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05/07/2017 | FRANCE | N°15-28486

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juillet 2017, 15-28486


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2015), que Mme X... a été engagée le 1er octobre 2006 par la société France news, aux droits de laquelle vient la société Les Editions du nouveau France-soir (la société), en qualité de rédactrice ; que le tribunal de commerce de Paris a prononcé le 23 juillet 2012 la liquidation judiciaire de la société, Mme Y... étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et Mme Z... étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire ; que la salariée

a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2015), que Mme X... a été engagée le 1er octobre 2006 par la société France news, aux droits de laquelle vient la société Les Editions du nouveau France-soir (la société), en qualité de rédactrice ; que le tribunal de commerce de Paris a prononcé le 23 juillet 2012 la liquidation judiciaire de la société, Mme Y... étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et Mme Z... étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel ayant retenu l'existence d'une situation de discrimination, le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Aïchouche X... de sa demande tendant à inscrire au passif de la société LES NOUVELLES EDITIONS France SOIR une somme à titre de rappel salaires au coefficient 170 pour les mois de mars 2008 à novembre 2010 outre les congés payés afférents et une somme à titre de dommages et intérêts pour perte de la valeur de ses points retraites ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame X... expose qu'elle exerçait depuis mars 2008 les fonctions de reporter correspondant au coefficient 170 de la convention collective, tout en ayant été maintenue jusqu'en novembre 2010 à la classification de rédactrice au coefficient 149 ; que selon la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR, Madame X... était rédacteur et ne peut prétendre au coefficient correspondant aux fonctions de reporter avant le 1er décembre 2010, date à laquelle elle a été promue et affectée au service « société » ; qu'aux termes de l'article 2 de son contrat de travail avec la société FRANCE NEWS, en date du 1er octobre 2006, Madame X..., en sa qualité de rédacteur, sous l'autorité hiérarchique et éditoriale du directeur de la rédaction, était chargée de mettre au point la matière rédactionnelle et de rédiger des articles pour les publications de la société, dans le service hippique ; que le contrat de travail précise qu'elle était engagée au coefficient 149 et que le contrat était régi par la convention collective nationale des journalistes et ses avenants ultérieurs ; que le coefficient 149 correspond aux fonctions de rédacteur et sont définies comme celles du journaliste qui met au point la matière rédactionnelle et rédige des textes d'information courante ; que le coefficient 170 correspond aux fonctions de reporter ou reporter dessinateur ; que les fonctions de reporter (coefficient 170) correspondent à celles du journaliste qui effectue des recherches d'information à l'extérieur, des enquêtes et des reportages d'une manière habituelle ; que Madame X... verse aux débats une trentaine d'articles parus dans le quotidien France-Soir sous sa signature ou en co-signature parus entre septembre 2006 et janvier 2009, soit sur une période de plus de deux ans, essentiellement dans les rubriques "Beauté-Bien-Être" et "Mode" ; que la plupart de ces articles ont une fonction publicitaire et ne font que présenter et vanter un produit en indiquant le prix de celui-ci ; qu'ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, ces articles sont courts et ne révèlent pas l'exercice de fonctions de journaliste effectuant de véritables recherches d'information à l'extérieur, des enquêtes et des reportages pendant la période considérée ; que les déplacements à l'extérieur de la salariée, très occasionnels, ont été effectués en particulier pour rendre compte du concours d'une agence de mannequins et pour accompagner la visite d'une personnalité en vogue dans un Etat d'Afrique, mais ne permettent pas d'établir que Madame X... exerçait en réalité les fonctions de reporter au sens de la convention collective ; qu'ainsi, en l'état des éléments versés au débat, la classification attribuée à l'intéressée était appropriée dans la mesure où celle-ci mettait au point la matière rédactionnelle et rédigeait des textes d'information courante jusqu'à ce qu'elle bénéficie d'un avenant lui confiant les fonctions de reporter dans la rubrique "société" ; que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire au coefficient 170 et à titre de dommages-intérêts pour perte de la valeur de points retraite, l'intéressée n'ayant pas subi de préjudice sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame X... considère qu'elle a exercé depuis le mois de mars 2008 les fonctions de reporter correspondant au coefficient 170 de la convention collective tout en ayant été maintenue jusqu'en novembre 2010 à la classification de rédactrice au coefficient 149 prévue à l'embauche quatre ans plus tôt, et elle sollicite le rappel de salaire correspondant ; qu'elle produit à l'appui de sa demande les articles parus sous sa signature dans diverses rubriques du quotidien ; que pour s'y opposer, la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR fait valoir que ces articles, au demeurant peu nombreux et publiés de façon très ponctuelle dans des rubriques ne relevant pas du service hippique auquel Madame X... a appartenu jusqu'en novembre 2010, ne démontrent pas l'exercice effectif et habituel des fonctions revendiquées. Elle précise que les « reportages » dont Madame X... se prévaut en Chine (concours de l'agence de mannequin Elite) et au Burkina Fasso (visite de Laetitia A...) ont été effectués en réalité dans le cadre de voyages de presse auxquels Madame X... avait été invitée par les agents concernés, sans jamais avoir été envoyée spécialement par la rédaction du journal, ce qui ne saurait recevoir la qualification de mission de reportage au sens de la convention collective ; qu'elle rappelle que Madame X... a été absente pour maladie et congés plus de la moitié du temps d'avril 2009 à novembre 2010, et que le point de départ de mars 2008 proposé par la salariée est arbitraire ; qu'elle précise que la promotion aux fonctions de reporter à compter du 1er décembre 2010 est liée à l'affectation concomitante dans le service « société », Madame X... étant auparavant rattachée au service hippique, ainsi que le rappelle l'avenant du 20 décembre 2010 ; que la classification professionnelle d'un salarié au regard de la grille des emplois de la convention collective applicable à l'entreprise dépend des caractéristiques de l'emploi effectivement occupé et de la qualification qu'il requiert ; qu'en l'espèce, les fonctions de rédacteur (coefficient 149) sont définies comme celles du journaliste qui met au point la matière rédactionnelle et rédige des textes d'information courante, et les fonctions de reporter (coefficient 170) comme celles du journaliste qui effectue des recherches d'information à l'extérieur, des enquêtes et des reportages d'une manière habituelle ; que Madame X... verse aux débats une vingtaine d'articles parus dans le quotidien FRANCE SOIR, un le 17 novembre 2007 et les autres de mars 2008 à janvier 2009 seulement, le plus souvent sur un quart de page ou moins, ce qui ne révèle pas un exercice de reportage à titre habituel au cours de la période en demande ; qu'en effet, les articles présentés sont à la fois rares et de format restreint, ils ne font pas appel à la réalisation d'enquêtes, la majorité sont publiés dans la rubrique beauté-bien-être et dépourvus de contenu distinctif en ce qu'ils se bornent à présenter, sinon promouvoir, un produit et sa marque ; les quelques déplacements à l'extérieur ne donnent pas lieu à enquête (ex. à Cannes et en Chine pour rendre compte du concours de l'agence de mannequins Elite - au Burkina Fasso pour accompagner une visite de Laetitia A..., marraine Unicef France) ; que de plus, il est versé en comparaison par la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR des articles émanant de rédacteurs, dont le contenu en information est comparable voire plus consistant ; qu'il apparaît alors que la production présentée par Madame X..., à caractère manifestement occasionnel, ne constitue pas la majeure partie de son occupation de journaliste à plein temps, et il s'en déduit que Madame X... n'exerçait pas à titre principal à partir de mars 2008 des fonctions de reporter au sein de la rédaction de France-Soir ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande en rappel de salaire et de la demande subséquente en dommages et intérêts ;

ALORS QU'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, les juges du fond doivent rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la salariée de ses demandes, que les articles que Mme X... étaient amenés à rédiger étaient courts et ne révélaient pas l'exercice de fonctions de journaliste effectuant de véritables recherches d'information à l'extérieur, et des enquêtes et des reportages pendant la période considérée quand il résultait de la lecture de ces articles qu'ils constituaient de véritables dossiers sur des sujets de société, et que certains constituaient des reportages pour lesquels elle était mentionnée en qualité d'envoyée spéciale et qu'enfin il apparaissait que la salariée exerçait des fonctions de reporter en réalisant des interviews, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au passif de la société LES NOUVELLES EDITIONS FRANCE SOIR une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande tendant à ce que soit inscrit au passif de cette société une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail, et, selon l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance du principe de non-discrimination, notamment pour activités syndicales, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que pour justifier ses prétentions concernant une discrimination dont elle aurait été victime, Madame X... fait valoir : que sa désignation en qualité de Déléguée Syndicale a fait immédiatement l'objet d'une contestation par la société ; que ses congés payés, à prendre avant le 31 décembre 2009, ne lui ont pas été accordés sans autre justification (pièce n° 13) ; qu'elle a des difficultés à faire paraître ses articles ; qu'elle a été affectée au service hippique en dépit de son inexpérience en la matière ; qu'elle n'apparaissait plus sur le listing interne ; qu'elle s'est vue menacée d'une sanction disciplinaire et convoquée à un entretien préalable alors qu'elle était hospitalisée (pièce n° 32 et 33) ; qu'à son retour de congés payés au début du mois de décembre 2011, son ordinateur portable professionnel lui a été retiré ; que son téléphone professionnel a été utilisé en son absence ; que lors de la réunion du Comité d'Entreprise du 3 janvier 2012, Monsieur B... a tenu des propos déplacés à son égard ; que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement en ce qui la concerne ; que cependant, il ressort de l'ensemble des éléments versés au débat : que l'employeur, en contestant en justice par des moyens de droit la désignation d'un délégué syndical n'a pas commis un acte discriminatoire, que, s'agissant des demandes de congés, il n'est pas établi que l'employeur a refusé des congés à la salariée, toutes les demandes présentées régulièrement par l'intéressée à l'aide du formulaire utilisé au sein de la société ayant été acceptées ; que Madame X... est mal venue à critiquer son affectation au service hippique puisqu'elle a précisément été embauchée pour exercer dans ce service ainsi que cela est précisé dans son contrat de travail signé et approuvé par l'intéressée le 1er octobre 2006 ; que, Madame X..., qui, au demeurant, n'était pas reporter, n'avait aucun droit acquis à faire publier des articles pour d'autres services que celui où elle était affectée ainsi que cela lui a été rappelé par l'employeur dans un courrier du 12 avril 2010 et qu'il n'est fait état d'aucun refus de parution après que l'intéressée ait été affectée le service "société", cette fois en qualité de reporter ; qu'à cet égard, l'attestation de Madame C..., journaliste au service "culture" apparaît trop imprécise pour établir un comportement discriminatoire de l'employeur en ce qui concerne la parution des articles ; que de plus, ainsi que cela a été relevé par le conseil de prud'hommes, les autres attestations produites par Madame X... ne sont pas suffisamment précises quant aux dates et aux circonstances des faits évoqués, et aux projets d'articles concernés ; que la source et le caractère officiel du document produit par Madame X... sur lequel son nom n'est pas mentionné ne sont pas établis, que Madame X... apparaissait de façon générale sur les listing du personnel de la société et qu'aucun acte discriminatoire ne peut être retenu à cet égard ; que l'ouverture du "caisson" de Madame X... en son absence tout comme le retrait de son ordinateur portable ou l'utilisation de son téléphone sont de simples allégations qui ne sont pas étayées, ni confortées par des éléments produits au débat ; que par ailleurs, l'attestation de Mme D..., qui dit avoir subi une discrimination syndicale en tant qu'adhérente à la CFDT ne comporte aucun élément précis de nature à crédibiliser ou à conforter les accusations de Madame X... ; que s'agissant du non-respect de l'obligation de reclassement invoqué par ailleurs à l'appui de la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, il résulte des éléments versés au dossier que l'autorisation de licencier Madame X... pour motif économique a été refusée par décision confirmée le 18 juin 2012 de l'inspection du travail des Hauts-de-Seine et que le projet de licenciement n'a pas abouti, l'intéressée ayant accepté par la suite ; que la décision faisait observer notamment que l'offre de reclassement de Madame X... au poste de rédacteur était insuffisamment précise et qu'il n'était alors pas démontré que le poste de journaliste reporter d'image ne correspondait pas aux compétences de la salariée ; que cependant, au vu des éléments versés à l'appui de la procédure prud'homale, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a relevé que la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR justifie objectivement l'absence d'offre de reclassement au poste de journaliste reporter d'image par le défaut de connaissances de Madame X... pour occuper un tel poste de nature différente de celui de reporter auquel elle a été promue en décembre 2010, après avoir été embauchée en 2006 en qualité de rédacteur ; qu'il résulte en effet des éléments versés au débat qu'une salariée répondant au profil et plus expérimentée a été reclassée à ce poste ; que de plus, ainsi que l'a encore relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, l'employeur a proposé à Madame X..., qui ne justifie d'aucun rang de priorité sur un poste qui ne lui aurait pas été proposé, un reclassement sur un poste de rédacteur, pour les autres salariés concernés, de telle sorte que l'employeur n'a fait preuve dans le cadre de cette procédure qui n'a d'ailleurs pas abouti, ni de discrimination syndicale, ni d'une exécution déloyale du contrat de travail ; que s'agissant enfin des propos houleux échangés entre Madame X... et le Président de la société à l'occasion d'une réunion du Comité d'entreprise du 3 janvier 2012, la responsabilité de Madame X... est clairement engagée, comme le démontre Madame E... dans son attestation. il est en effet attesté que Madame X... « hurlait », et « s'est emportée, à la limite de l'hystérie poussant la direction et en particulier M. B... dans ses retranchements », après avoir accusé sans fondement la Direction d'imprécision sur l'itinéraire pour se rendre à la réunion. il n'en reste pas moins qu'il est établi, notamment par les attestations de Monsieur F..., délégué du personnel et de Monsieur G..., secrétaire du comité d'entreprise, que le président de la société, M. B..., s'est adressé de façon inappropriée à la déléguée syndicale en lui disant : "Où vous croyez-vous ici ? Nous ne sommes pas sur un marché marocain". A cet égard, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes, tout en notant que ces propos étaient isolés et proférés dans un contexte de vive prise à partie de la direction, a relevé qu'ils n'étaient pas tolérables et faisaient apparaître en l'espèce, dans le cadre de la réunion à laquelle Madame X... participait, une situation discriminatoire à raison de sa position de délégués syndicale ; que ce comportement justifie la condamnation de l'employeur à verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et la fixation de cette somme due en exécution du contrat de travail au passif de la procédure collective ; que par ailleurs, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail, et, selon l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance du principe de non-discrimination, notamment pour activités syndicales, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que désignée pour la première fois déléguée syndicale le 30 avril 2009, Madame X... a écrit à la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR le 25 mars 2010 pour dénoncer des faits repris ci-dessous révélant selon elle une situation discriminatoire, en concluant : « je vous demande de m'assurer des conditions de travail conformes et de cesser vos agissements discriminatoires. A défaut, je suis déterminée à agir en justice pour faire valoir mes droits » ; que l'employeur a répondu point par point le 12 avril 2010 pour justifier ses décisions et la salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 14 avril suivant ; que les faits allégués de discrimination présentés par Madame X... concernent : 1. la contestation judiciaire de sa désignation comme déléguée syndicale, 2. des congés payés non accordés sans justification, 3. des entraves à l'exercice de son mandat, 4. des difficultés pour faire paraître ses articles, 5. l'absence de son nom sur un listing du personnel, 6. le retrait de son ordinateur portable, 7. le non-respect de l'obligation de reclassement, 8. une invective de Monsieur B... en réunion de comité d'entreprise ; que reprenant les arguments développés dans sa lettre du 12 avril 2010, l'employeur fait d'abord valoir avec pertinence que le fait d'avoir contesté en justice par des moyens de droit recevables la désignation d'un délégué syndical ne peut pas être tenu pour discriminatoire, la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR s'étant bornée à exercer sans abus les voies de droit qui lui sont ouvertes, sachant qu'en l'espèce, la première action avait abouti à l'annulation de la désignation de Madame X... comme déléguée syndicale, faute notamment pour elle d'avoir alors établi l'existence d'une section syndicale FO dans l'entreprise, et la seconde, après constatation de cette existence, a validé une nouvelle désignation ; que s'agissant des demandes de congés, il n'existe aucune trace d'un quelconque refus de l'employeur et il ressort des pièces versées en défense et non critiquées que toutes les demandes de la salariée, présentées selon le formulaire en vigueur dans la société, ont été acceptées, ce dont il résulte que Madame X... n'a pas subi de discrimination en la matière ; qu'il est aussi établi que Madame X..., en qualité de déléguée syndicale, n'a pas vocation à être invitée aux réunions de délégués du personnel, ni à avoir accès au panneau d'affichage réservé à cette instance ; qu'en revanche, elle a été régulièrement conviée à la réunion du 2 avril 2010 en vue de la conclusion du protocole préélectoral précédant l'organisation de l'élection des délégués de la délégation unique du personnel ; que concernant les obstacles à la parution de ses articles, il lui avait été rappelé le 12 avril 2010 qu'en toute hypothèse, étant affectée au service hippique, elle ne pouvait pas faire valoir un droit de rédiger des articles pour d'autres services ; que le refus de parution apparaît justifié objectivement par un rappel à la bonne application de règles d'organisation du travail au sein des différents services ; que compte tenu des changements de direction, des réorganisations successives et des vicissitudes du titre depuis l'embauche de Madame X... en 2006, celle-ci ne peut en effet pas se prévaloir d'un quelconque précédent excluant le retour à une organisation plus rigoureuse à partir du début de l'année 2009 et antérieurement à la première désignation de déléguée syndicale, étant relevé de surcroît que les parutions de Madame X... dans d'autres rubriques que celle du service hippique ne concernent que sa période d'emploi au sein de France News, ayant autorisé le cas échéant des pratiques différentes ; que les attestations produites par Madame X..., contredites par celles de la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR, sont insuffisamment précises quant aux dates et aux circonstances des faits évoqués, à défaut notamment de viser tel ou tel article précisément refusé et dont on aurait pu vérifier qu'il avait été prévu et demandé par le chef de service ; qu'il est également rappelé que la période de non parution d'articles de Madame X... dans les rubriques extérieures à celles de son service coïncide pour partie avec une longue absence en congé de maladie puis pour solder un grand nombre de jours congés payés non pris ; qu'en revanche, il n'est fait état d'aucun obstacle aux parutions depuis que Madame X... a intégré le service « société » ; qu'ensuite, il n'est pas possible de vérifier la source de l'unique listing du personnel produit par Madame X... et sur lequel son nom ne figure pas ; qu'étant daté du 8 juillet 2009, il peut s'agir d'un projet entaché d'une omission involontaire, en toute hypothèse déjà réparée lorsqu'elle est portée à la connaissance de l'employeur par la lettre du 25 mars 2010, ainsi que la directrice déléguée le rappelle dans sa réponse du 12 avril, non sérieusement remise en cause par Madame X... ; que les faits de "visite" de son caisson fermé à clé, avec disparition de son ordinateur portable, sont allégués sans preuve tangible, et le salarié accusé par Madame X... d'avoir procédé à cette visite témoigne du contraire ; que le non-respect de l'obligation de reclassement, invoqué par ailleurs à l'appui de la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail discutée ci-après, se rapporte à l'absence de proposition d'un poste de journaliste reporter d'image (JRl) disponible et son attribution à une autre salariée ; que Madame X... ne saurait invoquer pertinemment un prétendu manquement à des critères d'ordre de reclassement, Inexistants, à ne pas confondre avec des critères d'ordre des licenciements, et, en toute hypothèse, la liste produite en pièce 43, sans titre, ni source, ni date, manifestement incomplète (cf. « situation de » « date » non renseignée, « qualité », « réponse » ne peut pas être tenue pour un ordre des reclassements opposable à l'employeur ; qu'il est constant qu'elle ne dispose pas des compétences opérationnelles nécessaires pour occuper ce poste, étant rappelé le rejet par l'AFDAS de sa demande du 6 février 2012 portant sur un congé individuel de formation de six mois à temps plein pour suivre un stage de « JRI Media Global » en vue d'acquérir les compétences lui faisant défaut en la matière, elle ne peut pas faire valoir un quelconque rang de priorité pour un reclassement dans un poste de JRI ; que la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR justifie donc objectivement l'absence d'offre de reclassement au poste de JRI par le défaut de connaissances théoriques et/ou pratiques de Madame X... à ce poste, non comparable à celui de reporter qu'elle occupe, et par le reclassement audit poste d'une salariée répondant au profil ; que pour le surplus, la proposition de reclassement sur un poste de rédacteur, de qualification moindre et non affecté à un service particulier, a été faite à Madame X... comme aux autres salariés concernés, et elle ne révèle donc pas une discrimination de nature syndicale à son encontre ; qu'enfin, Madame X... rapporte l'incident survenu à la réunion du comité d'entreprise du 3 janvier 2012 à laquelle elle assistait en sa qualité de déléguée syndicale et où Monsieur B..., manifestement excédé par ses interventions, et selon lui, son agressivité verbale, lui a dit : "Où vous croyez-vous ici ? Nous ne sommes pas sur un marché marocain" ; que certes, il s'agit de propos isolés dans un contexte de vive prise à partie de la direction par Madame X... ; que néanmoins, ils ne sont pas tolérables au regard du principe supérieur de respect de la dignité de chacun et, vu le contexte, ils manifestent une atteinte discriminatoire à l'exercice de la libre expression syndicale ; qu'il sera donc alloué à Madame X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

1° ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que pour débouter Madame X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d'une discrimination, la cour d'appel a relevé que l'employeur, en contestant en justice par des moyens de droit la désignation d'un délégué syndical n'a pas commis un acte discriminatoire ; que, s'agissant des demandes de congés, il n'est pas établi que l'employeur a refusé des congés à la salariée, toutes les demandes présentées régulièrement par l'intéressée à l'aide du formulaire utilisé au sein de la société ayant été acceptées ; que Madame X... est mal venue à critiquer son affectation au service hippique puisqu'elle a précisément été embauchée pour exercer dans ce service ainsi que cela est précisé dans son contrat de travail signé et approuvé par l'intéressée le 1er octobre 2006 ; que, Madame X..., qui, au demeurant, n'était pas reporter, n'avait aucun droit acquis à faire publier des articles pour d'autres services que celui où elle était affectée ainsi que cela lui a été rappelé par l'employeur dans un courrier du 12 avril 2010 et qu'il n'est fait état d'aucun refus de parution après que l'intéressée ait été affectée le service "société", cette fois en qualité de reporter ; qu'à cet égard, l'attestation de Madame C..., journaliste au service "culture" apparaît trop imprécise pour établir un comportement discriminatoire de l'employeur en ce qui concerne la parution des articles ; que la source et le caractère officiel du document produit par Madame X... sur lequel son nom n'est pas mentionné ne sont pas établis, que Madame X... apparaissait de façon générale sur les listing du personnel de la société et qu'aucun acte discriminatoire ne peut être retenu à cet égard ; que l'ouverture du "caisson" de Madame X... en son absence tout comme le retrait de son ordinateur portable ou l'utilisation de son téléphone sont de simples allégations qui ne sont pas étayées, ni confortées par des éléments produits au débat ; que la société LES EDITIONS DU NOUVEAU FRANCE SOIR justifie objectivement l'absence d'offre de reclassement au poste de journaliste reporter d'image par le défaut de connaissances de Madame X... pour occuper un tel poste de nature différente de celui de reporter auquel elle a été promue en décembre 2010, après avoir été embauchée en 2006 en qualité de rédacteur ; qu'en se livrant à une appréciation séparée des éléments rapportés par Madame X... quand il lui appartenait de se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués, et de dire si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, de dire si l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2° ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des faits invoqués par le salarié pour étayer sa demande au titre de la discrimination syndicale ; que, dans ses conclusions d'appel (cf. prod n° 7, p. 12 § 10), Madame X... faisait valoir qu'elle s'était vu menacée d'une sanction disciplinaire et convoquée à un entretien préalable alors qu'elle devait être hospitalisée ; qu'en omettant d'examiner ce point, qui, s'il s'était trouvé avéré, aurait laissé supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-28486
Date de la décision : 05/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2017, pourvoi n°15-28486


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28486
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