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06/07/2017 | FRANCE | N°16-14900

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2017, 16-14900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'engagée à compter du 2 juin 2003 en qualité d'agent de solidarité à temps partiel par l'association Entre Loir et Loire ADMR (l'association), Mme X... a été victime d'un accident du travail le 15 décembre 2010 ; que déclarée apte à son poste le 14 mars 2011, elle a été licenciée le 7 juillet 2011 ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moye

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Vu l'article L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'engagée à compter du 2 juin 2003 en qualité d'agent de solidarité à temps partiel par l'association Entre Loir et Loire ADMR (l'association), Mme X... a été victime d'un accident du travail le 15 décembre 2010 ; que déclarée apte à son poste le 14 mars 2011, elle a été licenciée le 7 juillet 2011 ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que le refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail décidée par l'employeur ne constitue pas à lui seul une cause de licenciement ;

Attendu qu'après avoir relevé qu'aux termes de la lettre de licenciement, il n'était fait grief à la salariée que d'avoir refusé de signer l'avenant du 24 mars emportant modification de son contrat de travail, l'arrêt retient que dès lors qu'il est établi que le motif de la modification, à savoir la polyvalence du personnel, est justifié dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'association, le licenciement consécutif au refus repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le licenciement était motivé par le seul refus de la salariée de la modification de son contrat de travail, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 8 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne l'association Entre Loir et Loire ADMR aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette association et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

AUX MOTIFS QUE :

« Sur le licenciement,
Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, il appartient au juge, au vu des éléments fournis par les parties, d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement citée ci-dessus et qui fixe les limites du litige, il est fait grief a Mme X... d'avoir refusé de signer l'avenant a son contrat de travail en date du 24 mars 2011.
Mme X... considère que l'avenant constitue une modification de son contrat de travail, qu'elle est en droit de refuser.
L'employeur, pour sa part, soutient qu'il n'emporte qu'un changement mineur des conditions de travail de la salariée, relevant de l'exercice du pouvoir de direction et que le refus justifiait un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Il ressort des termes de l'avenant qu'il modifie, en premier lieu, l'horaire de travail, qui passe de 7h00 a 13h00 du lundi au vendredi a 7h15 a 13h15 du lundi au vendredi, ce qui est marginal, et Mme X..., au demeurant, ne prétend pas qu'elle ne pouvait pas s'y conformer ou qu'il en résultait quelque modification de ses conditions de vie.
L'avenant prévoit aussi que le temps de travail du mercredi sera consacré au ménage des locaux de l'association et a l'entretien intérieur des véhicules du portage des repas. Mme X... ne peut pas en déduire valablement qu'elle se verrait ainsi démise des taches administratives réalisées auparavant le mercredi.
En effet, l'avenant ne touche pas l'article 2 du contrat de travail relatif a la définition de la mission, mais seulement a la répartition des taches entre les jours de la semaine.

Et il ressort du dossier qu'aucune tache nouvelle n'est imposée a Mme X... ni aucune tache ancienne retirée, des lors que les taches administratives sont exécutées au jour le jour au fur et a mesure des livraisons de repas, et que le mercredi ne leur est pas dédié.
C'est donc a tort que Mme X... considère que l'avenant emportait modification de la définition de son poste.
Enfin, l'avenant modifie la définition du secteur d'intervention.
A l'origine, le contrat stipulait que le secteur est "Saint Amand Longpré et quelques communes limitrophes", et, dans le projet d'avenant, il devient "le secteur d'intervention de l'association", sans précision, ce qui représente incontestablement une modification contractuelle ne pouvant pas etre appliquée sans l'accord de la salariée.
En effet, le secteur d'intervention conditionne le périmètre des tournées de portage de repas, objet du contrat de travail.
Il ressort des termes de la lettre de licenciement que cette modification est issue d'une décision du conseil d'administration de l'association d'organiser la polyvalence des personnes chargées de la livraison des repas, en ne les cantonnant pas a un secteur géographique étroitement délimité, ce qui aboutirait a priver du service de portage les personnes situées dans un ressort voisin ; la modification vise donc a accroître l'efficience de l'activité de livraison des repas.
En l'état du refus de Mme X... de signer un avenant, par lequel elle acceptait d'avoir a porter des repas hors du secteur prévu dans son contrat de travail initial, l'employeur, qui persistait dans son projet de modification du contrat, pouvait rompre le contrat de travail.
Des lors qu'il est établi que le motif de la modification, a savoir la polyvalence du personnel, est justifié dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'association, le licenciement consécutif au refus repose sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamné l'ADMR Entre Loir et Loire a payer a Mme X... des dommages et intérêts pour rupture abusive. »

ALORS, en premier lieu, QUE l'employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail ; et qu'hormis l'hypothèse de l'application de la procédure spécifique de modification du contrat pour motif économique prévue à l'article L1222-6 du Code du travail, le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail ne peut justifier son licenciement ; QU'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait que l'avenant du 24 mars 2011 soumis à Madame X... emportait modification de son secteur d'intervention et retenait que cette modification « représente incontestablement une modification contractuelle ne pouvant pas être appliquée sans l'accord de la salariée. », ce dont il résultait que la salariée était en droit de refuser cette modification sans encourir un licenciement, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que « l'employeur pouvait rompre le contrat de travail » et que « le licenciement consécutif au refus repose sur une cause réelle et sérieuse », au motif que ladite modification du contrat serait « justifiée dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'association » n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

ALORS, en second lieu, QUE l'employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail ; QU'en l'espèce la salariée faisait valoir que l'avenant qui lui était soumis modifiait ses fonctions contractuelles de sorte qu'elle était en droit de refuser de le signer ; QUE, pour débouter la salariée de sa demande, la Cour d'appel s'est bornée à considérer que «l'avenant prévoit aussi que le temps de travail du mercredi sera consacré au ménage des locaux de l'association et a l'entretien intérieur des véhicules du portage des repas. Mme X... ne peut pas en déduire valablement qu'elle se verrait ainsi démise des taches administratives réalisées auparavant le mercredi. En effet, l'avenant ne touche pas l'article 2 du contrat de travail relatif a la définition de la mission, mais seulement a la répartition des taches entre les jours de la semaine. Et il ressort du dossier qu'aucune tache nouvelle n'est imposée a Mme X... ni aucune tache ancienne retirée, des lors que les taches administratives sont exécutées au jour le jour au fur et a mesure des livraisons de repas, et que le mercredi ne leur est pas dédié. » ; QU'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle était pourtant tenue de le faire, quelles étaient les stipulations de l'article 2 « Mission » du contrat de travail de Madame X..., et ainsi, si la tâche de « ménage des locaux de l'association » prévue par l'avenant qui lui était soumis ne constituait pas, au regard de ces stipulations du contrat de travail, une fonction nouvelle sans aucun lien avec son emploi d' « Agent de Solidarité », de sorte que la salariée pouvait refuser cette modification de ses fonctions contractuelles, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

AUX MOTIFS QUE :

« Sur le harcèlement moral
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte a ses droits et a sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif a l'application de l'article ci- dessus, il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe a l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers a tout harcèlement.
En l'espèce, Mme X... établit les faits suivants :
- une proposition de diminution de l'horaire de travail en novembre 2008,
- l'absence de déclaration d'accident de travail pour l'arrêt du 6 au 13 août 2009,
- la sanction de mise a pied du 29 septembre 2009,
- le fait d'avoir été accompagnée dans ses tournées en janvier 2010,
- l'absence d'augmentation individuelle,
- le défaut de mise en place d'un mi-temps thérapeutique,
- la demande de rester chez elle un jour de verglas,
- le cantonnement a des travaux de ménage le mercredi.

Elle évoque aussi, sans preuve a l'appui, des pressions a la démission et un blâme.

En premier lieu, l'ADMR Entre Loir et Loire justifie objectivement par les pièces a son dossier, accompagnées d'explications non contredites sérieusement par la salariée, que certains des faits ci-dessus répondent a l'exercice normal et sans abus de son pouvoir de direction:

- la proposition de diminution d'horaire, qui correspondait a l'évolution des besoins de l'association mais qui n'a pas été mise en oeuvre en raison du refus de la salariée,
- l'accompagnement ponctuel de quelques jours dans les tournées lors d'une reprise de travail, nécessaire au respect des restrictions médicales sur le port de charges,
- la demande de rester au domicile, sans diminution de salaire, afin d'éviter d'avoir a circuler en voiture un jour de verglas, qui se rattachait a une mise en oeuvre de l'obligation de prévention des risques,
- les travaux de ménage, qui étaient répartis entre tous les salariés de l'association et non dévolus a la seule Mme X..., et dont il n'était donc pas possible de la dispenser,
- l'absence de discrimination salariale entre Mme X... et sa collègue, dont l'augmentation individuelle est justifiée par l'exécution de taches de comptabilité, pour lesquelles Mme X... n'était pas qualifiée.

S'agissant ensuite de la déclaration d'un accident de travail qui serait survenu le 5 août 2009 en l'absence de tout témoin, il ressort du dossier que Mme X... a adressé a l'employeur un arrêt délivré pour maladie (lombalgie) du 6 au 12 août, puis une prolongation, toujours pour lombalgie, jusqu'au 21 août, tout en sollicitant par téléphone le 11 août 2009 un formulaire de déclaration d'accident de travail, a faire remplir selon elle par son médecin.
Or, le formulaire de déclaration d'accident de travail est rempli par l'employeur et adressé directement a la CPAM ; il ne concerne pas le médecin traitant, qui se borne a fournir un arrêt de travail, soit en maladie, soit en accident de travail, selon le récit et la demande de son patient.
L'ADMR Entre Loir et Loire était donc fondée a ne pas répondre favorablement a la demande de Mme X... de lui adresser un formulaire de déclaration d'accident de travail a remplir par son médecin traitant, une semaine après le fait accidentel dont la salariée ne lui avait pas rendu compte.
En toute hypothèse, après enquête contradictoire, l'accident de travail qui n'avait pas été déclaré spontanément a l'employeur ni au médecin et qui n'avait pas eu de témoin, n'a pas été reconnu par la caisse, dans une décision désormais définitive.
Cet épisode ne participe donc pas d'un harcèlement moral a l'initiative de l'employeur.
Ensuite, Mme X... ne demande pas l'annulation de la sanction de mise a pied, qui repose sur des faits précis, dont la réalité n'est pas contestée.
Par ailleurs, saisie par la CGT le 3 février 2010 de l'éventuelle dégradation des conditions de travail de Mme X..., l'ADMR Entre Loir et Loire a, d'une part, invité la salariée a s'exprimer devant le conseil d'administration du 3 mars 2010, et, d'autre part, répondu a l'union locale du syndicat le 12 mars 2010 puis le 26 avril 2010, en présentant des explications objectives qui l'ont convaincu de ne pas porter l'affaire en justice, comme l'intention en avait été exprimée "si tout ne rentre pas dans l'ordre a partir du 3 mai 2010".
Un an plus tard, une difficulté est apparue quand le médecin du travail a délivré a Mme X... un avis d'aptitude a la reprise du travail "a mi-temps thérapeutique pendant 2 mois". L'association a exposé au médecin les difficultés rencontrées pour mettre en oeuvre cette recommandation, sachant que Mme X... était employée a temps partiel de 30 heures par semaine, qu'un mi- temps correspondait donc a 15 heures de travail par semaine, que le portage des repas s'effectuant au quotidien, la charge de travail ne pouvait pas être provisoirement répartie entre les collègues et que l'association n'avait pas pu recruter par contrat a durée déterminée de remplacement de deux mois a raison de 15 heures par semaine. Il est ainsi justifié de difficultés d'organisation ayant fait obstacle a la mise en oeuvre du mi-temps thérapeutique préconisé pour un période limitée de deux mois seulement. Par suite, Mme X... est restée absente avec maintien de la rémunération, puis le médecin du travail a délivré un avis d'aptitude a la reprise selon les horaires habituels.
Enfin, la proposition d'avenant au contrat de travail emportant modification du périmètre de la tournée de distribution des repas, n'est pas un agissement susceptible d'être mis au compte d'un harcèlement moral professionnel de Mme X..., des lors qu'il concerne tous les salariés de l'association et vise a adapter l'activité a l'évolution de la clientèle.
En l'état des explications et des pièces fournies, l'employeur démontre que les faits matériellement établis par Mme X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers a tout harcèlement.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour harcèlement moral, au demeurant sans articuler de motivation, même succincte, relativement a la situation de fait qu'il lui était demandé d'apprécier. »

ALORS, en premier lieu, QU'aux termes de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

QU'en l'espèce, la salariée faisait valoir, entre autres faits laissant présumer qu'elle était victime de harcèlement, qu'elle avait été convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire à trois reprises au cours de la seule année 2011, et ce alors même qu'elle était en arrêt accident du travail de façon quasi-continue, et que l'employeur lui avait infligé un blâme, puis licenciée au motif de son refus des modifications de son contrat de travail ; QUE la cassation de l'arrêt sur le premier moyen – faisant grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le refus par la salariée des modifications de son contrat de travail justifiait bien son licenciement – entraînera la cassation par voie de conséquence de la disposition critiquée par le deuxième moyen à savoir d'AVOIR dit que la salariée n'avait pas subi de harcèlement moral ;

ALORS, en deuxième lieu, QUE si le salarié doit produire des éléments propres à établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence du harcèlement qu'il invoque, le juge ne peut écarter ces éléments qu'après les avoir examinés dans leur ensemble ; QU'en statuant comme elle l'a fait, en procédant à une appréciation séparée de certains des éléments invoqués par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis par la salariée laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

ALORS, en troisième lieu, QUE si le salarié doit produire des éléments propres à établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence du harcèlement qu'il invoque, le juge ne peut écarter ces éléments qu'après les avoir examinés dans leur ensemble ; QU'en l'espèce, pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la salariée au titre du harcèlement moral, l'arrêt énonce que « Madame X... établit les faits suivants : - une proposition de diminution de l'horaire de travail en novembre 2008, - l'absence de déclaration d'accident de travail pour l'arrêt du 6 au 13 août 2009, - la sanction de mise a pied du 29 septembre 2009, - le fait d'avoir été accompagnée dans ses tournées en janvier 2010, - l'absence d'augmentation individuelle, - le défaut de mise en place d'un mi-temps thérapeutique, - la demande de rester chez elle un jour de verglas, - le cantonnement a des travaux de ménage le mercredi. Elle évoque aussi, sans preuve a l'appui, des pressions a la démission et un blâme. », avant de procéder à l'appréciation séparée de chacun de ces éléments ; QU'en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et notamment les nombreuses convocations à un entretien préalable à un entretien disciplinaire dont Madame X... avait été l'objet, l'ordonnance d'antidépresseurs qu'elle versait au débat, ainsi que le carnet dans lequel la salariée faisait état de sa souffrance psychologique au travail, n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

ALORS, en quatrième lieu, QU'il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient aux juges d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; QU'aux termes de l'article L441-2 du Code de la sécurité sociale, « l'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés. La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit l'accident. » ; QU'en l'espèce, la salariée, en versant aux débats deux courriers émanant de son employeur que ce dernier, informé de son accident du travail, d'une part, refusait de déclarer cet accident, et, d'autre part, lui avait infligé une mise à pied disciplinaire de cinq jours au motif que la salariée aurait prétendument quitté brusquement son service sans informer l'employeur de son accident ;

QUE pour dire que « cet épisode ne participe pas d'un harcèlement moral a l'initiative de l'employeur. », la cour d'appel a retenu que « le formulaire de déclaration d'accident de travail est rempli par l'employeur et adressé directement a la CPAM ; il ne concerne pas le médecin traitant, qui se borne a fournir un arrêt de travail, soit en maladie, soit en accident de travail, selon le récit et la demande de son patient. L'ADMR Entre Loir et Loire était donc fondée a ne pas répondre favorablement a la demande de Mme X... de lui adresser un formulaire de déclaration d'accident de travail a remplir par son médecin traitant, une semaine après le fait accidentel dont la salariée ne lui avait pas rendu compte. » ; QU'ayant ainsi constaté que l'employeur refusait de déclarer l'accident du travail de Madame X..., ce dont il résultait que le comportement de l'employeur, illégal au regard des dispositions de l'article L. 441-2 du Code de la sécurité sociale, ne pouvait être considéré comme justifié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, et a violé l'article L. 1154-1 du Code du travail ensemble l'article L. 441-2 du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-14900
Date de la décision : 06/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 08 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2017, pourvoi n°16-14900


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.14900
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