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20/09/2017 | FRANCE | N°15-25502

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 15-25502


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2015), que, suivant acte du 11 août 2009, la société de droit nigérian Union Bank of Nigeria (la société UBN) a donné à la société de droit français Rotschild et Cie (la société Rotschild) et à la société de droit suisse GG Private, devenue « UBN Capital Switzerland », un mandat exclusif d'assistance et de recherche d'investisseurs dans le cadre d'une opération de recapitalisation ; que ce contrat, soumis par les parties

à la loi française, a été conclu pour une période d'un an, renouvelable par tacit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2015), que, suivant acte du 11 août 2009, la société de droit nigérian Union Bank of Nigeria (la société UBN) a donné à la société de droit français Rotschild et Cie (la société Rotschild) et à la société de droit suisse GG Private, devenue « UBN Capital Switzerland », un mandat exclusif d'assistance et de recherche d'investisseurs dans le cadre d'une opération de recapitalisation ; que ce contrat, soumis par les parties à la loi française, a été conclu pour une période d'un an, renouvelable par tacite reconduction pour deux périodes de six mois à défaut de résiliation un mois avant l'échéance, et prévoyait une rémunération des conseillers par une provision mensuelle à valoir sur une commission de succès assise sur le montant de l'opération réalisée pendant la durée du contrat, outre le remboursement des frais ; que le 14 août 2009, à la suite d'un audit révélant la situation financière dégradée de la société UBN, la Central Bank of Nigeria (la banque centrale du Nigéria) a prononcé la mise sous tutelle de la société UBN et a remplacé son directeur général, avec effet immédiat ; que, le 15 décembre 2010, la société Rotschild a résilié le contrat à effet du 11 février 2011 ; que la société UBN a conclu, en mars 2011, un accord de principe de recapitalisation de 750 millions de dollars américains avec un consortium dirigé par la société Africa Capital Alliance, accord suivi par la signature, le 12 juillet 2011, d'un contrat de recapitalisation, les sociétés Chapel Hill et Deutsche Bank étant intervenues comme conseillers financiers à la demande de la banque centrale du Nigéria ; qu'estimant que, faute de résiliation de sa part, le mandat s'était poursuivi jusqu'au 11 août 2011 et reprochant à la société UBN une inexécution fautive de ce mandat exclusif, la société GG Private a, le 29 septembre 2011, assigné la société UBN en paiement d'une certaine somme à titre de commissions et de remboursement de frais ; que la société UBN s'est opposée à cette demande en invoquant, notamment, la mise sous tutelle dont elle avait fait l'objet, constitutive de fait du prince ou force majeure ;

Attendu que la société GG Private fait grief à l'arrêt de constater que le contrat conclu le 11 août 2009 entre les sociétés UBN et GG Private avait été résilié avec effet au 11 février 2011 et de rejeter l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le fait du prince, qui est une variété de force majeure, ne peut exonérer le débiteur qu'à la condition que l'acte de l'autorité qu'il invoque, extérieur et imprévisible, l'ait empêché d'accomplir l'obligation mise à sa charge par le contrat ; que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut jamais s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a retenu que la société UBN a été « mise sous le contrôle » de la banque centrale du Nigéria et que cette dernière a fait le choix de désigner de nouveaux conseillers, en particulier la société Chapel Hill, pour exécuter la mission précédemment confiée à la société GG Private par le mandat du 11 août 2009 ; qu'en considérant que cette circonstance pouvait dispenser la société UBN d'exécuter son obligation de payer à la société GG Private ses émoluments et frais et en l'exonérant totalement sur le fondement du fait du prince, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 1999 du même code ;
2°/ que le fait du prince suppose pour être exonératoire, comme tout événement de force majeure, qu'il ait revêtu un caractère imprévisible au moment de la conclusion du contrat ; qu'au cas d'espèce, la société GG Private faisait valoir que l'ordonnance et la directive prises par le gouverneur de la banque centrale nigériane imposant des restrictions à la société UBN ne revêtaient pas un caractère d'imprévisibilité au moment de la conclusion du mandat, le 11 août 2009, dès lors qu'à cette date, la situation de la banque était d'ores et déjà très dégradée, ce qui avait justement motivé d'une part, la recherche par celle-ci d'investisseurs susceptibles de la recapitaliser et d'autre part, la prise des décisions de la banque centrale nigériane dont la première était intervenue seulement trois jours plus tard, soit le 14 août 2009 ; qu'en se bornant à énoncer que la « mise sous contrôle » de la société UBN était un fait du prince présentant un caractère « imprévisible lors de la formation du contrat », sans mieux s'expliquer sur la situation de la banque au jour de la conclusion du contrat, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil ;

3°/ que le fait du prince ne peut être invoqué par le débiteur lorsque la décision de l'autorité qui s'impose à lui résulte de son propre comportement, peu important son caractère fautif ; qu'au cas d'espèce, la société GG Private soutenait qu'en toute hypothèse, la prétendue « mise sous tutelle » ou « mise sous contrôle » de la société UBN par la banque centrale du Nigéria résultait de la situation dégradée de ses liquidités, et donc de son propre comportement, en sorte qu'elle ne pouvait se retrancher derrière la décision de la banque centrale pour prétendre échapper aux conséquences de l'inexécution des obligations issues du contrat de mandat du 11 août 2009 ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'était pas démontré que la « mise sous contrôle » procédait de fautes imputables à la banque UBN, qui ne pouvaient se déduire de la situation dégradée révélée par l'audit, quand seul comptait le point de savoir si la décision administrative étrangère n'était pas due au comportement du débiteur, peu important son caractère fautif, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé les articles 1134, 1147 et 1148 du code civil ;

4°/ que le fait du prince suppose une décision émanant d'une autorité publique qui, agissant dans sa sphère de compétence, empêche le débiteur d'exécuter son obligation ; qu'au cas d'espèce, la société GG Private soutenait dans ses conclusions qu'en vertu de la loi du Nigéria, régissant par hypothèse les activités de ses pouvoirs publics, la banque centrale du Nigéria n'avait pas le pouvoir de mettre une banque commerciale sous tutelle, ni d'exercer un contrôle sur elle, un tel pouvoir étant exclusivement réservé à un autre organisme, indépendant de la banque centrale, dénommé Nigeria Deposit Insurance Corporation (NDIC), comme cela résultait des éléments de droit nigérian versés aux débats avec leur traduction, et en particulier de la loi nigériane dite Bank and Other Financial Institutions Act (BOFIA) section 35, d'un côté, section 36-38, de l'autre, en sorte qu'il était impossible de considérer que la société UBN avait été placée « sous la tutelle », ou bien encore « sous le contrôle », de la banque centrale du Nigéria, dont ce n'était pas la compétence et, partant, de retenir que la société UBN ait pu se heurter à un fait du prince ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de retenir que la société UBN s'était heurtée à un fait du prince résultant des décisions du gouverneur de la banque centrale du Nigéria, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 3 du même code ;

5°/ que le fait du prince suppose une décision émanant d'une autorité publique qui, agissant dans sa sphère de compétence, empêche le débiteur d'exécuter son obligation ; que la société GG Private faisait valoir qu'aux termes du communiqué de presse émanant de la banque centrale du Nigéria en date du 3 septembre 2009, qui avait été pris pour mettre fin à diverses rumeurs non fondées, aucune banque commerciale à laquelle la banque centrale du Nigéria avait accordé un prêt ne se retrouvait sous sa tutelle ou sous son contrôle ou bien encore nationalisée ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure que la société UBN avait été placée « sous la tutelle » ou bien encore « sous le contrôle » de la banque centrale du Nigéria et s'était donc heurtée à un fait du prince présentant pour elle un caractère irrésistible justifiant l'inexécution du contrat de mandat conclu avec la société GG Private, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 3 du même code ;

6°/ que le fait du prince, comme tout événement de force majeure, suppose pour libérer le débiteur une impossibilité définitive d'exécution du contrat ; qu'au cas d'espèce, en considérant que la prétendue décision de la banque centrale du Nigéria de « mettre sous contrôle » la société UBN, suivie de la nomination de nouveaux conseillers financiers chargés de la même mission que celle auparavant confiée à la société GG Private, constituait un fait du prince justifiant la libération de la société UBN de ses obligations, quand ces circonstances étaient insuffisantes à caractériser l'impossibilité définitive pour la société UBN d'exécuter le contrat conclu avec la société GG Private, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 1999 du même code ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte des conclusions d'appel de la société GG Private qu'elle poursuivait la condamnation de la société UBN au paiement de dommages-intérêts en raison de l'inexécution, par cette dernière, de ses obligations contractuelles ; que le grief de la première branche, en ce qu'il soutient que le fait du prince ne peut être invoqué par le débiteur d'une obligation de paiement d'une somme d'argent en exécution du contrat, est donc inopérant ;

Attendu, en deuxième lieu, que la société GG private, qui, pour contester l'existence de la condition d'imprévisibilité de la force majeure, s'était bornée, dans ses conclusions devant la cour d'appel, à faire valoir un seul moyen précis, suivant lequel l'établissement bancaire nigérian pouvait difficilement soutenir que les conséquences de sa mauvaise gestion étaient imprévisibles en 2009, puisque le BOFIA (Banks and other financial institutions Act), loi de régulation bancaire du Nigéria, avait été adopté en 2004, n'invitait pas la cour d'appel à déduire, contrairement à l'allégation de la deuxième branche du moyen, la prévisibilité, à la date de conclusion du contrat de mandat, le 11 août 2009, de la mise sous contrôle de la société UBN, décidée le 14 août suivant, du caractère « d'ores et déjà très dégradée » de sa situation trois jours auparavant ;

Attendu, en troisième lieu, qu'il résulte des conclusions d'appel de la société GG Private qu'elle soutenait que le fait du prince n'est pas exonératoire de responsabilité en cas de faute de la personne qui l'a subi et qu'en l'espèce, c'était la mauvaise gestion de ses liquidités par la société UBN qui avait entraîné sa mise sous contrôle ; qu'est donc incompatible avec cette thèse le grief de la troisième branche, qui prétend que le fait du prince ne peut être invoqué par le débiteur lorsque la décision de l'autorité qui s'impose à lui résulte de son propre comportement, peu important son caractère fautif ;

Attendu, en quatrième lieu, qu'après avoir constaté qu'un communiqué de presse de la Banque du Nigéria, du 14 novembre 2009, révélait que celle-ci avait la maîtrise de la restructuration du secteur bancaire de ce pays, l'arrêt relève que la directive et l'ordonnance prises le 14 août 2009 par cette institution interdisaient à la société UBN de réunir une assemblée générale sans son accord et procédaient à la nomination d'un nouveau président ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, à qui il n'appartenait pas de se prononcer sur la régularité de la procédure suivie par les autorités nigérianes, a pu déduire que la société UBN s'était ainsi trouvée soumise à un contrôle de sa gestion auquel elle ne pouvait se soustraire ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société GG Private ait soutenu devant la cour d'appel que l'impossibilité pour la société UBN d'exécuter le contrat en raison du fait du prince n'était pas définitive et que, dans ses conditions, la force majeure n'était pas caractérisée ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses troisième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société UBN Capital Switzerland aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société UBN Capital Switzerland.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté que le contrat conclu le 11 août 2009 entre la société Union Bank of Nigeria et la société GG Private avait été résilié avec effet au 11 février 2011 et d'AVOIR débouté la société GG Private de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur la force majeure ou le fait du prince : UBN fait plaider que la mise sous tutelle ou supervision décidée par CBN constitue le fait du prince exclusif de toute responsabilité prévu par l'article 1148 du code civil, tandis que GG Private soutient que non seulement le fait du prince n'est pas établi en l'espèce en ce que notamment la prétendue mise sous tutelle se traduit en réalité par un prêt sans que la banque bénéficiaire soit privée de ses pouvoirs, mais encore que cette circonstance n'est pas exonératoire en cas de faute de celui qui l'invoque, UBN étant pleinement responsable de l'aggravation de sa situation financière qui a conduit CBN à intervenir ; qu'il est constant que le 14 août 2009, soit quelques jours après la signature du mandat litigieux, à la suite d'un audit qui révélait une situation financière dégradée, la banque centrale du Nigéria (CBN) a pris une directive plaçant UBN sous surveillance et une ordonnance nommant un nouveau président ; que la directive énonce les restrictions imposées à UBN, en particulier celle de réunir une assemblée générale, sans l'accord de CBN ce dont il s'évince que loin d'être simple bénéficiaire d'un prêt, UBN se trouvait désormais soumise à un contrôle de gestion ; que cela est si vrai que par lettre du 3 septembre 2009 adressée au gouverneur de CBN, la société Rothschild présentant le mandat confié à GG Private et à elle-même par UBN, indiquait « informés des développements récents de la banque … nous recherchons votre coopération pour que CBN ratifie notre mandat exclusif de conseillers et, selon votre volonté, notre nomination en tant que conseillers pour UBN en application de l'article 35 (2) (e) du Banking and Other Financial Institutions Act dans le but de recapitaliser la banque » et fournissait les coordonnées des points de contact de chacun des deux conseillers, M. X...pour Rothschild et M. Y...pour GG Private ; que GG Private ne conteste pas sérieusement avoir recherché conjointement avec Rothschild la ratification du mandat par CBN ; que de plus, si elle affirme qu'UBN a procédé à la nomination de Chapel Hill en qualité de conseiller financier chargé de prestations identiques à celles qui lui avaient été confiées ainsi qu'à Rothschild, GG Private verse au débat un communiqué de presse de CBN en date du 14 novembre 2009 intitulé « CBN désigne des conseillers à 10 banques » dont il résulte clairement que CBN est à l'origine de la nomination des nouveaux conseillers dont Chapel Hill, en charge de mettre en oeuvre la recapitalisation des banques concernées dont UBN et qu'elle a désormais la maîtrise de la restructuration du secteur bancaire ; qu'une telle mise sous contrôle constitue le fait du prince équivalent à la force majeure s'agissant d'une décision émanant de l'autorité de tutelle, imprévisible lors de la formation du contrat et insurmontable, sans qu'il soit démontré que cet événement procédait de fautes imputables à la banque lesquelles ne peuvent se déduire de la situation dégradée révélée par l'audit ; que conformément à l'article 1148 du code civil, il n'y a donc pas lieu à dommages et intérêts ; qu'à ce motif, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté GG Private de ses demandes ;

1) ALORS QUE le fait du prince, qui est une variété de force majeure, ne peut exonérer le débiteur qu'à la condition que l'acte de l'autorité qu'il invoque, extérieur et imprévisible, l'ait empêché d'accomplir l'obligation mise à sa charge par le contrat ; que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut jamais s'exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a retenu que la société UBN a été « mise sous le contrôle » de la banque centrale du Nigéria et que cette dernière a fait le choix de désigner de nouveaux conseillers, en particulier la société Chapel Hill, pour exécuter la mission précédemment confiée à la société GG Private par le mandat du 11 août 2009 ; qu'en considérant que cette circonstance pouvait dispenser la société UBN d'exécuter son obligation de payer à la société GG Private ses émoluments et frais et en l'exonérant totalement sur le fondement du fait du prince, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 1999 du même code ;

2) ALORS QUE le fait du prince suppose pour être exonératoire, comme tout événement de force majeure, qu'il ait revêtu un caractère imprévisible au moment de la conclusion du contrat ; qu'au cas d'espèce, la société GG Private faisait valoir que l'ordonnance et la directive prises par le gouverneur de la banque centrale nigériane imposant des restrictions à la société UBN ne revêtaient pas un caractère d'imprévisibilité au moment de la conclusion du mandat, le 11 août 2009, dès lors qu'à cette date, la situation de la banque était d'ores et déjà très dégradée, ce qui avait justement motivé d'une part, la recherche par celle-ci d'investisseurs susceptibles de la recapitaliser et d'autre part, la prise des décisions de la banque centrale nigériane dont la première était intervenue seulement trois jours plus tard, soit le 14 août 2009 ; qu'en se bornant à énoncer que la « mise sous contrôle » de la société UBN était un fait du prince présentant un caractère « imprévisible lors de la formation du contrat », sans mieux s'expliquer sur la situation de la banque au jour de la conclusion du contrat, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil ;

3) ALORS QUE le fait du prince ne peut être invoqué par le débiteur lorsque la décision de l'autorité qui s'impose à lui résulte de son propre comportement, peu important son caractère fautif ; qu'au cas d'espèce, la société GG Private soutenait qu'en toute hypothèse, la prétendue « mise sous tutelle » ou « mise sous contrôle » de la société UBN par la banque centrale du Nigéria résultait de la situation dégradée de ses liquidités, et donc de son propre comportement, en sorte qu'elle ne pouvait se retrancher derrière la décision de la banque centrale pour prétendre échapper aux conséquences de l'inexécution des obligations issues du contrat de mandat du 11 août 2009 (conclusions d'appel du 5 janvier 2015, p. 33) ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'était pas démontré que la « mise sous contrôle » procédait de fautes imputables à la banque UBN, qui ne pouvaient se déduire de la situation dégradée révélée par l'audit, quand seul comptait le point de savoir si la décision administrative étrangère n'était pas due au comportement du débiteur, peu important son caractère fautif, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé les articles 1134, 1147 et 1148 du code civil ;

4) ALORS QUE le fait du prince suppose une décision émanant d'une autorité publique qui, agissant dans sa sphère de compétence, empêche le débiteur d'exécuter son obligation ; qu'au cas d'espèce, la société GG Private soutenait dans ses conclusions (signification du 5 janvier 2015, p. 28-30) qu'en vertu de la loi du Nigéria, régissant par hypothèse les activités de ses pouvoirs publics, la banque centrale du Nigéria n'avait pas le pouvoir de mettre une banque commerciale sous tutelle, ni d'exercer un contrôle sur elle, un tel pouvoir étant exclusivement réservé à un autre organisme, indépendant de la banque centrale, dénommé Nigeria Deposit Insurance Corporation (NDIC), comme cela résultait des éléments de droit nigérian versés aux débats avec leur traduction, et en particulier de la loi nigériane dite Bank and Other Financial Institutions Act (BOFIA) section 35, d'un côté, section 36-38, de l'autre, en sorte qu'il était impossible de considérer que la société UBN avait été placée « sous la tutelle », ou bien encore « sous le contrôle », de la banque centrale du Nigéria, dont ce n'était pas la compétence et, partant, de retenir que la société UBN ait pu se heurter à un fait du prince ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de retenir que la société UBN s'était heurtée à un fait du prince résultant des décisions du gouverneur de la banque centrale du Nigéria, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 3 du même code ;

5) ALORS QUE le fait du prince suppose une décision émanant d'une autorité publique qui, agissant dans sa sphère de compétence, empêche le débiteur d'exécuter son obligation ; que la société GG Private faisait valoir qu'aux termes du communiqué de presse émanant de la banque centrale du Nigéria en date du 3 septembre 2009, qui avait été pris pour mettre fin à diverses rumeurs non fondées, aucune banque commerciale à laquelle la banque centrale du Nigéria avait accordé un prêt ne se retrouvait sous sa tutelle ou sous son contrôle ou bien encore nationalisée (conclusions d'appel en date du 5 janvier 2015, p. 30) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure que la société UBN avait été placée « sous la tutelle » ou bien encore « sous le contrôle » de la banque centrale du Nigéria et s'était donc heurtée à un fait du prince présentant pour elle un caractère irrésistible justifiant l'inexécution du contrat de mandat conclu avec la société GG Private, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 3 du même code ;

6) ALORS, en toute hypothèse, QUE le fait du prince, comme tout événement de force majeure, suppose pour libérer le débiteur une impossibilité définitive d'exécution du contrat ; qu'au cas d'espèce, en considérant que la prétendue décision de la banque centrale du Nigéria de « mettre sous contrôle » la société UBN, suivie de la nomination de nouveaux conseillers financiers chargés de la même mission que celle auparavant confiée à la société GG Private, constituait un fait du prince justifiant la libération de la société UBN de ses obligations, quand ces circonstances étaient insuffisantes à caractériser l'impossibilité définitive pour la société UBN d'exécuter le contrat conclu avec la société GG Private, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1148 du code civil, ensemble l'article 1999 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-25502
Date de la décision : 20/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 sep. 2017, pourvoi n°15-25502


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.25502
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