale lors de l'embauche, la démission doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié ne peut prétendre à deux mois de salaire au titre du préavis mais à un seul, celui-ci n'ayant pas deux ans d'ancienneté. Son salaire s'élevait à 1.567,54 €
outre 100 € à titre de prime pour l'entretien du matériel. Eu égard à l'ancienneté du salarié, à sa rémunération et aux circonstances de la rupture, il convient de lui accorder une indemnité à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant est précisé au dispositif » ;

ALORS 1°) QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'en considérant que la démission de monsieur X... aurait été équivoque, après avoir constaté que par une lettre du 1er février 2013, monsieur X... avait informé monsieur Y... de sa décision de quitter le poste de boulanger qu'il occupait dans l'entreprise et que cette démission serait effective le 16 février 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

ALORS 2°) QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'en considérant que la démission de monsieur X... aurait été équivoque, sans répondre au moyen, péremptoire, tiré de ce que monsieur X... avait quitté son emploi auprès de monsieur Y... pour en occuper un autre auprès de monsieur A..., plus près de son domicile, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 3°) QUE lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement, remet en cause sa démission en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'en considérant que compte tenu du non-paiement des heures supplémentaires, de la majoration des heures de nuit en temps voulu, de la prime contractuelle d'entretien, du prélèvement indu de cotisations de mutuelle et du défaut de visite médicale lors de l'embauche, la démission devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans constater que monsieur X... aurait, antérieurement ou concomitamment à sa démission, adressé directement ou indirectement à son employeur une réclamation, protestation, contestation ou mise en demeure portant sur les manquements allégués, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-2 du code du travail ;

ALORS 4°) QUE : en considérant que compte tenu du non-paiement des heures supplémentaires, de la majoration des heures de nuit en temps voulu, de la prime contractuelle d'entretien, du prélèvement indu de cotisations de mutuelle et du défaut de visite médicale lors de l'embauche, la démission devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand il résulte de ses propres constatations que monsieur X... n'avait émis aucune réclamation quant à ces prétendus manquements auprès de son employeur avant ou au moment de sa démission, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-2 du code du travail ;

ALORS 5°) QUE en considérant que compte tenu du non-paiement des heures supplémentaires, de la majoration des heures de nuit en temps voulu, de la prime contractuelle d'entretien, du prélèvement indu de cotisations de mutuelle et du défaut de visite médicale lors de l'embauche, la démission devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher si les manquements prétendus de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

ALORS 6°) QU'il appartient au salarié réclamant le paiement d'heures supplémentaires de fournir des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en considérant que la demande de rappel d'heures supplémentaires serait fondée, quand il résulte de ses constatations que monsieur X... n'a fourni aucun élément de nature à étayer sa demande, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS 7°) QU'il n'est pas permis au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en considérant que, dans sa lettre du 28 février 2013, monsieur Y... n'aurait pas contesté formellement l'existence d'heures supplémentaires et que cette lettre aurait étayé la demande du salarié, la cour d'appel en a dénaturé les termes et la portée en violation de l'article 1134 du code civil et du principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS 8°) QUE l'exposant versait au débat des attestations de mesdames B... et C... et de monsieur D... selon lesquelles : « aucun entretien du laboratoire, aucun respect du matériel », « l'entretien du matériel n'était pas effectué », « Olivier X... qui était boulanger ne faisait pas correctement son ménage, son laboratoire de boulangerie laissait à désirer (résidus de moisissures à différents endroits) » ; qu'en considérant que l'employeur ne pourrait utilement soutenir que le salarié n'entretenait pas le matériel, la cour d'appel a dénaturé par omission les attestations de madame B..., de madame C... et de monsieur D..., en violation de l'obligation faite aux juges de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l'article 1134 du code civil ;

ALORS 9°) QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs doit sanctionner tout salarié auteur de faits de harcèlement ; que la sanction la plus adéquate est le licenciement ; qu' en considérant que la démission de monsieur X... devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans répondre au moyen péremptoire tiré de ce que monsieur X... avait commis des actes de harcèlement à l'encontre d'autres salariés de l'entreprise, justifiant son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-10431
Date de la décision : 06/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 10 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2017, pourvoi n°16-10431


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10431
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