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12/07/2017 | FRANCE | N°16-13507;16-13508

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2017, 16-13507 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° N 16-13.507 et P 16-13.508 ;

Sur le moyen unique commun aux pourvois :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Dijon, 14 janvier 2016), que M. X... a été engagé le 1er décembre 2010 par la société Les Forges de Froncles en qualité d'opérateur régleur ; que M. Y... a été engagé par la même société le 10 octobre 1988, en qualité d'électrotechnicien ;

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de fixer la contrepartie au temps nécessaire a

ux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° N 16-13.507 et P 16-13.508 ;

Sur le moyen unique commun aux pourvois :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Dijon, 14 janvier 2016), que M. X... a été engagé le 1er décembre 2010 par la société Les Forges de Froncles en qualité d'opérateur régleur ; que M. Y... a été engagé par la même société le 10 octobre 1988, en qualité d'électrotechnicien ;

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de fixer la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation en rémunération équivalente et de le condamner à payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la société des Forges de Froncles contestait, en l'espèce, que l'une ou l'autre de ces deux conditions cumulatives ait été remplie ; que la cour d'appel a constaté que M. Z... n'était pas tenu au port obligatoire des tenues de travail que la société exposante avait mises à sa disposition ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande formée au titre de
la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage au motif inopérant que les salariés étaient « encouragés » à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3121-3 du code du travail ;

2°/ qu'en fixant forfaitairement la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an ou à son équivalent en salaire, soit à un montant indépendant de la présence réelle du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-3 du code du travail et 1131 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les salariés étaient astreints au port de chaussures de sécurité qui devaient être chaussées à l'arrivée sur le lieu de travail puis retirées avant de le quitter, qu'en raison des règles d'hygiène en vigueur dans la société, ils étaient conduits à revêtir et enlever leurs vêtements de travail sur place, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le port d'une tenue de travail était obligatoire et que les opérations d'habillage et de déshabillage devaient se dérouler au sein de l'entreprise, en a déduit à bon droit que l'employeur était redevable d'une contrepartie à ce titre ;

Et attendu qu'en l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail, la cour d'appel a, sans procéder à une évaluation forfaitaire, souverainement apprécié le montant de la contrepartie due ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société des Forges de Froncles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société des Forges de Froncles à payer la somme de 1 000 euros à M. X... et la somme de 1 000 euros à M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société des Forges de Froncles (demanderesse au pourvoi n° N 16-13.507).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation en rémunération équivalente, d'AVOIR renvoyé les parties à faire leurs comptes sur ces bases et condamné la SAS des FORGES DE FRONCLES au paiement des sommes en résultant, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par elle de la convocation en conciliation et d'AVOIR confirmé le jugement qui avait condamné la Société des FORGES DE FRONCLES à payer à Monsieur X... la somme de 100 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage Le salarié sollicite le paiement d'un rappel de salaires, calculé sur la base de six minutes par jour de travail, soit trois minutes pour l'habillage et trois minutes pour le déshabillage. Il rappelle les dispositions de l'article 4.1, 10.7 et 15,6 du règlement intérieur applicable au sein de la société des Forges de Froncles, dont il résulterait qu'il était astreint à une obligation de port de vêtements de travail et que l'employeur ne pourrait, compte tenu du contexte de travail, exiger qu'il s'habille et se déshabille hors de l'entreprise. M. X... sollicite l'application de l'article L. 3121-3 du code du travail ainsi rédigé : « Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ». Il soutient que, l'employeur n'ayant pas mis en place d'accord collectif prévoyant ces contreparties, il serait bien fondé à solliciter une somme de 508,82 euros, représentant la contrepartie en salaire de six minutes par jour, outre 254,41 euros pour la période ayant couru de la date du jugement jusqu'à l'arrêt à intervenir. La SAS Les Forges de Froncles conteste cette demande, faisant valoir que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par l'article L. 3121-3 du code du travail, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Or, la société mettrait à la disposition des salariés une tenue vestimentaire composée d'un pantalon, d'une veste et/ou d'une blouse et elle rapporterait la preuve de ce que les salariés ne revêtent pas tous la tenue mise à leur disposition, certains salariés ne portant que le pantalon, d'autres la tenue complète, certains ne la portant jamais. Quant aux chaussures de sécurité, elles présenteraient la seule caractéristique d'être renforcées et aucune obligation ne serait faite aux salariés de se vêtir ni de se chausser sur le lieu de travail ; que l'article L. 3121-3 du code du travail soumet l'octroi de contreparties aux employés à la condition qu'ils soient soumis à la double exigence du port d'une tenue de travail exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles et de l'obligation de s'habiller sur le lieu de travail ou dans l'entreprise ; que l'article 15.6 du règlement intérieur fixe la durée de travail et définit ainsi le temps de travail effectif : « [..I afin que le personnel soit parfaitement informé des règles relatives à ses horaires de travail au poste et aux conditions d'exécution de son travail, il est rappelé que, conformément à la législation en vigueur, la durée du travail s'entend du travail effectif c'est-à-dire du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur, se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Au sein de l'entreprise, les temps d'habillage, déshabillage, les soins de toilette et douche, les repas et collations, les pauses y compris la pause conventionnelle casse-croûte, ne constituent pas du temps de travail effectif En conséquence, chaque salarié doit se trouver à son poste en tenue de travail, aux heures, fixées pour le début et la fin du travail » ; que, selon l'article 4.1 consacré aux moyens de protection individuels ou collectifs : « tout membre du personnel est tenu d'utiliser tous les moyens de protection individuels ou collectifs mis à sa disposition et de respecter strictement les consignes particulières données à cet effet. Sont notamment considérés comme tels sans que cette liste soit exhaustive : - lunettes de protection adaptée au poste de travail, - gants adaptés aux types de travaux effectués, - chaussures de sécurité dans toutes les zones signalées. Protections auditives dans les zones identifiées, - vêtement de travail de sécurité spécifiques, - masques, etc. » ; que l'article 10.7 du règlement intérieur traite, au regard de la question de l'hygiène, des vêtements de travail, précisant : « le personnel bénéficiant de trois vêtements différents de travail, il rapportera chaque fin de semaine dans le casier prévu à cet effet à l'entreprise la tenue utilisée la semaine précédente pour qu'il soit nettoyé par l'entreprise. L'entreprise replacera ce vêtement dans le casier de chaque salarié. Il lui restera en conséquence deux tenues disponibles pendant le nettoyage » ; que, si le règlement intérieur n'impose pas aux salariés de s'habiller et de se déshabiller dans les vestiaires de l'entreprise, l'équipement d'un salarié de la SAS Les Forges de Froncles l'oblige à porter, au sein de l'entreprise, des chaussures de sécurité et, sur certains postes de travail, quelques équipements spécifiques (lunettes ou gants) ; qu'en revanche, le pantalon, la blouse ou le blouson ne constituent pas des « vêtements de sécurité » ; qu'il résulte des éléments produits au débat qu'ils ne sont pas portés par l'ensemble des salariés ; que certains d'entre eux, travaillant sur les mêmes machines que ceux qui portent les vêtements de protection mis à leur disposition - la blouse étant d'ailleurs le plus souvent laissée ouverte conservent leurs vêtements de ville ; que si, hormis les chaussures de sécurité — d'apparence confortables et d'un laçage souple — qui peuvent être ainsi facilement chaussées à l'arrivée du salarié dans l'entreprise et enlevées le soir, M. X... n'était pas tenu, à raison de ses fonctions, au port obligatoire d'autres vêtements, il lui appartenait néanmoins de respecter, à l'invitation de l'employeur, « quelques règles d'hygiène en milieu de travail » ; qu'au nombre de celles-ci, les salariés de la SAS Les Forges de Froncles avaient reçu les recommandations suivantes - se changer avant de quitter le travail, - changer toutes les semaines vos vêtements de travail, éviter de remettre des vêtements imprégnés de produits chimiques ou biologiques (huile, lessives...), - ne pas rapporter à son domicile des vêtements souillés (qui peuvent contribuer à transférer des pollutions en milieu familial) ; qu'en favorisant ainsi l'hygiène des salariés au travail, la SAS Les Forges de Froncles — qui a au demeurant obtenu de multiples certifications de qualité par l'association AFNOR —a encouragé ses salariés à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise plutôt qu'à leur domicile où ils devaient éviter de rapporter les vêtements souillés, l'employeur assurant en outre lui-même le nettoyage des vêtements de protection ; que lors même que ce sont des raisons d'hygiène qui conduisent le salarié à revêtir et à enlever ses vêtements de travail au sein de l'entreprise, et alors que la société indique que « des vestiaires sont désormais à la disposition des salariés qui souhaitent se vêtir et se dévêtir sur le lieu de travail », il appartient à l'employeur de prévoir des contreparties à ce temps d'habillage et de déshabillage ; que le processus de négociation initié au sein de la SAS Les Forges de Froncles n'a pu aboutir ; que l'employeur en a fait le constat le 28 janvier 2015 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif ou de clauses dans le contrat de travail, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doivent bénéficier les salariés qui le saisissent en fonction des prétentions des parties ; que la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit être accordée soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; que le salarié sollicite une contrepartie financière, constituée par un rappel de salaires sur la base d'une durée quotidienne évaluée à six minutes ; que la SAS Les Forges de Froncles rejette légitimement l'idée d'un rappel de salaire calculé sur la base d'une assimilation à un temps de travail effectif; qu'en effet, le législateur a veillé à ce que le temps du travail effectif corresponde à un temps de travail productif, préférant la technique de la contrepartie financière ou de la compensation horaire à celle de la rémunération de ce temps passé à l'entreprise ; qu'au regard de la pratique existant dans des secteurs d'activité voisins en matière de contreparties à défaut d'accord collectif applicable, la cour fixe la contrepartie due au salarié à un jour de repos par an ou à une compensation en rémunération équivalente ; que le jugement est infirmé sur ce point ; qu'il y a lieu de renvoyer les parties à calculer, sur cette base, le montant des sommes dues au salarié au titre de la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, à compter de mai 2008« M. X... réclame une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en application du préjudice résultant de la non-application des dispositions légales réglementaires et conventionnelles ; qu'en l'absence d'élément nouveau la cour confirme, par motifs adoptés, la décision selon laquelle il y a lieu d'allouer 150 € à ce titre à M. X... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « malgré les interpellations des élus du personnel ayant la volonté de négocier la mise en oeuvre des contreparties, pour le temps d'habillage et de déshabillage, la SAS FORGES DE FRONCLES refuse cette négociation. Alors que plusieurs éléments de fait et de droit confirment les obligations et conditions cumulatives pour répondre aux demandes du personnel de la société. Qu'en conséquence, le Conseil octroie la somme de 100 € de dommages et intérêts à M. Thierry X... sur le fondement de l'article L.3121-3 du Code du travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L. 3121-3 du Code du travail que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la société FORGES DE FRONCLES contestait, en l'espèce, que l'une ou l'autre de ces deux conditions cumulatives ait été remplie ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur X... n'était pas tenu au port obligatoire des tenues de travail que la société exposante avait mises à sa disposition ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande formée au titre de la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage au motif inopérant que les salariés étaient « encouragés » à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3121-3 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en fixant forfaitairement la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an ou à son équivalent en salaire, soit à un montant indépendant de la présence réelle du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-3 du Code du travail et 1131 du Code civil.

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société des Forges de Froncles (demanderesse au pourvoi n° P 16-13.508).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation en rémunération équivalente, d'AVOIR renvoyé les parties à faire leurs comptes sur ces bases et condamné la SAS des FORGES DE FRONCLES au paiement des sommes en résultant, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par elle de la convocation en conciliation et d'AVOIR confirmé le jugement qui avait condamné la Société des FORGES DE FRONCLES à payer à Monsieur Y... la somme de 100 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage. Le salarié sollicite le paiement d'un rappel de salaires, calculé sur la base de six minutes par jour de travail, soit trois minutes pour l'habillage et trois minutes pour le déshabillage. Il rappelle les dispositions de l'article 4.1, 10.7 et 15.6 du règlement intérieur applicable au sein de la société des Forges de Froncles, dont il résulterait qu'il était astreint à une obligation de port de vêtements de travail et que l'employeur ne pourrait, compte tenu du contexte de travail, exiger qu'il s'habille et se déshabille hors de l'entreprise. M. Y... sollicite l'application de l'article L. 3121-3 du code du travail ainsi rédigé : « Le temps nécessaire aux opérations' d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ». Il soutient que, l'employeur n'ayant pas mis en place d'accord collectif prévoyant ces contreparties, il serait bien fondé à solliciter une somme de 1.384,54 euros, représentant la contrepartie en salaire de six minutes par jour, outre 415,36 euros pour la période ayant couru de la date du jugement jusqu'à l'arrêt à intervenir. La SAS Les Forges de Froncles conteste cette demande, faisant valoir que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par l'article L. 3121-3 du code du travail, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Or, la société mettrait à la disposition des salariés une tenue vestimentaire composée d'un pantalon, d'une veste et/ou d'une blouse et elle rapporterait la preuve de ce que les salariés ne revêtent pas tous la tenue mise à leur disposition, certains salariés ne portant que le pantalon, d'autres la tenue complète, certains ne la portant jamais. Quant aux chaussures de sécurité, elles présenteraient la seule caractéristique d'être renforcées et aucune obligation ne serait faite aux salariés de se vêtir ni de se chausser sur le lieu de travail ; que l'article L. 3121-3 du code du travail soumet l'octroi de contreparties aux employés à la condition qu'ils soient soumis à la double exigence du port d'une tenue de travail exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles et de l'obligation de s'habiller sur le lieu de travail ou dans l'entreprise ; que l'article 15.6 du règlement intérieur fixe la durée de travail et définit ainsi le temps de travail effectif : « [...] afin que le personnel soit parfaitement informé des règles relatives à ses horaires de travail au poste et aux conditions d'exécution de son travail, il est rappelé que, conformément à la législation en vigueur, la durée du travail s'entend du travail effectif, c'est-à-dire du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur, se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Au sein de l'entreprise, les temps d'habillage, déshabillage, les soins de toilette et douche, les repas et collations, les pauses y compris la pause conventionnelle casse-croûte, ne constituent pas du temps de travail effectif. En conséquence, chaque salarié doit se trouver à son poste en tenue de travail, aux heures fixées pour le début et la fin du travail » ; que, selon l'article 4.1 consacré aux moyens de protection individuels ou collectifs : « tout membre du personnel est tenu d'utiliser tous les moyens de protection individuels ou collectifs mis à sa disposition et de respecter strictement les consignes particulières données à cet effet. Sont notamment considérés comme tels sans que cette liste soit exhaustive : - lunettes de protection adaptée au poste de travail, - gants adaptés aux types de travaux effectués, - chaussures de sécurité dans toutes les zones signalées. - Protections auditives dans les zones identifiées, vêtement de travail de sécurité spécifiques, - masques, etc. » ; que l'article 10.7 du règlement intérieur traite, au regard de la question de l'hygiène, des vêtements de travail, précisant « le personnel bénéficiant de trois vêtements différents de travail, il rapportera chaque fin de semaine dans le casier prévu à cet effet à l'entreprise la tenue utilisée la semaine précédente pour qu'il soit nettoyé par l'entreprise. L'entreprise replacera ce vêtement dans le casier de chaque salarié. Il lui restera en conséquence deux tenues disponibles pendant le nettoyage » ; que, si le règlement intérieur n'impose pas aux salariés de s'habiller et de se déshabiller dans les vestiaires de l'entreprise, l'équipement d'un salarié de la SAS Les Forges de Froncles l'oblige à porter, au sein de l'entreprise, des chaussures de sécurité et, sur certains postes de travail, quelques équipements spécifiques (lunettes ou gants) ; qu'en revanche, le pantalon, la blouse ou le blouson ne constituent pas des « vêtements de sécurité » ; qu'il résulte des éléments produits au débat qu'ils ne sont pas portés par l'ensemble des salariés ; que certains d'entre eux, travaillant sur les mêmes machines que ceux qui portent les vêtements de protection mis à leur disposition - la blouse étant d'ailleurs le plus souvent laissée ouverte conservent leurs vêtements de ville ; que si, hormis les chaussures de sécurité — d'apparence confortables et d'un laçage souple — qui peuvent être ainsi facilement chaussées à l'arrivée du salarié dans l'entreprise et enlevées le soir, M. Y... n'était pas tenu, à raison de ses fonctions, au port obligatoire d'autres vêtements, il lui appartenait néanmoins de respecter, à l'invitation de l'employeur, « quelques règles d'hygiène en milieu de travail » ; qu'au nombre de celles-ci, les salariés de la SAS Les Forges de Froncles avaient reçu les recommandations suivantes : - se changer avant de quitter le travail, - changer toutes les semaines vos vêtements de travail, éviter de remettre des vêtements imprégnés de produits chimiques ou biologiques (huile, lessives...), - ne pas rapporter à son domicile des vêtements souillés (qui peuvent contribuer à transférer des pollutions en milieu familial) ; qu'en favorisant ainsi l'hygiène des salariés au travail, la SAS Les Forges de Froncles — qui a au demeurant obtenu de multiples certifications de qualité par l'association AFNOR — a encouragé ses salariés à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise plutôt qu'à leur domicile où ils devaient éviter de rapporter les vêtements souillés, l'employeur assurant en outre lui-même le nettoyage des vêtements de protection ; que lors même que ce sont des raisons d'hygiène qui conduisent le salarié à revêtir et à enlever ses vêtements de travail au sein de l'entreprise, et alors que la société indique que « des vestiaires sont désormais à la disposition des salariés qui souhaitent se vêtir et se dévêtir sur le lieu de travail », il appartient à l'employeur de prévoir des contreparties à ce temps d'habillage et de déshabillage ; que le processus de négociation initié au sein de la SAS Les Forges de Froncles n'a pu aboutir ; que l'employeur en a fait le constat le 28 janvier 2015 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif ou de clauses dans le contrat de travail, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doivent bénéficier les salariés qui le saisissent en fonction des prétentions des parties ; que la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit être accordée soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; que le salarié sollicite une contrepartie financière, constituée par un rappel de salaires sur la base d'une durée quotidienne évaluée à six minutes ; que la SAS Les Forges de Froncles rejette légitimement l'idée d'un rappel de salaire calculé sur la base d'une assimilation à un temps de travail effectif ; qu'en effet, le législateur a veillé à ce que le temps du travail effectif corresponde à un temps de travail productif, préférant la technique de la contrepartie financière ou de la compensation horaire à. celle de la rémunération de ce temps passé à l'entreprise ; qu'au regard de la pratique existant dans des secteurs d'activité voisins en matière de contreparties à défaut d'accord collectif applicable, la cour fixe la contrepartie due au salarié à un jour de repos par an ou à une compensation en rémunération équivalente ; que le jugement est infirmé sur ce point ; qu'il y a lieu de renvoyer les parties à calculer, sur cette base, le montant des sommes dues au salarié au titre de la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, à compter de mai 2008 ; M. Y... réclame une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation du préjudice résultant de la non-application des dispositions légales réglementaires et conventionnelles ; qu'en l'absence d'élément nouveau la cour confirme, par des motifs adoptés, la décision selon laquelle il y a lieu d'allouer 150 euros à ce titre à M. Y... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « malgré les interpellations des élus du personnel ayant la volonté de négocier la mise en oeuvre des contreparties, pour le temps d'habillage et de déshabillage, la SAS FORGES DE FRONCLES refuse cette négociation ; alors que plusieurs éléments de fait et de droit confirment les obligations et conditions cumulatives pour répondre aux demandes du personnel de la société ; qu'en conséquence, le Conseil octroie la somme de 100 € de dommages et intérêts à Monsieur Laurent Y... sur le fondement de l'article L.3121-3 du Code du travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L.3121-3 du Code du travail que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la société des FORGES DE FRONCLES contestait, en l'espèce, que l'une ou l'autre de ces deux conditions cumulatives ait été remplie ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur Y... n'était pas tenu au port obligatoire des tenues de travail que la société exposante avait mises à sa disposition ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande formée au titre de la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage au motif inopérant que les salariés étaient « encouragés » à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3121-3 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en fixant forfaitairement la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an ou à son équivalent en salaire, soit à un montant indépendant de la présence réelle du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-3 du Code du travail et 1131 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-13507;16-13508
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 14 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-13507;16-13508


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13507
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