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04/10/2017 | FRANCE | N°16-22283

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 octobre 2017, 16-22283


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 4321-16, L. 4321-18, R. 4112-3 à R. 4112-5-1 et R. 4323-1 du code de la santé publique ;

Attendu, selon l'article L. 4321-16 du code de la santé publique, que chaque personne physique ou morale inscrite au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes est tenue de verser une cotisation ordinale ; qu'

aux termes de l'article L. 4321-18, le conseil départemental de l'ordre stat...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 4321-16, L. 4321-18, R. 4112-3 à R. 4112-5-1 et R. 4323-1 du code de la santé publique ;

Attendu, selon l'article L. 4321-16 du code de la santé publique, que chaque personne physique ou morale inscrite au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes est tenue de verser une cotisation ordinale ; qu'aux termes de l'article L. 4321-18, le conseil départemental de l'ordre statue sur les inscriptions au tableau de l'ordre ; que les articles R. 4112-3 à R. 4112-5-1, rendus applicables par l'article R. 4323-1 aux masseurs-kinésithérapeutes, fixent, d'une part, les conditions dans lesquelles une radiation du tableau peut être sollicitée par le praticien auprès du conseil départemental de l'ordre lorsqu'il cesse d'exercer sa profession, la radiation prenant effet à la date de cessation d'exercice ou, à défaut d'indication, à la date de réception de la demande, d'autre part, les conditions des recours contre les décisions d'inscription ou de refus d'inscription au tableau qui incluent les décisions de retrait du tableau et qui sont formés devant le conseil régional ou interrégional dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental qui s'est prononcé, puis, le cas échéant, devant le Conseil national de l'ordre ; qu'en vertu de l'article R. 4112-5-1, les recours contre les décisions du Conseil national de l'ordre relèvent de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;

Attendu qu'il en résulte que le masseur-kinésithérapeute inscrit au tableau de l'ordre est tenu au versement d'une cotisation ordinale et que, si, selon un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 20 mars 2013 (Mme A..., n° 357896), l'inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes n'est obligatoire qu'aussi longtemps que la profession est effectivement exercée, la juridiction administrative est seule compétente pour apprécier s'il doit être mis fin à une telle inscription et fixer la date à compter de laquelle la radiation doit être prononcée ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, par une ordonnance du 18 octobre 2013, la juridiction de proximité a enjoint à M. Y..., inscrit au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, de payer au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (le Conseil national de l'ordre) une certaine somme à titre de cotisations ordinales ; que M. Y... a fait opposition à cette ordonnance, en soutenant qu'il exerçait les fonctions de cadre de santé depuis le 15 mai 2000 et n'avait aucune pratique de massage ou de gymnastique depuis cette date et, dès lors, aucune obligation d'inscription au tableau de l'ordre ; qu'il a parallèlement sollicité sa radiation du tableau qui, par décision du 4 juillet 2014 du conseil régional de l'ordre, a été admise à compter du 20 mars 2013 ;

Attendu que, pour rejeter les demandes du Conseil national de l'ordre, le jugement retient que M. Y... apporte la preuve de l'absence d'une pratique de massage ou de gymnastique dans l'exercice de ses fonctions de cadre de santé, que doit être prise en compte la date de cessation d'exercice des fonctions de masseur-kinésithérapeute conformément à l'article R. 4112-3 du code de la santé publique et qu'il convient de faire application de l'arrêt rendu le 20 mars 2013 selon lequel l'inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes n'est obligatoire qu'aussi longtemps que la profession est effectivement exercée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de saisir, par voie préjudicielle, la juridiction administrative, seule compétente pour déterminer la date d'effet de la radiation, la juridiction de proximité a méconnu le principe et les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 décembre 2014, entre les parties, par la juridiction de proximité de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Guéret ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté le Conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande en paiement ; l'article 1315 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver : le Conseil National de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes doit donc apporter la preuve du bien-fondé de la créance de cotisations dont il réclame le paiement, dans son principe et son montant ; a contrario, les éléments et les pièces produites – notamment les attestations de ses employeurs – apportent la preuve que Monsieur Maurice Y... est cadre de santé depuis le 15 mai 2000, qu'il n'exercice plus aucune pratique de massage ou de gymnastique depuis cette date et qu'il n'a donc pas l'obligation de s'inscrire sur le tableau de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes ; la date du 20 mars 2013 prise comme référence par le conseil régional pour acter la radiation de M. Y... ne présente aucun fondement légitime, puisque le texte d'application en l'espèce est l'article R. 4112-3 alinéa 3 du code de la santé publique, lequel fixe précisément la date de radiation à la date de cessation d'activité du praticien : " le praticien qui cesse d'exercer sur le territoire national demande sa radiation du tableau au conseil départemental. Celle-ci prend effet à la date de cessation d'exercice ou, à défaut d'indication, à la date de réception de la demande " ; il résulte de ce texte que c'est bien la date de cessation d'exercice de masseur kinésithérapeute qui doit être prise en compte, et non pas la date du 20 mars 2013 qui n'est que date de circonstances, étant ici rappelé qu'un arrêt, fût-il du Conseil d'Etat, n'a valeur ni de loi ni de règlement, mais seulement d'illustration jurisprudentielle des textes légaux, lesquels seuls ne peuvent être d'application rétroactive ; qu'en l'espèce, c'est bien l'article R. 4112-3 susvisé, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce issue du décret n°2007-434 du 25 mars 2007, qui doit s'appliquer ; en conséquence, au visa de l'article 1315 du code civil, le Conseil national de l'Ordre n'apporte pas la preuve du bien-fondé de sa créance de cotisations à l'encontre de Monsieur Y... et il sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 485 euros ; sur la date de radiation ; la Juridiction s'est prononcée sur la date de radiation au regard des textes applicables, en l'espèce le code de la santé publique, et par analogie avec l'arrêt du conseil d'Etat du 20 mars 2013 ; ce faisant, elle a statué à l'intérieur de ses compétences, sans porter atteinte à la séparation des ordres de juridictions et à leurs compétences respectives ; en effet, l'arrêt du Conseil d'Etat est un acte clair qui ne nécessite aucune interprétation, il convient simplement de l'appliquer : il rappelle seulement que l'inscription n'est obligatoire qu'aussi longtemps que la profession est effectivement exercée, et il prononce "la radiation judiciaire à la date de cessation de l'exercice", principe fixé supra par la code de la santé publique ; le juge judiciaire n'a fait que révéler le sens d'un acte clair, dans son champ d'application temporel et spatial » (cf. jugement p.3 etamp; 4) ;

ALORS QUE les décisions d'inscription et de radiation au tableau de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes prises, en dernier recours, par le Conseil national, sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat ; que la Juridiction de proximité qui, pour statuer sur la demande de recouvrement de cotisations formée par le Conseil national de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes à l'encontre de M. Y..., a jugé que celui-ci avait été radié à la date du 15 mai 2000 quand sa radiation avait été prononcée par le Conseil régional le 4 mars 2014 avec prise d'effet au 20 mars 2013 et qu'il appartenait à M. Y..., s'il entendait contester cette décision, d'exercer son recours devant le Conseil national puis, le cas échéant, devant le Conseil d'Etat, a excédé ses pouvoirs en dehors de son champ de compétence en violation du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, de la loi du 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et de l'article R.4112-5-1 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-22283
Date de la décision : 04/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Auxiliaires médicaux - Masseur-kinésithérapeute - Ordre - Conseil de l'ordre - Conseil national - Cotisations professionnelles obligatoires - Défaut - Juridictions administratives - Compétence - Radiation et date d'effet de la radiation

PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Question préjudicielle - Saisine de la juridiction administrative - Nécessité - Cas SEPARATION DES POUVOIRS - Ordres professionnels - Ordre des masseurs-kinésithérapeutes - Inscription au tableau de l'ordre - Cotisations obligatoires - Défaut - Radiation - Date d'effet - Juridictions administratives - Compétence

Il résulte des articles L. 4321-16, L. 4321-18, R. 4112-3 à R. 4112-5-1 et R. 4323-1 du code de la santé publique qu'un masseur-kinésithérapeute inscrit au tableau de l'ordre est tenu au versement d'une cotisation ordinale et que, si selon un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 20 mars 2013 (Mme Victor n° 357896), l'inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes n'est obligatoire qu'aussi longtemps que la profession est effectivement exercée, la juridiction administrative est seule compétente pour apprécier s'il doit être mis fin à une telle inscription et fixer la date à compter de laquelle la radiation doit être prononcée. Méconnaît le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et ces dispositions du code de la santé publique, un jugement qui rejette les demandes en paiement de cotisations ordinales formées par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes à l'égard d'un masseur-kinésithérapeute inscrit au tableau de l'ordre, cadre de santé, en se fondant sur l'absence de pratique par celui-ci de massage ou de gymnastique et en prenant en compte la date de cessation d'exercice de son activité de masseur-kinésithérapeute, alors qu'il incombait au tribunal d'instance de saisir, par voie préjudicielle, la juridiction administrative, seule compétente pour déterminer la date d'effet de la radiation


Références :

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

articles L. 4321-16, L. 4321-18, R. 4112-3 à R. 4112-5-1 et R. 4323-1 du code de la santé publique

Décision attaquée : Juridiction de proximité de Limoges, 18 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 oct. 2017, pourvoi n°16-22283, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.22283
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