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14/09/2017 | FRANCE | N°16-15309;16-15310;16-15311;16-15312;16-15313;16-15314;16-15315;16-15316;16-15317;16-15318

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 septembre 2017, 16-15309 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° W 16-15. 309 à F 16-15. 318 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués statuant en référé (Metz, 1er mars 2016), que Mmes X..., Y..., Z..., A...et B..., ainsi que MM. C..., D..., E..., F...et G...ont été embauchés par la société Proservia en qualité d'ouvriers, chargés de travaux de façonnage de viandes, et exclusivement affectés sur le site de la société Charal de Metz, la société Proservia ayant passé avec celle-ci un contrat d

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° W 16-15. 309 à F 16-15. 318 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués statuant en référé (Metz, 1er mars 2016), que Mmes X..., Y..., Z..., A...et B..., ainsi que MM. C..., D..., E..., F...et G...ont été embauchés par la société Proservia en qualité d'ouvriers, chargés de travaux de façonnage de viandes, et exclusivement affectés sur le site de la société Charal de Metz, la société Proservia ayant passé avec celle-ci un contrat de prestations de services de transformation de viandes ; que ce contrat a été rompu et la société Charal a confié, à compter du 1er janvier 2015, ces prestations aux sociétés Techni Desoss et Codéviandes ; que la société Proservia a indiqué aux salariés que leur contrat de travail avait été transféré, sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail, auprès des sociétés prestataires ayant repris le marché ; que ces dernières leur ayant refusé l'accès au site Charal de Metz, les salariés ont saisi le juge des référés du conseil de prud'hommes de Metz pour que soit constaté le transfert de plein droit de leur contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail aux sociétés Codéviandes et Techni Desoss et que ces dernières soient condamnées à la reprise des contrats sous astreinte ainsi qu'au versement d'une provision à valoir sur les salaires impayés jusqu'à la reprise effective des contrats de travail ;

Attendu que la société Techni Desoss fait grief aux arrêts de constater que le marché détenu par la société Proservia a été transféré au profit des sociétés Techni Desoss et Codéviandes à compter du 1er janvier 2015, de constater que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail sont réunies concernant chacun des salariés concernés, de constater que l'accès du site Charal de Metz a été interdit aux salariés de la société Proservia en violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'ordonner le transfert du contrat de travail de chacun des salariés concernés sur le site de Charal Metz au sein des sociétés Techni Desoss et Codéviandes, de condamner solidairement les sociétés Techni Desoss et Codéviandes à payer à chacun des salariés concernés une certaine somme à titre de provision à valoir sur le salaire impayé, de condamner les sociétés Techni Desoss et Codéviandes à une astreinte provisoire de 100 euros, de débouter la société Techni Desoss de sa demande à l'encontre de la société Proservia au titre des sommes dues à chacun des salariés pour indemnités de congés payés et de confirmer, en ce qui concerne les six salariés concernés (M. D..., Mme A..., M. E..., Mme B..., M. F...et Mme Z...), les ordonnances du 9 juillet 2015 (et celle du 3 décembre 2015 pour M. G...), alors, selon le moyen :

1°/ que le transfert d'entreprise au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose que l'entité économique autonome conserve son identité et que tel n'est pas le cas lorsque l'activité d'une société a été répartie entre deux sociétés ; qu'en faisant application de ce texte en l'espèce tout en constatant que l'activité de la société Proservia avait été répartie entre les sociétés Techni Desoss et Codéviandes, en sorte que l'entité économique n'avait pas conservé son identité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que le transfert d'entreprise au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose que l'entité économique autonome conserve son identité ; que tel n'est pas le cas, lorsque, dans le cadre d'une modification organisationnelle ou des conditions d'exploitation, l'activité de cette entité s'est trouvée répartie entre plusieurs sociétés en situation de concurrence ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que l'activité de deuxième transformation des viandes, relevant d'abord de la société Proservia, avait été répartie, à partir du 1er janvier 2015, entre les deux sociétés concurrentes Techni Desoss et Codéviandes ; qu'ainsi, il y avait bien eu une modification organisationnelle dans l'exercice de cette activité désormais confiée à deux nouveaux prestataires en situation de concurrence, au lieu d'un seul, et que les moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de cette activité ont été transférés de la société Proservia aux sociétés Techni Desoss et Codéviandes ; qu'il en résultait que l'entité économique transférée n'avait pas conservé son identité ; qu'en décidant cependant que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies et en ordonnant le transfert du contrat de travail des différents salariés concernés sur le site Charal Metz au sein des entreprises concurrentes Techni Desoss et Codéviandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ que la perte d'un marché au profit d'un concurrent n'entraîne l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail que lorsqu'elle s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome entendue comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit des intérêts et un objectif propre ; qu'en l'espèce, la société Techni Dessos avait conclu à l'absence d'entité économique autonome poursuivant un objectif propre en faisant valoir, d'une part, que, concernant les éléments corporels et incorporels, et plus généralement les moyens d'exploitation, elle avait d'autres marchés et par conséquent des moyens en équipements et matériels qui n'étaient pas propres à ce marché ; que la société Charal ne fournissait que le lieu ainsi que les tables de découpe et râteliers pour permettre le nettoyage des machines, les formations, les outils de travail (couteaux, équipements de protection complets sous l'autorité d'un responsable hiérarchique et organisationnel sur place appartenant au personnel du sous-traitant), les fiches techniques étant quant à eux fournis par la société Techni Dessos et, d'autre part, que l'activité de désossage et de parage qui lui avait été partiellement confiée n'était nullement autonome et ne poursuivait pas un objectif propre dès lors, au contraire, elle n'avait qu'un caractère secondaire et non exclusif à l'activité de la société Bigard qui exerçait également cette activité ; que d'ailleurs, le contrat de sous-traitance conclu avec la société Techni Dessos avait pour objet l'exécution de prestations et d'élaboration de viandes et de produits carnés mentionnés dans le carnet des charges (article 1 du contrat de sous-traitance) ; que la ligne de production, qui n'avait qu'un caractère secondaire à l'activité de la société Bigard, dépendait dans son fonctionnement de la quantité de viandes à travailler, laquelle était fluctuante et impliquait par conséquent un effectif variable dont le choix appartenait au sous-traitant ; qu'en se bornant à énoncer que le groupe Bigard, auquel appartient la société Charal, développe quatre pôles d'activité, soit l'abattage des bêtes, le désossage et parage, la fabrication et le conditionnement de produits élaborés et enfin le traitement des cuirs, et que la société Proservia dans un premier temps, puis les sociétés Techni Desoss et Codéviandes dans un second temps, interviennent en sous-traitant mais uniquement dans l'activité qualifiée de deuxième transformation, correspondant au désossage et parage, sans rechercher ni préciser, comme elle y était expressément invitée, si cette tâche spécifique, au-delà de sa dénomination propre d'« activité de deuxième transformation », n'était pas totalement imbriquée dans l'ensemble du processus industriel de transformation des viandes par Charal destiné à la fabrication du produit final commercialisé, de sorte qu'elle ne constituait pas une activité autonome poursuivant un but ou objectif économique propre, la cour d'appel, qui a notamment constaté que l'activité de façonnage de la viande était déterminée en fonction de la matière première fournie, soit en fonction des arrivages, ainsi que des demandes des clients de Charal, « ce dont la société Proservia était elle-même tributaire, tout comme les sociétés Techni Desoss et Codéviandes », n'a pas caractérisé l'existence d'une entité économique autonome poursuivant un objectif propre et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

4°/ que la finalité de l'article L. 1224-1 du code du travail est de protéger les salariés lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, et non de protéger l'employeur qui, par ses choix de gestion, s'est placé dans une situation de dépendance économique vis-à-vis d'un unique client ; que dès lors, en justifiant l'application de ce texte par le motif selon lequel « la société Proservia n'avait qu'un seul client et qu'elle avait affecté sur le site Charal Metz la totalité de son personnel, la perte du marché la laissant sans possibilité de fournir du travail à ses salariés », la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

5°/ que la reconnaissance d'une situation de coemploi suppose de caractériser, soit l'existence d'un lien de subordination entre le salarié et les entreprises en cause, soit l'existence entre les entreprises concernées, d'une confusion d'intérêts, d'activité et de direction ; que dès lors, en jugeant que le contrat de travail du salarié avait été transféré sans distinction « aux sociétés Techni Desoss et Codéviandes » à compter du 1er janvier 2015, ce qui revenait à qualifier ces dernières de coemployeurs de l'intéressé, sans aucunement ni vérifier laquelle de ces entreprises exerçait le pouvoir de direction et de contrôle ni caractériser entre ces sociétés concurrentes l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activité et de direction, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ que le cumul irrégulier d'emplois, prohibé et sanctionné par l'article L. 8261-1 du code du travail, est caractérisé lorsqu'un salarié cumule simultanément plusieurs emplois dont les horaires impliquent un dépassement de la durée légale de travail, notamment lorsque l'intéressé s'engage simultanément à temps plein auprès de plusieurs employeurs ; que dès lors, en ordonnant le transfert du contrat de travail du salarié sur le site Charal Metz aux entreprises Techni Desoss et Codéviandes, sans rechercher si une telle décision n'était pas de nature à caractériser un cumul d'emplois prohibé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

7°/ qu'à supposer que ne soit pas surabondant le motif de l'arrêt selon lequel les repreneuses ont tenté de maintenir, mais à leurs propres conditions, la collectivité de travailleurs durablement réunie par une activité commune, constituée par les salariés de la société Proservia, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant comme étant insusceptible de justifier la réunion des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail pour que soit ordonné le transfert des contrats de travail des intéressés sur le site Charal Metz au sein de la société Techni Desoss et de la société Codéviandes et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, que, d'une part, pour l'exécution du marché confié par la société Charal à la société Proservia, celle-ci avait affecté, depuis de nombreuses années et de manière exclusive et permanente, un personnel disposant d'un savoir-faire et des compétences particulières en boucherie à l'atelier de deuxième transformation de viandes sur le site de la société Charal mettant à leur disposition l'essentiel des moyens matériels et spécifiques à l'exploitation de cette activité poursuivant un objectif propre ; que, d'autre part, à la suite de la perte de ce marché par la société Proservia, l'activité de deuxième transformation de viandes avait été reprise et poursuivie par les sociétés Techni Desoss et Codéviandes, avec les mêmes moyens matériels spécifiques mis à leur disposition par la société donneuse d'ordre et avec des besoins identiques en personnel disposant de compétences en boucherie propre à cette activité de deuxième transformation de viandes ; que si cette activité avait été répartie entre deux prestataires, il n'était relevé aucune distinction avérée entre la nature des prestations anciennement accomplies par la société Proservia, les éléments fournis laissant apparaître que seuls les horaires d'occupation des lignes permettaient de distinguer les prestations de chacune des sociétés ayant repris le marché ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d ‘ appel a pu en déduire le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie, justifiant l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Et attendu qu'ayant constaté que les sociétés Codéviandes et Techni Desoss s'étaient opposées à la poursuite des contrats de travail des salariés relevant de cette entité, la cour d'appel a pu en déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite auquel il devait être mis fin ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Techni Desoss aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Techni Desoss à payer à la société Proservia la somme de 1 500 euros et rejette les autre demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen, commun aux pourvois n° W 16-15. 309 à F 16-15. 318, produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Techni Desoss

IL EST FAIT GRIEF AUX ARRETS CONFIRMATIFS ATTAQUES d'avoir constaté que le marché détenu par la SARL Proservia a été transféré au profit des sociétés Techni Desoss et Codéviandes à compter du 1er janvier 2015, d'avoir constaté que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail sont réunies concernant chacun des salariés concernés, d'avoir constaté que l'accès du site Charal de Metz a été interdit aux salariés de la SARL Proservia en violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'avoir ordonné solidairement le transfert du contrat de travail de chacun des salariés concernés sur le site de Charal Metz au sein des sociétés Techni Desoss et Codéviandes ; d'avoir condamné solidairement les sociétés Techni DESOSS et Codéviandes à payer à chacun des salariés concernés une certaine somme à titre de provision à valoir sur le salaire impayé ; d'avoir condamné les sociétés Techni Desoss et Codéviandes à une astreinte provisoire de 100 €, d'avoir débouté la société exposante de sa demande à l'encontre de la société Proservia au titre des sommes dues à chacun des salariés pour indemnités de congés payés et d'avoir également confirmé en ce qui concerne les six salariés concernés (M. D..., Mme A..., M. E..., Mme B...et M. F...Mme Z...) les ordonnances du 9 juillet 2015 (et celle du 3 décembre 2015 pour M. G...)

- AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds de commerce, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que la seule perte d'un marché ne suffit pas à caractériser une modification dans la situation juridique de l'employeur ; qu'il en est autrement si le transfert d'activité s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome soit un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ; qu'en l'espèce, le groupe BIGARD, auquel appartient la société CHARAL, développe quatre pôles d'activité : l'abattage qui est l'activité de première transformation (accueil et présentation en demi-carcasse des animaux), le désossage et parage qui est l'activité de deuxième transformation (découpe des carcasses et séparation des différents muscles en fonction des clients, ce qui va de la coupe de quartiers pour les boucheries de détail jusqu'au conditionnement en pièces de viandes prêtes à découper à l'issue du désossage et du parage), la troisième transformation consistant en la fabrication et le conditionnement de produits élaborés (steaks hachés, saucisses, salaison...) à la main ou-à l'aide d'une machine, et, enfin, le traitement des cuirs, avec fourniture aux tanneries des peaux prêtes à être travaillées ; que la société PROSERVIA, dans un premier temps, puis les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, dans un second temps, interviennent en sous-traitants mais uniquement dans l'activité de deuxième transformation ; Qu'il est acquis que la société PROSERVIA était contractuellement liée avec la société CHARAL par un contrat de sous-traitance de façonnage de viandes, avec affectation de personnels sur le site, signé le 8 janvier 2013 et que la société CHARAL a rompu ce contrat par courrier du 4 avril 2014 avec effet au 31 décembre 2014 pour confier les prestations aux sociétés concurrentes TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, intervenant dès lors sur le site, aux lieu et place de la société PROSERVIA, à compter du 1er janvier 2015 ; Que l'activité de transformation de la viande qui était confiée à la société PROSERVIA a donc été répartie entre les deux sociétés concurrentes TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES ; qu'il est soutenu, sans le démontrer par ces dernières, que la société CHARAL faisait également exécuter par son propre personnel une telle activité ; qu'il est au contraire établi que, et ce depuis des années, la société CHARAL externalisait cette activité spécifique de deuxième transformation des viandes ; qu'il n'est pas contestable que cette activité de désossage de la bête et du tri des parties comestibles en fonction des clients demandait un certain savoir-faire et des compétences en boucherie, spécialité des trois sociétés parties au présent dossier, lesquelles ne contestent pas qu'elles étaient en situation de concurrence car intervenant sur le même secteur ; qu'il a été également soutenu en première instance par les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES que CHARAL avait décidé de confier le traitement de la partie avant de la bête à l'une et la partie arrière à l'autre et que cette distinction démontrait une absence d'identité d'activité à compter du départ de la société PROSERVIA ; qu'or, il ressort des quelques éléments produits, à savoir des devis fournis par TECHNI DESOSS (en pièce 18) et d'une proposition tarifaire de CODÉVIANDES à CHARAL (pièce 4), ceci étant confirmé lors de l'audience, que les deux sociétés s'occupaient toutes deux du désossage et parage des avants ; que les documents présentés par les deux sociétés font état des mêmes produits (notamment : « art. 8 PAD/ DESOS/ PAR ») ; que dès lors, cette distinction avancée est, tel que soutenu d'ailleurs par le salarié, artificielle ; qu'il n'était pas plus fait état d'une telle distinction dans le cadre de l'activité de la société PROSERVIA, ni de la spécialisation de certains salariés en fonction des parties de la bête à traiter ; que cette distinction avancée par les sociétés repreneuses n'est pas de nature à démontrer que l'activité reprise était différente de celle confiée à la société PROSERVIA, le contrat de prestation de service de cette dernière avec CHARAL prévoyant d'ailleurs de façon globale une activité de façonnage de la viande, sans distinguer l'avant ou l'arrière de la bête, mais déterminée plutôt en fonction de la matière première fournie, soit en fonction des arrivages, ainsi que des demandes des clients de CHARAL, ce dont la société PROSERVIA était elle-même tributaire, tout comme désormais les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES ; qu'il n'est pas inutile de préciser que les éléments fournis laissent apparaître le fait que seuls les horaires d'occupation des lignes permettent de distinguer les prestations de chacune des deux sociétés en vue de la facturation à CHARAL ; qu'il apparaît donc que c'est bien la même activité qui, relevant d'abord de la société PROSERVIA, a été dans son intégralité confiée à partir du 1er janvier 2015 à deux autres sociétés concurrentes, ainsi qu'il en ressort d'ailleurs d'un courrier de la direction de CHARAL du 5 janvier 2015 affiché sur le site indiquant qu'à compter du 2 janvier 2015 les activités de désossage seraient désormais traitées par les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS ; que la société PROSERVIA soutient qu'elle n'avait qu'un seul client et qu'elle a affecté sur le site de CHARAL METZ la totalité de son personnel, la perte du marché la laissant sans possibilité de fournir du travail à ses salariés ; que le contrat de travail du salarié démontre que celui-ci était en effet exclusivement affectée sur le site CHARAL de METZ pour des travaux de façonnage des viandes (abattage, désossage, parage et machine), le fait qu'ait été incluse à son contrat de travail une clause selon laquelle le salarié s'engageait à rejoindre les différents chantiers actuels ou futurs sur d'autres sites liés par contrats de services avec son employeur en France ou à l'étranger étant sans incidence sur la réalité de son affectation permanente et exclusive sur le site CHARAL de METZ à l'atelier de deuxième transformation des viandes ; qu'il convient d'ailleurs de faire la même observation pour les salariés des sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, eux-mêmes soumis à une clause de mobilité dans leur contrat de travail rédigée dans les mêmes termes, les salariés ayant été embauchés à partir de janvier 2015 pour travailler de façon permanente et exclusive sur le site CHARAL METZ dans le cadre du nouveau contrat de prestation de services ; que les informations provenant de l'extrait K-bis produit démontrent, par ailleurs, que la société PROSERVIA a été mise en sommeil à compter du 1er juin 2015, ce qui confirme que la perte de ce marché a, à court terme, empêché toute poursuite de son activité et que les salariés n'ont pas été affectés sur un autre chantier ; qu'il ressort également des nombreuses attestations des salariés de la société PROSERVIA (notamment Messieurs H..., I..., J..., K..., L..., Monsieur Sandor M..., Madame Katalin M...), que ceux-ci ont été démarchés par les sociétés repreneuses, à l'instigation de la société cliente CHARAL qui prenait l'initiative de réunir les salariés de PROSERVIA, afin de se voir proposer de travailler à leur service toujours sur le site CHARAL de METZ mais à l'unique condition d'avoir démissionné auprès de la société PROSERVIA, et que seuls les salariés étrangers parlant difficilement le français ne s'étaient pas vus proposer une telle offre ; qu'il n'est pas inutile de préciser, sur ce dernier point, que la lettre de résiliation du contrat de prestations de service du groupe BIGARD à la société PROSERVIA, du 4 avril 2014, s'appuie sur le fait que, sur 49 personnes présentes sur le site, 31 salariés sont de nationalité étrangère et 21 ne parlent ni ne comprennent le français, cette situation, aux dires de la société BIGARD, n'étant pas sans conséquences sur les compétences techniques des opérateurs PROSERVIA et que c'est le motif retenu par la société BIGARD pour rompre le contrat ; que le constat d'huissier, établi à la demande de la société PROSERVIA, le 26 octobre 2015, par Maître N..., constatant que Monsieur O..., ancien salarié de PROSERVIA, recevait, le 8 décembre 2014, un sms du responsable de la société TECHNI DESOSS en ces termes : « merci de nous adresser la copie de la lettre PROSERVIA attestant la bonne réception de votre démission », confirmait encore que les sociétés repreneuses tentaient, en fraude, d'embaucher plusieurs salariés de la société PROSERVIA ; que par ailleurs, Monsieur O...atteste du fait que les personnes servant de recruteurs avaient une prime, ce qui était confirmé par le document produit par PROSERVIA, émanant de la société TECHNI DESOSS, selon lequel il était octroyé effectivement une « prime de parrainage » de 250 euros pour un aspirant technicien boucher, un technicien de conditionnement, de 405 euros pour le recrutement d'un technicien boucher et de 455 euros pour un responsable de chantier ; que ce document démontre que la société TECHNI DESOSS n'était pas seulement à la recherche d'un personnel exécutant mais aussi de personnel encadrant dont elle ne disposait pas parmi ses effectifs et déjà spécifiquement formé à ses méthodes de façonnage de la viande et qu'elle était prête à gratifier le salarié qui lui aurait permis d'embaucher des chefs de service qui étaient précédemment au service de ses concurrents ; que la société TECHNI DESOSS produit la liste de ses salariés sur le site (pièce 26) selon laquelle seuls 10 salariés de PROSERVIA sur ses 34 salariés sur le site auraient été repris par elle (et seulement en exécution de l'ordonnance de référé). Or, il convient de constater notamment que Madame Magali P...et Monsieur Mathieu K..., qui sont pourtant des anciens salariés de PROSERVIA (au vu des pièces versées par cette dernière) n'apparaissent pas indiqués comme tel sur la liste de TECHNI DESOSS. Ces deux anciens salariés de PROSERVIA ont été recrutés par la société TECHNI DESOSS respectivement le 2 mars 2015 et le 29 juin 2015 (en précisant toutefois que, pour Monsieur K..., une proposition d'emploi par TECHNI DESOSS lui a été faite dès le 2 janvier 2015, soit dès la reprise, tel que cela figure dans les pièces produites) ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société TECHNI DESOSS, il apparaît bien que celle-ci a embauché du personnel travaillant déjà sur le site pour le compte de la société PROSERVIA, en plus des 10 salariés qu'elle a été contrainte de reprendre en exécution de l'ordonnance de référé, et que la liste qu'elle produit omet de mentionner l'ensemble des salariés provenant de PROSERVIA ; qu'en tout état de cause, les offres d'emploi destinées à des salariés spécialisés en désossage et parage de viandes pour le site de METZ par les sociétés repreneuses, qui sont produites, démontrent au demeurant que ces sociétés n'avaient pas les moyens en personnel nécessaires pour assurer les nouvelles prestations qui leur étaient confiées à compter du 1er janvier 2015 ; qu'il apparaît bien que les sociétés nouvellement prestataires, qui avaient donc incontestablement besoin d'un personnel qualifié et expérimenté en deuxième transformation de viandes, personnel installé sur la région, ont tenté de reprendre aux mêmes tâches, mais à leurs conditions (notamment sans reprise d'ancienneté et avec période d'essai et donc en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail), le personnel de PROSERVIA spécialement affecté sur le site CHARAL de METZ, ayant précisément la qualification spécifique recherchée, mais uniquement celui parlant français (afin de satisfaire aux exigences du groupe BIGARD) ; que l'ensemble de ces éléments permet donc de considérer, malgré les allégations des sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, que les salariés de la société PROSERVIA constituaient bien une collectivité de travailleurs durablement réunie par une activité commune que les repreneuses ont tenté de maintenir, mais à leurs propres conditions ; que par ailleurs, il ressort des pièces versées par les parties, que la prestation de transformation des viandes de TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES était également exercée dans les mêmes locaux que la société PROSERVIA (soit rue du trou aux serpents-57050 METZ), ces locaux étant fournis par la société CHARAL ; qu'il ressort des contrats de sous-traitance conclus entre la société BIGARD et les sociétés TECHNI DESOSS (du 30 mai 2013) et CODÉVIANDES (du 24 mai 2013), dont l'extension du marché au 1er janvier 2015 au site CHARAL de METZ était prévue par avenants du 28 juillet 2013 et 5 septembre 2014, que la société BIGARD s'engage à mettre à la disposition des entreprises sous-traitantes et de leurs salariés des locaux et installations de travail séparés de ses propres activités, et notamment les tables de découpe et de désossage, à charge pour les sous-traitants de produire les équipements de protection individuelle (tabliers de protection, gants maille, bottes de sécurité, casques,..) ainsi que les couteaux et fusils adaptés aux activités exercées ; que s'agissant des éléments qui n'ont donc pas été transférés, il y a lieu d'observer que les équipements de protection remis à chaque salarié apparaissent difficilement devoir passer d'un salarié à un autre ; que de même, les sociétés repreneuses indiquent avoir leurs propres fiches techniques, correspondant aux prescriptions techniques propres à leur savoir-faire ; que celles-ci pouvant certes difficilement être partagées avec leurs concurrentes, il sera observé malgré tout que, dans le même temps, le client, soit la société CHARAL, imposait un cahier des charges, un règlement intérieur et des règles d'hygiène et de sécurité communs aux prestataires de service successifs, ce qui limitait la spécificité des process propres à chaque société ; qu'en revanche, il n'est pas contesté que le personnel des deux sociétés soit intervenu, à compter du 1er janvier 2015, dans les mêmes locaux et sur les mêmes tables de découpe que celles occupées auparavant par les salariés de la société PROSERVIA, ce qui constituait l'essentiel des moyens d'exploitation déjà utilisés par PROSERVIA ; que les moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité de deuxième transformation des viandes et significatifs, s'agissant de locaux et des tables de découpe (seuls n'étant pas transférés les équipements de protection individuelle, les couteaux et les fiches techniques) ont été transférés de la société PROSERVIA aux sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES et mis par la société CHARAL à la disposition des prestataires successifs, ce transfert pouvant parfaitement être indirect, et alors que la société CHARAL fournissait également la matière première (à savoir les carcasses de bêtes) ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, force est donc de constater une identité d'activité (activité de deuxième transformation des viandes à savoir désossage et parage des viandes) transférée de la société PROSERVIA aux sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, ces dernières tentant également d'embaucher à leurs conditions une importante partie du personnel affectée de façon permanente et exclusive sur le site CHARAL de METZ par la société PROSERVIA, ce transfert s'accompagnant par ailleurs d'un transfert des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité reprise (mise à disposition par la société CHARAL des locaux et des chaînes de production) ; qu'ainsi, et bien qu'il y ait eu une modification organisationnelle dans l'exercice de l'activité (laquelle a été confiée à deux nouveaux prestataires au lieu d'un seul mais sans distinction avérée selon la nature des prestations anciennement accomplies par la société PROSERVIA), le lien fonctionnel entre les différents facteurs de production transférés a été maintenu et a permis aux deux cessionnaires d'utiliser ces derniers aux fins de poursuivre une activité économique identique ; qu'il convient alors de considérer, en raison du maintien au jour du transfert d'une entité économique autonome poursuivant un objectif propre, en l'espèce l'unité de deuxième transformation des viandes sur le site CHARAL de METZ, à laquelle étaient exclusivement rattachés les salariés de PROSERVIA, qu'en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il y a bien eu transfert des contrats de travail des salariés de la société PROSERVIA aux sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé, en référé, que le contrat de travail du salarié avait été transféré aux sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES à compter du 1er janvier 2015, sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'il y a lieu d'ordonner aux sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS d'exécuter à compter de cette date le contrat de travail du salarié signé avec la société PROSERVIA et de condamner solidairement les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES à payer au salarié concerné, à titre de provision, la somme de 2 000 euros à valoir sur ses salaires à compter du 1er janvier 2015, date du transfert du contrat de travail, sans qu'il soit dès lors besoin d'examiner la demande subsidiaire du salarié ; que l'ordonnance de référé du conseil des prud'hommes de METZ sera confirmée sur l'ensemble de ces points ; qu'il y a également lieu d'assortir le paiement de la somme allouée d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour à compter du 8ème jour suivant notification de l'arrêt de la cour, et ce, pendant 60 jours.

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il est également constant, selon contrat de travail, que le salarié a été engagé par la société PROSERVIA, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée/ en qualité d'ouvrièr (e), niveau 1, échelon 1 (art. 1er), chargée de travaux de façonnage de viandes c'est-à-dire abattage, désossage, parage et machine (art. 3), son lieu de travail étant fixé dans les locaux de la société CHARAL METZ (art. 4), pour une durée de travail de 151, 67 heures par mois (art. 5) sur la base d'une rémunération horaire brute de 9, 63 € (art. 6) ; QU'en dernier lieu, selon bulletins de salaire, le salarié occupait l'emploi de manutentionnaire, catégorie ouvrier, niveau 2, échelon 1, pour une durée de travail de 151, 67 heures par mois et une rémunération mensuelle brute de 1 528, 83 € ; QU'après avoir été informée, par lettre du 28 novembre 2014 de la SARL PROSERVIA de la perte de son contrat de prestations de services pour le compte du groupe BIGARD et du transfert de son contrat de travail auprès des sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, elle a adressé un courrier à chacune de ces deux sociétés en date du 2 janvier 2015, dans les mêmes termes, à savoir : « En date du 2 janvier 2015, je me suis présenté à l'entrée du poste de sécurité du site Charal à Metz, rue du trouaux serpents 57062 Metz, Il y avait la présence d'un huissier de justice pour faire constater les faits suivants l'impossibilité pour les anciens salariés de la SARL PROSERVIA d'entrer sur le site. Vous avez l'obligation selon l'article L. 1224-1 et L. 1224- 2du Code du travail de transférer mon contrat de travail auprès de vos sociétés. N'ayant pas pu pénétrer sur le site, je vous informe de la rupture de mon contrat de travail » ; QU'il résulte de ces courriers, que la SA TECHNI DESOSS, par lettre du 09 janvier 2015, lui apportera la réponse suivante : « Nous faisons suite à votre courrier recommandé avec accusé de réception daté du 2 janvier 2015, reçu le 6 janvier 2015, aux termes duquel vous nous informez de la rupture de votre contrat de travail suite à l'impossibilité pour les salariés de la SARL PROSERVIA d'entrer sur le site de la société CHARAL à Metz. Nous sommes quelque peu étonnés de votre courrier sachant que nous n'avons aucun lien de droit entre notre société et la société PROSERVIA. La seule relation commerciale que nous ayons est avec la société CHARAL, avec qui nous avons conclu pour 2015 une extension de notre contrat commercial initial. Aussi il n'y a pas transfert chez nous de votre contrat de travail conclu avec la société PROSERVIA. Aucune législation concernant les transferts de droit des contrats de travail ne s'applique en l'espèce ; en outre la convention collective que nous appliquons et qui est appliquée chez votre employeur ne prévoit aucune disposition en ce sens. Aussi, sauf à voire employeur d'en décider autrement, vous demeurez salariée de la société PROSERVIA » ; QUE la société CODÉVIANDES, pour sa part, prenant acte de son courrier par lettre du 14 janvier 2015, lui a répondu « nous avons reçu votre courrier du 2 janvier 2015 aux termes duquel : Vous nous indiquez-vous être présenté le 2 janvier 2015 à l'entrée du poste de sécurité du site Charal à Metz et avoir à cette occasion fait constater par voie d'huissier votre impossibilité d'accéder au site. Vous prétendez que nous aurions l'obligation, en application des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du Code du Travail de reprendre le contrat de travail que vous avez conclu avec votre employeur, la société PROSERVIA. Pour terminer, vous nous informez de « la rupture de votre contrat de travail à notre tort. Vos propos ne manquent pas de nous surprendre. Nous vous rappelons en effet que votre employeur a simplement perdu un marché. Désormais, sur le chantier Charal à Metz, interviennent d'autres sociétés que celle de votre employeur, parmi lesquelles la nôtre. Nous y menons une exploitation avec nos propres moyens, sans qu'il n'y ait eu aucun transfert entre notre société et la société PROSERVIA, ni d'éléments corporels ni d'éléments incorporels, et la situation actuelle d'exploitation n'étant pas identique à celle qui existait avant la perte de marché. Les dispositions du Code du travail que vous citez ne sont ici pas applicables. Vous ne pouvez donc pas vous prévaloir d'un transfert automatique du contrat de travail que vous avez conclu avec la société PROSERVIA vers notre société CODÉVIANDES. Incidemment, vous n'êtes donc pas fondé à nous imputer une quelconque rupture de votre contrat de travail » ; Sur le transfert des contrats de travail et le trouble manifestement illicite : VU, d'une part, l'article R. 1455-5 du Code du Travail, « Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend » ; Que d'autre part, l'article R. 1455-6 du Code du Travail, « La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; Qu'enfin, l'article R. 1455-7 du Code du Travail, « Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du Code du Travail, « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; Que l'adverbe « notamment » utilisé dans l'article L. 1224-1 du Code du Travail signifie que la liste des cas de changement d'employeur entraînant transfert des contrats n'est pas limitative ; Que cet article pose comme principe le maintien des contrats de travail en cours lorsque l'entreprise « change de main » suite notamment à une fusion, une scission ou une cession ; Qu'il s'agit là d'une règle d'ordre public qui s'impose, le repreneur de l'entreprise, et les salariés ne pouvant s'opposer au transfert des contrats de travail ; Que ce transfert est automatique et l'employeur cédant n'est pas tenu de le notifier au salarié ; Que le principe posé par l'article L. 1224-1 du Code du Travail susvisé est, en premier lieu, que cet article ne reçoit application qu'en cas de modification de la situation juridique de l'employeur et qu'une telle modification ne pourrait résulter de la seule perte d'un marché (Cass. Ass. Plén., 15 nov. 1995, n° 82-40301 et 82-41510 ; Cass. soc., 22 mars 1995, n° 93-40754) ; Que dans un second temps, la Haute Cour a précisé que la règle de maintien des contrats de travail s'applique, même en l'absence de lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise (Cass. Ass. Plén., 16 mars 1990, n° 86-40686 et 89-45730), Dès lors, il est tenu compte, pour apprécier le transfert de l'entité économique, du transfert concomitant des moyens essentiels d'exploitation tels que matériel, locaux terrains et équipements (Cass. soc., 13 déc. 1995, n° 94-40816) ; Que par ailleurs, il a été jugé que l'article L. 1224-1 s'appliquait dans les cas de sous-traitance, sous réserve qu'il y ait transfert d'une entité économique autonome (voir n° 250-20), c'est-à-dire d'un ensemble organisé de personnes et de moyens ayant ses propres objectifs (Cass. soc., 31 janv. 2001, n° 99-60. 378) ; Qu'en l'espèce, il est constant, comme rappelé précédemment, que la SARL PROSERVIA s'était vue confier par le Groupe BIGARD un contrat de prestation pour son site CHARAL de METZ ; Que ce contrat de prestation a été résilié par lettre du 04 Avril 2014 par le Groupe BIGARD ; Qu'il est également constant que les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, se sont vues confier une prestation de services, à compter du 1er Janvier 2015, sur ce même site CHARAL à METZ ; Qu'il n'est pas discuté que la prestation de services confiée précédemment à la SARL PROSERVIA serait différente de celles confiées par le Groupe BIGARD aux sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, dans la mesure où auparavant et ce jusqu'au 31 décembre 2014, la société PROSERVIA effectuait le façonnage de la viande de boeuf sur les parties de l'avant et de l'arrière de l'animal, et qu'à compter du 1er janvier 2015 les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, effectuaient la même prestations de façonnage de la viande de boeuf ; QUE dans l'organisation mise en place par CHARAL, laquelle ne figure ni dans les contrats cadres et avenants signés entre le Groupe BIGARD, dont fait partie CHARAL METZ, et les deux sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, a eu pour effet de voir ces deux sociétés se partager le façonnage, à savoir l'une s'occupant de l'avant et l'autre de l'arrière, sur deux chaînes de production distinctes ; Que cette organisation tend a priori de laisser penser que le contrat de prestation de services dont était titulaire PROSERVIA jusqu'au 31 décembre 2014 serait différent des contrats passés par BIGARD aux sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, à compter du 1er janvier 2015 ; Or, ces différences ne font qu'illusion ; QU'en effet, il résulte des explications et des pièces versées aux débats que les prestations de service effectuées depuis le 1er janvier 2015 par les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES, prises dans leur globalité, sont des prestations identiques à celles confiées à PROSERVIA jusqu'au 31 décembre 2014 ; QUE pour s'en convaincre, il convient de relever que la société CODÉVIANDES, qui était titulaire d'un contrat cadre de prestation de travail à façon des viandes conclu avec le Groupe BIGARD, en sa qualité de donneur d'ordre, contrat signé à QUIMPERLÉ le 24 mai 2013 ; QU'il résulte de ce contrat cadre, que la société CODÉVIANDES a pour activité le parage, la découpe, le piéçage et le désossage de tous produits carnés et que la société BIGARD dans le cadre de son activité de transformation de viandes peut avoir besoin pour l'accomplissement de marchés spécifiques des compétences réunies dans la société CODÉVIANDES, en fonction de la variation de ses volumes d'activité ; QUE ce contrat a été conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, résiliable par l'une ou l'autre des parties sous réserve du respect d'un préavis de 3 mois (art. 12) ; QUE l'exécution de la prestation étant dépendante des commandes passées par le groupe BIGARD en cas de besoin en fin de semaine, commande détaillant les quantités de marchandises devant être traitées la semaine suivante (art. 2) ; QU'il en résulte que l'activité sous-traitée à CODÉVIANDES dépend des besoins exprimés hebdomadairement par le Groupe BIGARD, tout comme l'était celle sous-traitée à PROSERVIA ; QU'aux termes de ce contrat cadre, il est relevé que la société BIGARD déclare disposer des locaux et moyens de production conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de transformation des viandes (exposé) ; que la société BIGARD devra mettre à la disposition de la société CODÉVIANDES et ses salariés, des locaux et installations de travail séparés de ses propres activités, ainsi les tables de découpe et de désossage seront spécifiques au travail réalisé par la société CODÉVIANDES (art. 4, § 8) ; Que la société CODÉVIANDES s'engage à fournir à ses salariés, les équipements de protection individuelle (tabliers de protection, gants maille, bottes de sécurité, casques,...) ainsi que les couteaux et fusils adaptés aux activités exercées (art. 4, § 9) ; Que la société BIGARD mettra à disposition le matériel nécessaire à la réalisation du travail du salarié tel que le linge, les gants anti-coupures, les coutelières vides référencées sur le site pour faciliter le nettoyage et l'affûtage centralisé, qui seront facturés à la société de prestation chaque mois au tarif prévu en annexe I (art. 8) ; Que par avenant n° 2 au contrat de prestation de travail à façon des viandes, signé à PARIS le 05 septembre 2014, prenant effet le 08 septembre 2014, les sociétés BIGARD et CODÉVIANDES ont modifié la liste des établissements où devait s'exercer la prestations de travail ; Qu'il en résulte, outre les établissements BIGARD à QUIMPERLÉ, GALLAIS VIANDES à MONTAUBAN DE BRETAGNE, la société CODÉVIANDES s'est vu confier l'établissement CHARAL à METZ ; QU'en ce qui concerne la société TECHNI DESOSS, celle-ci a conclu un contrat cadre avec le Groupe BIGARD à SAINT-SYLVAIN-D'ANJOU le 30 mai 2013, dont il résulte que le client exerce une activité de transformation industrielle de viandes et de produits carnés et déclare disposer de locaux et de moyens de production conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de transformation des viandes, et que le sous-traitant exerce une activité de découpe de produit camés et propose à ses clients des prestations de désossage, parage et de conditionnement de viandes ; Que le donneur d'ordre, le Groupe BIGARD, en raison de la forte variation de fréquence de la charge de travail, des conditions d'exécution et de la nature spécifique de ces travaux, souhaite confier à un sous-traitant des travaux d'élaboration de viandes, notamment le désossage et le parage ; en particulier l'exécution de prestations d'élaboration de viandes et de produits carnés (art. 1) ; QUE la prestation s'exécutera dans les locaux du client (BIGARD) (art. 2) ; locaux désignés par le client (art. 4) ; le client mettant à disposition du sous-traitant le matériel de production nécessaire à l'exécution des prestations (notamment les sciés, dénerveuses, découenneuses, etc.), l'entretien des locaux et du matériel fixe ou mobile étant à la charge exclusive du client (art. 4. 1) ; QUE les prestations sont dépendantes de la demande du donneur d'ordre BIGARD, et effectuées à la semaine, selon facturation (art. 5) ; QUE la durée du contrat est d'un an, renouvelable tacitement pour la même durée, sous réserve d'un préavis de 3 mois en cas de dénonciation (art. 9) ; QUE par avenant n° 3 au contrat cadre, signé le 28 juillet 2014, les parties au contrat ont modifié la liste des établissements, dans lesquels la société TECHNI DESOSS s'est vu confier la sous-traitance de prestations de travaux, outre les établissements SOCOPA VIANDES à LA ROCHE SUR YON, SOCOPAS VIANDES à CHERRÉ, BIGARD à VITRY LE FRANÇOIS, celui de CHARAL à METZ ; QUE selon cet avenant, la prestation a pris partiellement effet à compter du 08 septembre 2014 ; QU'il est constaté que les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES se sont donc vues confier la même prestation de service, prestation identique à celle confiée auparavant à la société PROSERVIA ; QUE rien dans les contrats cadres, ni dans les avenants, des sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, ne permet de déduire qu'il s'agirait de prestations différentes à celle exercée antérieurement par la société PROSERVIA dans le cadre de son contrat de sous-traitance dénoncé avec effet au 31 décembre 2014 ; QUE ni les contrats cadres, ni les avenants, ne définissent le cadre de la prestation de travail sous-traitée aux sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, à savoir que leurs prestations se limiteraient à l'avant ou à l'arrière de l'animal à façonner, contrairement à ce qu'elles soutiennent ; QUE cette répartition du façonnage entre les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, a été décidée par le seul directeur de CHARAL METZ, Monsieur Franck Q...; en effet, dans un courrier du 16 juin 2014, ce dernier informe la société CODÉVIANDES, que dans le cadre de sa volonté de mettre en place de nouvelles équipes de prestation sur le site CHARAL METZ, elle a été retenue, et que son périmètre de prestation se situera sur la chaîne n° 1 et comprendra : le désossage et le parage des avants et le conditionnement des muscles sous vide " ; que la mise en place de cette ligne sera pleine et entière pour le 1er janvier 2015 ; QUE par courrier en réponse du 04 juillet 2014, la société CODÉVIANDES confirme la mise en place d'une équipe de démarrage dès le 08 septembre 2014 pour être entièrement opérationnelle à compter du 1er janvier 2015 ; ATTENDU qu'en effet, il est relevé que sur le site CHARAL à METZ plusieurs lignes de production existent, sur lesquelles intervenait la société PROSERVIA jusqu'à fin 2014 ; QU'il est établi que, suite à l'organisation imposée par Monsieur Q..., directeur de CHARAL METZ, les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES se sont vues répartir entre elles la prestation initialement effectuée par PROSERVIA, répartition imposée par le donneur d'ordre, en accord avec les nouvelles sociétés prestataires ; QU'il résulte également des attestations produites aux débats et établies par des salariés de la SARL PROSERVIA et mis à disposition de CHARAL (M. J..., M. K..., M. I..., M. H...), que Monsieur Franck Q..., directeur de CHARAL, est intervenu également auprès des salariés, lors d'une réunion le 28 novembre 2014, pour les informer que les propos tenus par leur employeur étaient erronés et infondés, leur demandant de démissionner de leur emploi, sans quoi le 02 janvier 2015 l'accès au site leur serait refusé et sans démission ils ne seraient pas repris par les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES ; QUE si effectivement les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS produisent des annonces de recherche d'emploi pour le site CHARAL, pour autant, il est relevé que, d'une part, Monsieur Q...a eu un rôle très actif quant à la reprise ou non des salariés de PROSERVIA pour les nouvelles sociétés prestataires, et que d'autre part, celles-ci ont bien chercher à recruter du personnel de PROSERVIA (attestations de Madame P..., Madame R..., Monsieur S...) ; QUE ces éléments démontrent que contrairement à ce qu'elles font valoir, elles n'avaient pas les moyens nécessaires pour assurer leurs prestations à compter du 02 janvier 2015 ; QU'il est relevé une entente entre le client et les sociétés défenderesses pour faire échec aux dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; QU'une telle organisation du travail et répartition de la prestation ne saurait avoir pour but recherché de faire obstacle à la mise en oeuvre des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du Code du Travail, de sorte qu'aucune disposition contractuelle ne peut exclure, comme en l'espèce, les contrats cadre signés avec le Groupe BIGARD (Cass. soc., 5 févr. 1969 ; Cass. soc., 6 mai 1978 ; Cass. soc., 16 oct. 1980) ; QU'une telle mise en oeuvre, qui a pour effet de mettre en échec les dispositions susvisées, en méconnaissance d'une disposition d'ordre public à laquelle il ne saurait être dérogé, par convention ou décision unilatérale ; en effet, les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du Travail étant d'ordre public, dès lors, il ne peut y être dérogé par des conventions particulières, comme en l'espèce les contrats signés entre le Groupe BIGARD et ses prestataires, ainsi que des échanges de courriers avec Monsieur Franck Q..., directeur de CHARAL METZ, pour faire échec aux transferts des contrats de travail, pas plus que la démission qui pourrait être imposée aux salariés (Cass. soc., 12 févr. 1991) ; QU'en l'espèce, les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS ont manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du Travail, sous couvert de contrats cadres et avenants signés avec le Groupe BIGARD, pour faire échec au transfert des contrats ; QU'en effet, le montage contractuel entre le Groupe BIGARD et les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS est une entente dans le but de faire échec à l'application de ces dispositions protectrices des contrats de travail ; QUE dès lors, il convient de constater que les contrats de travail devaient se poursuivre de plein droit avec lesdites sociétés, et que les refus de ces dernières de fournir du travail à l'intéressé et de lui verser ses salaires constitue un trouble manifestement illicite (Cass. soc., 5 juil. 2006, n° 05-44127), trouble qu'il convient de faire cesser, en ordonnant le transfert du contrat de travail à compter du 1er janvier 2015 ; QU'en l'espèce, les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS s'étant entendues pour faire échec à la poursuite des contrats de travail des salariés relevant de cette activité, ont violé une disposition d'ordre public caractérisant un trouble manifestement illicite qui autorise au juge des référés à prendre des mesures pour le faire cesser (Cass. soc., 12 juin 2007, n° 06-41554) ; QUE contrairement à ce que soutiennent les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, dès lors que le juge des référés constate la violation d'un droit, et peu importe l'existence d'une contestation sérieuse ou l'absence d'urgence, l'existence d'un trouble manifestement illicite est caractérisé, il en est ainsi du refus du transfert des contrats de travail ; QUE dès lors, l'attribution à deux nouveaux concessionnaires de l'activité de façonnage des produits carnés sur le site CHARAL à METZ, auparavant attribuée à PROSERVIA, a pour effet d'entraîner le transfert d'une entité économique autonome, laquelle est constituée par la mise à disposition d'une main d'oeuvre dédiée et affectée à une tâche totalement dépendante des besoins de la société BIGARD ; QU'en effet, il convient de préciser que le transfert d'une entité économique autonome ne s'opère que si les moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement par un autre exploitant (Cass. soc., 31 mars 2011 RJS 6/ 10 n° 490) ; QUE par ailleurs, et contrairement à ce que soutiennent les sociétés défenderesses, il est constaté qu'il y a eu transfert d'activité au sens de l'article L. 1224-1 du Code du Travail ; en effet, l'activité résultant des contrats en sous-traitance pour CHARAL, initialement avec PROSERVIA, puis à compter du 1er janvier 2015 avec CODÉVIANDES ET TECHNI DESOSS, repose essentiellement sur la main-d'oeuvre, ce qui n'est pas contesté, une telle collectivité de travailleurs que réunit durablement cette activité commune correspond à une entité économique (CJCE 11 mars 1997 ; CJCE 10 déc. 1998) ; QUI plus est, il résulte de l'examen des contrats cadres et des avenants concernant cette prestation de service, que la société CHARAL a mis à disposition des entreprises prestataires l'intégralité des moyens de production nécessaire à la prestation sous-traitée ; il en est ainsi des locaux et moyens de production mis à disposition par CHARAL dans ses locaux de METZ, de l'ensemble des lignes de production nécessaires à l'exécution de la prestation, comme les tables de découpe et de désossage, ainsi que le matériel nécessaire à la réalisation du travail du salarié tel que le linge, les gants anti-coupures, les coutelières vides référencées sur le site pour faciliter le nettoyage et l'affûtage centralisé ; QUE si, en principe, pour qu'il y ait transfert d'une unité économique, au sens de l'article L. 1224-1 du Code du Travail, il est nécessaire que l'entité doit correspondre à un ensemble organisé d'éléments permettant la poursuite des activités ou de certaines activités de l'entreprise cédante de manière stable (CJCE 19 sept 1995) ; QU'une entité ne saurait être réduite à l'activité dont elle est chargée ; en effet, son identité ressort également d'autres éléments tels que le personnel qui la compose, son encadrement, l'organisation de son travail, ses méthodes d'exploitation ou, le cas échéant, les moyens d'exploitation mis à sa disposition (CJCE 11 mars 1997) ; QUE tel est le cas en l'espèce, puisque les sociétés prestataires, que ce soit PROSERVIA ou CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, étaient contraintes à la fourniture de la main d'oeuvre nécessaire à la réalisation de la prestation, à son encadrement, à l'organisation de son travail en fonction des attentes du Groupe BIGARD et de son établissement CHARAL de METZ, mettre en oeuvre des méthodes d'exploitation conformes aux attentes du client, alors que les moyens de d'exploitation et de production étaient mis à disposition par le client ; que cette mise à disposition, à des prestataires de service successifs, des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité et appartenant au donneur d'ordre CHARAL, répond au critère de transfert d'éléments corporels, même indirect (Cass. soc., 24 nov. 2009, n° 08-44148 ; Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 11-26388) ; QUE cet ensemble, d'une part, la mise à disposition de la main d'oeuvre nécessaire, de son encadrement, de l'organisation de la prestation, par les sociétés prestataires, et d'autre part, de la mise à disposition par le donneur d'ordre des locaux et des moyens d'exploitation et de production, correspond bien à une entité économique autonome (Cass. soc., 11 juin 2002, n° 01-43051) ; QU'il est constaté qu'il s'agit d'un ensemble organisé de personnes, d'éléments corporels et incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; QU'il s'agit bien d'une cession d'une unité de travail, laquelle ne peut concerner que les seuls salariés affectés exclusivement à cette unité (Cass. soc., 17 mars 1988 ; Cass. soc., 12 nov. 1997) ; QU'en l'espèce, il est constaté que les conditions sont donc réunies pour application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; QUE dès lors, il ne peut être tenu compte d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la demanderesse, par lettre du 02 janvier 2015, adressée respectivement aux sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, dans la mesure où le contrat de travail initialement conclu avec PROSERVIA n'était pas rompu, et que d'autre part, le transfert du contrat n'était pas effectif, puisque les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS s'y sont opposées, de sorte que le demandeur n'a pu accéder à son poste de travail ; QUE par ailleurs, il y a lieu de rejeter la demande de la SARL PROSERVIA d'une mesure d'enquête dans les locaux de CHARAL ; PAR CONSÉQUENT, il convient de faire droit à la demande du salarié en ordonnant le transfert de son contrat de travail, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du Travail, au sein des sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS, sur le site de CHARAL à METZ, et ce à compter du 1er janvier 2015 ; De condamner les sociétés CODÉVIANDES et TECHNI DESOSS à une astreinte provisoire de 100, 00 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la présente ordonnance, QU'il convient également de condamner solidairement les sociétés TECHNI DESOSS et CODÉVIANDES à lui payer une provision de 2 000, 00 € à valoir sur le salaire impayé depuis le 1er janvier 2015 ; QUE d'autre part, la société PROSERVIA, appelée en déclaration commune, sera condamnée, en cas d'absence automatique du transfert du contrat de travail, à exécuter toutes les obligations issues du contrat de travail et ce, sous astreinte provisoire de 100, 00 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la présente ordonnance ;

- ALORS, D'UNE PART, QUE le transfert d'entreprise au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail suppose que l'entité économique autonome conserve son identité et que tel n'est pas le cas lorsque l'activité d'une société a été répartie entre deux sociétés ; qu'en faisant application de ce texte en l'espèce tout en constatant que l'activité de la société Proservia avait été répartie entre les sociétés Techni Desoss et Codéviandes, en sorte que l'entité économique n'avait pas conservé son identité, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

- ALORS D'AUTRE PART QU'en tout état de cause, le transfert d'entreprise au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail suppose que l'entité économique autonome conserve son identité ; que tel n'est pas le cas, lorsque, dans le cadre d'une modification organisationnelle ou des conditions d'exploitation, l'activité de cette entité s'est trouvée répartie entre plusieurs sociétés en situation de concurrence ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que l'activité de deuxième transformation des viandes, relevant d'abord de la société Proservia, avait été répartie, à partir du 1er janvier 2015, entre les deux sociétés concurrentes Techni Desoss et Codéviandes ; qu'ainsi, il y avait bien eu une modification organisationnelle dans l'exercice de cette activité désormais confiée à deux nouveaux prestataires en situation de concurrence, au lieu d'un seul et que les moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de cette activité ont été transférés de la société PROSERVIA aux sociétés Techni Desoss et Codéviandes ; qu'il en résultait que l'entité économique transférée n'avait pas conservé son identité ; qu'en décidant cependant que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail étaient réunies et en ordonnant le transfert du contrat de travail des différents salariés concernés sur le site Charal Metz au sein des entreprises concurrentes Techni Desoss et Codéviandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- ALORS DE TROISIEME PART QUE la perte d'un marché au profit d'un concurrent n'entraîne l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail que lorsqu'elle s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome entendue comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit des intérêts et un objectif propre ; qu'en l'espèce, la société Techni Dessos avait conclu à l'absence d'entité économique autonome poursuivant un objectif propre en faisant valoir d'une part que concernant les éléments corporels et incorporels, et plus généralement les moyens d'exploitation, elle avait d'autres marchés et par conséquent des moyens en équipements et matériels qui n'étaient pas propres à ce marché (cf conclusions récapitulatives et responsives p. 19 point 2) ; que la société Charal ne fournissait que le lieu ainsi que les tables de découpe et râteliers pour permettre le nettoyage des machines, les formations, les outils de travail (couteaux, équipements de protection complets sous l'autorité d'un responsable hiérarchique et organisationnel sur place appartenant au personnel du sous-traitant), les fiches techniques étant quant à eux fournis par la société Techni Dessos (cf conclusions récapitulatives et responsives p. 20 § 4 et s.) et d'autre part que l'activité de désossage et de parage qui lui avait été partiellement confiée, n'était nullement autonome et ne poursuivait pas un objectif propre dès lors, au contraire, elle n'avait qu'un caractère secondaire et non exclusif à l'activité de la société Bigard qui exerçait également cette activité (cf conclusions récapitulatives et responsives p. 23 § 5 et s.) ; que d'ailleurs le contrat de sous-traitance conclu avec la société Techni Dessos avait pour objet l'exécution de prestations et d'élaboration de viandes et de produits carnés mentionnés dans le carnet des charges (article 1 du contrat de sous-traitance) ; que la ligne de production, qui n'avait qu'un caractère secondaire à l'activité de la société Bigard, dépendait dans son fonctionnement de la quantité de viandes à travailler laquelle était fluctuante et impliquait par conséquent un effectif variable dont le choix appartenait au sous-traitant (cf conclusions récapitulatives et responsives p. 24 § 3 et s.) ; qu'en se bornant à énoncer que le groupe Bigard, auquel appartient la société Charal, développe quatre pôles d'activité, soit l'abattage des bêtes, le désossage et parage, la fabrication et le conditionnement de produits élaborés et enfin le traitement des cuirs, et que la société Proservia dans un premier temps, puis les sociétés Techni Desoss et Codéviandes dans un second temps, interviennent en sous-traitant mais uniquement dans l'activité qualifiée de deuxième transformation, correspondant au désossage et parage, sans rechercher ni préciser, comme elle y était expressément invitée, si cette tâche spécifique, au-delà de sa dénomination propre d'« activité de deuxième transformation », n'était pas totalement imbriquée dans l'ensemble du processus industriel de transformation des viandes par Charal destiné à la fabrication du produit final commercialisé de sorte qu'elle ne constituait pas une activité autonome poursuivant un but ou objectif économique propre, la Cour d'appel qui a notamment constaté que l'activité de façonnage de la viande était déterminée en fonction de la matière première fournie, soit en fonction des arrivages, ainsi que des demandes des clients de Charal, « ce dont la société Proservia était elle-même tributaire, tout comme les sociétés Techni Desoss et Codéviandes », n'a pas caractérisé l'existence d'une entité économique autonome poursuivant un objectif propre et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

- ALORS DE QUATRIEME PART QUE la finalité de l'article L. 1224-1 du Code du travail est de protéger les salariés lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, et non de protéger l'employeur qui, par ses choix de gestion, s'est placé dans une situation de dépendance économique vis-à-vis d'un unique client ; que dès lors, en justifiant l'application de ce texte par le motif selon lequel « la société Proservia n'avait qu'un seul client et qu'elle avait affecté sur le site Charal Metz la totalité de son personnel, la perte du marché la laissant sans possibilité de fournir du travail à ses salariés » (arrêt, p. 14, al. 5), la Cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

- ALORS DE CINQUIEME PART QUE la reconnaissance d'une situation de co-emploi suppose de caractériser, soit l'existence d'un lien de subordination entre le salarié et les entreprises en cause, soit l'existence entre les entreprises concernées, d'une confusion d'intérêts, d'activité et de direction ; que dès lors, en jugeant que le contrat de travail du salarié avait été transféré sans distinction « aux sociétés Techni Desoss et Codéviandes » à compter du 1er janvier 2015, ce qui revenait à qualifier ces dernières de co-employeurs de l'intéressé, sans aucunement, ni vérifier laquelle de ces entreprises exerçait le pouvoir de direction et de contrôle, ni caractériser entre ces sociétés concurrentes l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activité et de direction, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'articles L. 1221-1 du code du travail ;

- ALORS DE SIXIEME PART QUE le cumul irrégulier d'emplois, prohibé et sanctionné par l'article L. 8261-1 du code du travail, est caractérisé lorsqu'un salarié cumule simultanément plusieurs emplois dont les horaires impliquent un dépassement de la durée légale de travail, notamment lorsque l'intéressé s'engage simultanément à temps plein auprès de plusieurs employeurs ; Que, dès lors, en ordonnant le transfert du contrat de travail du salarié sur le site Charal Metz aux entreprises Techni Dessos et Codéviandes, sans rechercher si une telle décision n'était pas de nature à caractériser un cumul d'emplois prohibé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

- ALORS ENFIN QU'et en tout état de cause, à supposer que ne soit pas surabondant le motif de l'arrêt selon lequel les repreneuses ont tenté de maintenir, mais à leurs propres conditions, la collectivité de travailleurs durablement réunie par une activité commune, constituée par les salariés de la société Proservia (arrêt p. 14), la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant comme étant insusceptible de justifier la réunion des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail pour que soit ordonné le transfert des contrats de travail des intéressés sur le site Charal Metz au sein de la société Techni Desoss et de la société Codéviandes et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-15309;16-15310;16-15311;16-15312;16-15313;16-15314;16-15315;16-15316;16-15317;16-15318
Date de la décision : 14/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 01 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 sep. 2017, pourvoi n°16-15309;16-15310;16-15311;16-15312;16-15313;16-15314;16-15315;16-15316;16-15317;16-15318


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Le Bret-Desaché, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.15309
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