LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 mars 2016), que la société L'Immobilière Castorama (la société Castorama) a conclu avec la société Foncière du Dauphiné (la société Foncière) une promesse de vente d'un bien immobilier, sous différentes conditions suspensives, dont une relative au droit de préemption de la collectivité publique ; que, les parties ayant fixé au 30 avril 2007 la réitération de la vente, la société Castorama a sommé, le 29 février 2008, la société Foncière de régulariser la vente, ce que celle-ci a refusé, par lettre du 17 mars 2008, en raison de l'occupation partielle de l'immeuble par la société Géodis ; qu'après une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner, l'Etablissement public foncier local de la région grenobloise (l'EPFLRG) a préempté le bien par deux arrêtés du 23 mai 2008, puis, le 30 septembre 2008, l'a cédé à la commune de Grenoble ; qu'une décision irrévocable de la juridiction administrative du 12 octobre 2010 a annulé les décisions de préemption ; que la société Foncière a assigné la société Castorama, l'EPFLRG et la commune de Grenoble en nullité des ventes conclues successivement entre la société Castorama et L'EPFLRG et entre cet établissement et la commune de Grenoble ;
Attendu que la société Foncière fait grief à l'arrêt de dire caducs la promesse de vente du 7 juin 2005 et l'avenant du 21 mars 2007 et de déclarer irrecevables ses demandes en nullité des ventes ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par un motif non critiqué, que la promesse de vente précisait que l'immeuble proposé à la vente était loué et occupé par diverses sociétés et que la société Foncière faisait son affaire personnelle de la continuation ou de la résiliation des baux et conventions verbales d'occupation, relevé que cette société avait refusé de signer la réitération de la vente en raison de l'occupation des lieux par la société Geodis et retenu, sans modifier l'objet du litige, qu'elle avait ainsi démontré sa volonté de plus acquérir l'immeuble, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a déduit, de ces seuls motifs, que la société Foncière n'avait plus qualité ni intérêt à agir de sorte que son action était irrecevable, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Foncière du Dauphiné aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Foncière du Dauphiné et la condamne à payer à la société L'Immobilière Castorama, à l'Etablissement public foncier local de la région grenobloise et à la ville de Grenoble une somme de 3 000 euros à chacune ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Foncière du Dauphiné
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir constaté la caducité du compromis de vente du 7 juin 2005 et de l'avenant du 21 mars 2007 au jour des ventes des 1er et 12 août 2008 entre la société L'Immobilière Castorama et l'EPFLRG et du 30 septembre 2008 entre l'EPFLRG et la ville de Grenoble pour dire la société Foncière du Dauphiné irrecevable en ses demandes de nullité de ces ventes ;
AUX MOTIFS QUE sur la caducité alléguée de la promesse synallagmatique de vente : les intimés soutiennent que la société Foncière du Dauphiné est dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à raison de la caducité de la promesse synallagmatique de vente et de l'avenant ; que la vente était prévue sous diverses conditions suspensives dont le non exercice par la collectivité de son droit de préemption, l'ensemble des conditions suspensives devant être réalisées dans un délai de dix mois à compter de l'acte avec prorogation automatique pour le temps nécessaire à l'écoulement du délai de recours des tiers ou de retrait administratif ; qu'il est spécifié en page 22 que "si le droit de préemption est exercé, la convention sera caduque, sans indemnité de part ni d'autre" ; qu'en page 23, il est stipulé que "à défaut de réalisation d'une seule d'entre elles, à cette date, la convention sera caduque de plein droit sans indemnité de part ni d'autre, quinze jours après la notification faite par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception de son intention d'user du bénéfice de la caducité de la promesse pour non réalisation des conditions suspensives" ; que, par avenant du 21 mars 2007, le délai de réitération de la vente a été fixé au 30 avril 2007 ; que l'ensemble immobilier proposé à la vente était loué et occupé par diverses sociétés selon les conditions précisées en pages 3 à 11 incluse de la promesse de vente ; qu'il est spécifié en page 12 de l'acte que l'acquéreur "fera son affaire personnelle de la continuation ou de la résiliation, à ses risques et périls, des baux, conventions verbales d'occupation et contrats d'affichage dont l'ensemble immobilier est l'objet, sans recours contre le vendeur aux droits et obligations duquel il sera purement et simplement subrogé" ; que, si à la date butoir du 30 avril 2007, la vente n'avait pas été réitérée, il peut être considéré que des tractations se sont poursuivies entre les parties, en tous les cas, jusqu'au 17 mars 2008, date à laquelle la société L'Immobilière Castorama a sommé la société Foncière du Dauphiné de régulariser la vente ; qu'à cette date, la société Foncière du Dauphiné a refusé de signer la réitération au motif qu'elle n'avait pas reçu le projet de vente, que celui-ci n'était pas rédigé par maître x... et que le problème d'occupation des lieux par la société Géodis n'était pas réglé ; qu'il se déduit de l'observation selon laquelle le projet de vente n'était pas rédigé par maître x... que la société Foncière du Dauphiné, contrairement à ses dires, avait bien été destinataire du projet d'acte ; qu'il est démontré que ledit projet avait bien été rédigé par maître x... ; qu'enfin, au regard même de la promesse synallagmatique, la société Foncière du Dauphiné devait faire son affaire de la continuation ou de la résiliation des baux et conventions verbales d'occupation ; qu'ainsi, les motifs fallacieux invoqués par la société Foncière du Dauphiné pour refuser de réitérer la vente démontrent, qu'à cette date, elle ne souhaitait plus acquérir ; que, de son côté, la société L'Immobilière Castorama qui a fait re-signifier une DIA à la ville de Grenoble ne voulait plus contracter avec la société Foncière du Dauphiné ; que le défaut d'envoi d'une lettre avec accusé de réception ne démontre pas la volonté des parties de proroger la promesse de vente, cette clause devant être analysée comme une clause formelle d'information, d'autant plus que le terme initial de la convention au 30 avril 2007 était de longue date survenu et que la société Foncière du Dauphiné n'avait pas saisi sa dernière chance de contracter au 17 mars 2008 ; qu'en tout état de cause, il est spécifié que la convention était caduque lorsque le droit de préemption est exercé, ce qui est le cas de l'espèce ; qu'en conséquence, au jour des ventes querellées, la société Foncière du Dauphiné n'avait plus ni qualité ni intérêt à agir ; qu'elle doit être déclarée irrecevable en son action et déboutée de ses demandes ; que le jugement déféré sera confirmé mais sur d'autres motifs ;
1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société Foncière du Dauphiné faisait valoir qu'elle n'avait jamais renoncé à régulariser la promesse synallagmatique de vente, ce qu'elle démontrait notamment par la circonstance qu'après le terme fixé au 30 avril 2007 par l'avenant du 21 mars 2007, elle avait contesté les arrêtés de préemption pris par l'établissement public le 23 mai 2008 ; que la société L'Immobilière Castorama soutenait également avoir persisté à vouloir régulariser la promesse de vente après le 30 avril 2007, puisqu'elle avait publié une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner au bénéfice de la Foncière du Dauphiné le 31 mars 2008, et n'y avoir renoncé que du fait de l'exercice par l'EPFLRG de son droit de préemption le 23 mai 2008 ; qu'en retenant pourtant que les parties à la promesse de vente auraient l'une et l'autre renoncé à régulariser la vente après le refus de la société Foncière du Dauphiné de signer l'acte authentique le 16 mars 2008, ce qui n'était pas davantage soutenu par la ville de Grenoble et l'EPFLRG, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en se bornant à affirmer, pour juger qu'elle n'avait plus qualité ni intérêt à agir en nullité des ventes d'août et septembre 2008, que la société Foncière du Dauphiné aurait dû assumer seule les conséquences de l'occupation illicite par la société Géodis d'une partie du terrain et aurait alors démontré ne plus avoir l'intention de régulariser la vente en invoquant fallacieusement cette occupation pour ne pas répondre favorablement à la sommation de réitérer que lui avait délivrée la société L'Immobilière Castorama, sans rechercher si la circonstance que cette dernière avait elle-même pris en charge la procédure d'expulsion contre l'occupant après la conclusion de la promesse ne démontrait pas le caractère fondé du refus de la société Foncière du Dauphiné de régulariser la vente tant que le litige avec la société Géodis ne serait pas résolu, puisque la promesse de vente n'avait pas prévu l'hypothèse d'une occupation illicite du terrain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'annulation de la décision de préemption a un effet rétroactif ; qu'en jugeant que l'exercice de droit de préemption par l'EPFRG, stipulée comme condition suspensive de la promesse synallagmatique de vente, suffisait à la rendre caduque peu important son annulation, quand, au contraire, en raison de son effet rétroactif, elle impliquait que la condition ait été censée avoir été levée et la vente être parfaite, la cour d'appel a nié l'effet rétroactif de l'annulation des décisions de préemption et violé les articles 1134, 1176 et 1589 du code civil et 31 et 32 du code de procédure civile.