LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 mars 2016), que M. X... a été engagé à compter du 13 octobre 2008 par la société Estamfor en qualité de responsable de production ; qu'après plusieurs arrêts maladie, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 12 mars 2012 en un seul examen avec mention d'un danger immédiat ; qu'il a été licencié le 10 avril 2012 pour inaptitude ; que contestant son licenciement et invoquant un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ; qu'en l'espèce, le médecin du travail avait précisé, à la demande de l'employeur, par courrier du 14 mars 2012, que « l'état de santé de M. X... ne permettait pas actuellement aucun reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe, ni par le biais d'une formation » ; qu'en jugeant que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, aux seuls motifs que l'employeur n'avait procédé à aucune recherche de reclassement au regard de l'avis du médecin du travail, alors que le médecin du travail, interrogé par l'employeur, avait conclu, par courrier du 14 mars 2012, que le reclassement était impossible dans l'entreprise et dans le groupe, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
2°/ que dans ses conclusions délaissées, la société Estamfor faisait valoir qu'elle avait interrogé l'ensemble des sociétés du groupe sur le reclassement de M. X... et qu'elle avait reçu des réponses négatives ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait procédé à aucune recherche de reclassement sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur les pièces n° 32 à 44 régulièrement versées au débat par la société Estamfor et qui démontraient que celle-ci avait interrogé l'ensemble des sociétés du groupe sur le reclassement de M. X... et qu'elle n'avait recueilli que des réponses négatives, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que si les réponses apportées par le médecin du travail postérieurement au constat d'inaptitude, sur les possibilités éventuelles de reclassement du salarié déclaré inapte, concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensent pas cet employeur de toute recherche de reclassement ;
Attendu, ensuite, que répondant aux conclusions prétendument délaissées sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties ni de s'expliquer sur chaque pièce produite, la cour d'appel a souverainement retenu qu'il résultait, tant du courrier adressé le 16 mars 2012 au salarié que des termes mêmes de la lettre de licenciement, que l'employeur n'avait procédé à aucune recherche de reclassement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Estamfor aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Estamfor.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Estamfor à payer à M. X... les sommes de 54.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 13.860,54 euros à titre d'indemnité de préavis et condamné la société Estamfor à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour du licenciement à celui de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QU'au terme des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsqu'un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités ; que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi s'entend nécessairement d'une inaptitude à tout emploi de l'entreprise ; que néanmoins, un tel avis ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement ; qu'en l'espèce, il résulte tant du courrier adressé le 16 mars 2012 à M. X... par la société Estamfor que des termes mêmes de la lettre de licenciement que l'employeur n'a procédé à aucune recherche de reclassement, estimant toute recherche inutile au regard de l'avis émis par le médecin du travail ; que cette seule constatation suffit, sans qu'il soit nécessaire d'étudier plus avant les autres moyens surabondants, à caractériser un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ; que le licenciement de M. X... étant sans cause réelle et sérieuse, il peut par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ; que ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, non contestés dans leur quantum, seront précisés au dispositif du présent arrêt, mais ledit préavis en l'espèce de nature indemnitaire et non salarial n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à son ancienneté et à sa qualification, c'est la somme de 54.000 euros qui remplira M. X... du droit à réparation du préjudice consécutif au licenciement ;
1°) ALORS QUE si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ; qu'en l'espèce, le médecin du travail avait précisé, à la demande de l'employeur, par courrier du 14 mars 2012, que « l'état de santé de M. X... ne permettait pas actuellement aucun reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe, ni par le biais d'une formation » ; qu'en jugeant que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, aux seuls motifs que l'employeur n'avait procédé à aucune recherche de reclassement au regard de l'avis du médecin du travail, alors que le médecin du travail, interrogé par l'employeur, avait conclu, par courrier du 14 mars 2012, que le reclassement était impossible dans l'entreprise et dans le groupe, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions délaissées (cf. p. 8 et 9, production), la société Estamfor faisait valoir qu'elle avait interrogé l'ensemble des sociétés du groupe sur le reclassement de M. X... et qu'elle avait reçu des réponses négatives ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait procédé à aucune recherche de reclassement sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur les pièces n°32 à 44 régulièrement versées au débat par la société Estamfor et qui démontraient que celle-ci avait interrogé l'ensemble des sociétés du groupe sur le reclassement de M. X... et qu'elle n'avait recueilli que des réponses négatives, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.