LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 juin 2016), que M. X..., aux droits duquel vient la société Espace Pat Fuchs, exploitant une activité d'auto-école, a pris en location des locaux suivant un bail dérogatoire conclu le 12 octobre 1991, d'une durée de deux ans jusqu'au 31 janvier 1993 ; que le contrat stipulait que ce bail portait sur des locaux accessoires non nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce du preneur et que celui-ci ne pourrait revendiquer le statut des baux commerciaux ; que, le 25 avril 2012, la Communauté urbaine de Strasbourg, aux droits de laquelle vient l'Eurométropole de Strasbourg, devenue propriétaire du bien, a assigné la société Espace Pat Fuchs en expulsion ;
Attendu que l'Eurométropole de Strasbourg fait grief à l'arrêt de dire que la société Espace Pat Fuchs est titulaire d'un bail commercial sur le local à l'issue du bail venu à expiration le 1er février 1993 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les locaux, situés en face du local principal de l'auto-école, lequel était d'une taille réduite et à usage de bureau, étaient utilisés pour les cours donnés à des élèves et que le parking adjacent était destiné aux véhicules utilisés pour les cours de conduite, la cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation, qu'ils étaient indispensables à l'exploitation du fonds et, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que le maintien dans les lieux à l'issue du bail dérogatoire avait donné naissance à un bail commercial ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Eurométropole de Strasbourg aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Eurométropole de Strasbourg et la condamne à payer à la société Espace Pat Fuchs la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société L'Eurométropole de Strasbourg
Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif d'avoir jugé que la société Espace Pat Fuchs était titulaire d'un bail commercial sur le local sis à Illkirch-Graffenstaden, 56 route de Strasbourg à l'issue du bail venu à expiration le 1er février 1993 et d'avoir condamné la société Eurométropole de Strasbourg à payer à la société Espace Pat Fuchs la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que, à titre préliminaire, le statut des baux commerciaux peut être invoqué par une personne exploitant une activité professionnelle indépendante dans un fonds artisanal en vertu de la loi du 5 janvier 1957, de sorte que la contestation du bailleur sur ce point est inopérante ; qu'il est constant que, dans le cadre de la procédure collective ouverte contre M. X... le 30 janvier 1995, le tribunal de grande instance a ordonné, par un jugement du 20 mars 1995, la cession de l'entreprise à la société Espace Pat Fuchs y compris les « baux commerciaux » dont bénéficiait M. X... « pour les locaux situés 56 et 65 route de Strasbourg à Illkirch » (aujourd'hui Avenue de Strasbourg) ; que cette décision ne peut préjudicier au bailleur, dans la mesure où le tribunal ne pouvait autoriser la cession judiciaire d'un contrat en dehors des prévisions contractuelles au profit d'un tiers et en procédant à sa requalification, pour le cas où ce bail ne pourrait être qualifié de bail commercial soumis au statut ; que, en droit, les parties peuvent lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans en vertu de l'article L.145-5 du code de commerce ; que les modifications apportées à cette disposition par la loi du 4 août 2008 ne sont cependant pas applicables aux deux baux de courte durée conclus par les parties antérieurement ; qu'il résulte en revanche de cette disposition, dans sa rédaction applicable, que si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est régi par les dispositions du présent chapitre, c'est-à-dire par le statut des baux commerciaux ; qu'il en va de même s'il est procédé à un renouvellement exprès du bail ou à la conclusion entre les mêmes parties d'un nouveau bail pour le même local ; que l'exception au statut résultant de l'article L.145-5 du code de commerce est d'interprétation stricte, en ce qu'elle déroge au droit commun du statut des baux commerciaux quant à leur durée ; qu'en l'espèce, le bail conclu par les parties le 12 octobre 1991 porte sur des locaux situés à Illkirch alors au n° 50 de la route de Strasbourg (aujourd'hui avenue de Strasbourg) et renuméroté ou rectifié n° 56 ; que les locaux constituent selon ce bail des locaux accessoires à l'auto-école exploitée au n° 65 de la même voie ; que le bail a été conclu pour une durée de deux ans, rétroactivement fixée à partir du 1er février 1991 et fait suite à un précédent bail qui avait été conclu le 22 décembre 1988 pour une durée identique de deux ans et venu à expiration le 31 janvier 1991 ; que dans le bail du 12 octobre 1991, il est précisé, sous les déclarations du locataire, que les locaux sont accessoires et non nécessaires à l'exploitation, et que le locataire renonce aux droits acquis à un bail de 9 ans dont il pourrait bénéficier du fait du statut des baux précédemment conclus ou du fait qu'il se soit maintenu dans les lieux loués à l'expiration du bail du 22 décembre 1988 ; qu'il est également fait mention dans ses déclarations que s'il se maintenait en possession, il devrait être considéré comme occupant sans droit ni titre après l'expiration du bail le 31 décembre 1992 ; que M. X... (aux droits de qui viendra la société Espace Pat Fuchs cessionnaire du fonds de commerce) a bénéficié du premier bail signé le 22 décembre 1988 pour 2 ans à compter du 1er janvier 1989, soit jusqu'au 31 janvier 1991, puis du second bail, conclu le 12 octobre 1991, également pour 2 ans avec un point de départ fixé rétroactivement au 1er février 1991, faisant ainsi suite au premier bail venu à son terme le 31 janvier 1993 ; que le litige porte pour l'essentiel sur la revendication par la société locataire du bénéfice du statut des baux commerciaux ; que selon les dispositions de l'article L.145-5 dans la rédaction applicable à la date de la conclusion du deuxième bail, la société locataire ne peut renoncer utilement au bénéfice du droit au statut des baux commerciaux que lorsque ce droit est né, soit postérieurement à l'arrivée du terme d'un contrat dérogeant au statut si elle est restée dans les lieux ; qu'en l'espèce, elle a bien acquis le droit à la propriété commerciale à l'expiration du premier contrat (le 31 janvier 1991) et a pu valablement y renoncer lors de la conclusion du second contrat (le 12 octobre 1991) ; qu'en revanche, il est considéré que le locataire ne peut renoncer par avance à un droit qui n'est pas né, pendant l'exécution d'un bail dérogatoire ; que la renonciation pour l'avenir à la propriété commerciale, souscrite pendant l'exécution du second bail, ne lui est donc pas opposable, dès lors que ce droit n'a pris naissance qu'après le terme du second contrat, le 31 janvier 1993 ; que le bailleur a de son côté inséré au second bail que le locataire reconnaissait par avance que s'il se maintenait dans les lieux à l'issue de ce bail, il devenait un occupant sans droit ni titre, renonçant ainsi par avance au bénéfice de la propriété commerciale et même au droit à un bail de droit commun susceptible de prorogation ; qu'une telle clause n'est donc pas opposable à la société Espace Pat Fuchs ; qu'à compter de l'expiration du second bail, M. X... s'est maintenu et est resté sur place en y poursuivant son activité, ce qui ouvre droit à l'application de la propriété commerciale. M. X... puis la société qui a repris le fonds, ont par ailleurs payé le loyer depuis lors, ce que reconnaît le bailleur, en indiquant simplement qu'il a refusé les loyers à partir du mois d'octobre 2010 ; qu'il ressort en effet d'un tableau des loyers, non contesté, que la locataire a produit, que les loyers ont été payés sans difficulté jusqu'au mois d'octobre 2010 époque à laquelle les chèques adressés au bailleur ont été retournés, le bailleur ayant dans l'intervalle (par une lettre du 20 mai 2010) proposé à la locataire une convention de mise à disposition pour les locaux accessoires du n° 56 route de Strasbourg, en qualifiant ce contrat de convention d'occupation précaire ; que selon le constat d'huissier établi le 11 mars 2009, le local accessoire est situé en face du local administratif de l'Auto-école, il sert de lieu pour les cours donnés à des élèves et est doté d'un matériel audiovisuel destiné à l'enseignement, tandis que le local « principal », d'une taille réduite, est à usage de bureau ; qu'enfin le constat relève qu'un parking adjacent, également loué sert à entreposer des véhicules utilisés pour les cours de conduite ; que le bailleur a produit l'attestation d'un tiers, qui a indiqué que le local en question n'était pas utilisé antérieurement de cette manière mais cette unique attestation est trop imprécise pour être opposée au constat d'huissier ; qu'il s'agit donc d'un local indispensable à l'exploitation du fonds et nécessaire à l'activité de la société locataire, la fermeture du local constituant un obstacle majeur à la poursuite de cette activité ; que dans ces conditions, la Cour est conduite à infirmer le jugement et à reconnaître à la société locataire le bénéfice de la propriété commerciale.
Alors, de première part, que si à l'expiration d'un bail conclu en application de l'article L.145-5 du code de commerce, prend naissance au profit du preneur maintenu en possession un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux, c'est à la condition que les locaux faisant l'objet de ce bail dérogatoire entrent, compte tenu de leur destination contractuelle, dans le champ d'application de l'article L.145-1 du code de commerce, sauf aux parties à avoir volontairement opté pour l'application de ce statut ; qu'ayant constaté qu'il résultait des dispositions du bail dérogatoire que les locaux loués constituaient des « locaux accessoires non nécessaires à l'exploitation [du] fonds de commerce [du preneur] », ce qui les excluaient en toute hypothèse de l'application du statut des baux commerciaux, quelle que soit la destination qui leur aurait été donnée postérieurement sans l'accord du bailleur, la cour d'appel ne pouvait estimer qu'un bail commercial avait pris naissance à l'expiration de ce bail dérogatoire, sans méconnaître les articles L.145-1 et L.145-5 du code de commerce ;
Alors, de deuxième part, que le constat d'huissier porte sur des locaux situés au 64 de l'avenue de Strasbourg à Illkirch et ne comporte aucune description de ces locaux comme situés « en face du local administratif de l'auto-école » ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors considérer qu'il portait sur le local en litige, situé pour sa part au n° 56 de la même voie, par cela que « selon » ce même constat, le local visité « est situé en face du local administratif de l'auto-école », sans dénaturer les termes clairs et précis de ce constat et violer l'article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable à la date de l'arrêt ;
Alors, de troisième part, que l'ordonnance d'expropriation éteint par elle-même et à sa date tous les droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ; que l'Eurométropole de Strasbourg faisant valoir à l'appui de ses écritures d'appel que la Communauté urbaine de Strasbourg, aux droits de laquelle elle se trouvait, était devenue propriétaire de l'immeuble litigieux en 2009 dans le cadre d'une procédure d'expropriation, la cour d'appel qui juge que la SARL Espace Pat Fuchs demeurait titulaire d'un bail commercial sur des locaux situés dans cet immeuble sans s'expliquer sur la portée de cette procédure d'expropriation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.12-2 devenu L.222-2 du code de l'expropriation ;
Et alors enfin que la cour d'appel qui s'est abstenue de répondre au moyen déduit par l'Eurométropole de Strasbourg de ce que le bail dont se prévalait la SARL Espace Pat Fuchs lui était inopposable dès lors que l'existence de ce bail ne lui avait pas été notifiée par le propriétaire exproprié dans les conditions prévues à l'article R.13-15, devenu R.311-1 du code de l'expropriation, et que le locataire ne s'était pas manifestée auprès de l'autorité expropriante dans le délai ouvert par la publicité collective de la mesure d'expropriation, a par là-même entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.