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27/09/2017 | FRANCE | N°16-20133

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2017, 16-20133


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 4 mai 2016), que la société Gerelec commercialise auprès des établissements scolaires un logiciel de gestion des manuels scolaires que ceux-ci mettent à la disposition de leurs élèves ; que la société Artémis vend, dans la librairie qu'elle exploite, des livres scolaires et fournit, pour tout achat, à titre gratuit, un logiciel de gestion de leur prêt ; que lui reprochant une pratique illicite de vente

avec prime, la société Gerelec a assigné la société Artémis en réparation d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 4 mai 2016), que la société Gerelec commercialise auprès des établissements scolaires un logiciel de gestion des manuels scolaires que ceux-ci mettent à la disposition de leurs élèves ; que la société Artémis vend, dans la librairie qu'elle exploite, des livres scolaires et fournit, pour tout achat, à titre gratuit, un logiciel de gestion de leur prêt ; que lui reprochant une pratique illicite de vente avec prime, la société Gerelec a assigné la société Artémis en réparation de son préjudice pour concurrence déloyale ;

Attendu que la société Gerelec fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes et d'ordonner la publication, à ses frais, de la décision alors, selon le moyen, que les ventes à prime de livres ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, que si elles sont proposées, par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance ; qu'en retenant que des ventes de livres scolaires assorties de la fourniture à titre gratuit d'un logiciel de gestion des prêts, consenties par la société Artémis à des établissements d'enseignement, seraient autorisées, au motif inopérant que le prix effectif des livres scolaires peut-être fixé librement lorsque l'achat est effectué pour ses besoins propres, excluant la revente, par un établissement d'enseignement, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une dérogation qu'elle ne comporte pas, a violé les articles 3, dernier alinéa, et 6 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ;

Mais attendu qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, rappelé que l'interdiction spécifique des ventes de livres avec prime énoncée à l'article 6 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre a été adoptée pour éviter que ne soit contournée l'obligation de vendre au prix minimum imposé par l'éditeur, l'arrêt constate que les livres en cause vendus avec le logiciel de gestion de leur prêt et de leur étiquetage sont des manuels scolaires et que la société Artémis les vend pour les besoins propres des établissements d'enseignement ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que le prix effectif de vente de ces manuels pouvait être fixé librement, en application de l'article 3 de cette loi qui prévoit que le prix effectif des livres scolaires peut être fixé librement dès lors que l'achat est effectué, notamment, pour ses besoins propres, excluant la revente, par un établissement d'enseignement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gerelec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Gerelec

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté la société Gerelec de l'ensemble de ses demandes formées contre la société Artemis et, y ajoutant, d'AVOIR « ordonné la publication, aux frais de la société Gerelec, dans trois journaux, magazines ou publications au choix de la société Artemis » ;

AUX MOTIFS QUE la société Gerelec commercialise depuis 1996 un logiciel de gestion de manuels scolaires destiné à faciliter le prêt, le suivi, le stock et la gestion des manuels scolaires distribués aux élèves pour la durée de l'année scolaire ; qu'un établissement scolaire acquiert le logiciel, référence les titres des manuels puis commande les manuels en compte ; que le libraire récupère la commande et les étiquettes générées sur la plate-forme Internet mise à disposition et les appose sur les livres neufs avant la livraison ; que le logiciel peut également éditer seul, de façon autonome, et sous le contrôle de l'utilisateur, les étiquettes d'identification des codes-barres des manuels en stock ; qu'ensuite, par simple lecture optique du code-barres, l'établissement scolaire enregistre alors le prêt et le suivi des ouvrages confiés aux élèves pour l'année scolaire ; que le logiciel est proposé et vendu à l'ensemble des collèges et lycées publics et privés sur le territoire national et les territoires d'outre-mer ainsi qu'aux établissements français à l'étranger ; que la société Artemis exerce une activité de librairie sous le nom commercial Librairie LDE ; qu'elle a développé, à partir de 2001, un logiciel de prêt de manuels scolaires en partenariat avec différents lycées ; qu'en page 3 de ses dernières écritures, la société Artemis a rappelé qu'elle exerçait la profession de libraire alors que la société Gerelec avait pour seule activité le développement de logiciels et ne diffusant donc pas d'ouvrages ; que la concurrence déloyale est une forme particulière de responsabilité civile fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil ; que le comportement d'un professionnel peut être qualifié de déloyal dans la mesure où les parties incriminées touchent une clientèle identique dans un même domaine d'activité ; que les sociétés Gerelec et Artemis n'interviennent pas dans le même domaine d'activité ; que les comportements déloyaux sanctionnés sont les pratiques tendant à la confusion avec l'entreprise concurrente ou avec sa production, à la désorganisation de ce même concurrent par diverses voies provoquant un trouble certain au sein de la clientèle ; qu'en l'espèce, la société Gerelec soutient que la société Artemis utilise la pratique illicite de vente avec prime ; que la société Artemis ne conteste pas qu'elle fournit gratuitement un logiciel pour la gestion des manuels scolaires, pour tout achat de manuel scolaire ; que cependant, il ne peut être reproché à la société intimée des ventes avec primes et les dispositions de l'article 6 de la loi du 10 août 1981 ne s'appliquent pas en l'espèce dès lors que la société Artemis vend des manuels scolaires, dont le prix effectif de vente peut être fixé librement dès lors que l'achat est effectué par une association facilitant l'acquisition de livres scolaires par ses membres ou, pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l'Etat, à une collectivité territoriale ou un établissement d'enseignement ; qu'en l'espèce, la vente est réalisée pour les besoins propres des établissements et en conséquence, l'article 3 de la loi précitée doit trouver application et, l'article 6 n'est pas applicable ; que par ailleurs la société Gerelec admet que les manuels vendus par la société Artemis sont vendus plus chers que les autres librairies ; que les logiciels ne sont pas systématiquement gratuits, ils peuvent être vendus séparément ; qu'ainsi, la société Gerelec ne rapporte pas la preuve d'un risque de confusion et de pratique illicite constitutive de concurrence déloyale, imputable à la société Artemis ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Gerelec invoque les dispositions de l'article 6 de la loi numéro 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre selon lesquelles « les ventes à primes ne sont autorisées sous réserve des dispositions de la loi numéro 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi numéro 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée que si elles sont proposées, par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance ; qu'elle prétend que la fourniture gratuite du logiciel CRISTAL par la défenderesse aux acquéreurs de livres scolaires constitue une vente avec prime prohibée et produit à l'appui de sa thèse l'avis numéro 09-04 daté du 5 mars 2009 émanant de la Commission d'examen des pratiques commerciales prévue par l'article L. 440 du code de commerce ; que ladite commission indique notamment dans son avis précité : « la loi numéro 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », impose à tout éditeur importateur de fixer un prix de vente au public. Le détaillant doit revendre le livre à un prix compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur. Cette mesure ne vise donc pas les grossistes qui peuvent consentir des remises sur ce prix. Toutefois l'article 6 de la loi précitée dispose : « les ventes à primes ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de la loi numéro 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi numéro 73-193 du 27 décembre modifiée, que si elles sont proposées, par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance. Ce texte étend donc l'interdiction générale des ventes avec primes qui ne vise que les ventes aux consommateurs puisqu'il régit notamment les ventes de l'éditeur aux détaillants. Il est donc susceptible de s'appliquer en l'occurrence même si les établissements d'enseignement n'ont pas la qualité de consommateur. Or les ventes aux lycées et collèges ne peuvent bénéficier d'une des exceptions d'interdiction élargie prévue par ce texte. En effet les établissements clients n'ont pas la qualité de détaillant puisqu'ils ne revendent pas les ouvrages achetés et le grossiste n'est ni éditeur, ni importateur. Par ailleurs les livres vendus ne sont pas réservés à la vente par courtage, abonnement ou correspondance. Ainsi même si l'interdiction spécifique des ventes de livres avec prime a été adoptée pour éviter que ne soit contournée l'obligation de vendre au prix minimum imposé par l'éditeur, l'interprétation stricte du texte conduit à appliquer à la situation décrite par l'entreprise qui a saisi la CEPC. Cette entreprise parait donc fondée à engager une action en cessation ou en réparation devant le juge civil compétent. Elle pourrait également envisager de saisir l'Autorité de la concurrence notamment si elle estimait que le grossiste détient sur le marché pertinent une position dominante et que la pratique en cause créera un mécanisme d'enchaînement abusif, la CEPC ne garantissant pas le sort d'une telle démarche » ; que cependant, cet avis qui ne lie en aucune manière la juridiction de céans méconnaît totalement les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 3 de la loi précitée du 10 août 1981 qui prévoient explicitement que le prix effectif des livres scolaires peut être fixé librement, dès lors que l'achat est effectué par une association facilitant l'acquisition de livres scolaires par ses membres ou, pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l'Etat, une collectivités territoriale ou un établissement d'enseignement ; que les livres en cause dans le cadre du présent litige, vendus avec le logiciel Cristal de gestion de prêt et d'étiquetage de ces ouvrages, sont des manuels scolaires, la demanderesse indiquant elle-même dans ses dernières conclusions, dans l'énoncé des faits et de la procédure (en page 2), que la défenderesse a pour objet le commerce de détail de livres scolaires auprès des établissements publics et privés et que depuis quelques années elle s'est aperçue qu'en procédant à la vente de ses livres, la société Artemis offrait gratuitement aux établissements scolaires un logiciel de gestion de prêt et d'étiquetage des manuels scolaires dont les fonctions sont identiques au logiciel développé par ses soins ; que la commission précitée a indiqué elle-même dans son avis en page un qu'afin de rendre son offre plus attractive, cette société propose en contrepartie de l'achat de manuels scolaires, la fourniture gratuite d'un logiciel de gestion de prêts assortis de la fourniture et la pose d'étiquettes comportant un code-barres sur les livres fournis ; qu'il n'est pas contesté que les manuels en cause correspondent à la définition fournie par l'article 1er du décret numéro 85-862 du 8 août 1985 pris en application de l'alinéa 4 de l'article 3 de la loi du 10 août 1981 à savoir qu'il s'agit de manuels et de leurs modes d'emploi, ainsi que des cahiers d'exercices et de travaux pratiques qui les complètent ou les ensembles de fiches qui s'y substituent, régulièrement utilisés dans le cadre de l'enseignement primaire, secondaire et préparatoire aux grandes écoles dans les formations au brevet de technicien supérieur et conçus pour répondre à un programme préalablement défini ou agréé par les ministres concernés ; que dès lors le prix de vente effectif de ces livres scolaires peut être fixé librement sans tenir compte des dispositions de l'article 6 de la loi du 10 août 1981, notamment pour leur vente par la société Artemis à des établissements d'enseignement, seuls concernés dans le cadre du présent litige et que rien n'interdit à ce revendeur de livre scolaires de diminuer un peu les remises habituellement consenties par ses concurrents pour fournir avec ses livres le logiciel de gestion de prêt et d'étiquetage, sans le faire payer à tout le moins sur le plan juridique ; que la demande formée par la société Gerelec ne peut donc qu'être rejetée en tant qu'elle est fondée sur les dispositions précitées ;

1°) ALORS QU'une situation de concurrence directe ou effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'en retenant que le comportement d'un professionnel ne pourrait être qualifié de déloyal que « dans la mesure où les parties incriminées touchent une clientèle identique dans un même domaine d'activité », la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant que les sociétés Gerelec et Artemis n'interviendraient pas dans le même domaine d'activité, après avoir constaté que la société Gerelec commercialisait, auprès des établissements scolaires, un logiciel de gestion de manuels scolaires destiné à faciliter le prêt aux élèves, comme la société Artemis qui, exercerait-elle en outre une activité de librairie, commercialisait aussi, auprès des établissements scolaires, un logiciel de prêt de manuels scolaires, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les ventes à prime de livres ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, que si elles sont proposées, par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance ; qu'en retenant que des ventes de livres scolaires assorties de la fourniture à titre gratuit d'un logiciel de gestion des prêts, consenties par la société Artemis à des établissements d'enseignement, seraient autorisées, au motif inopérant que le prix effectif des livres scolaires peut-être fixé librement lorsque l'achat est effectué pour ses besoins propres, excluant la revente, par un établissement d'enseignement, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une dérogation qu'elle ne comporte pas, a violé les articles 3, dernier alinéa, et 6 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-20133
Date de la décision : 27/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 04 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 sep. 2017, pourvoi n°16-20133


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.20133
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