LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Rudy X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 11e chambre, en date du 8 juin 2016, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;
Vu les mémoires, en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 121-3, 222-22 du code pénal, 513, 591, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Rudy X...coupable d'agression sexuelle sur mineure de quinze ans, et l'a condamné pénalement et civilement ;
" aux motifs qu'il sera donné acte à M. X...de ce qu'il accepte de comparaître volontairement du chef d'agression sexuelle sur mineure de moins de quinze ans, la citation, mentionnant à la fois la bonne date de naissance de A...
X...et des faits sur un mineur " de plus de quinze ans " ; que le contexte de désarroi dans lequel A...
X...a révélé pour la première fois à l'infirmière scolaire, à l'insu de sa mère, des faits d'agression sexuelle imputés à son père auquel elle s'est dit dans le même temps très attachée, étant par conséquent en proie à un sentiment de culpabilité en le dénonçant, exclut toute volonté de vengeance et toute malveillance de sa part ; que de même ces circonstances permettent d'écarter toute mise en scène puisque c'est un professeur qui l'a invitée à aller à l'infirmerie où, en larmes, elle s'est très vite livrée ; que l'infirmière scolaire, qui a été la première à recueillir ses confidences, l'a décrite comme en souffrance ; que ces accusations spontanées, aucunement induites par la mère ou son entourage, Mme Muguette Y...étant au demeurant dépeinte par M. Z..., médecin, comme " dépassée par la situation ", ont été fidèlement retranscrites par l'interlocutrice, et n'ont donc été aucunement dénaturées ; que A... a en toute logique mal vécu l'intention de l'infirmière de procéder à un signalement, craignant pour sa famille ; que la jeune fille a dénoncé des attouchements au niveau de la poitrine et du sexe, au travers de déclarations constantes et circonstanciées faites dans les mêmes termes à l'infirmière scolaire, puis aux gendarmes de Pluvigner, et ce sans surenchère ; qu'elle a maintenu ses accusations lors de sa mise en présence de son père ainsi que devant les experts ; qu'apprenant la tentative de suicide de son père le 1er février 2013, elle a réaffirmé qu'elle disait la vérité ; qu'elle a réitéré ses accusations devant le tribunal et devant la cour ; que la révélation d'un nouveau fait en décembre 2012, non intégré dans les poursuites, n'est pas de nature à faire douter de la réalité des scènes décrites ; que par ailleurs la périodicité des agissements, estimés à une dizaine, a pu varier, ce qui rend fiable la parole de A... ; que M. X..., chauffeur-livreur travaillant le matin ou l'après-midi, a peu étayé sa défense, n'apportant aucun élément de réponse au questionnement suscité par le récit de sa fille, comme le fait qu'il pleurait derrière la porte de la chambre de celle-ci quant elle refusait de lui ouvrir ; que cet élément illustre l'immaturité du père et une demande affective inassouvie ; que la cour relève encore cette immaturité à la lecture du bilan de la psychologue en charge du suivi de A...
X..., et constate une totale compatibilité entre le comportement de son père tel que décrit par elle, et la façon dont M. X...s'est positionné en garde à vue dans sa relation affective à sa fille : " Elle a toujours été comme moi : bisous, câlins. La tendresse quoi ". " Je la prends dans mes bras comme un père prend sa fille dans ses bras. Je l'enlace, c'est normal. Je l'embrasse. On chahute. A la bagarre sans se faire mal. Je la pince au niveau de la taille. Une fois en jouant, j'ai dû lui pincer le sein et elle une fois dans l'action m'a pincé au niveau du bassin. Mais c'est dans le chahutage "... " Je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais pas du tout. Je ne l'ai pas touchée. Accidentellement quand on a chahuté sinon ce n'est pas possible " ; que le récit cohérent de A...
X...concorde avec les éléments de contexte qu'elle a fournis, comme l'absence momentanée de sa mère lors de la naissance d'Aurélia le 4 juin 2008 à la Clinique du Ter, qui lui a servi de repère temporel pour le début des faits ; que par ailleurs tant A...
X...que ses parents s'accordent sur la frustration de M. X...au plan sexuel, sa compagne se désintéressant de lui ; que M. Z..., médecin, retient cet état de fait comme ayant pu générer un tel comportement chez le prévenu ; qu'une camarade de classe de A...
X...atteste avoir reçu les confidences de celle-ci quant à des maltraitances sexuelles subies de la part de son père ; que A... n'avait aucune expérience dans ce domaine lorsque les faits ont commencé alors qu'elle était en sixième ; qu'elle n'a pas été mise en difficulté au sujet de sa vie sentimentale par l'un ou l'autre de ses parents ; que dans le même temps M. X...convient avoir associé sa fille aux difficultés qu'il rencontrait avec Mme Muguette Y...au plan sexuel, lui signifiant par là selon les propres termes de M. Z..., médecin, " un rôle parental substitutif dont elle s'est accaparée " ; que lorsque les faits ont pris fin, A... n'était pas davantage expérimentée, son père déclarant lui-même en garde à vue : " Elle a perdu un petit copain parce qu'elle n'avait pas voulu franchir le pas " ; que A...
X...ne présente aucune tendance à l'affabulation ; qu'elle aimait son père ; qu'elle n'aurait pas fait voler sa famille en éclat sur la base de mensonges ; que l'absence de stress post-traumatique habituellement relevé chez les victimes d'abus sexuels, n'est pas exclusif des faits décrits, qui en sont restés au stade des attouchements ; que sa psychologue mentionne toutefois des troubles et retient un profond traumatisme ; que ses accusations peuvent être estimées sincères parce qu'empreintes de souffrance ; que M. X..., qui a des traits de personnalité tout à fait compatibles avec la commission de tels faits, connaissait quant à lui de surcroît une période de dépression depuis le décès de sa mère, déclarant en garde à vue " A... m'a beaucoup entouré, rassuré, câliné " ; que les arguments qu'il oppose à l'appui de ses dénégations ne résistent pas à l'examen, compte tenu de leur caractère incohérent ou non étayés : volonté de sa fille d'imiter une autre jeune fille, annonce de son départ du domicile, vengeance de sa fille pour l'avoir emmenée au funérarium voir sa grand-mère dix-huit mois auparavant ; que de même, au 19 novembre 2012, jour de la révélation des faits par A..., il n'y avait encore pas eu de sanction prise contre elle au niveau du Lycée pour son comportement agressif, et ses parents n'étaient encore informés de rien par l'établissement ; qu'elle n'avait donc aucune raison d'en vouloir à son père, lequel s'est trompé dans les dates en garde à vue ; que les éléments de contrainte et de surprise résultent de ce que A...
X...n'avait pas les ressources physiques et psychologiques nécessaires pour s'opposer aux entreprises de son père auquel elle était par essence soumise et de surcroît très attachée ; que les faits sont suffisamment établis par les éléments du dossier et les débats, et que le délit est caractérisé dans tous ses éléments ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré, et de déclarer M. X...coupable d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans par ascendant ;
" 1°) alors qu'en vertu de l'article 593 du code de procédure pénale, un jugement de condamnation doit à peine de nullité constater tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que le délit d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans exige la constatation d'une « atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » ; que l'arrêt infirmatif attaqué qui retient la culpabilité du prévenu, sans préciser les atteintes reprochées eu égard à l'absence d'indication des faits dans la citation, et eu égard à l'imprécision de ladite citation quant à la qualification juridique et à la date de commission de l'infraction, ainsi qu'il le relève, et qui pour infirmer le jugement de relaxe entrepris énonce que les « faits décrits,... en sont restés au stade des attouchements », a statué par des motifs insuffisants et contradictoires, insusceptibles de caractériser les faits constitutifs d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans ;
" 2°) alors qu'en se fondant sur le témoignage " d'une camarade de classe ", la partie civile, n'ayant jamais été entendue dans la procédure, et dont il ne révèle ni le contenu factuel, ni l'identité de l'auteur, l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 513 du code de procédure pénale relatives aux conditions de recevabilité des témoignages en justice, ainsi que le principe de l'égalité des armes issu de l'article de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 3°) alors que le délit d'agression sexuelle suppose l'absence de consentement de la victime et la conscience de l'auteur de la nature sexuelle de ses actes ; que l'élément de violence, contrainte, menace ou surprise ne résulte pas automatiquement des liens de parenté entre l'auteur et la victime ; cet élément ne constituant qu'une circonstance aggravante de l'infraction ; qu'en se bornant à énoncer de manière vague et générale que : « les éléments de contrainte et de surprise résultent de ce que A...
X...n'avait pas les ressources physiques et psychologiques nécessaires pour s'opposer aux entreprises de son père auquel elle était par essence soumise et de surcroît très attachée ; que les faits sont suffisamment établis par les éléments du dossier et les débats, et que le délit est caractérisé dans tous ses éléments », sans motiver autrement sa décision en établissant la volonté du prévenu de commettre des actes de nature sexuelle sur sa fille, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors qu'enfin, en retenant à l'encontre du prévenu «... l'immaturité du père et une demande affective inassouvie », éléments déduits de « la lecture du bilan de la psychologue en charge du suivi de A...
X...... », psychologue qui n'avait ni pas entendu le prévenu, l'arrêt attaqué a méconnu les articles 158 et 164 du code de procédure pénale ; qui précisent les conditions d'ordre public dans lesquelles les experts reçoivent les déclarations des parties, ainsi que le principe de l'égalité des armes, issu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui retient l'existence d'attouchements sur les seins et le sexe de la mineure victime et l'impossibilité, tant physique que psychologique, pour cette jeune fille âgée de moins de douze ans lors des premiers faits, de s'opposer aux entreprises de son père auquel elle était soumise et de surcroît très attachée, a, sans insuffisance ni contradiction, et en se fondant sur des éléments soumis au débat contradictoire, dont une attestation produite par la partie civile, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'agression sexuelle aggravée dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, le bilan psychologique mentionné par les juges n'étant pas une expertise judiciaire, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.