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12/07/2017 | FRANCE | N°15-26625

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2017, 15-26625


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 15 septembre 2015), que M. X..., engagé à compter du 27 mai 1982 par la société Goodyear Dunlop Tires France en qualité d'agent de fabrication, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la revalorisation de son salaire de référence à compter du 1er juin 2010 et des rappels de salaires ; que le syndicat CFDT chimie énergie Auvergne-Limousin est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt de dire la demande du salarié recevable alors, selon le moyen que selon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 15 septembre 2015), que M. X..., engagé à compter du 27 mai 1982 par la société Goodyear Dunlop Tires France en qualité d'agent de fabrication, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la revalorisation de son salaire de référence à compter du 1er juin 2010 et des rappels de salaires ; que le syndicat CFDT chimie énergie Auvergne-Limousin est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire la demande du salarié recevable alors, selon le moyen que selon l'article 2224 du code civil, auquel renvoie l'article L. 3245-1 du code du travail, les actions personnelles ou mobilières de prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; qu'il en résulte que si, en principe, le délai de prescription court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales, encore faut-il que le salarié n'ait pas été auparavant en mesure de connaître la portée de ses droits ; qu'en l'espèce, la demande des salariés en paiement d'un rappel de salaire était fondée sur la contestation de l'intégration des primes de rendement dans le salaire de base, pour l'appréciation du respect du salaire minimum conventionnel ; que la société Goodyear Dunlop Tires France établissait que les salariés percevaient tous, depuis leur embauche, une prime de rendement qui était intégrée dans leur salaire mensuel de base sur les bulletins de paie et qu'un document récapitulatif précisant les modalités de calcul de la prime de rendement leur était remis chaque mois ; qu'ils avaient ainsi connaissance, depuis leur embauche, des faits leur permettant de contester cette modalité de rémunération ; qu'en retenant néanmoins que la demande des salariés était recevable, sans rechercher si les salariés n'avaient pas connaissance, plus de cinq ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, des faits permettant d'exercer leur action, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard des articles L. 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le délai de prescription courait à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales revendiquées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire au titre de la période antérieure au 1er juin 2010 alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'il résulte des motifs du jugement du tribunal de grande instance de Montluçon du 2 octobre 2009 que les demandes du syndicat CFDT tendant à voir ordonner à la société Goodyear Dunlop Tires France de ne plus tenir compte de la prime de rendement pour l'appréciation du respect des salaires minima conventionnels et d'établir des bulletins de paie rectifiés mentionnant sur deux lignes distinctes le salaire mensuel conventionnel et la prime de rendement étaient fondées sur les dispositions de l'article 16.3 de la convention collective nationale du caoutchouc, qui définissent l'assiette des salaires minima conventionnels de branche, à savoir les salaires minima hiérarchiques et taux effectifs garantis ; que pour se prononcer sur ces demandes, le tribunal de grande instance s'est fondé exclusivement sur les dispositions des articles 15 et 16 de la convention collective nationale du caoutchouc ; que, dans le dispositif de sa décision, le tribunal a ordonné à la société Goodyear Dunlop Tires France « de ne plus tenir compte, pour la comparaison des salaires effectifs avec les minima des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis) de la prime de productivité dite prime de complément de rendement » ; que, de la même façon, dans ses arrêts du 5 octobre 2010 et du 29 mars 2011, la cour d'appel de Riom s'est prononcée sur la prise en compte de la prime de rendement pour l'appréciation du respect des salaires minima conventionnels uniquement au regard des dispositions des articles 15 et 16 de la convention collective nationale du caoutchouc ; qu'en affirmant néanmoins que les décisions précitées, lorsqu'elles ordonnent à l'employeur de faire apparaître le « salaire minimum conventionnel » sur les bulletins de paie, ne font pas référence au salaire fixé par la convention collective nationale du caoutchouc, mais visent à ce que l'employeur fasse apparaître de manière distincte le montant du salaire tel qu'il l'avait déterminé en application des accords collectifs applicables dans l'entreprise, et que le litige dont étaient saisis le tribunal de grande instance puis la cour d'appel ne concernait pas le calcul de la rémunération mais sa structure et sa présentation sur les bulletins de salaire afin de permettre une comparaison du salaire effectif avec le minimum garanti, de branche ou d'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les décisions précitées, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour que l'autorité de la chose jugée puisse être opposée, il faut que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en l'espèce, le dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Montluçon du 2 octobre 2009, rendu dans un litige opposant la société Goodyear Dunlop Tires France au syndicat CFDT, ordonne à la société Goodyear Dunlop Tires France de ne plus tenir compte, pour la comparaison des salaires effectifs avec les minimas des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis), de la prime de productivité dite prime de rendement ; que, par arrêt du 5 octobre 2010, la cour d'appel de Riom a confirmé ce jugement et précisé, par un arrêt interprétatif du 29 mars 2011, que l'obligation pour la société Goodyear Dunlop Tires France de ne plus tenir compte de la prime de productivité, pour la comparaison des salaires effectifs avec les minima des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis), doit prendre effet à compter de la signification de l'arrêt du 5 octobre 2010 ; qu'en se fondant ainsi sur des décisions qui ne se prononcent que sur la prise en compte de la prime de complément de rendement pour l'appréciation du respect des salaires minima de branche (salaires minima hiérarchiques et taux effectifs garantis), pour retenir que les salariés, qui n'étaient ni présents, ni représentés dans la procédure ayant conduit à ces décisions, étaient fondés à réclamer le paiement du salaire minimum Goodyear, en plus de la prime de complément de rendement, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

3°/ qu'un accord collectif d'entreprise peut définir librement l'assiette des salaires minima qu'il fixe ; qu'en conséquence, la circonstance que la convention collective de branche prévoie l'exclusion de certaines primes des salaires effectifs devant être comparés aux salaires minima conventionnels qu'elle fixe n'implique pas que ces primes doivent être pareillement exclues de l'assiette de calcul des salaires minima fixés par accord d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Goodyear Dunlop Tires France contestait la prétention des salariés tendant à exclure la prime de complément de rendement des salaires effectifs devant être comparés aux salaires minima d'entreprise résultant de l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005 ; qu'il appartenait en conséquence à la cour d'appel de rechercher, au regard des dispositions de l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005, si la prime de rendement devait également être exclue des salaires effectifs à comparer au salaire minimum d'entreprise ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'accord d'entreprise précité ;

Mais attendu qu'après avoir retenu à bon droit, en procédant à la recherche prétendument omise, d'une part que le « complément individuel de rendement » versé au salarié ne devait être pris en compte ni dans le salaire de base brut défini par l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005 ni dans les salaires minima de branche prévus par la convention collective nationale du caoutchouc du 6 mars 1953, d'autre part que le salaire minimum garanti par l'accord d'entreprise était supérieur au salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a constaté que le salaire de base du salarié était inférieur au salaire minimum garanti et fixé en conséquence la créance de rappel de salaire ; que le moyen, inopérant en ses deux premières branches comme s'attaquant à des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le salaire de référence tel que défini par l'accord d'établissement du 27 juillet 2010 et de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire au titre de la période postérieure au 1er juin 2010 alors, selon le moyen :

1°/ que pour fixer le nouveau salaire de référence de chacun des salariés, la cour d'appel a considéré qu'ils étaient fondés à cumuler le salaire minimum d'entreprise augmenté de la prime de complément de rendement jusqu'au 1er juin 2010 ; que la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir sur le deuxième moyen de cassation, entraînera la cassation des arrêts en ce qu'ils ont fixé le salaire de référence de chaque salarié au 1er juin 2010 et accordé à chaque salarié un rappel de salaire pour la période postérieure à cette date, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que dans le système de rémunération applicable avant l'entrée en vigueur de l'accord d'établissement du 27 juillet 2010, les opérateurs au rendement percevaient une prime de rendement qui était intégrée dans le salaire de base ; que l'accord du 27 juillet 2010, qui a été conclu pour mettre fin aux contentieux relatifs à l'intégration de la prime de rendement dans le salaire de base, supprime les primes de rendement, met en place un nouveau système de rémunération dans lequel le salaire de base est déterminé exclusivement en fonction du coefficient du poste occupé, et prévoit que le montant de ce nouveau salaire ne peut être inférieur « à la moyenne des rémunérations (salaire mensuel de base + temps de casse-croûte + indemnité RTT) perçues au cours de la période de six mois allant de décembre 2009 à mai 2010 » ; que cette disposition, qui fait référence aux rémunérations perçues dans l'ancien système de rémunération, ne peut renvoyer qu'au salaire de base, incluant la prime de rendement, effectivement perçu par les salariés ; qu'en retenant néanmoins que les salariés étaient fondés à réclamer la fixation de leur salaire au 1er juin 2010 à la moyenne des rémunérations correspondant au salaire minimum d'entreprise augmentées de la prime de rendement perçue, quand l'accord, en renvoyant au système de rémunération antérieurement applicable, imposait d'inclure les primes de rendement dans le salaire de base, et non de les y ajouter, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2.2 de l'accord collectif précité ;

3°/ que l'accord du 27 juillet 2010 prévoit que le nouveau salaire applicable à compter du 1er juin 2010 ne peut être inférieur à « la moyenne des rémunérations (salaire mensuel de base + temps de casse-croûte + indemnité RTT) perçues au cours de la période de six mois allant de décembre 2009 à mai 2010 », auxquelles sont ajoutées certaines primes ; que la prime de complément de rendement ne figure pas parmi ces primes limitativement énumérées ; qu'en conséquence, à supposer que le nouveau salaire dût être calculé en tenant compte du salaire minimum conventionnel dû, et non du salaire de base effectivement perçu, dans la mesure où ce salaire de base, hors prime de complément de rendement, était inférieur au salaire minimum conventionnel, la prime de complément de rendement, qui n'était pas énumérée parmi les primes devant être intégrées au salaire mensuel de base pour le calcul du nouveau salaire, n'avait pas à être prise en compte ; qu'en fixant néanmoins le salaire de chaque salarié à compter du 1er juin 2010 à la moyenne du salaire minimum d'entreprise augmenté des primes de complément de rendement perçues, la cour d'appel a encore violé l'article 2.2 de l'accord collectif d'établissement du 27 juillet 2010 ;

Mais attendu que le rejet du deuxième moyen prive de portée la première branche qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Et attendu qu'ayant retenu à bon droit que le salaire mensuel de base pris en compte dans le salaire de référence défini par l'accord d'établissement du 27 juillet 2010 ne pouvait être inférieur au salaire de base brut mensuel prévu par l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005, la cour d'appel a exactement décidé que les sommes versées au titre du « complément individuel de rendement » devaient être ajoutées au salaire mensuel de base pour calculer le salaire de référence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Goodyear Dunlop Tires France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Goodyear Dunlop Tires France à payer à M. X... et au syndicat CFDT chimie énergie Auvergne-Limousin la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Goodyear Dunlop Tires France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit les demandes des salariés recevables ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L 3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2244 du code civil lequel précise que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui permettent de l'exercer ; que la prescription ainsi prévue est une prescription libératoire extinctive dont le point de départ, s'agissant d'une action en paiement du salaire, est la date à laquelle celui-ci devient exigible, étant précisé que le délai court à compter de chacune des fractions de la somme réclamée ; que ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute demande de rappel de salaire dès lors que la date d'embauche est antérieure de plus de cinq ans à la date de la demande, comme l'a retenu à tort le premier juge, mais seulement de limiter le rappel possible aux cinq dernières années précédant la date à laquelle la demande est formulée ; que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription et cette interruption perdure pendant tout le cours de l'instance ; que la radiation de l'affaire du rôle et sa réinscription ultérieure sont, à cet égard, sans effet ; qu'en l'espèce, la demande est recevable puisqu'elle ne porte que sur des sommes exigibles depuis moins de cinq ans à la date à laquelle le conseil de prud'hommes a été saisi ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable » ;

ALORS QUE selon l'article 2224 du Code civil, auquel renvoie l'article L. 3245-1 du Code du travail, les actions personnelles ou mobilières de prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ; qu'il en résulte que si, en principe, le délai de prescription court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales, encore faut-il que le salarié n'ait pas été auparavant en mesure de connaître la portée de ses droits ; qu'en l'espèce, la demande des salariés en paiement d'un rappel de salaire était fondée sur la contestation de l'intégration des primes de rendement dans le salaire de base, pour l'appréciation du respect du salaire minimum conventionnel ; que la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE établissait que les salariés percevaient tous, depuis leur embauche, une prime de rendement qui était intégrée dans leur salaire mensuel de base sur les bulletins de paie et qu'un document récapitulatif précisant les modalités de calcul de la prime de rendement leur était remis chaque mois ; qu'ils avaient ainsi connaissance, depuis leur embauche, des faits leur permettant de contester cette modalité de rémunération ; qu'en retenant néanmoins que la demande des salariés était recevable, sans rechercher si les salariés n'avaient pas connaissance, plus de cinq ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, des faits permettant d'exercer leur action, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard des articles L. 3245-1 du Code du travail et 224 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

(subsidiaire par rapport au premier moyen)

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à payer à chaque salarié diverses sommes à titre de rappels de salaire et de congés payés afférents sur une période antérieure au 1er juin 2010, d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à payer au syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN, dans chaque instance, la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts et d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à verser à chaque salarié et au syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de rappels de salaire pour la période antérieure au 1er juin 2010 ; qu'il est constant que, par jugement du 2 octobre 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 5 octobre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Montluçon a, entre autres dispositions : - ordonné à la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de ne plus tenir compte pour la comparaison des salaires effectifs avec les minima des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis) de la prime de productivité dite prime de complément de rendement ou encore nommée prime « CIR » ; - ordonné à la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE d'établir des bulletins de paye de ses salariés en faisant apparaître sur une première ligne le salaire mensuel conventionnel, sur une seconde ligne la prime de productivité ; qu'il apparaît donc incontestable, conformément d'ailleurs aux dispositions de l'article 16 de la convention collective nationale du caoutchouc, que pour la comparaison des salaires effectifs avec les salaires minima garantis, la prime de rendement « CIR » ne doit pas être prise en compte ; que l'appelant qui estime avoir perçu une rémunération inférieure aux minima conventionnels garantis sollicite un rappel de salaire calculé en prenant en compte le salaire de base brut mensuel correspondant à sa qualification et résultant d'un accord d'entreprise en date du 21 janvier 2005 intervenu à l'occasion de la fusion entre DUNLOP et GOODYEAR, en y ajoutant le montant de la prime de rendement « CIR » ; que la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE qui ne discute plus le fait que la prime de rendement « CIR » ne doit pas être prise en compte pour la comparaison du salaire effectif avec le minimum garanti à chaque salarié, soutient cependant, invoquant pour cela les dispositions du jugement du 2 octobre 2009 et de l'arrêt de la cour d'appel en date du 5 octobre 2010, que ce minimum garanti doit être calculé sur la base du salaire minimum conventionnel fixé par la convention collective nationale du caoutchouc et non pas sur la base du salaire minimum Goodyear ; que toutefois, si les décisions précitées demandaient à la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de faire apparaître sur le bulletin de paye « le salaire mensuel conventionnel » cela ne faisait en rien référence expresse au salaire conventionnel fixé par la convention collective nationale du caoutchouc mais visait simplement à ce que l'employeur fasse apparaître de manière distincte le montant du salaire tel qu'il l'avait déterminé en application des accords collectifs applicables dans l'entreprise (convention collective et accord d'entreprise), le litige dont était saisi le Tribunal de Grande Instance puis la cour d'appel ne concernant pas le calcul de la rémunération mais sa structure et sa présentation sur les bulletins de salaire afin de permettre une comparaison du salaire effectif avec le minimum garanti ; que dans ces conditions, le salaire minimum GOODYEAR tel que résultant de l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005 apparaissant plus favorable au salarié que celui prévu par la seule convention collective du caoutchouc, celui-ci apparaît fondé à en revendiquer le bénéfice ; que le montant de la prime de rendement « CIR » pris en compte par le salarié pour le calcul de sa rémunération n'est quant à lui l'objet d'aucune contestation puisqu'il correspond au montant communiqué par l'employeur et retenu par celui-ci dans les calculs qu'il produit devant la cour ; qu'ainsi, compte tenu de ces éléments et après comparaison entre le montant des salaires effectivement perçus par le salarié et le minimum garanti augmenté de la prime de rendement, (le salarié) apparaît fondé à obtenir (…) un rappel de salaire s'élevant à (…) » ;

ET QUE « l'article L.2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et qu'ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. En l'espèce, le présent litige portant sur le respect des salaires minima conventionnels, le syndicat CFDT est recevable à intervenir dans la présente procédure. Les faits dont se plaint le salarié qui n'a pas bénéficié des dispositions conventionnelles relatives aux salaires minima portent, en effet, un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente. Le syndicat justifie être intervenu à plusieurs reprises auprès de l'employeur pour lui demander de procéder à la régularisation des rappels de salaires dus. Eu égard aux éléments d'appréciation dont la cour dispose, le préjudice subi par le syndicat qui est intervenu de la même manière aux côtés d'un grand nombre de salariés, sera réparé en lui allouant la somme de 50,00 € à titre de dommages-intérêts » ;

1. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'il résulte des motifs du jugement du tribunal de grande instance de Montluçon du 2 octobre 2009 que les demandes du syndicat CFDT tendant à voir ordonner à la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de ne plus tenir compte de la prime de rendement pour l'appréciation du respect des salaires minima conventionnels et d'établir des bulletins de paie rectifiés mentionnant sur deux lignes distinctes le salaire mensuel conventionnel et la prime de rendement étaient fondées sur les dispositions de l'article 16.3 de la convention collective nationale du caoutchouc, qui définissent l'assiette des salaires minima conventionnels de branche, à savoir les salaires minima hiérarchiques et taux effectifs garantis ; que pour se prononcer sur ces demandes, le tribunal de grande 'instance s'est fondé exclusivement sur les dispositions des articles 15 et 16 de la convention collective nationale du caoutchouc ; que, dans le dispositif de sa décision, le tribunal a ordonné à la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE « de ne plus tenir compte, pour la comparaison des salaires effectifs avec les minima des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis) de la prime de productivité dite prime de complément de rendement » ; que, de la même façon, dans ses arrêts du 5 octobre 2010 et du 29 mars 2011, la cour d'appel de Riom s'est prononcée sur la prise en compte de la prime de rendement pour l'appréciation du respect des salaires minima conventionnels uniquement au regard des dispositions des articles 15 et 16 de la convention collective nationale du caoutchouc ; qu'en affirmant néanmoins que les décisions précitées, lorsqu'elles ordonnent à l'employeur de faire apparaître le « salaire minimum conventionnel » sur les bulletins de paie, ne font pas référence au salaire fixé par la convention collective nationale du caoutchouc, mais visent à ce que l'employeur fasse apparaître de manière distincte le montant du salaire tel qu'il l'avait déterminé en application des accords collectifs applicables dans l'entreprise, et que le litige dont étaient saisis le tribunal de grande instance puis la cour d'appel ne concernait pas le calcul de la rémunération mais sa structure et sa présentation sur les bulletins de salaire afin de permettre une comparaison du salaire effectif avec le minimum garanti, de branche ou d'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les décisions précitées, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour que l'autorité de la chose jugée puisse être opposée, il faut que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en l'espèce, le dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Montluçon du 2 octobre 2009, rendu dans un litige opposant la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE au syndicat CFDT, ordonne à la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de ne plus tenir compte, pour la comparaison des salaires effectifs avec les minimas des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis), de la prime de productivité dite prime de rendement ; que par arrêt du 5 octobre 2010, la cour d'appel de Riom a confirmé ce jugement et précisé, par un arrêt interprétatif du 29 mars 2011, que l'obligation pour la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de ne plus tenir compte de la prime de productivité, pour la comparaison des salaires effectifs avec les minima des barèmes (minima hiérarchiques, taux effectifs garantis), doit prendre effet à compter de la signification de l'arrêt du 5 octobre 2010 ; qu'en se fondant ainsi sur des décisions qui ne se prononcent que sur la prise en compte de la prime de complément de rendement pour l'appréciation du respect des salaires minima de branche (salaires minima hiérarchiques et taux effectifs garantis), pour retenir que les salariés, qui n'étaient ni présents, ni représentés dans la procédure ayant conduit à ces décisions, étaient fondés à réclamer le paiement du salaire minimum GOODYEAR, en plus de la prime de complément de rendement, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' un accord collectif d'entreprise peut définir librement l'assiette des salaires minima qu'il fixe ; qu'en conséquence, la circonstance que la convention collective de branche prévoie l'exclusion de certaines primes des salaires effectifs devant être comparés aux salaires minima conventionnels qu'elle fixe n'implique pas que ces primes doivent être pareillement exclues de l'assiette de calcul des salaires minima fixés par accord d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE contestait la prétention des salariés tendant à exclure la prime de complément de rendement des salaires effectifs devant être comparés aux salaires minima d'entreprise résultant de l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005 ; qu'il appartenait en conséquence à la cour d'appel de rechercher, au regard des dispositions de l'accord d'entreprise du 21 janvier 2005, si la prime de rendement devait également être exclue des salaires effectifs à comparer au salaire minimum d'entreprise ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'accord d'entreprise précité.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

(Subsidiaire par rapport au premier)

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR fixé à une certaine somme au 1er juin 2010 le salaire de référence de chaque salarié tel que défini par l'accord d'établissement du 27 juillet 2010, d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à verser à chaque salarié un rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période postérieure au 1er juin 2010, d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à payer au syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN, dans chaque instance, la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts et d'AVOIR condamné la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE à verser à chaque salarié et au syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de rappels de salaire pour la période postérieure au 1er juin 2010 ; qu'un accord "sur la mise en place d'un nouveau système de rémunération à destination des salariés ayant le statut d'opérateur" a été conclu le 27 juillet 2010 avec effet rétroactif au 1er juin 2010 ; que cet accord a supprimé la prime nommée "prime CIR" et a mis en place une grille de salaire de façon que la rémunération ne soit plus déterminée en fonction d'indices de rendement individuels ; que cette grille prévoit un salaire minimum pour chaque coefficient dont le montant est précisé à l'article 2.1 ; que pour la mise en place du nouveau système, l'article 2.2 de l'accord prévoit : "La référence de base correspondra à la moyenne des rémunérations (salaire mensuel de base + temps de casse-croûte + indemnité RTT) perçues au cours de la période de 6 mois allant de décembre 2009 à mai 2010. Afin de simplifier la structure de la rémunération, les parties au présent accord conviennent d'intégrer certaines primes liées au poste de travail ou à la performance individuelle ou du secteur dans le salaire mensuel de base pour le calcul du nouveau salaire. Les parties conviennent que les primes concernées sont : - prime de qualité et productivité, - prime complément mélange, - prime qualité, - prime complément salaire, - prime indice supplémentaire, - prime supplément salaire, - prime de maintenance niveau I, - prime amélioration de résultat. Les parties conviennent qu'une moyenne des salaires mensuels et primes ci-dessus mentionnées perçus au cours de la période de 6 mois allant de décembre 2009 à mai 2010 sera effectuée et deviendra le salaire de référence. Ce salaire de référence sera dans un second temps comparé au salaire de la grille pour le coefficient du salarié tel que défini à l'article 2.1 du présent accord. Les parties au présent accord conviennent que le salaire le plus favorable entre la moyenne obtenue selon le calcul précédemment détaillé et le salaire de la grille sera retenu et appliqué" ; qu'en application de cet accord, le calcul de la moyenne des rémunérations dues au salarié pendant la période de référence (minima Goodyear) augmentée du complément rendement perçu pendant la même période et dont le montant n'est pas contesté conduit à un salaire de référence qui s'établit à la somme de (…), ainsi que l'a exactement calculé le salarié » ;

ET QUE « l'article L.2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et qu'ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. En l'espèce, le présent litige portant sur le respect des salaires minima conventionnels, le syndicat CFDT est recevable à intervenir dans la présente procédure. Les faits dont se plaint le salarié qui n'a pas bénéficié des dispositions conventionnelles relatives aux salaires minima portent, en effet, un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente. Le syndicat justifie être intervenu à plusieurs reprises auprès de l'employeur pour lui demander de procéder à la régularisation des rappels de salaires dus. Eu égard aux éléments d'appréciation dont la cour dispose, le préjudice subi par le syndicat qui est intervenu de la même manière aux côtés d'un grand nombre de salariés, sera réparé en lui allouant la somme de 50,00 € à titre de dommages-intérêts » ;

1. ALORS QUE pour fixer le nouveau salaire de référence de chacun des salariés, la cour d'appel a considéré qu'ils étaient fondés à cumuler le salaire minimum d'entreprise augmenté de la prime de complément de rendement jusqu'au 1er juin 2010 ; que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le deuxième moyen de cassation entraînera la cassation des arrêts en ce qu'ils ont fixé le salaire de référence de chaque salarié au 1er juin 2010 et accordé à chaque salarié un rappel de salaire pour la période postérieure à cette date, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE dans le système de rémunération applicable avant l'entrée en vigueur de l'accord d'établissement du 27 juillet 2010, les opérateurs au rendement percevaient une prime de rendement qui était intégrée dans le salaire de base ; que l'accord du 27 juillet 2010, qui a été conclu pour mettre fin aux contentieux relatifs à l'intégration de la prime de rendement dans le salaire de base, supprime les primes de rendement, met en place un nouveau système de rémunération dans lequel le salaire de base est déterminé exclusivement en fonction du coefficient du poste occupé, et prévoit que le montant de ce nouveau salaire ne peut être inférieur « à la moyenne des rémunérations (salaire mensuel de base + temps de casse-croûte + indemnité RTT) perçues au cours de la période de six mois allant de décembre 2009 à mai 2010 » ; que cette disposition, qui fait référence aux rémunérations perçues dans l'ancien système de rémunération, ne peut renvoyer qu'au salaire de base, incluant la prime de rendement, effectivement perçu par les salariés ; qu'en retenant néanmoins que les salariés étaient fondés à réclamer la fixation de leur salaire au 1er juin 2010 à la moyenne des rémunérations correspondant au salaire minimum d'entreprise augmentées de la prime de rendement perçue, quand l'accord, en renvoyant au système de rémunération antérieurement applicable, imposait d'inclure les primes de rendement dans le salaire de base, et non de les y ajouter, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2.2 de l'accord collectif précité ;

3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'accord du 27 juillet 2010 prévoit que le nouveau salaire applicable à compter du 1er juin 2010 ne peut être inférieur à « la moyenne des rémunérations (salaire mensuel de base + temps de casse-croûte + indemnité RTT) perçues au cours de la période de six mois allant de décembre 2009 à mai 2010 », auxquelles sont ajoutées certaines primes ; que la prime de complément de rendement ne figure pas parmi ces primes limitativement énumérées ; qu'en conséquence, à supposer que le nouveau salaire dût être calculé en tenant compte du salaire minimum conventionnel dû, et non du salaire de base effectivement perçu, dans la mesure où ce salaire de base, hors prime de complément de rendement, était inférieur au salaire minimum conventionnel, la prime de complément de rendement, qui n'était pas énumérée parmi les primes devant être intégrées au salaire mensuel de base pour le calcul du nouveau salaire, n'avait pas à être prise en compte ; qu'en fixant néanmoins le salaire de chaque salarié à compter du 1er juin 2010 à la moyenne du salaire minimum d'entreprise augmenté des primes de complément de rendement perçues, la cour d'appel a encore violé l'article 2.2. de l'accord collectif d'établissement du 27 juillet 2010.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-26625
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2017, pourvoi n°15-26625


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26625
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