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12/09/2017 | FRANCE | N°6C-RD061

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 12 septembre 2017, 6C-RD061


COUR DE CASSATION 16 CRD 061
Audience publique du 13 juin 2017
Prononcé au 12 septembre 2017

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l’article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Moreau, Mme Isola, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l’assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :

Accueil partiel du recours sur l

e recours formé par M. Kévin X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de...

COUR DE CASSATION 16 CRD 061
Audience publique du 13 juin 2017
Prononcé au 12 septembre 2017

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l’article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Moreau, Mme Isola, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l’assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :

Accueil partiel du recours sur le recours formé par M. Kévin X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Toulouse en date du 30 novembre 2016 qui lui a alloué une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et de 2 392 euros en réparation du préjudice matériel sur le fondement de l’article 149 du code précité ainsi que la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile AR ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 13 juin 2017 en l’absence de l’intéressé et de son avocat ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Me Legros-Gimbert avocat au barreau de Toulouse représentant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l’État ;

Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l’audience, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l’agent judiciaire de l’État et à son avocat, un mois avant l’audience ;

Et, sur le rapport de Mme le conseiller Isola, les observations de Me Lécuyer, avocat représentant l'agent judiciaire de l’État et les conclusions de Mme l’avocat général Le Dimna ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, placé en détention provisoire le 28 janvier 2010 puis remis en liberté sous contrôle judiciaire le 30 septembre 2010, M. Kevin X..., né le 6 décembre 1977, a été relaxé du délit d’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans par jugement du 10 novembre 2015, devenu définitif ;

Que le 24 mars 2016, il a présenté une requête en réparation de la détention subie, sollicitant l'allocation des sommes de 12 020,97 euros au titre du préjudice matériel, de 20 000 euros au titre du préjudice moral et de 1 200 euros d’indemnité de procédure ;

Que, par décision du 30 novembre 2016, le premier président de la cour d'appel de Toulouse lui a alloué les sommes de 15 000 euros en réparation du préjudice moral, de 2 392 euros au titre du préjudice matériel et de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que M. X..., qui a formé le 6 décembre 2016 un recours contre cette décision, sollicite le bénéfice de ses demandes initiales par écritures reçues céans le 12 janvier 2017, outre la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu’il expose qu'il convient de prendre en considération son âge au moment du placement en détention, l'absence de précédentes incarcérations, la nature des faits pour lesquels il était détenu et la séparation familiale, étant marié et père d’une fille alors âgée de 15 mois ; qu'il a souffert de ne pouvoir apporter de soutien, notamment financier, à sa famille de sorte que le couple a dû vendre son logement pour un prix inférieur à sa valeur et qu'une procédure de divorce a été engagée à la suite de l’incarcération ;

Qu’en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice matériel, il invoque la perte d’une allocation chômage d'un montant mensuel de 1 266,97 euros qu’il percevait et expose que la jurisprudence n'exige pas que soit rapportée la preuve de sa suspension durant l'incarcération ;

Attendu que par un mémoire déposé le 2 mars 2017, l’Agent judiciaire de l’Etat sollicite le rejet du recours faisant valoir, quant au préjudice matériel, qu’il appartient au demandeur de démontrer qu’il percevait un revenu de remplacement dont le versement a été suspendu du fait de la détention mais qu’en l’espèce, s’il justifie qu’il percevait l’aide au retour à l’emploi, il n’établit pas la suspension de cette allocation ; que s’agissant du préjudice moral, le premier président a évalué ce poste de préjudice en tenant compte des circonstances invoquées mais que le demandeur n’établit pas avec certitude que la procédure de divorce, initiée à la requête conjointe des deux époux, soit directement et exclusivement imputable à la détention ;

Attendu que le procureur général, qui a déposé ses écritures le 24 mars 2017, conclut au rejet du recours ; que, s’agissant du préjudice moral, il convient de tenir compte de l’âge de l’intéressé, de la durée de détention, du choc carcéral subi s’agissant d’une première incarcération, du quantum de la peine encourue et de la séparation d’avec ses proches, alors que sa fille était alors âgée de 15 mois, et qu’il n’a pu vivre que difficilement les différentes difficultés auxquelles a dû faire face sa famille à laquelle il ne pouvait apporter de soutien ; qu’en revanche, les autres facteurs d’aggravation évoqués ne paraissent pas pouvoir être retenus, soit parce qu’ils ne sont pas en eux-mêmes établis, soit encore parce que le lien de causalité direct et exclusif avec la détention n’est pas établi ; qu’en ce qui concerne le préjudice matériel, qu’il appartient au demandeur d’établir, M. X... ne justifie toujours pas que le versement de l’aide au retour à l’emploi ait été automatiquement et totalement suspendu du fait de son placement en détention ; qu’il ressort même des quelques pièces produites que des sommes semblent avoir été versées de mars à juillet 2010 au titre de ce revenu de substitution ;

SUR CE,

Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu qu’il incombe au demandeur de démontrer l’existence du préjudice dont il demande réparation ;

Que le premier président a fait droit à la demande de M. X... relative au remboursement des honoraires d’avocat ;

Que, pour le surplus, l’intéressé ne produit aucun document démontrant avoir perdu le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi pendant la période d’incarcération, alors qu’une telle preuve peut être aisément rapportée au moyen, notamment, d’une attestation de suspension émanant de l’organisme payeur ou encore de relevés bancaires ;

Que son recours doit, dès lors, être rejeté de ce chef ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que l’indemnisation du préjudice moral doit tenir compte de la durée de détention indemnisable, de l’âge du requérant, mais aussi du choc carcéral ressenti s’agissant d’une première incarcération, de la séparation d’avec son épouse et leur fille alors âgée de 15 mois ; qu’en revanche, il n’est justifié ni que le divorce des époux X..., ni que la vente de leur maison pour un prix minoré soient en relation directe avec l’incarcération ;

Qu’en l’état de l’ensemble de ces éléments, l’indemnité propre à réparer le préjudice moral subi sera fixée à la somme de 20 000 euros ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et de son appréciation d’équité que le premier président a alloué à M. X... une somme de 600 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure suivie devant lui, de sorte qu’aucun recours n’est ouvert aux fins d’en obtenir l’augmentation ;

Que l’équité commande, en revanche, d’allouer à l’intéressé la somme de 1 200 euros pour l’instance suivie devant la commission nationale de réparation des détentions ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE pour partie le recours de M. Kevin X... ;

Lui ALLOUE les sommes de :

- 20 000 euros (vingt mille euros) en réparation du préjudice moral ;
- 1 200 euros (mille deux cents euros) au titre des frais irrépétibles de procès exposés devant la commission nationale de réparation des détentions ;

REJETTE son recours pour le surplus DAR ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 12 septembre 2017 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.

Le président Le rapporteur
Christian Cadiot Annick Isola

Le greffier
Rania Boudalia


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 6C-RD061
Date de la décision : 12/09/2017
Sens de l'arrêt : Accueil partiel du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice matériel - Réparation - Préjudice économique - Frais irrépétibles - Indemnité au titre des frais irrépétibles - Recours - Possibilité (non)

Procédant de son pouvoir discrétionnaire et de son appréciation d'équité, le montant de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile fixé par un premier président lors la procédure suivie devant lui en application de l'article 149 du code de procédure pénale n'entre pas dans le champ du recours ouvert par l'article 149-3 du même code


Références :

article 700 du code de procédure civile

articles 149 et 149-3 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 30 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 12 sep. 2017, pourvoi n°6C-RD061, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cadiot
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: Mme Isola
Avocat(s) : Me Legros-Gimbert, Me Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:6C.RD061
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