LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Mme Clémentine X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 1er février 2016, qui, dans l'information suivie contre les sociétés HSBC Holding PLC et HSBC Private Bank des chefs de blanchiment aggravé et démarchage bancaire ou financier illicite, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Steinmann, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEINMANN, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme, L. 341-1 et s. du code monétaire et financier, article préliminaire, 2, 10, 86, 197, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande d'accès au dossier de la procédure formulée par l'avocat de la partie civile et a déclaré irrecevable la constitution de cette dernière ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale, le dossier déposé au greffe de la chambre de l'instruction est tenu avant l'audience « à disposition des conseils des personnes mises en examen et des parties civiles dont la constitution n'a pas été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci n'a pas été retenue » ; que précisément en l'espèce, la constitution de partie civile de Mme X... est l'objet d'une contestation résultant de l'ordonnance du juge d'instruction du 26 mai 2015 ayant déclaré irrecevable cette constitution de partie civile (…) ; qu'à ce jour, par le présent appel, la cour va précisément se prononcer sur le point de savoir si cette contestation doit être confirmée ou infirmée auquel cas, la contestation ne serait pas retenue et la constitution de partie civile déclarée dès lors recevable ; qu'en conséquence, en l'état, jusqu'au prononcé de la présente décision, il ne peut être considéré que l'appelante a qualité de partie à la procédure ; qu'en conséquence, copie de l'intégralité du dossier ne pouvait lui être délivrée au risque de voir, par une interprétation inverse de ce texte, tout tiers qui se prétend lésé par une infraction, avoir accès à une procédure d'instruction pénale couverte par le secret de l'instruction ; qu'en conséquence, l'avocat de Mme X..., partie civile contestée, ne pouvait prétendre obtenir copie de l'intégralité de la procédure ; que cette demande est rejetée ; que, sur la recevabilité de la constitution de partie civile elle-même, l'ordonnance querellée est intervenue le 12 juin 2015 suite à la lettre reçue au cabinet du juge d'instruction tendant à la constitution de partie civile de Mme X... reçue le 28 mai 2015 au cabinet du juge ; que Mme X... indique que c'est à la suite du décès de son grand-père, Samuel Y..., en 1949, et à l'occasion de ses 18 ans en 1970, qu'elle a bénéficié de l'ouverture d'un compte personnel, bénéficiaire de fonds, provenant de cet héritage, que Mme X... ne conteste pas la continuité de la possession de ces avoirs qu'elle aurait dû depuis « un certain nombre d'années » déclarer à l'administration fiscale française, puisqu'elle réside et exerce une activité professionnelle en France ; que pour ajouter à cette carence fautive, voire déjà susceptible d'être sanctionnée d'un point de vue fiscal, elle a accepté en 2003 de suivre les conseils de son gestionnaire de compte et de créer une structure exotique dans un paradis fiscal, successivement aux Iles Vierges Britanniques, puis à Panama, pour y héberger ces avoirs ; qu'on peut s'interroger sur le fait que Mme X..., personne avisée, historienne de l'art, spécialiste de la peinture française du XVIIème siècle, membre indépendant de la Commission des dations, entre autres, comme la présente son avocat, n'ait pris aucun conseil, n'ait jamais consulté quiconque, ou ne se soit jamais interrogée sur le caractère suspect d'un tel montage, voire qu'elle ne se soit jamais rapprochée de son inspecteur des impôts, puisqu'elle se dit respectueuse de la loi ; que Mme X... a été consciente que sur ces avoirs détenus à l'étranger, elle n'acquittait pas en France l'impôt correspondant ; que certes, démarchée par un gestionnaire d'HSBC en France, le paiement à titre de régularisation de sa situation fiscale et des majorations et amendes qu'elle a dû s'acquitter en 2011 auprès du trésor public, et qu'elle qualifie de préjudice, n'est pas la résultante directe du démarchage illicite dont elle a été l'objet, mais de l'absence de déclarations de ses avoirs à l'étranger à l'administration fiscale française, et donc de l'absence de paiement de l'impôt dû, attitude qui lui était personnelle et propre, et qui a été sanctionnée par une régularisation du paiement de cet impôt et les pénalités et majorations qui découlaient de sa dissimulation et de sa carence, sanctions minimales, car Mme X... aurait pu être poursuivie pour fraude fiscale et blanchiment de ce délit, comme l'ont été ou le sont un certain nombre des résidents fiscaux français révélés par la procédure de transmission en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; qu'en conséquence, le préjudice dont s'estime victime Mme X..., et comme elle l'articule, ne résulte pas directement des faits de démarchage illicite, mais de ses agissements et comportement personnels ; que si sa confiance a été trompée, elle n'en a pas plus été victime d'un abus de confiance, infraction dont le juge d'instruction n'est pas saisi ; qu'en conséquence, l'ordonnance sera confirmée ;
" 1°) alors que le principe du contradictoire et la sauvegarde des droits de la défense interdisent que le dossier de procédure soit soustrait à la connaissance de l'avocat d'une partie civile déclarée irrecevable par une ordonnance du juge d'instruction frappée d'appel ; que la disposition restrictive de l'alinéa 3 de l'article 197 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, ne peut être étendue au-delà de son objet, lequel suppose que la constitution de partie civile fasse l'objet d'une contestation suffisamment sérieuse, seule de nature à justifier impérieusement la restriction qu'il prévoit ; qu'en relevant que la contestation de partie civile de la requérante était contestée à raison de l'ordonnance d'irrecevabilité entreprise, la chambre de l'instruction a porté une atteinte illégale et en tout état de cause disproportionnée aux droits de la partie civile ;
" 2°) alors que la partie civile doit être mise à même de combattre utilement, par son conseil, le défaut d'intérêt à agir que lui oppose le juge d'instruction et qu'elle conteste ; qu'à cette fin ne saurait être interdit à son avocat l'accès au dossier de l'instruction, dans lequel figure notamment son audition en qualité de témoin durant la phase préparatoire de la procédure ; qu'en privant l'avocat de la partie civile de tout accès au dossier, la chambre de l'instruction a derechef violé les textes et principes cités au moyen ;
" 3°) alors, en tout état de cause, que l'avocat d'une partie étant lui-même soumis au secret professionnel, est inopérante l'objection générale de l'arrêt tenant au risque de voir « tout tiers qui se prétend lésé par une infraction, avoir accès à une procédure d'instruction pénale couverte par le secret de l'instruction » ; que pareille objection, par sa généralité, n'est pas de nature à justifier l'atteinte disproportionnée portée en l'espèce aux droits de la partie civile ;
" 4°) alors que la cour a opposé à la partie civile constituée un véritable refus d'informer en dehors des cas strictement prévus à l'article 86 du code de procédure pénale, c'est-à-dire quand les faits ne peuvent légalement comporter aucune poursuite, ou qu'à les supposer démontrés, ils ne puissent admettre aucune qualification pénale ; que de ce chef encore la cassation s'impose ;
" 5°) alors que la victime d'un démarchage illicite portant sur une opération présentée à tort par la banque comme licite n'est pas sans intérêt à se constituer partie civile dans le cadre des poursuites pénales installées contre son banquier du chef notamment de démarchage illicite ; que pareille infraction ne protège pas exclusivement à l'intérêt public et n'est pas davantage un délit simplement formel ; qu'en affirmant a priori l'indignité de la partie civile, laquelle cependant n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale à raison des faits pour lesquels elle s'est constituée, et sans autoriser l'accès au dossier à son conseil pour permettre à ce dernier de conforter la plainte sur les circonstances propres du démarchage incriminé et son caractère mensonger, la cour a privé son arrêt de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
" 6°) alors, en tout état de cause, qu'au stade préparatoire de la procédure, le chiffrage par la partie civile de son préjudice n'est pas nécessaire ; qu'il suffit pour elle de justifier d'une apparence de préjudice né de l'infraction, en l'espèce le surcoût des pénalités fiscales liées à l'interposition d'une société off shore par la banque elle-même qui avait mensongèrement présenté ce mécanisme comme licite ; qu'en déduisant l'absence prétendue d'intérêt à agir de la requérante de la seule circonstance qu'elle a subi un redressement, la cour s'est déterminée par des motifs strictement inopérants et a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information ouverte des chefs de blanchiment aggravé et démarchage bancaire ou financier illicite, le juge d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme X... ; que cette dernière a fait appel de l'ordonnance du juge d'instruction et sollicité la communication du dossier de la procédure ;
Sur le moyen pris en ses quatre premières branches :
Attendu qu'en rejetant, par les motifs repris au moyen, la demande de communication de la procédure, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale qui n'est pas incompatible avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'ainsi les griefs ne peuvent être admis ;
Sur le moyen pris en ses cinquième et sixième branches :
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance d'irrecevabilité de partie civile rendue par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a retenu à bon droit qu'ils ne pouvaient avoir causé au demandeur aucun préjudice personnel et direct ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Mme X... devra payer à la société HSBC private bank en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.