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14/09/2017 | FRANCE | N°16-19424

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 septembre 2017, 16-19424


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable ;

Attendu que si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a souscrit le 18

juin 2008, auprès de la société Fortis Luxembourg vie, aux droits de laquelle se trouve...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable ;

Attendu que si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a souscrit le 18 juin 2008, auprès de la société Fortis Luxembourg vie, aux droits de laquelle se trouve la société Cardif Lux vie (l'assureur), un contrat d'assurance sur la vie « Liberty 2 invest », libellé en unités de compte sur lequel il a placé une somme initiale de 700 000 euros et effectué deux rachats partiels d'un montant de 315 000 et 254 000 euros ; qu'estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, M. X... a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 juillet 2010, reçue le 12 juillet 2010, exercé la faculté de renonciation prévue à l'article L. 132-5-2 du code des assurances ; que l'assureur n'ayant pas donné suite à cette demande, M. X... l'a assigné en restitution de la somme de 131 000 euros, augmentée des intérêts majorés capitalisés ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, après avoir retenu que les manquements constatés sont sanctionnés aux termes de article L. 132-5-2 du code des assurances par la prorogation du délai de renonciation, l'arrêt retient que l'assureur ne caractérise pas l'existence d'un abus de droit dans l'exercice de cette faculté, M. X... ne pouvant être tenu de justifier de sa décision auprès de son cocontractant dès lors que l'exercice de la faculté de renonciation présente pour son bénéficiaire un caractère totalement discrétionnaire, et que c'est vainement que l'assureur argue du caractère disproportionné de cette sanction et de la mauvaise foi de M. X... ;

Qu'en statuant ainsi, en déduisant l'absence d'abus de droit du caractère discrétionnaire de l'exercice de la faculté de renonciation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande aux fins de question préjudicielle formée par la société Cardif Lux vie, l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Cardif Lux vie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Cardif Lux vie

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir rejeté la demande aux fins de question préjudicielle formée par la SA Cardif Lux Vie, venant aux droits de la société Fortis Luxembourg Vie, d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône ;

Aux motifs propres que « les manquements ainsi constatés étant sanctionnés, aux termes de l'article L. 132-5-2, par la prorogation du délai de renonciation, les premiers juges ont pertinemment considéré que M. X... avait valablement renoncé au contrat par son courrier recommandé du 10 juillet 2010 ; que c'est en effet vainement que la société appelante, qui ne caractérise pas l'existence d'un abus de droit dans l'exercice de cette faculté, argue du caractère disproportionné de cette sanction et de la mauvaise foi de l'intimé, celui-ci ne pouvant en aucun cas être tenu de justifier de sa décision auprès de son cocontractant dès lors que la faculté de renonciation présente pour son bénéficiaire un caractère totalement discrétionnaire ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce que, tirant les conséquences de la renonciation, il a condamné la société Cardif Lux Vie à régler à M. X... la somme de 131.000€ correspondant à la différence entre les sommes investies et celles ayant fait l'objet de rachats partiels, avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 12 août 2010 au 12 octobre 2010, puis du double du taux légal à compter du 12 octobre 2010, et ordonné la capitalisation des intérêts » (arrêt p. 9) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en conséquence, la proposition d'assurance remise à M. X... ne comportant pas l'encadré conforme aux prévisions des articles L. 132-5-2 et 1 132-8 du code des assurances, l'assureur n'était pas dispensé de remettre une note d'information distincte de la proposition d'assurance ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements invoqués par le demandeur, le non respect par l'assureur de son obligation précontractuelle d'information a eu pour effet de proroger le délai d'exercice de la faculté de renonciation, par application de l'article L. 132-5-2 du code des assurances ; que M. X... a donc valablement exercé sa faculté de renonciation par lettre recommandée du 10 juillet 2010, l'exercice de cette faculté de renonciation étant discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise, et l'assureur ne démontrant pas en quoi l'usage d'une sanction automatique a pu dégénérer en abus de droit ; qu'en conséquence, la SA Cardif Lux Vie, venant aux droits de la société Fortis Luxembourg Vie, sera condamnée à restituer au demandeur, déduction faite des rachats partiels effectués, le montant non discuté des sommes versées sur le contrat d'assurance vie s'élevant à 131.000€, avec intérêts au taux légal majoré prévu par l'article L. 132-5-1, al. 2, du code des assurances » (jugement p. 13) ;

1° Alors que la faculté de renonciation prévue par l'article L. 132-5-1 du code des assurances est susceptible d'abus ; que la renonciation doit ainsi être paralysée lorsque le preneur l'exerce de mauvaise foi, c'est-à-dire parce qu'il se plaint non pas d'un défaut d'information, mais d'un investissement malheureux ; qu'au cas présent, la société Cardif Lux Vie avait fait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 37 et suiv.), que M. X..., investisseur averti, conseillé ici par Aforge Finance, était parfaitement informé, et avait instrumentalisé, via son avocat, un défaut prétendu du formalisme informatif uniquement pour sortir d'un investissement librement choisi par lui, en connaissance de cause, mais qui n'avait pas produit les fruits financiers escomptés ; qu'en retenant que la renonciation étant une faculté discrétionnaire, elle serait insusceptible d'abus, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, ensemble l'article 1382 du code civil ;

2° Alors que l'abus du droit de renoncer à un contrat d'assurance-vie, en cas de défaut du formalisme informatif, est établi dès lors que le preneur était parfaitement informé, ne se plaint d'aucune carence substantielle d'information du fait du défaut allégué des mentions, mais qu'il ne cherche qu'à sortir d'un mauvais investissement, sur le plan financier ; qu'en retenant, au cas présent, que l'abus ne pourrai être ici caractérisé dès lors que M. X... n'aurait fait que mettre en oeuvre une faculté prévue par la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, ensemble l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-19424
Date de la décision : 14/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 26 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 sep. 2017, pourvoi n°16-19424


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19424
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