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28/09/2017 | FRANCE | N°16-23538

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 septembre 2017, 16-23538


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Tuyauteries industrielles installations thermiques (la société TIIT) a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête pour être autorisée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à faire pratiquer des mesures de constat et de saisies de documents dans les locaux de la société Aub'Inox ; que la société Aub'Inox a assigné la société TIIT pour obtenir la rétractation de l'ordonnance ayant accueilli cette demande ;



Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la soci...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Tuyauteries industrielles installations thermiques (la société TIIT) a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête pour être autorisée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à faire pratiquer des mesures de constat et de saisies de documents dans les locaux de la société Aub'Inox ; que la société Aub'Inox a assigné la société TIIT pour obtenir la rétractation de l'ordonnance ayant accueilli cette demande ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société Aub'Inox fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a renvoyé « les parties à mieux se pourvoir et cependant dès à présent, vu l'urgence », déclaré la société Aub'Inox mal fondée en ses demandes, débouté celle-ci de ses demandes, fins et prétentions, et condamné cette société à payer à la société TIIT la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen, que les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter l'ordonnance sur requête, qu'un risque de déperdition des preuves aurait imposé, sauf à priver la mesure de constat sollicitée de toute efficacité, qu'elle ne soit pas ordonnée contradictoirement, quand la requête était muette concernant une prétendue nécessité de déroger au principe du contradictoire et les circonstances particulières qui auraient justifié une telle dérogation, et quand l'ordonnance sur requête s'était bornée à évoquer, en des termes généraux, imprécis et détachés des circonstances particulières de l'espèce, la prétendue nécessité « de solliciter non contradictoirement une mesure de constat, eu égard au risque de déperdition des preuves en cas de débat contradictoire préalable, de destruction de documents dont la conservation pourrait ne pas être assurée et au risque de soustraction d'éléments susceptibles de constituer des preuves », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence dans la requête ou dans l'ordonnance de circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la requête exposait que les connaissances de M. X..., qui savait que la société Tréfilac devait signer un devis, avaient permis que ce client soit "récupéré" par la société Aub'Inox alors que cette dernière ne faisait habituellement pas de prestations en matière de tuyauterie industrielle, et que l'ordonnance relevait clairement que de telles circonstances exigeaient que la mesure de constat soit ordonnée de manière non contradictoire eu égard aux risques de déperdition des preuves en cas de débat contradictoire préalable, de destruction de documents dont la conservation pourrait ne pas être assurée et au risque de soustraction d'éléments susceptibles de constituer des preuves, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était établie, dans la requête ou l'ordonnance, l'existence de circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches, reproduit en annexe, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Aub'Inox au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le premier juge a justement constaté que la société Aub'Inox a agi de mauvaise foi en opposant une résistance purement dilatoire, alors que la demande n'était pas sérieusement contestable ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Aub'Inox à payer à la société TIIT la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de dommages-intérêts pour appel abusif formée par la société TIIT ;

Condamne la société TIIT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Aub'Inox

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait renvoyé « les parties à mieux se pourvoir et cependant dès à présent, vu l'urgence », déclaré la société Aub'Inox mal fondée en ses demandes, débouté la société Aub'Inox de ses demandes, fins et prétentions et condamné la société Aub'Inox à payer à la société TIIT la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR débouté la société Aub'Inox de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'examen de la requête qui a été adressée au président du tribunal de commerce de Troyes par la société TI-IT le 24 juillet 2014 et des pièces qui y étaient jointes révèle que la requérante exposait que son salarié, M. Jérôme X... occupant depuis l'année 2006 les fonctions de technicien-commercial / chargé d'affaires, en relation directe avec les clients et ayant connaissance des plans, devis et tarifs de la société, a démissionné de ses fonctions et a quitté l'entreprise le 16 mai 2014 pour rejoindre la société Aub'Inox située dans le même département et dont l'activité principale était la chaudronnerie industrielle, que son successeur a repris les dossiers en cours dont celui de la société Trefilac, que cette société qui devait, selon devis réalisé, effectuer des travaux de remplacement de la boucle de chauffage à compter du 15 juillet 2014 a au dernier moment décidé de traiter à un prix plus intéressant avec la société Aub'Inox alors que cette dernière ne faisait habituellement pas de prestations en matière de tuyauterie industrielle, que ce n'est que grâce aux connaissances de M. X..., qui savait que la société Trefilac devait signer un devis et à l'utilisation du travail qu'elle avait effectué, que ce client a pu être récupéré par la société Aub'Inox et qu'un prix moins important a pu lui être proposé ; qu'elle ajoutait que M. X... s'est dès le 19 mai 2014 rendu chez le client Electrolux qui avait le même jour un rendez-vous avec la société TI-IT, qu'il a traité avec le client Icoa France pour lequel un devis avait été établi le 29 avril 2014 en appliquant un prix plus intéressant, qu'il s'est rendu chez d'autres clients de la société TI-IT et que la société Aub'Inox utilisait depuis l'arrivée de M. X... son fichier clients, des éléments se rapportant aux phases d'études de prestations et des devis établis pour détourner sa clientèle ; qu'elle a présenté à l'appui de ses dires la lettre de démission adressée par M. X..., les devis et documents d'études exécutés pour la société Trefilac avant son départ, l'attestation de M. Y... qui a succédé à M. X..., les messages échangés avec la société Trefilac, les devis Electrolux, Icoa France et Devanlay ; que le président du tribunal de commerce a, au vu de ces éléments, clairement relevé dans son ordonnance du 4 août 2014, que la commission d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société TI-IT était à craindre et que les circonstances exigeaient que la mesure de constat soit ordonnée de manière non contradictoire « eu égard aux risques de déperdition des preuves en cas de débat contradictoire préalable, de destruction de documents dont la conservation pourrait ne pas être assurée et au risque de soustraction d'éléments susceptibles de constituer des preuves » ; que sa décision a donc été motivée tant sur l'existence d'un motif légitime justifiant que soit ordonnée une mesure d'instruction que sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire ; que la cour constate au vu des pièces versées aux débats par la société TI-IT démontre, que quatre clients de cette société pour lesquels des devis avaient été établis, n'ont plus donné suite à leurs projets et que deux d'entre eux ont dans les deux mois suivant le départ de M. X... et son embauche par la société Aub'Inox, contracté avec cette société à des conditions plus avantageuses ; que ces éléments constituent, même en l'absence de toute clause de non-concurrence à la charge du salarié démissionnaire, des indices de procédés déloyaux laissant supposer l'utilisation par la société Aub'Inox de connaissances acquises par l'un de ses salariés au cours de son activité au sein de la société TI-IT et permettant de détourner la clientèle de celle-ci ; que la demande de constat formée par la société TI-IT repose donc sur un motif sérieux et légitime et peut seule permettre à l'intimée de conserver la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; que la mesure sollicitée ne peut au vu de l'existence d'un risque de concurrence déloyale se heurter au secret des affaires ; que le risque de déperdition des preuves, de destructions et d'effacement des documents se trouvant dans le système informatique de la société Aub'Inox imposait, sauf à priver la mesure de constat sollicitée de toute efficacité, qu'elle ne soit pas ordonnée contradictoirement ; que la mesure de constat autorisée dans les locaux professionnels de la société Aub'Inox a été strictement délimitée et est proportionnée à la recherche de preuve justifiée par un risque de concurrence apparu lors de l'embauche d'un ex-salarié de la société TI-IT ; qu'elle a été limitée à la recherche de documents concernant les quatre clients cités par la société requérante et concernés par les devis produits, à l'examen des disques durs des ordinateurs équipant les locaux de la société Aub'Inox et à la recherche de tous documents susceptibles d'émaner de la société TI-IT (devis, fichiers clients, factures, plans schémas études courriers portant l'en-tête de cette société) ; que les demandes tendant à faire procéder à l'examen de l'ordinateur se trouvant au domicile de M. X... et à faire « cracker » les mots de passe ont été rejetées ; que par ordonnance de référé du 2 juin 2015, le président du tribunal de commerce saisi d'une demande de rétractation de son ordonnance sur requête du 4 août 2014, a, après avoir entendu les observations de la société Aub'Inox qui soutenait qu'il avait été trompé et abusé sur la réalité des faits qui lui ont été présentés par la société TI-IT, débouté cette société de ses demandes en se référant aux motifs de son ordonnance sur requête ; que les explications et allégations de l'appelante ne permettent pas d'établir comme elle le soutient que la société TI-IT a manqué de bonne foi et a sciemment porté atteinte au secret des affaires et perturbé le fonctionnement d'une entreprise concurrente, alors que les pièces versées aux débats et notamment les devis établis, les échanges de messages révélant que certains clients avaient confié à M. X... la finalisation des projets initiés avec TI-IT et l'attestation du successeur de M. X... démontrent qu'il était à craindre qu'elle soit victime d'actes de concurrence déloyale suite au départ de son technicien commercial et à l'embauche de ce dernier par la société Aub'Inox ; que le premier juge a parfaitement motivé son ordonnance sur requête et son ordonnance de référé tant sur le motif légitime justifiant le prononcé de la mesure sollicitée que sur la nécessité de l'ordonner de manière non-contradictoire et ne s'est nullement contenté de considérations générales ; que la mesure de constat ordonnée était seule à même de permettre à la société TI-IT de savoir si la société Aub'Inox avait contracté avec les clients Trefilac, Electrolux, lcoa France Devanlay auxquels elle avait établi des devis et de connaître, le cas échéant les circonstances et les conditions de ses interventions ; qu'elle est proportionnée et limitée à ces quatre clients et ne constitue nullement, comme le soutient la société Aub'Inox, une mesure d'investigation générale permettant à la requérante d'accéder à l'ensemble des documents commerciaux de sa concurrente et à l'huissier de fouiller à son gré les fichiers contenus dans son système informatique ; que le constat dressé par l'huissier de justice en exécution de l'ordonnance sur requête ne constitue nullement une saisie et l'autorisation donnée à l'huissier de se faire, en tant que de besoin, assister des forces de police et d'un serrurier pour permettre le cas échéant l'ouverture des locaux n'est pas excessive et n'a pas permis l'exercice de contraintes et l'exécution d'investigations non autorisées ou la remise de documents sans lien avec le litige ; que le premier juge a fait une juste application des articles 145 et 875 du code de procédure civile et a ordonné une mesure adaptée et limitée ; que l'ordonnance de référé du 2 juin 2015 sera donc confirmée en tant qu'elle a rejeté la demande en rétractation de l'ordonnance sur requête du 4 août 2014 ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution à la société Aub'Inox de l'ensemble des données et documents appréhendés lors des opérations de constat du 2 septembre 2014 ; que l'introduction d'une demande en justice et l'exercice d'une voie de recours constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; que le premier juge a justement constaté que la société Aub'Inox a agi de mauvaise foi en opposant une résistance purement dilatoire, alors que la demande n'était pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance déférée sera donc confirmée en tant qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, la société TI-IT ne justifiant pas avoir subi un préjudice d'un montant supérieur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le juge peut être saisi sur requête lorsque les circonstances exigent que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement ; que l'ordonnance est prise au vu du constat du juge s'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que tel est le cas lorsqu'il y a lieu de craindre que les documents soient détruits, ou encore qu'un élément détenu par une partie ne soit pas produit aux débats par la suite ou encore en cas de risque de dissimulation ou de suppression des preuves ou des faits litigieux ; que dans ce type de cas, pour que la mesure présente une utilité, il est indispensable que la personne visée n'en soit pas préalablement avisée ; que les affaires de concurrence déloyale sont souvent concernées par les ordonnances sur requête afin de procéder à des investigations et des constatations utiles caractérisant l'existence d'actes de concurrence déloyale ; qu'il y a en effet toujours un risque de dissimulation de documents et de matériels par la partie adverse ; qu'un effet de surprise justifie pleinement le recours à la procédure de l'ordonnance sur requête ; que l'ordonnance du 4 août 2014 est motivée ; que le juge des référés recevra en ses demandes la SAS Aub'Inox, la déclarera mal fondée et la déboutera de ses demandes ; que la société Aub'Inox a agi de mauvaise foi en opposant une résistance purement dilatoire à une demande qui n'était pas sérieusement contestable ; que le juge des référés fera droit à la demande d'allocation de dommages et intérêts de la société TI-IT et condamnera la société Aub'Inox à payer à la société TI-IT la somme de 1 000 € pour procédure abusive ;

1°) ALORS QUE pour saisir valablement le juge, la requête déposée au visa de l'article 145 du code de procédure civile, qui doit être motivée, doit indiquer qu'il est justifié de déroger au principe du contradictoire et caractériser les circonstances particulières de la cause qui justifient qu'il y soit dérogé ; qu'il résulte de la requête déposée par la société TIIT que cette dernière, se bornant à soutenir que les prétendues circonstances qu'elle exposait auraient justifié qu'une mesure d'instruction soit ordonnée sur le fondement de l'article du code de procédure civile, n'y prétendait pas que des circonstances particulières auraient justifié qu'il soit statué sur sa demande sans que la société Aub'Inox ne soit appelée ; qu'en retenant, néanmoins, qu'il n'y avait pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête qui avait accueilli cette demande, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 494, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter l'ordonnance sur requête, qu'un risque de déperdition des preuves aurait imposé, sauf à priver la mesure de constat sollicitée de toute efficacité, qu'elle ne soit pas ordonnée contradictoirement, quand la requête était muette concernant une prétendue nécessité de déroger au principe du contradictoire et les circonstances particulières qui auraient justifié une telle dérogation, et quand l'ordonnance sur requête s'était bornée à évoquer, en des termes généraux, imprécis et détachés des circonstances particulières de l'espèce, la prétendue nécessité « de solliciter non contradictoirement une mesure de constat, eu égard au risque de déperdition des preuves en cas de débat contradictoire préalable, de destruction de documents dont la conservation pourrait ne pas être assurée et au risque de soustraction d'éléments susceptibles de constituer des preuves », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence dans la requête ou dans l'ordonnance de circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge saisi sur requête ne peut ordonner que des mesures légalement admissibles ; qu'il ne peut donc, par l'emploi de périphrases, conférer à un huissier de justice, assisté de la force publique, le pouvoir de contraindre une société à lui laisser accéder à ses locaux professionnels pour y rechercher des documents ; que l'ordonnance sur requête donnait pour mission à un huissier de justice de se rendre au sein des locaux de la société Aub'Inox afin de « se faire remettre » divers documents et l'autorisait, « au cas où il (lui) serait indiqué (…) que les documents précités ne sont pas disponibles dans les locaux visités », « à se faire assister, en tant que de besoin, par la force publique et/ou par un serrurier dont les missions (seraient) d'assurer que l'ordonnance rendue soit pleinement et immédiatement exécutée », « à se faire assister par un ou plusieurs experts techniciens informatiques aux fins d'y rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de sa mission » et « à prendre des copies, par tous moyens et si possible, sur supports papier et/ou informatiques et/ou support électroniques de tous les éléments en rapport étroit avec sa mission », ce dont il résultait que la mesure ordonnée, coercitive, excédait les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter cette ordonnance, que l'autorisation donnée à l'huissier de justice de se faire assister, en tant que de besoin, par les forces de police et un serrurier « pour permettre le cas échéant l'ouverture des locaux » n'aurait pas été excessive et, par des motifs inopérants, qu'elle n'avait pas permis l'exercice de contraintes et l'exécution d'investigations non autorisées ou la remise de documents sans lien avec le litige, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'ordonnance sur requête ne se bornait pas à donner pour mission à l'huissier de justice de se faire remettre tous documents concernant les relations d'affaires entre la société Aub'Inox et quatre autres sociétés et tous documents susceptibles d'émaner de la société TIIT, mais aussi de « rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de sa mission » et de « prendre des copies, par tous moyens et si possible, sur supports papier et/ou informatiques et/ou support électroniques de tous les éléments en rapport étroit avec sa mission » ; qu'en retenant que la mesure d'instruction aurait été limitée à la recherche de documents concernant les quatre clients cités, à l'examen des disques durs des ordinateurs équipant les locaux de la société Aub'Inox et à la recherche de tous documents susceptibles d'émaner de la société TIIT, la cour d'appel a dénaturé cette ordonnance et violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5°) ALORS QU'une mesure d'instruction dont la réalisation est confiée à un huissier de justice sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut consister en une mesure générale d'investigation ; que l'ordonnance sur requête donnait pour mission à l'huissier de justice, non seulement, de se faire remettre tous documents concernant les relations d'affaires entre la société Aub'Inox et quatre autres sociétés, ainsi que tous documents susceptibles d'émaner de la société TIIT, mais aussi, en des termes aussi généraux qu'imprécis, impliquant une appréciation personnelle de l'huissier de justice, de « rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de sa mission », de prendre des copies, par tous moyens « de tous les éléments en rapport étroit avec sa mission » et d'en adresser un exemplaire à la société TIIT, ce qui constituait une mesure d'investigation générale ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter cette ordonnance, que la mesure d'instruction aurait été limitée et proportionnée, et n'aurait pas constitué une mesure d'investigation générale permettant à l'huissier de fouiller à son gré les fichiers contenus dans le système informatique de la société Aub'Inox, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait condamné la société Aub'Inox à payer à la société TIIT la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE l'examen de la requête qui a été adressée au président du tribunal de commerce de Troyes par la société TI-IT le 24 juillet 2014 et des pièces qui y étaient jointes révèle que la requérante exposait que son salarié, M. Jérôme X... occupant depuis l'année 2006 les fonctions de technicien-commercial / chargé d'affaires, en relation directe avec les clients et ayant connaissance des plans, devis et tarifs de la société, a démissionné de ses fonctions et a quitté l'entreprise le 16 mai 2014 pour rejoindre la société Aub'Inox située dans le même département et dont l'activité principale était la chaudronnerie industrielle, que son successeur a repris les dossiers en cours dont celui de la société Trefilac, que cette société qui devait, selon devis réalisé, effectuer des travaux de remplacement de la boucle de chauffage à compter du 15 juillet 2014 a au dernier moment décidé de traiter à un prix plus intéressant avec la société Aub'Inox alors que cette dernière ne faisait habituellement pas de prestations en matière de tuyauterie industrielle, que ce n'est que grâce aux connaissances de M. X..., qui savait que la société Trefilac devait signer un devis et à l'utilisation du travail qu'elle avait effectué, que ce client a pu être récupéré par la société Aub'Inox et qu'un prix moins important a pu lui être proposé ; qu'elle ajoutait que M. X... s'est dès le 19 mai 2014 rendu chez le client Electrolux qui avait le même jour un rendez-vous avec la société TI-IT, qu'il a traité avec le client Icoa France pour lequel un devis avait été établi le 29 avril 2014 en appliquant un prix plus intéressant, qu'il s'est rendu chez d'autres clients de la société TI-IT et que la société Aub'Inox utilisait depuis l'arrivée de M. X... son fichier clients, des éléments se rapportant aux phases d'études de prestations et des devis établis pour détourner sa clientèle ; qu'elle a présenté à l'appui de ses dires la lettre de démission adressée par M. X..., les devis et documents d'études exécutés pour la société Trefilac avant son départ, l'attestation de M. Y... qui a succédé à M. X..., les messages échangés avec la société Trefilac, les devis Electrolux, Icoa France et Devanlay ; que le président du tribunal de commerce a, au vu de ces éléments, clairement relevé dans son ordonnance du 4 août 2014, que la commission d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société TI-IT était à craindre et que les circonstances exigeaient que la mesure de constat soit ordonnée de manière non contradictoire « eu égard aux risques de déperdition des preuves en cas de débat contradictoire préalable, de destruction de documents dont la conservation pourrait ne pas être assurée et au risque de soustraction d'éléments susceptibles de constituer des preuves » ; que sa décision a donc été motivée tant sur l'existence d'un motif légitime justifiant que soit ordonnée une mesure d'instruction que sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire ; que la cour constate au vu des pièces versées aux débats par la société TI-IT démontre, que quatre clients de cette société pour lesquels des devis avaient été établis, n'ont plus donné suite à leurs projets et que deux d'entre eux ont dans les deux mois suivant le départ de M. X... et son embauche par la société Aub'Inox, contracté avec cette société à des conditions plus avantageuses ; que ces éléments constituent, même en l'absence de toute clause de non-concurrence à la charge du salarié démissionnaire, des indices de procédés déloyaux laissant supposer l'utilisation par la société Aub'Inox de connaissances acquises par l'un de ses salariés au cours de son activité au sein de la société TI-IT et permettant de détourner la clientèle de celle-ci ; que la demande de constat formée par la société TI-IT repose donc sur un motif sérieux et légitime et peut seule permettre à l'intimée de conserver la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; que la mesure sollicitée ne peut au vu de l'existence d'un risque de concurrence déloyale se heurter au secret des affaires ; que le risque de déperdition des preuves, de destructions et d'effacement des documents se trouvant dans le système informatique de la société Aub'Inox imposait, sauf à priver la mesure de constat sollicitée de toute efficacité, qu'elle ne soit pas ordonnée contradictoirement ; que la mesure de constat autorisée dans les locaux professionnels de la société Aub'Inox a été strictement délimitée et est proportionnée à la recherche de preuve justifiée par un risque de concurrence apparu lors de l'embauche d'un ex-salarié de la société TI-IT ; qu'elle a été limitée à la recherche de documents concernant les quatre clients cités par la société requérante et concernés par les devis produits, à l'examen des disques durs des ordinateurs équipant les locaux de la société Aub'Inox et à la recherche de tous documents susceptibles d'émaner de la société TI-IT (devis, fichiers clients, factures, plans schémas études courriers portant l'en-tête de cette société) ; que les demandes tendant à faire procéder à l'examen de l'ordinateur se trouvant au domicile de M. X... et à faire « cracker » les mots de passe ont été rejetées ; que par ordonnance de référé du 2 juin 2015, le président du tribunal de commerce saisi d'une demande de rétractation de son ordonnance sur requête du 4 août 2014, a, après avoir entendu les observations de la société Aub'Inox qui soutenait qu'il avait été trompé et abusé sur la réalité des faits qui lui ont été présentés par la société TI-IT, débouté cette société de ses demandes en se référant aux motifs de son ordonnance sur requête ; que les explications et allégations de l'appelante ne permettent pas d'établir comme elle le soutient que la société TI-IT a manqué de bonne foi et a sciemment porté atteinte au secret des affaires et perturbé le fonctionnement d'une entreprise concurrente, alors que les pièces versées aux débats et notamment les devis établis, les échanges de messages révélant que certains clients avaient confié à M. X... la finalisation des projets initiés avec TI-IT et l'attestation du successeur de M. X... démontrent qu'il était à craindre qu'elle soit victime d'actes de concurrence déloyale suite au départ de son technicien commercial et à l'embauche de ce dernier par la société Aub'Inox ; que le premier juge a parfaitement motivé son ordonnance sur requête et son ordonnance de référé tant sur le motif légitime justifiant le prononcé de la mesure sollicitée que sur la nécessité de l'ordonner de manière non-contradictoire et ne s'est nullement contenté de considérations générales ; que la mesure de constat ordonnée était seule à même de permettre à la société TI-IT de savoir si la société Aub'Inox avait contracté avec les clients Trefilac, Electrolux, lcoa France Devanlay auxquels elle avait établi des devis et de connaître, le cas échéant les circonstances et les conditions de ses interventions ; qu'elle est proportionnée et limitée à ces quatre clients et ne constitue nullement, comme le soutient la société Aub'Inox, une mesure d'investigation générale permettant à la requérante d'accéder à l'ensemble des documents commerciaux de sa concurrente et à l'huissier de fouiller à son gré les fichiers contenus dans son système informatique ; que le constat dressé par l'huissier de justice en exécution de l'ordonnance sur requête ne constitue nullement une saisie et l'autorisation donnée à l'huissier de se faire, en tant que de besoin, assister des forces de police et d'un serrurier pour permettre le cas échéant l'ouverture des locaux n'est pas excessive et n'a pas permis l'exercice de contraintes et l'exécution d'investigations non autorisées ou la remise de documents sans lien avec le litige ; que le premier juge a fait une juste application des articles 145 et 875 du code de procédure civile et a ordonné une mesure adaptée et limitée ; que l'ordonnance de référé du 2 juin 2015 sera donc confirmée en tant qu'elle a rejeté la demande en rétractation de l'ordonnance sur requête du 4 août 2014 ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution à la société Aub'Inox de l'ensemble des données et documents appréhendés lors des opérations de constat du 2 septembre 2014 ; que l'introduction d'une demande en justice et l'exercice d'une voie de recours constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; que le premier juge a justement constaté que la société Aub'Inox a agi de mauvaise foi en opposant une résistance purement dilatoire, alors que la demande n'était pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance déférée sera donc confirmée en tant qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, la société TI-IT ne justifiant pas avoir subi un préjudice d'un montant supérieur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le juge peut être saisi sur requête lorsque les circonstances exigent que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement ; que l'ordonnance est prise au vu du constat du juge s'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que tel est le cas lorsqu'il y a lieu de craindre que les documents soient détruits, ou encore qu'un élément détenu par une partie ne soit pas produit aux débats par la suite ou encore en cas de risque de dissimulation ou de suppression des preuves ou des faits litigieux ; que dans ce type de cas, pour que la mesure présente une utilité, il est indispensable que la personne visée n'en soit pas préalablement avisée ; que les affaires de concurrence déloyale sont souvent concernées par les ordonnances sur requête afin de procéder à des investigations et des constatations utiles caractérisant l'existence d'actes de concurrence déloyale ; qu'il y a en effet toujours un risque de dissimulation de documents et de matériels par la partie adverse ; qu'un effet de surprise justifie pleinement le recours à la procédure de l'ordonnance sur requête ; que l'ordonnance du 4 août 2014 est motivée ; que le juge des référés recevra en ses demandes la SAS Aub'Inox, la déclarera mal fondée et la déboutera de ses demandes ; que la société Aub'Inox a agi de mauvaise foi en opposant une résistance purement dilatoire à une demande qui n'était pas sérieusement contestable ; que le juge des référés fera droit à la demande d'allocation de dommages et intérêts de la société TI-IT et condamnera la société Aub'Inox à payer à la société TI-IT la somme de 1 000 € pour procédure abusive ;

ALORS QUE l'exercice d'une action en justice constitue un droit fondamental qui ne peut engager la responsabilité de son auteur qu'en cas d'abus ; que l'action en rétractation ouverte au tiers à l'égard duquel une mesure d'instruction a été ordonnée sur requête, sans qu'il ait donc pu présenter alors ses observations, a pour objet de rétablir le contradictoire ; qu'en se bornant à affirmer que la société Aub'Inox aurait agi de mauvaise foi en opposant une résistance purement dilatoire à une demande qui n'aurait pas été contestable, la cour d'appel, qui n'a, ainsi, caractérisé aucune faute ayant pu faire dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice et de rétablir le contradictoire après le prononcé, à son encontre, d'une ordonnance sur requête, a violé l'article 1382, devenu 1240, du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-23538
Date de la décision : 28/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 07 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 sep. 2017, pourvoi n°16-23538


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.23538
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