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28/09/2017 | FRANCE | N°16-24754

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2017, 16-24754


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2314-6, L. 2314- 21 et L. 2324-9 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en vue des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise devant se dérouler au sein de la caisse régionale de Crédit mutuel Savoie Mont-Blanc, un protocole d'accord préélectoral a été conclu le 18 avril 2016, prévoyant de recourir exclusivement au vote électronique ; qu'il est

apparu, après l'ouverture du scrutin le 1er juin 2016 à midi, qu'à la suite d'une e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2314-6, L. 2314- 21 et L. 2324-9 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en vue des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise devant se dérouler au sein de la caisse régionale de Crédit mutuel Savoie Mont-Blanc, un protocole d'accord préélectoral a été conclu le 18 avril 2016, prévoyant de recourir exclusivement au vote électronique ; qu'il est apparu, après l'ouverture du scrutin le 1er juin 2016 à midi, qu'à la suite d'une erreur commise par le prestataire, la liste présentée par la CGT ne figurait pas sur le site ; que le site a été fermé par la société prestataire à 14 heures 30, les opérations de vote suspendues, et qu'après effacement des votes et réinitialisation du site, les opérations ont repris, un courriel ayant été diffusé par la caisse de Crédit mutuel à l'ensemble des électeurs pour inviter ceux ayant voté entre 12 heures et 14 heures 30 à renouveler leur vote ; que les opérations se sont poursuivies et que les résultats ont été proclamés le 8 juin 2016 ; que Mme X... et le syndicat CGT Crédit mutuel Centre Est Europe ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des élections ;

Attendu que pour rejeter cette demande, le tribunal retient que ni le Crédit mutuel, ni la société prestataire n'ont consulté le bureau de vote ordinaire ou extraordinaire le 1er juin 2016, que dès lors les élections sont entachées d'une irrégularité, que les demandeurs doivent établir que cette irrégularité porte atteinte aux principes du droit électoral ou qu'elle a eu une influence sur le résultat des élections, que la société ne pouvait en tant que prestataire avoir accès aux listes d'émargement, que cependant il s'agit d'une autre irrégularité du scrutin et non d'une atteinte à un principe de confidentialité du vote exprimé, que s'il est évident que la société prestataire savait que l'ensemble des électeurs ayant voté avant 14 heures 30 n'avait pas voté pour le syndicat CGT, le contenu du vote lui-même est resté confidentiel, et que l'écrasement des votes alors exprimés et la remise à zéro des urnes, doublés d'une information par mail de l'employeur, un message sur le site du Crédit mutuel, et un appel téléphonique à ceux qui n'avaient pas procédé à un nouveau vote avant le 4 juin 2016, ainsi qu'un allongement de 3 heures de la période de vote sont des précautions suffisantes pour assurer un libre accès au vote et permettre le secret du vote et que dès lors, aucune atteinte à un principe général du droit électoral n'est caractérisée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur et la société prestataire avaient décidé, sans intervention du bureau de vote, d'arrêter le vote, de détruire les urnes électroniques alors présentes sur le serveur, de reconstituer les urnes, de procéder à nouveau à leur scellement, et de rouvrir l'accès au site, et que la société prestataire avait ensuite, après avoir eu accès aux listes d'émargement, recontacté individuellement tous les salariés qui n'avaient pas réitéré leur vote après cet incident, ce dont il résultait que des irrégularités portant atteinte à la sincérité et la confidentialité des opérations électorales avaient été commises, le tribunal d'instance a violé les textes et principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 3 octobre 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Annecy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Chambéry ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse régionale de Crédit mutuel Savoie Mont-Blanc à payer à Mme X... et au syndicat CGT Crédit mutuel Centre Est Europe la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X... et le syndicat CGT Crédit mutuel Centre Est Europe

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté Mme X... et le syndicat CGT Crédit Mutuel Centre Est Europe de leur demande d'annulation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise de la Caisse Régionale du Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc dont les résultats ont été proclamés le 8 juin 2016.

AUX MOTIFS QUE l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2007 pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise, dispose qu'en cas de dysfonctionnement informatique résultant d'une attaque du système par un tiers, d'une infection virale, d'une défaillance technique ou d'une altération des données, le bureau de vote a compétence, après avis des représentants de l'organisme mettant en place le vote, pour prendre toute mesure d'information et de sauvegarde et notamment pour décider la suspension des opérations de vote ; qu'une telle règle est reprise à l'article 2-2 de l'accord portant sur l'utilisation du vote électronique dans le cadre des élections professionnelles du groupe Crédit Mutuel du 13 avril 2010 ; qu'il est constant que le 1er juin 2016, de 12 heures, heure d'ouverture du scrutin, à 14 heures 30, la liste des candidats CGT n'était pas disponible sur le site accessible aux électeurs de la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc pour leur vote électronique ; que les demandeurs produisent les mails émanant de M. Y..., directeur des ressources humaines du Crédit Mutuel du 1er juin 2016 à 15h59 et 16h47, qui évoquent « un incident technique chez le prestataire ». La même mention est faite sur le site internet du Crédit Mutuel (pièce 14) ; qu'il résulte des explications des défendeurs et d'un mail adressé par la société E-VOTEZ à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc le 1er juin 2016 que la liste CGT était absente sur les scrutins techniciens et qu'après fermeture à 14h30 et réinitialisation du site de vote, les urnes et les émargements ont été supprimés pour tous les scrutins et la liste omise a été ajoutée. L'employeur a indiqué dans ses conclusions que l'un des collaborateurs de la société E-VOTEZ a commis une erreur en enregistrant la liste des candidats non cadres de la CGT sur le serveur de la société E-VOTEZ, liste qui figurait bien sur le serveur du prestataire mais qui n'a pas été transférée sur le serveur de vote électronique accessible aux électeurs du Crédit Mutuel ; que les défendeurs en déduisent qu'il s'agit ainsi d'une erreur humaine, et non d'une défaillance technique, de sorte que l'article 3 précité n'a pas à s'appliquer, et partant, le bureau de vote n'avait pas à intervenir ; que cependant, quand bien même l'origine du dysfonctionnement est dû à une erreur humaine, il n'en reste pas moins que pour les utilisateurs du système de vote électronique au sein de la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc, l'absence de la liste des candidats CGT est une défaillance technique du système puisqu'il ne permet pas aux électeurs de connaître l'intégralité des candidats et n'est ainsi pas conforme aux candidatures affichées dans l'entreprise ; que dès lors, l'article 3 est bien applicable et seul le bureau de vote pouvait décider de la suspension des opérations de vote, et a minima devait être consulté et associé par la société E-VOTEZ pour décider d'arrêter le vote, détruire toutes les urnes électroniques alors présentes sur le serveur de vote, reconstituer les urnes, procéder à nouveau à leur scellement, recharger les listes d'émargement et rouvrir l'accès au site de vote ; que sans avoir ici à analyser si le bureau de vote était ou non régulièrement constitué avant l'ouverture du scrutin, il n'est pas contesté, malgré les conclusions ambiguës du syndicat SNBC sur ce point, que ni le Crédit Mutuel, ni la société E-VOTEZ n'ont consulté le bureau de vote, ordinaire ou exceptionnel, le 1er juin 2016 lors du constat de cette défaillance technique ; que dès lors, en application de l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2007, les élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel de la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc dont les résultats ont été proclamés le 8 juin 2016 sont entachées d'une irrégularité ; que Mme Valérie X... et le syndicat CGT Crédit Mutuel Centre Est Europe doivent désormais établir que cette irrégularité porte atteinte aux principes généraux du droit électoral ou qu'elle a eu une influence sur les résultats des élections ; que d'abord, les principes généraux du droit électoral évoqués par les demandeurs, expressément ou implicitement sont la sécurité, la confidentialité et la sincérité du vote ; qu'il résulte des pièces et des débats que la société E-VOTEZ a eu accès à la liste d'émargement telle qu'elle n'existait au moment de l'interruption des votes le 1er juin 2016, et par comparaison de la liste d'émargement du 4 juin 2016 et fourniture par le Crédit Mutuel de l'ensemble des électeurs avec leurs coordonnées téléphoniques, a pu contacter les électeurs ayant voté le 1er juin entre 12h et 14h30 et qui n'avaient pas revoté ensuite ; qu'il est constant que les listes d'émargement ne sont accessibles qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle du déroulement du scrutin, seuls pouvant être divulgués au cours du scrutin le nombre de votants, et ce en application des articles R. 2324-15 et 2314-19 du code du travail ; qu'ainsi, la société E-VOTEZ, en tant que prestataire extérieur, ne pouvait pas procéder aux listes d'émargement ; que cependant, il s'agit d'une autre irrégularité du scrutin, et non d'une atteinte à un principe de confidentialité du vote exprimé. En effet, s'il est évident que la société EVOTEZ savait que l'ensemble des électeurs ayant voté avant 14h30 avant le 1er juin 2016 n'avait pas voté pour le syndicat CGT Crédit Mutuel Centre Est Europe puisqu'un tel choix n'était pas disponible, le contenu du vote lui-même est resté confidentiel ; que l'écrasement des votes alors exprimés et la remise à zéro des urnes, doublés d'une information par mail de l'employeur, un message sur le site du Crédit Mutuel, et un appel téléphonique à ceux qui n'avaient pas procédé à un nouveau vote avant le 4 juin 2016, ainsi qu'un allongement de 3 heures de la période de vote sont des précautions suffisantes pour assurer un libre accès au vote et permettre le secret du vote ; que dès lors, aucune atteinte à un principe général du droit électoral n'est caractérisée ; que sur l'influence des irrégularités relevées sur le résultat des élections, il apparaît qu'un seul électeur ayant voté initialement n'a pas procédé à un nouveau vote après l'incident, alors que la représentativité du syndicat CGT Crédit Mutuel Centre Est Europe requerrait 5 voix supplémentaires ; que s'il est bien évident que tout électeur a été privé de la possibilité de choisir un candidat CGT entre 12h et 14h30, et même 16h50 (heure de réouverture du site de vote) le 1er juin 2016 et a alors nécessairement voté soit nul, soit pour un autre syndicat, les votes ont été supprimés et annulés, et les solutions apportées au dysfonctionnement telles que rappelées ci-dessous (destruction des urnes, émargement supprimés, rechargement des listes, informations générales de l'incident et invitation à procéder à nouveau à un vote,…) sont autant d'éléments pour affirmer que les irrégularités n'ont pas eu d'impact sur les résultats d'élections, et ce d'autant que les électeurs connaissaient l'ensemble des candidats de tous les syndicats tels que présentés sur les affiches au sein du Crédit Mutuel depuis le 5 mai 2016 ; que par conséquent, il convient de rejeter la demande de Mme Valérie X... et du syndicat CGT Crédit Mutuel Centre Est Europe ;

1°) ALORS QUE les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin entrainent de plein droit l'annulation des élections lorsqu'elles sont contraires aux principes généraux du droit électoral ; que le tribunal, après avoir constaté que le prestataire chargé de l'organisation du vote électronique avait seul, et sans même en aviser le bureau de vote, suspendu l'élection pendant 2h30, détruit toutes les urnes électroniques, reconstitué les urnes, rechargé les listes d'émargement et rouvert le site a considéré qu'en application de l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2007, les élections sont entachées d'irrégularités ; qu'en décidant néanmoins que ces irrégularités n'étaient pas contraires aux principes généraux du droit électoral quand elles portaient une atteinte manifeste à la confidentialité et à la sincérité du scrutin, le tribunal a violé les articles L. 2314-6, L. 2314-21 et L. 2324-9 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

2°) ALORS QUE les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin entrainent de plein droit l'annulation des élections lorsqu'elles sont contraires aux principes généraux du droit électoral ; que selon les articles R. 2324-15 et R. 2314-19 du code du travail, les listes d'émargement ne sont accessibles qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle du déroulement du scrutin ; qu'en refusant d'annuler les élections tout en constatant que la société E-VOTEZ, prestataire, a eu accès à la liste d'émargement telle qu'elle existait au moment de l'interruption des votes le 1er juin 2016, et à celle du 4 juin 2016 et qu'elle a pu les comparer, le tribunal a violé les articles R. 2324-15 et R. 2314-19 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

3°) ALORS QUE les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin entrainent de plein droit l'annulation des élections lorsqu'elles sont contraires aux principes généraux du droit électoral ; qu'en refusant d'annuler les élections quand il constatait qu'après comparaison des listes d'émargement, et fourniture par l'employeur des coordonnées téléphoniques de tous les électeurs, le prestataire avait contacté tous ceux ayant voté le 1er juin 2016 entre 12 et 14h30 et qui n'avaient pas voté ensuite, ce dont il résultait notamment que le prestataire pouvait identifier les électeurs n'ayant pas voté pour la liste CGT, le tribunal a violé les principes généraux du droit électoral ;

4°) ALORS QUE dans leurs conclusions les exposants faisaient valoir que l'absence de liste CGT dès l'ouverture du scrutin a nécessairement pesé sur la validité de celui-ci, un électeur faisant le constat de l'absence d'une liste électorale en faveur de celui-ci pouvant ainsi se désintéresser du scrutin et ne plus y participer (cf. conclusions p.21) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen qui dénonçait une atteinte à la sincérité du scrutin, le tribunal a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE constituent une cause d'annulation de l'élection les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin si elle ont eu une influence sur les résultats ou sur l'évaluation de la représentativité ; que pour refuser d'annuler les élections, le tribunal a retenu qu'un seul électeur ayant voté initialement n'a pas procédé à un nouveau vote après l'incident alors que la représentativité du syndicat CGT requerrait 5 voix supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans avoir tenu compte du nombre d'inscrits (483), de votants (299) et de l'incidence des irrégularités sur la participation aux élections, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-6, L. 2314-21 et L. 2324-19 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-24754
Date de la décision : 28/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance d'Annecy, 03 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2017, pourvoi n°16-24754


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.24754
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