LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 14 avril 1984 par la société Manufacture de conception Soultz, aux droits de laquelle vient la société Florida Sportswear (la société), en qualité de vendeuse et affectée en dernier lieu au magasin de Rouffach, a été licenciée pour motif économique le 8 février 2013 ; que la société a été mise en liquidation judiciaire le 6 décembre 2016, la société Koch et associés, étant désignée liquidateur ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement insiste sur les résultats déficitaires de la boutique de Rouffach gérée par Mme X..., ne fait qu'effleurer les difficultés économiques de la société, se limitant à un renvoi au contenu d'un exposé extérieur et semble se fonder sur le terrain de la sauvegarde de la compétitivité sans toutefois le préciser expressément, se limitant à affirmer que les mesures antérieurement prises ont été insuffisantes en ne donnant aucune indication sur les menaces qui persisteraient et ajoute que la fermeture du magasin de Rouffach comme étant une mesure essentielle à la survie de la société sans apporter d'élément d'appréciation de cette gravité de la menace ni même de sa réalité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement mentionnait que, pour préserver son existence et éviter la fermeture totale de tous les établissements secondaires, après celle de neuf magasins en 2009, de trois en 2010, d'un en 2011 et de deux en 2012, la société se devait pour sa survie de diminuer ses coûts de structure à très court terme, ce qui impliquait la fermeture totale de tous les établissements secondaires dont les chiffres étaient en baisse importante et qui dégageaient des pertes, notamment celui dont la salarié avait la charge, en sorte que la lettre de licenciement répondait aux exigences légales de motivation, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux du motif économique, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Koch et associés, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement économique de Mme Rita X... est dénué de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Florida Sportswear à lui payer une somme de 24 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le licenciement économique : que le licenciement économique est celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant soit d'une suppression ou transformation d'emploi ou consécutif à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'à côté de ces critères légaux la jurisprudence a dégagé deux autres motifs la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d'activité de l'entreprise ; qu'il est constant qu'il revient à l'employeur d'établir la réalité des difficultés économiques invoquées lesquelles doivent justifier les mesures prises et que le salarié qui a accepté le contrat de sécurisation professionnelle reste en droit de contester le motif économique de son licenciement ; que la lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige et qui a été adressée à Mme X... en date du 08 février 2013 est essentiellement libellée comme suit : « (...) il vous a été exposé les difficultés économiques auxquelles la Société doit faire face. La conjoncture économique ainsi que les perspectives pour 2013 ne laissent pas présager une amélioration à court terme. Les effets de la crise économique persistent dans notre secteur d'économie et les mesures que nous avons prises auparavant s'avèrent insuffisantes, fermeture de neufs magasins en 2009, trois en 2010, un en 2011 deux en 2012. Le chiffre d'affaires de la boutique dont vous dépendez est en baisse de-4, 16 % par rapport à 2009, de-17, 94 % en 2011 par rapport à 2010 et-11, 23 % en 2012 par rapport à 2011. (...) Sur les 11 premiers mois de l'année 2012 votre chiffre d'affaires HT est de 45920, 01 € dégageant un résultat négatif de 24979, 07 €. En effet, dans un tel contexte, devant les résultats évoqués ci-dessus et afin de préserver l'existence de la société, et éviter la fermeture totale de tous les établissements secondaires, l'entreprise se doit de diminuer ses coûts de structure à très court terme ce qui implique la fermeture totale de tous les établissements secondaires dont les chiffres sont en baisse importante et dégageant des pertes. Ces mesures sont aujourd'hui essentielles pour la survie de la Société. Nous n'avons à ce jour aucune visibilité ni perspective quant à une éventuelle amélioration de la situation à court et moyen terme qui aurait permis de maintenir votre poste de travail. (...) nous n'avons aucun poste vacant dans un autre établissement de notre Société, de ce fait nous sommes contraints de mettre fin à votre contrat de travail (...) » ; qu'il est constant que lorsque l'entreprise n'appartient pas à un groupe mais qu'elle comporte différents établissements c'est au niveau de l'entreprise et non des différents établissements qu'il faut se placer pour apprécier les difficultés économiques ; que les mauvais résultats d'un établissement sont donc insuffisants si aucune difficulté n'existe au sein de l'entreprise ou si celle-ci ne connaît pas de difficulté économique ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement précitée insiste sur les résultats déficitaires de la boutique de Rouffach gérée par Mme X..., ne fait qu'effleurer les difficultés économiques de la Société (Florida Sportwear) se limitant à un renvoi au contenu d'un exposé antérieur, et semble se fonder sur le terrain de la sauvegarde de la compétitivité sans toutefois le préciser expressément se limitant à affirmer que les mesures antérieurement prises ont été insuffisantes en ne donnant aucune indication sur les menaces qui persisteraient et ajoute que la fermeture du magasin de Rouffach comme étant une mesure essentielle à la survie de la Société sans apporter d'élément d'appréciation de cette gravité de la menace ni même de sa réalité ; qu'il en résulte que la lettre de licenciement précitée ne justifie pas du motif économique allégué à l'origine de la rupture du contrat de travail privant le licenciement intervenu de cause réelle et sérieuse ; qu'en outre, l'article L. 1235-4 du code du travail prévoit que « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré (...) les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises » ; que force est de constater qu'en l'espèce l'employeur s'est contenté dans la lettre de licenciement d'affirmer qu'il n'avait pas de poste vacant, admettant implicitement qu'il n'avait pas examiné ni même envisagé les possibilités de transformation ou d'adaptation du poste de Mme X... ; qu'il s'en suit que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation préalable de recherche de reclassement raison pour laquelle le licenciement doit également être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse et ouvrant droit à l'indemnité pour licenciement abusif ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que sur les conséquences financières : qu'il est acquis aux débats que Madame X... relève des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et qu'elle peut prétendre à une indemnité qui ne saurait être inférieure à six mois de salaire ; qu'eu égard à son ancienneté dans l'entreprise par référence à une embauche en 1986, son préjudice sera justement évalué à la somme de 24000 € » ;
ALORS 1/ QUE : la lettre de licenciement qui fait état de difficultés économiques et qui indique que cette situation entraîne une suppression d'emploi est suffisamment motivée, et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif invoqué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la lettre de licenciement adressée à Mme X... exposait « les difficultés économiques auxquelles la société doit faire face », notamment la baisse très importante du chiffre d'affaires de la boutique entre 2009 et 2011, et la fermeture, au niveau de l'entreprise, de 15 magasins entre 2009 et 2012 ; qu'il était également exposé que cette situation ne pouvait qu'entraîner la suppression de l'emploi de Mme X..., l'employeur se trouvant contraint de procéder à « la fermeture totale de tous les établissements secondaires dont les chiffres sont en baisse importante et dégagent des pertes » (arrêt, p. 4) ; qu'en retenant pourtant que la lettre de licenciement n'aurait pas justifié du motif de licenciement invoqué au prétexte qu'elle n'aurait donné « aucune indication sur les menaces qui persisteraient » et n'aurait pas apporté « d'élément d'appréciation de cette gravité de la menace ni de sa réalité » (arrêt, p. 5, alinéa 1er), quand la lettre de licenciement qui invoquait des difficultés économiques entraînant une suppression d'emploi était suffisamment motivée, et qu'il appartenait à la cour d'appel d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif invoqué au niveau du secteur d'activité du groupe, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-16 du code du travail ;
ALORS 2/ QUE : la lettre de licenciement qui fait état de difficultés économiques et qui indique que cette situation entraîne une suppression d'emploi est suffisamment motivée, et il appartient au juge d'apprécier le bien-fondé du motif invoqué, notamment le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que le licenciement économique de Mme X... serait dépourvu de cause réelle et sérieuse au prétexte que « l'employeur s'est contenté dans la lettre de licenciement d'affirmer qu'il n'y avait pas de poste vacant, admettant implicitement qu'il n'avait pas examiné ni même envisagé les possibilités de transformation ou d'adaptation du poste de Mme X... » (arrêt, p. 5, alinéa 4), quand l'employeur n'était pas tenu de justifier du respect de l'obligation de reclassement dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-16 du code du travail.