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12/09/2017 | FRANCE | N°6C-RD056

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 12 septembre 2017, 6C-RD056


COUR DE CASSATION 16 CRD 056
Audience publique du 13 juin 2017
Prononcé au 12 septembre 2017

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Moreau, Mme Isola, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :

Accueil partiel du recours formé pa

r M. Christophe X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Lyon en d...

COUR DE CASSATION 16 CRD 056
Audience publique du 13 juin 2017
Prononcé au 12 septembre 2017

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Cadiot, président, Mme Moreau, Mme Isola, conseillers référendaires, en présence de Mme Le Dimna, avocat général et avec l'assistance de Mme Boudalia, greffier, a rendu la décision suivante :

Accueil partiel du recours formé par M. Christophe X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Lyon en date du 22 juin 2016 qui lui a alloué une indemnité de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et de 1 634,70 euros en réparation du préjudice matériel sur le fondement de l'article 149 du code précité AR ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 13 juin 2017 en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Me Y... avocat au barreau de Lyon représentant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État ;

Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Et, sur le rapport de Mme le conseiller Isola, les observations de Me Lécuyer, avocat représentant l'agent judiciaire de l'État et les conclusions de Mme l'avocat général Le Dimna ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, mis en examen pour une prévention de viol par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction, M. Christophe X..., né le 25 janvier 1974, a été placé en détention provisoire le 2 juin 2012 puis remis en liberté sous contrôle judiciaire le 10 juillet 2012 ; qu'il a bénéficié le 12 mai 2015 d'un arrêt de non-lieu à suivre prononcé la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon ;

Que le 12 novembre 2015, il a présenté une requête en réparation de la détention subie, sollicitant l'allocation des sommes de 14 285 euros au titre du préjudice matériel et de 80 000 euros au titre du préjudice moral ;

Que, par décision du 22 juin 2016, le premier président de la cour d'appel de Lyon a lui a alloué les sommes de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et de 1 634,70 euros au titre du préjudice matériel ;

Attendu que M. X..., qui a formé le 3 novembre 2016 un recours contre cette décision, sollicite le paiement des sommes de 80 000 euros en réparation de son préjudice moral, de 8 775,78 euros au titre de sa perte de salaire, de 4 295,52 euros au titre d'un indu sur rémunération et de 9 089 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'il expose, s'agissant de son préjudice moral, que ses fonctions de gardien de la paix l'ont contraint à solliciter son placement à l'isolement, ce qui doit conduire à majorer son indemnisation ; qu'il a subi une atteinte grave et injustifiée à sa réputation du fait de sa qualité de fonctionnaire de police et que son image a été définitivement entachée auprès de ses collègues et de ses supérieurs par cette détention provisoire ; qu'il a subi aussi une réelle souffrance psychique durant celle-ci puis postérieurement, augmentée de la rupture de la relation avec sa compagne ;

Qu'en ce qui concerne le préjudice matériel, sa perte de salaire est entièrement imputable aux mesures coercitives prises à son encontre pendant l'instruction, étant précisé que son traitement a été illégitimement suspendu 204 jours durant, ce qui correspond à une perte de 8 775,78 euros pour cette période ; que, par ailleurs, il s'est vu notifier un indu sur rémunération à hauteur de 4 295,52 euros, dont il réclame le remboursement ; qu'enfin, s'agissant de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, son placement en détention l'a contraint d'avoir recours à un avocat, qui, au 30 juillet 2012, lui a facturé pour 9 089,60 euros d'honoraires, dont il demande compensation ;

Attendu que par un mémoire déposé le 26 janvier 2017, l'Agent judiciaire de l'Etat sollicite le rejet du recours faisant valoir, quant au préjudice matériel, que seule la perte du salaire net est indemnisable et que c'est à bon droit que le premier président a circonscrit la perte de rémunération à la seule période de détention ; que la demande portant sur le remboursement d'un indu de rémunération à hauteur de 4 295,52 euros est nouvelle et, à ce titre, irrecevable ; qu'en tout état de cause, aucun lien de causalité direct et certain n'est établi entre cet indu, ayant fait l'objet d'un avis à tiers détenteur le 21 avril 2016, et la détention provisoire ; que sous couvert d'une demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, M. X... sollicite en réalité le remboursement de ses frais d'avocat, demande nouvelle et comme telle, irrecevable ; il soutient à titre subsidiaire, que seule la facture de 2 392 euros correspondant à des diligences exclusivement liées au contentieux de la liberté pourrait être admise ; que s'agissant du préjudice moral, le premier président a tenu compte des circonstances invoquées pour évaluer ce poste de préjudice ; qu'il n'est pas démontré que M. X... a connu des conditions de détention défavorables ni que la détention serait à l'origine d'une altération ou d'une dégradation de son état de santé ni que la rupture de la relation sentimentale qu'il invoque soit imputable à la détention ; que le placement en isolement, dont la prise en compte n'est pas contestée, ne saurait justifier le quantum sollicité ; que le préjudice issu de l'atteinte à l'image et à la réputation ne peut être indemnisé dans le cadre de la présente procédure, faute d'un lien exclusif et direct avec la détention ;

Attendu que le procureur général, qui a déposé ses écritures le 23 mars 2017, conclut au rejet du recours en ce qui concerne le préjudice matériel mais à son admission partielle s'agissant du montant du préjudice moral, qui peut paraître très légèrement sous-évalué ; que, s'agissant du préjudice moral, il convient de tenir compte de l'âge de l'intéressé, du choc carcéral subi s'agissant d'une première incarcération, de l'importance de la peine encourue et de la séparation d'avec ses proches, ainsi que du placement à l'isolement à raison de sa qualité de gardien de la paix ; qu'en revanche, les autres facteurs d'aggravation évoqués ne paraissent pas pouvoir être retenus, soit parce qu'ils ne sont pas établis, soit encore parce que le lien de causalité direct et exclusif avec la détention n'est pas établi ; qu'en ce qui concerne le préjudice matériel, la demande de remboursement d'un indu sur rémunération à hauteur de 4 295,52 euros est nouvelle et, à la supposer recevable, devrait être rejetée, aucun élément ne permettant de rattacher la saisie à tiers détenteur à l'épisode carcéral ; que s'agissant de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle correspond, contrairement à son intitulé, au remboursement des frais engagés par M. X... pendant la procédure ; qu'elle est dès lors nouvelle et, à la supposer recevable, devrait être rejetée ;

SUR CE,

Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que M. X..., qui a été incarcéré pendant trente-huit jours, sollicite l'indemnisation d'une perte de revenus tant pour la période de détention que celle pendant laquelle il était placé sous contrôle judiciaire, au motif qu'il a été suspendu pendant deux cent quatre jours ;

Que cependant, seule la perte de revenus durant la détention peut faire l'objet d'une réparation par application des articles susvisés ;

Qu'en faisant droit à la demande de réparation de la perte de revenus à hauteur de 1 634,70 euros, le premier président a ainsi fait une exacte appréciation de ce poste de préjudice ;

Attendu que la demande de remboursement d'un indu sur rémunération, n'ayant pas été soumise au premier juge, est nouvelle devant la commission nationale et, comme telle, irrecevable ;

Que le recours de M. X... n'est donc pas fondé quant au préjudice matériel ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que l'indemnisation du préjudice moral doit tenir compte de la durée de détention indemnisable, de l'âge du requérant, mais aussi du choc carcéral ressenti s'agissant d'une première incarcération, subie par surcroît sous une prévention d'importance, de la qualité de fonctionnaire de police de l'intéressé, placé à l'isolement à sa demande pour la sauvegarde de sa personne, ce qui a accru la pénibilité de ses conditions de détention ; qu'en revanche, il n'est pas justifié que cette incarcération ait déterminé la rupture d'avec sa compagne, M. X... ayant indiqué à l'expert psychologue le 4 avril 2013 qu'il demeurait en concubinage avec elle ; qu'il n'est pas davantage établi d'atteinte à la réputation en lien exclusif avec l'incarcération, dès lors que l'article de journal produit ne mentionne pas le nom du fonctionnaire et que le retentissement négatif vis à vis de ses collègues et de sa hiérarchie découle tout autant de la mise en examen et de la nature des faits reprochés que de la détention provisoire ;

Qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité propre à réparer le préjudice moral subi sera fixée à la somme de 8 000 euros ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile ne compense que les frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure suivie devant la juridiction qui l'alloue ;

Que la demande présentée M. X... portant exclusivement sur le remboursement d'honoraires d'avocat réglés pour assurer sa défense au cours de la procédure pénale n'est pas recevable sur le fondement de ce texte, et a cessé de l'être sur un autre fondement, faute d'avoir été soumise au premier juge ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE pour partie M. Christophe X... en son recours ;

Lui ALLOUE la somme de 8 000 euros (huit mille euros) en réparation du préjudice moral ;

Déclare IRRECEVABLE la demande présentée sous couvert de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE son recours pour le surplus DAR ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 12 septembre 2017 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.

Le président Le rapporteur
Christian Cadiot Annick Isola

Le greffier
Rania Boudalia


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 6C-RD056
Date de la décision : 12/09/2017
Sens de l'arrêt : Accueil partiel du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice matériel - Réparation - Préjudice économique - Frais irrépétibles - Indemnité au titre des frais irrépétibles - Domaine d'application - Exclusion - Honoraires d'avocat réglés dans le cadre de la procédure antérieure

L'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile ne compense que les frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure suivie devant la juridiction qui l'alloue. Ainsi n'est pas recevable devant la commission nationale de réparation des détentions une demande présentée sur le fondement de cet article aux fins d'obtenir le remboursement d'honoraires d'avocat réglés par le demandeur pour assurer sa défense au cours de la procédure pénale terminée par un non-lieu à suivre, une relaxe ou un acquittement


Références :

article 700 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 22 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 12 sep. 2017, pourvoi n°6C-RD056, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cadiot
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: Mme Isola
Avocat(s) : Me Metaxas , Me Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:6C.RD056
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