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12/09/2017 | FRANCE | N°6C-RD059

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 12 septembre 2017, 6C-RD059


COUR DE CASSATION 16 CRD 059
Audience publique du 13 juin 2017
Prononcé au 12 septembre 2017

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Moreau, Mme Isola, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :

Accueil partiel du recours formé pa

r M. Majid X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Lyon en date d...

COUR DE CASSATION 16 CRD 059
Audience publique du 13 juin 2017
Prononcé au 12 septembre 2017

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Moreau, Mme Isola, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :

Accueil partiel du recours formé par M. Majid X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Lyon en date du 23 novembre 2016 qui lui a alloué une indemnité de 1 500 en réparation des frais d'avocat exposés et de 8 000 euros en réparation du préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code précité ainsi que la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile AR ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 13 juin 2017, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposés ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Me Metifiot-Favoulet avocat au barreau de de l'Ain assistant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat ;

Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de M. X... ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Et, sur le rapport de Mme le conseiller Moreau, les observations de Me Metifiot-Favoulet, avocat assistant M. X..., celles de M. X... comparant et de Me Lécuyer, avocat représentant l'agent judiciaire de l'Etat, les conclusions de Mme l'avocat général Le Dimna, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que M. Majid X..., né le 22 décembre 1973 à Bourg-en-Bresse, célibataire, déjà condamné, a été mis en examen et placé en détention provisoire, le 7 novembre 2014, par un juge d'instruction au tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse pour infractions à la législation sur les stupéfiants ; qu'ayant été libéré sous contrôle judiciaire le 26 mars 2015, il a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu rendue par le magistrat instructeur, le 11 septembre 2015, devenue définitive ;

Qu'en réparation du préjudice subi à raison de cette détention provisoire d'une durée de 139 jours, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Lyon qui, par ordonnance du 23 novembre 2016, l'a déclaré recevable en sa demande, lui a alloué les sommes de 1 500 euros en remboursement de frais de défense pénale et de 8 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Attendu que M. X..., qui a formé un recours personnel contre cette décision, le 2 décembre 2016, sollicite, par un mémoire parvenu le 16 janvier 2017, une expertise médicale afin de fixer l'étendue de son préjudice moral en faisant valoir que, diabétique, il a été privé, entre le 7 novembre 2014 et le mois de décembre suivant, du nouveau traitement qui lui avait été prescrit par son endocrinologue et que l'absence d'une prise en charge adéquate de sa pathologie en détention, l'a exposé à des complications médicales ; qu'il précise qu'une telle situation justifierait l'allocation d'une somme de 50 000 euros outre celle de 13 900 euros en réparation de son préjudice psychologique dans l'hypothèse où la Commission ne ferait pas droit à sa demande d'expertise ; que chiffrant ses frais de défense pénale à la somme de 8 800 euros, il en demande le remboursement ainsi que celui d'un billet d'avion, d'un montant de 1 450 euros, acquis en vue d'un voyage vers la Thaïlande qu'il n'a pu réaliser du fait de son incarcération ; qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il sollicite la somme de 2 500 euros ;

Que par des écritures complémentaires déposées le 15 mai 2017, il maintient à titre principal sa demande d'expertise médicale et sollicite, à titre subsidiaire, la somme de 50 000 euros au titre de la perte de chance de retrouver un emploi ;

Attendu que par écritures déposées le 13 mars 2017, l'agent judiciaire de l'Etat, qui conclut au rejet des demandes du requérant, expose que la demande d'expertise médicale n'est pas justifiée dès lors qu'il est établi que l'intéressé a bénéficié, dès décembre 2014, du traitement requis pour son diabète ; que s'agissant des frais de défense pénale, il demande d'écarter les quatre factures produites au soutien de cette demande en soulignant que celles des 1er septembre et 17 décembre 2015 ont été justement écartées par le premier président comme se rapportant à des prestations postérieures à l'élargissement de l'intéressé et que les factures des 2 mars 2015 et 10 juillet 2015 ne permettent pas d’individualiser les prestations relevant du fond du dossier d'information et celles relevant du contentieux de la détention seules indemnisables ; qu'il observe que la demande portant sur l'indemnisation d'un préjudice psychologique n'est pas soutenue par le requérant ; qu'il invite, enfin, la commission à rejeter la demande tendant au remboursement d'un billet d'avion après avoir relevé que celle-ci concerne l'achat de deux billets d'avion par un tiers dont l'attestation apparaît insuffisante à établir la réalité du préjudice allégué ;

Attendu que par conclusions civiles du 10 avril 2017, Mme l'avocat général souligne qu'il n'y a pas lieu à expertise médicale du requérant ; que sa demande d'indemnisation en réparation d'un préjudice médical, qui doit s'analyser comme une demande de réparation d'un préjudice moral, doit être écartée dès lors qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la détention et l'aggravation de son état de santé ; qu'elle fait valoir, s'agissant du remboursement des frais de défense pénale, qu'en l'absence de recours de l'agent judiciaire de l'Etat, les sommes accordées par le premier président sont acquises à l'intéressé, même si ce magistrat a procédé à une évaluation étrangère à la jurisprudence de la commission, et constate que l'attestation produite au soutien de la demande de remboursement d'un billet d'avion doit être écartée faute d'être conforme aux normes de l'article 202 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Attendu qu'il résulte des termes de l'article R. 40-8 du code de procédure pénale que les prétentions de l'auteur du recours, auxquelles le défendeur et le procureur général près la Cour de cassation doivent être en mesure de répondre, sont formées dans les conclusions en demande déposées dans le délai prévu par ce texte, et non par voie d'écritures en réponse ; que doivent dès lors être écartées les demandes additionnelles déposées en dehors de ce délai, cette sanction étant justifiée tant par les dispositions de l'article susvisé que par le respect du principe de la contradiction et proportionnée à son but ;

Qu'en l'espèce, la commission n'est saisie que des seules demandes formulées par M. X... dans ses écritures déposées le 16 janvier 2017 et non de celles présentées dans ses écritures en réponse du 15 mai 2017 ;

Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée, à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;

Sur la demande d'expertise médicale

Attendu que si l'article 149 du code de procédure pénale reconnaît au demandeur à l'indemnisation la faculté d'obtenir une expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants, du même code, celle-ci suppose une difficulté d'évaluation d'un chef de préjudice ;

Qu'en l'espèce, n'invoquant pas de séquelles diabétiques persistantes médicalement constatées en détention ni à l'issue de celle-ci, M. X... ne peut prétendre, au sens du premier de ces textes, à l'indemnisation séparée d'un préjudice corporel indépendant de son préjudice moral ou d'un préjudice économique, de sorte que sa demande d'expertise médicale est sans objet ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que l'indemnisation de ce préjudice doit tenir compte de l'âge du requérant, 41 ans lors de l'écrou, de la durée de la privation de liberté proche de quatre mois, de la circonstance que, diabétique et s'étant vu prescrire un nouveau traitement par son endocrinologue la veille de son incarcération, il n'a pu en bénéficier qu'après cinq semaines passées en détention, accroissant la pénibilité de celle-ci par les divers problèmes médicaux rencontrés ; qu'il apparaît en revanche que M. X... avait déjà été incarcéré à deux reprises en 2001 et 2002 pour purger des peines de huit mois et d'un an, ce qui est de nature à minorer le choc carcéral ressenti ;

Que l'ensemble de ces éléments justifie qu'il lui soit accordé la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Sur le préjudice psychologique :

Attendu que ce préjudice découlant du choc carcéral étant indemnisé au titre du préjudice moral, il y a lieu de rejeter la demande du requérant de ce chef laquelle n'est, de surcroît, étayée d'aucun motif dans ses écritures ;

Sur les frais de défense pénale :

Attendu que le premier président a, à bon droit, écarté les factures des 1er septembre et 17 décembre 2015 qui se réfèrent à des prestations postérieures à l'élargissement du requérant ; que la facture du 10 juillet 2015 ne permet pas d'individualiser les prestations de fond de celles liées au contentieux de la détention conduisant à rejeter l'indemnisation de cette dépense, la ventilation de la part de l'honoraire y afférente n'entrant pas dans l'office du juge de l'indemnisation de la détention ; qu'il apparaît, en revanche, que la facture du 2 mars 2015, d'un montant de 3 000 euros, se rapporte à des prestations relatives à la détention justifiant l'accueil de la demande à hauteur de cette somme ;

Sur le remboursement d'un billet d'avion :

Attendu que le billet d'avion dont M. X... demande le remboursement à hauteur de 1 450 euros a été payé par un tiers, M. Y... ; que l'attestation de celui-ci, exposant avoir reçu du requérant, alors interdit bancaire et sans emploi, la contrevaleur en espèces, n'apparaît pas suffisamment probante pour accueillir la demande ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu qu'il apparaît conforme à l'équité d'accorder à M. X... une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la commission nationale ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE, pour partie, le recours de M. X...

Lui ALLOUE les sommes de :

- 12 000 euros (douze mille euros) en réparation de son préjudice moral ;

- 3 000 euros (trois mille euros) en remboursement de ses frais de défense pénale ;

- 2 500 euros (deux mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette ses demandes pour le surplus DAR ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 12 septembre 2017 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.

Le président Le rapporteur
Christian Cadiot Christine Moreau

Le greffier
Rania Boudalia


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 6C-RD059
Date de la décision : 12/09/2017
Sens de l'arrêt : Accueil partiel du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Requête devant le premier président de la cour d'appel - Procédure - Mesures d'instruction - Préjudice - Evaluation - Modalité - Expertise - Conditions - Difficulté d'évaluation d'un chef de préjudice - Portée

Si l'article 149 du code de procédure pénale reconnaît au demandeur à l'indemnisation la faculté d'obtenir une expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants du même code, celle-ci suppose une difficulté d'évaluation d'un chef de préjudice. Doit en conséquence être rejetée la demande d'expertise médicale d'un requérant qui n'allègue aucune séquelle persistante médicalement constatée en détention, ou à l'issue de celle-ci, de nature à permettre d'individualiser l'indemnisation d'un préjudice corporel en dehors du préjudice moral ou du préjudice économique


Références :

Sur le numéro 1 : article R. 40-8 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : articles 149, 156 et suivants du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 23 novembre 2016

N2 Dans le même sens :Com. nat. de réparation des détentions, 14 décembre 2005, n° 05 CRD 039, Bull. crim. 2005, n° 18 (infirmation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 12 sep. 2017, pourvoi n°6C-RD059, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cadiot
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: Mme Moreau
Avocat(s) : Me Metifiot-Favoulet, Me Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:6C.RD059
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