LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a été engagée le 1er février 2008 par la société Seventure partners, en qualité de directeur de participations ; qu'elle a été en congé maternité du 19 janvier 2009 au10 mai 2009, puis en congé parental du 11 mai 2009 au 28 août 2009 ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 31 octobre 2009 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de nullité de son licenciement en raison d'une discrimination fondée sur le sexe et son état de grossesse ;
Sur le second moyen, qui est préalable :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en nullité du licenciement et paiement de dommages-intérêts à ce titre, ainsi qu'au titre de la procédure vexatoire, dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt énonce que le rappel dans la lettre de licenciement du contexte conflictuel marqué par une accusation de discrimination de la part de la salariée à l'encontre de l'employeur, contrairement à ce que soutient la salariée, ne caractérise pas l'interdiction prescrite par l'article L. 1132-3 du code du travail, dès lors qu'il résulte des termes clairs de la lettre de licenciement que la rupture repose sur des faits autres, étrangers à toute dénonciation de discrimination ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement, dans laquelle l'employeur contestait les accusations de discrimination formulées par la salariée dans une lettre adressée à sa supérieure hiérarchique quelques jours auparavant, visait notamment le comportement général de l'intéressée caractérisé par le refus de l'autorité de sa hiérarchie et sa volonté manifeste de ne pas coopérer avec cette dernière ainsi qu'un climat de tension généré par son comportement ayant pris des dimensions inacceptables, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement, a violé le principe susvisé ;
Attendu que la cassation à intervenir sur le second moyen emporte la cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, des chefs de l'arrêt critiqués par le premier moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Seventure partners aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Seventure partners à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme X... tendant à voir juger qu'elle avait été victime de discrimination et obtenir le paiement de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une discrimination fondée sur le sexe et son état de grossesse ; elle explique que, commencée sous les meilleurs auspices, la relation de travail s'est dégradée après son départ en congé de maternité, puis avec ses demandes successives de congé parental ; elle précise qu'en septembre 2009, à son retour dans l'entreprise, elle s'est vu reprocher de prétendus résultats médiocres et imposer une véritable mise sous tutelle ainsi que des objectifs exorbitants ; elle ajoute que la prime de directoire de 30 000 € promise fin 2008, ne lui a finalement pas été payée, que contrairement à ses autres collègues, le capital de Seventure ne lui a pas été ouvert, qu'elle a été seule à subir un entretien d'évaluation incongru, établi à une époque inhabituelle (septembre) ; l'employeur conteste ce grief en faisant valoir qu'au contraire il a tout mis en oeuvre pour satisfaire les souhaits de la salariée en maintenant son salaire pendant le congé de maternité, alors qu'elle ne justifiait pas de l'ancienneté d'un an conventionnellement requise, en acceptant son congé parental pour la période du 11 mai au 28 août 2009 ainsi que l'aménagement de ses horaires de travail ; par ailleurs, il affirme que les faits invoqués par Mme X... au soutien de la discrimination alléguée se fondent sur une cause objective ; il convient de relever avec l'employeur, en premier lieu, que l'entretien d'évaluation réalisé en septembre 2009, au retour du congé de maternité de Mme X..., contrairement à ce que soutient celle-ci, répond à une exigence légale instituée par l'article 1225-57 du code du travail, auquel fait écho l'article 32 alinéa 5 de la convention collective applicable ; en outre, son contenu ne comporte aucun reproche envers Mme X... mais fait le point sur son portefeuille sur la période de congé écoulée en faisant apparaître les modifications intervenues (notamment les dossiers clos) ; en second lieu, que l'unique élément dont se prévaut la salariée, au sujet de la prime de 30 000 € dont elle prétend avoir été privée, consiste en un document à en-tête de la société Seventure Partners, non daté et non signé, qui ne présente aucune valeur probante quant à la réalité de l'engagement de l'employeur de lui payer ladite prime, que le contrat de travail, dans des termes clairs, ne prévoit pas davantage ; enfin, l'ouverture du capital de la société Seventure Partners, pendant le congé de maternité de la salariée, qui ne constitue pas un bénéfice dont Mme X... a été privée, tout au plus une information, ne saurait constituer un élément à l'origine de la discrimination prétendue ; il découle de ce qui précède que les trois faits en cause, pris ensemble ou séparément, ne sont pas susceptibles de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de la salariée ; en outre, la salariée ne conteste pas avoir bénéficié de la compréhension de son employeur, qui a accepté, de faire bénéficier Mme X... des dispositions favorables de la convention collective (article 32 alinéa 4) en la gratifiant d'une paie complète pendant son congé de maternité, alors même qu'elle ne présentait pas l'ancienneté d'une année requise par ce texte ; qu'en outre, l'employeur ne s'est nullement opposé au congé parental sollicité jusqu'au 28 août 2009, comme en témoignent son courrier du 16 avril 2009 et son mail du 9 avril 2009 ; il ressort, en réalité des débats, que le différend entre les parties s'est cristallisé à partir et autour de la demande de congé parental à temps partiel formulée par Mme X..., dès son retour de congé en septembre 2009, puis par un courrier du 15 septembre 2009 ; si la société Seventure Partners ne s'y est pas opposée, elle a, dans un courrier du 23 septembre 2009, proposé un aménagement d'horaire sur 5 jours travaillés, sans lui accorder le mercredi qu'elle sollicitait, X... courant septembre 2009, a alors pris des congés spécifiquement le mercredi, déclenchant la réprobation de sa responsable, Mme Z..., laquelle lui a reproché, dans des messages produits aux débats, de la mettre devant le fait accompli par des absences ponctuelles le mercredi, dont elle se plaint d'être prévenue au dernier moment, en contravention avec le règlement intérieur de l'entreprise ; selon le courrier en date du 23 septembre 2009, l'employeur justifie le refus d'accorder le mercredi à Mme X..., par le fait que sur 8 directeurs de participations deux d'entre eux bénéficient déjà d'un temps partiel leur offrant le mercredi de libre, ce que ne conteste pas la salariée ; le motif fourni par l'employeur constitue un élément objectif ; ainsi à supposer que cet événement puisse constituer un fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement, il apparaît qu'une raison objective le justifie ; il résulte donc de tout ce qui précède que la discrimination alléguée par Mme X... n'est pas établie ; …/ … en application de l'article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit exécuté de bonne foi ; aucun élément produit aux débats ne permet de conclure que la société Seventure Partners a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail la liant à sa salariée ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE l'article L. 1225-4 du Code du Travail concernant la période de protection d'une salariée liée à sa grossesse ne saurait trouver application en l'espèce les délais étant dépassés ;
ALORS QUE les juges doivent examiner l'intégralité des éléments dont le salarié fait état pour apprécier si ces éléments, dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination ; que la cour d'appel ne s'est prononcée que sur quelques éléments pris séparément et n'a pas examiné les autres éléments évoqués par la salariée, tels que le changement d'attitude de sa supérieure hiérarchique qui lui a opposé une attitude hostile, le fait qu'elle n'avait pas retrouvé son poste, que des modifications lui avaient été imposées, affectant ses fonctions et ses responsabilités, tandis que des objectifs exorbitants et des contraintes particulières lui étaient été imposés et que l'employeur lui avait proposé une répartition d'horaire totalement incompatible non seulement avec sa situation de famille mais également avec la nature de son activité ; qu'en ne se prononçant pas sur l'intégralité des éléments dont la salariée se prévalait, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L1132-1, L1134-1 et L1142-1 du code du travail ;
Et ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la cour d'appel ne s'est prononcée que sur quelques éléments pris séparément, en retenant que si le refus opposé à la salariée de lui accorder le mercredi pouvait constituer un fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur justifiait d'une raison objective dans la mesure où sur 8 directeurs de participations, deux d'entre eux bénéficiaient déjà d'un temps partiel leur offrant le mercredi de libre ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants, en se prononçant uniquement sur certains éléments séparément et sans caractériser l'existence de motifs objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L1132-1, L1134-1 et L1142-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme X... tendant à voir juger que son licenciement était entaché de nullité et obtenir le paiement, outre des indemnités de rupture, de la somme de 150000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 50000 euros pour procédure vexatoire ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; en l'espèce, la lettre de licenciement du 28 octobre 2009 fait grief à Mme X... " son comportement général " qu'elle estime " caractérisé par le refus de l'autorité de [sa] hiérarchie et [sa] volonté manifeste de ne pas coopérer avec cette dernière " ; elle détaille les faits reprochés de la manière suivante : fixer son emploi du temps comme bon lui semble, arrêtant des rendez-vous personnels au beau milieu de la journée de travail sans en avertir son employeur, écourter ses journées de travail sans davantage l'en aviser, prendre des pauses-déjeuner anormalement prolongées, déposer in extremis, voire a posteriori des bordereaux de congés payés, plaçant son responsable hiérarchique devant le fait accompli … ; le même courrier fait état d'un fait jugé particulièrement grave selon lequel, Mme X... s'est saisie d'un dossier qui ne relevait pas de son champ d'activité sans recueillir l'accord du comité d'investissement du département concerné dont elle relevait et a obtenu des informations confidentielles d'un prospect, sans l'accord du comité " deal flow " en violation des procédures internes, laissant penser à ce prospect que la société Seventure Partners était disposée à investir dans son entreprise ; dans la lettre de licenciement, la société Seventure Partners fait état de ce que, au surplus, la salariée, dans de précédents courriers, lui prête des arrière-pensées qu'elle n'a pas et conteste les allégations de discriminations portées contre elle par la salariée ; le rappel de ce contexte conflictuel, marqué par une accusation de discrimination de la part de la salariée à l'encontre de la société Seventure Partners, contrairement à ce que soutient Mme X..., ne caractérise pas l'interdiction prescrite par l'article L1132-3 du code du travail, dès lors qu'il résulte des termes clairs de la lettre de licenciement que la rupture repose sur des faits autres, étrangers à toute dénonciation de discrimination ; …/ …. Mme X..., qui ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité précédemment allouée, ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnité complémentaire ;
ALORS QUE la lettre de licenciement est en partie motivée par la dénonciation de la discrimination subie par la salariée ; que la cour d'appel a considéré qu'il résultait des termes clairs de la lettre de licenciement que la rupture reposait sur des faits autres, étrangers à toute dénonciation de discrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand la lettre de licenciement était en partie motivée par la dénonciation de la discrimination subie par la salariée, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement du 28 octobre 2009, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Et ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que dans la lettre de licenciement, l'employeur a notamment reproché à la salariée de s'être plainte de discrimination ; que la cour d'appel, qui a considéré qu'il résultait des termes clairs de la lettre de licenciement que la rupture reposait sur des faits autres, étrangers à toute dénonciation de discrimination, a violé l'article L1232-6 du code du travail ;