LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Nuno X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CHAMBÉRY, en date du 15 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de viol aggravé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Castel, Raybaud, Moreau, Mmes Drai, Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Stephan, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, MM. Barbier, Talabardon, Beghin, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 avril 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme 14 § 3 g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, préliminaire, 114, 164, 171, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de l'expertise psychiatrique réalisée par le docteur Y...;
" aux motifs que l'article 164 alinéa 3 du code de procédure pénale dispose que les médecins ou psychologues experts, chargés d'examiner la personne mise en examen, peuvent lui poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge ou des avocats ; que la jurisprudence ancienne sur ce point a précisé « y compris sur les faits reprochés » (Crim. 30 avril 1996 B n° 183, Crim. 6 sept. 1993 B. 261, Crim. 9 avril 1991) et jugé qu'il n'y a pas atteinte aux droits de la défense, en ce que l'expertise psychiatrique n'a pour objet que de rechercher les anomalies mentales susceptibles d'annihiler ou d'atténuer la responsabilité pénale et qu'aucun principe de procédure pénale n'interdit pour ce faire au médecin psychiatre d'examiner les faits, d'envisager la culpabilité et d'apprécier l'accessibilité de la personne à une éventuelle sanction pénale ; que les dispositions de l'article 164 du code de procédure pénale ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6, § 3- c de la Convention européenne des droits de l'homme dont l'objet est d'assurer la défense devant les juridictions de jugement ; qu'en l'espèce le médecin psychiatre régulièrement désigné, dont la mission n'encourt aucune critique a, ainsi qu'il résulte de son rapport, demandé au mis en examen quels étaient ses rapports avec sa femme avant la séparation ; que s'agissant précisément des violences alléguées par elle, il lui a également demandé si elle avait consenti au rapport sexuel qu'elle dénonce comme étant un viol ; qu'il a noté les réponses du mis en examen et décrit son attitude avant, dans la discussion, d'analyser la personnalité, les capacités cognitives et l'état mental du mis en examen ; qu'il n'excède pas sa mission en ce qu'il ne tire aucune conclusion de l'aveu du mis en examen ; qu'en outre, l'article 167 du code de procédure pénale, en ce qu'il permet aux parties de présenter des observations ou formuler une demande notamment de complément ou de contre-expertise dans le délai imparti par le juge d'instruction, assure à la défense le droit de contester par ce moyen l'expertise ; que les conclusions de l'expertise psychiatrique contestée ont été notifiées aux parties le 20 juillet 2016 ; que la défense disposait d'un délai d'un mois pour former une demande de contre-expertise ; qu'elle n'a pas usé de ce droit, auquel ne saurait se substituer une requête en annulation ; qu'enfin, l'analogie faite par la défense entre l'enquête de personnalité et l'expertise psychiatrique est sans pertinence dès lors que l'enquêteur de personnalité n'est pas médecin expert ; qu'en conséquence, l'expertise psychiatrique réalisée par M. Y..., médecin, n'encourt pas la nullité ;
" 1°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie a le droit d'être assistée d'un défenseur ; que, si les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen peuvent lui poser des questions pour l'accomplissement de leur mission, hors la présence de son avocat et sans que ce dernier ait été appelé, ils ne peuvent, à cette occasion, recueillir aucune déclaration de l'intéressé sur les faits qui lui sont reprochés ; que, même dans le cadre d'une expertise psychiatrique ou psychologique, la personne mise en examen ne peut être interrogée sur les faits reprochés qu'en présence de son avocat ou ce dernier dûment appelé ; qu'en jugeant que l'expert médical chargé de procéder à l'examen psychiatrique de M. Nuno X... avait pu valablement l'interroger sur les faits reprochés, sans que la présence ou la convocation de son avocat fût nécessaire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que la personne mise en examen, qui est interrogée sur les faits reprochés, doit être informée de son droit de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer la personne mise en examen du droit de se taire lui fait nécessairement grief ; qu'en jugeant que l'expert médical chargé de procéder à l'examen psychiatrique de M. X... l'avait valablement interrogé sur les faits reprochés, bien qu'il ne résultât d'aucune mention du rapport d'expertise que l'expert avait informé M. X... de son droit au silence, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction peut, au cours de l'information, être saisie par les parties aux fins d'annulation d'une expertise ordonnée par le juge d'instruction ; que l'exercice de cette voie de droit est indépendant de la faculté donnée aux parties, dans les conditions de l'article 167 du code de procédure pénale, de présenter des observations sur le rapport de l'expert ou de formuler une demande de complément d'expertise ou de contre-expertise ; qu'en faisant état de la possibilité de contester l'expertise par la présentation de telles observations ou la formulation d'une telle demande devant le juge d'instruction, et en relevant que la défense n'avait pas usé, en particulier, du droit de solliciter une contre-expertise, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à justifier le rejet de la requête présentée par M. X... aux fins d'annulation de l'expertise psychiatrique réalisée par M. Y...médecin " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., accusé de viol par son épouse, dont il était séparé, et placé en garde à vue, a admis avoir eu une relation sexuelle avec l'intéressée dans les circonstances décrites par elle, mais affirmé que celle-ci, après s'être d'abord opposée à ses avances, y avait finalement consenti ; que, mis en examen du chef susvisé, il a réitéré ces déclarations lors de l'interrogatoire de première comparution ; que, répondant aux questions de l'expert psychiatre commis par le juge d'instruction, il a déclaré que son épouse n'était pas consentante pour cette relation ; qu'il a saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation de l'expertise ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt énonce que l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, dont les dispositions ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6, § 3 c) de la Convention européenne des droits de l'homme qui concernent la défense devant les juridictions de jugement, autorise les médecins et psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen à lui poser, hors la présence du juge et des avocats, les questions nécessaires à l'accomplissement de leur mission, et donc à examiner les faits, envisager la culpabilité et apprécier l'accessibilité de l'intéressé à une éventuelle sanction pénale ; que l'expert psychiatre pouvait en conséquence interroger ce dernier sur les accusations de sa femme, tant sur les violences qu'il lui aurait fait subir avant leur séparation que sur le rapport sexuel qu'elle dénonce comme un viol, et qu'il a noté ses réponses, sans tirer de conclusion de l'aveu recueilli, avant d'analyser la personnalité et l'état mental du mis en examen ; que les juges ajoutent que ce dernier, à qui les conclusions de l'expertise ont été notifiées, n'a pas usé du délai qui lui était imparti pour formuler une demande, notamment de complément ou de contre-expertise, comme l'y autorise l'article 167 du code de procédure pénale, demande à laquelle la requête en annulation de l'expertise ne saurait se substituer ;
Attendu qu'en statuant ainsi, abstraction faite du motif surabondant relatif à l'application de l'article 167 précité, justement critiqué par la troisième branche du moyen et dès lors que, d'une part, il n'était pas soutenu que l'expert aurait manqué au devoir d'impartialité ou au respect de la présomption d'innocence, d'autre part, les déclarations faites à l'expert psychiatre par la personne mise en examen seront le cas échéant soumises au débat contradictoire devant la juridiction de jugement dans le respect des droits de la défense, ces déclarations ne pouvant, en application du dernier alinéa de l'article préliminaire du code de procédure pénale, servir d'unique fondement à une déclaration de culpabilité, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.