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28/06/2017 | FRANCE | N°16-11401

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 juin 2017, 16-11401


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2015) et les productions, que la société Banque Delubac et Cie (la Banque Delubac) et la société SDBO, aux droits de laquelle se trouve la société CDR créances (la société CDR), ont consenti à la société Eva Charenton un crédit-bail immobilier dont M. Y..., gérant associé, s'est rendu caution ; que ce dernier a été mis en liquidation judiciaire le 22 novembre 1995, et la société Eva Charenton le 9 janvier 1996 ; qu'un seul liquidateur, Mme Z...,

aux droits de laquelle se trouve la société EP et associés, a été désigné da...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2015) et les productions, que la société Banque Delubac et Cie (la Banque Delubac) et la société SDBO, aux droits de laquelle se trouve la société CDR créances (la société CDR), ont consenti à la société Eva Charenton un crédit-bail immobilier dont M. Y..., gérant associé, s'est rendu caution ; que ce dernier a été mis en liquidation judiciaire le 22 novembre 1995, et la société Eva Charenton le 9 janvier 1996 ; qu'un seul liquidateur, Mme Z..., aux droits de laquelle se trouve la société EP et associés, a été désigné dans le cadre de ces procédures collectives ; que par un arrêt du 25 mai 2000, la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'annulation du contrat de crédit-bail formée par Mme Z...agissant en qualité de liquidateur de la société Eva Charenton et de M. Y... ; que dans le cadre de la liquidation de M. Y..., la Banque Delubac et la société SDBO ont obtenu que la forclusion leur soit déclarée inopposable et ont déclaré leur créance le 4 août 2004 ; que cette créance, contestée, a été admise ; que par une requête du 10 octobre 2014, Mme Y... a saisi la cour d'appel de Paris afin de voir interpréter l'arrêt du 25 mai 2000 et préciser que, dans ladite procédure, M. Y... avait comparu en qualité d'associé de la société Eva Charenton, et non en qualité de caution ; que M. Y... est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête en interprétation alors, selon le moyen, que si la limitation du droit d'accès à un tribunal en raison de la mise en liquidation judiciaire du débiteur peut être admise, ce n'est que dans la mesure où la durée de la procédure n'est pas telle que le débiteur se trouve de fait privé de tout accès à un tribunal ; que le juge doit veiller à ne pas rompre l'équilibre à ménager entre l'intérêt général au payement des créanciers de la faillite et l'intérêt individuel du débiteur à avoir accès à un tribunal ; qu'en l'espèce il est constant que M. C...
Y...a été mis en liquidation judiciaire personnelle par un jugement du 15 décembre 1994 ; que la requête en interprétation a été introduite en octobre 2014 soit près de vingt ans plus tard ; qu'en disant M. Y... irrecevable par un arrêt du 3 décembre 2015 (soit plus de vingt ans après le prononcé de la liquidation judiciaire), aux motifs que « Après la réouverture des débats par la Cour de céans M. Y... ne produit aucun élément permettant de retenir que la Cour a statué dans son arrêt du 21 mai 2000 dont il demande l'interprétation en considération de sa situation d'associé ; dès lors il ne justifie pas de droits autres que patrimoniaux pour l'exercice desquels il était dessaisi à l'occasion de l'instance en cause ; en conséquence tant Mme B..., épouse Y... que M. Y... sont irrecevables à en demander l'interprétation », la cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1 du Protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et 6 § 1 de ladite convention ;

Mais attendu, en premier lieu, que, Mme Y... n'ayant pas été mise en liquidation judiciaire, et n'étant donc pas dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens, le moyen est inopérant à son égard ;

Et attendu, en second lieu, que la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable n'est pas sanctionnée par le recouvrement, par le débiteur, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, et en particulier de son droit d'agir en justice, mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qu'il peut exercer au titre de ses droits propres ; que le grief, qui postule le contraire, manque en droit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de condamner au paiement d'une indemnité de procédure Mme Y... au profit du liquidateur, et tous les deux, in solidum, au profit des sociétés Banque Delubac et CDR créances alors, selon le moyen, qu'aux termes de leurs conclusions d'appel, M. et Mme Y... ont soutenu qu'aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne pouvait être mise à leur change en raison du dessaisissement de M. Y... par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire et de l'appréhension du patrimoine de Mme Y... par l'effet de cette même procédure ; qu'il a été avancé : « En tout état de cause, M. Y... demande à la Cour de débouter la banque Delubac de sa demande présentée contre lui au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En effet, cette demande est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre M. Y..., en liquidation judiciaire, à titre personnel, en raison du dessaisissement dont ce dernier fait l'objet, ainsi que l'a jugée la Cour de cassation dans un arrêt en date du 13 mars 2012 (Cass. com 13 mars 2012, pourvoi n° 10-27. 811). Cette demande est irrecevable, également, en ce qu'elle est dirigée contre Mme Y..., mariée à M. Y... sous le régime de la communauté de biens, en raison de l'appréhension de son patrimoine par l'effet de la procédure collective ouverte à l'encontre de son mari (Cass. com 16 novembre 2010 pourvoi n° 09-68. 459) » ; qu'en s'abstenant d'apporter toute réponse à un tel moyen, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, Mme Y... n'ayant pas été mise en liquidation judiciaire, et n'étant donc pas dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes à son égard ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant fait valoir, dans ses conclusions devant la cour d'appel, qu'il devait être considéré comme n'étant plus dessaisi, M. Y... n'est pas recevable à présenter, devant la Cour de cassation, un moyen incompatible avec cette position, en ce qu'il soutient qu'étant dessaisi par l'effet de sa mise en liquidation judiciaire, aucune condamnation ne pouvait être prononcée contre lui au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer aux sociétés EP et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de M. Y..., CDR créances et Banque Delubac et Cie la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Madame B...épouse Y... et Monsieur C...
Y...irrecevables ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la recevabilité de la requête en interprétation : M. C...
Y...est intervenu volontairement à l'instance en interprétation de l'arrêt rendu le 21 mai 2000, la Cour a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur le point de savoir si celle-ci entre dans la sphère des droits propres pouvant être exercés par le débiteur seul ou relève des droits et actions dont il est dessaisi par suite de la liquidation dont il fait l'objet. La société Banque Delubac et la société CDR font valoir que ni Mme B...épouse Y..., ni M. C...
Y..., son époux n'ont qualité à agir en demande d'interprétation d'un arrêt relatif à une procédure en nullité d'un contrat de crédit-bail immobilier conclu le 11 octobre 2015 pour l'acquisition par la société Eva Charenton d'un immeuble sis à Charenton à l'occasion duquel M. C...
Y..., les sociétés Corps à Coeur et Evasion et Loisirs se sont portées cautions solidaires, dès lors que cette procédure a été engagée par Me Z...ès-qualités à la suite de la liquidation de chacune des sociétés précitées et de l'ensemble des sociétés et de M. C...
Y...et que M. Y... était dessaisi de ses droits patrimoniaux. M. C... ne conteste pas qu'il était en situation de liquidation judiciaire à titre personnel lorsque Me Z...ès-qualités a engagé la procédure en cause, faisant valoir que la banque n'avait alors pas produit à son passif. II convient de relever que l'instance engagée était une instance en nullité engagée par le liquidateur et non une action en paiement initiée par les établissements financiers de sorte que, si ceux-ci n'avaient pas encore déclaré leur créance au passif personnel de M. Y..., cette circonstance est inopérante puisque du fait de la procédure de liquidation il se trouvait dessaisi de ses droits patrimoniaux au profit du liquidateur. Si, dans le cadre de l'opération de crédit-bail M. Y..., gérant de la société Eva Charenton qui avait apporté sa caution personnelle à hauteur de 15 000 € pouvait se voir demander paiement par les établissements prêteurs d'une part en sa qualité d'associé de la SNC Eva Charenton, l'emprunteur étant une société en nom collectif, d'autre part en sa qualité de caution, il n'est pas contestable que l'instance a été engagée par Me Z...ès-qualités qui précise avoir saisi le tribunal de commerce de Paris en sa qualité de liquidateur des sociétés Eva Charenton, Corps à Coeur, Evasion et Loisirs, Gym Charenton et de M. C...
Y...pour que celui-ci prononce la nullité du contrat de crédit-bail aux motifs :- que la clause de résiliation anticipée qui y figure rendait impossible l'exercice de celle-ci et ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 1er de la loi du 32 juin 1996 ;- que la banque Delubac et la SDBO dispensatrices de crédits n'avaient exercé aucun contrôle de faisabilité du dossier et avaient méconnu leur devoir de conseil puisque, d'une part, le crédit preneur tout comme la société Gym Charenton n'avait aucune trésorerie et que, d'autre part, la situation de ses associés était irrémédiablement compromise et qu'enfin M. Y... et la société Evasion et Loisirs connaissaient de graves difficultés financières. L'arrêt du 25 mai 2000 a rappelé que Me Z...ès-qualités avait demandé à la Cour de :- soit de prononcer la nullité du contrat de crédit-bail conclu avec la société Eva Charenton et de dire que la SNC Eva Charenton en sa qualité de débiteur principal, la société Gym Charenton et C...
Y... en qualité de caution ne sauraient être débiteurs du remboursement du solde du prêt et de condamner les intimés à verser à la société Eva Charenton les sommes perçues ;- soit de décharger le débiteur principal et les cautions du remboursement du solde du prêt ;- soit de condamner les sociétés Banque Delubac et Cie et SDBO à payer la somme de 15 000 000 francs à titre de dommages et intérêts sous déduction du prix de cession. L'instance engagée était donc une instance en nullité portant sur le crédit-bail et des actes de cautionnement subséquents, Me Z...ès-qualités ayant fait grief aux établissements prêteurs d'un manquement à leur obligation de conseil vis à vis de l'emprunteur, la société Eva Charenton alors que la situation de ses associés était compromise et que tant la société Evasion et Loisirs que M. Y... connaissaient des difficultés. L'arrêt ne contient aucune motivation concernant une intervention de M. Y... en sa qualité d'associé de la SNC Eva Charenton. Après la réouverture des débats par la Cour de céans M. Y... ne produit aucun élément permettant de retenir que la Cour a statué dans son arrêt du 21 mai 2000 dont il demande l'interprétation en considération de sa situation d'associé ; dès lors il ne justifie pas de droits autres que patrimoniaux pour l'exercice desquels il était dessaisi à l'occasion de l'instance en cause ; en conséquence tant Mme B...épouse Y... que M. Y... sont irrecevables à en demander l'interprétation. »

ALORS QUE si la limitation du droit d'accès à un tribunal en raison de la mise en liquidation judiciaire du débiteur peut être admise, ce n'est que dans la mesure où la durée de la procédure n'est pas telle que le débiteur se trouve de fait privé de tout accès à un tribunal ; que le juge doit veiller à ne pas rompre l'équilibre à ménager entre l'intérêt général au payement des créanciers de la faillite et l'intérêt individuel du débiteur à avoir accès à un tribunal ; qu'en l'espèce il est constant que Monsieur C...
Y...a été mis en liquidation judiciaire personnelle par un jugement du 15 décembre 1994 ; que la requête en interprétation a été introduite en octobre 2014 soit près de vingt ans plus tard ; qu'en disant Monsieur Y... irrecevable par un arrêt du 3 décembre 2015 (soit plus de vingt ans après le prononcé de la liquidation judiciaire), aux motifs que « Après la réouverture des débats par la Cour de céans M. Y... ne produit aucun élément permettant de retenir que la Cour a statué dans son arrêt du 21 mai 2000 dont il demande l'interprétation en considération de sa situation d'associé ; dès lors il ne justifie pas de droits autres que patrimoniaux pour l'exercice desquels il était dessaisi à l'occasion de l'instance en cause ; en conséquence tant Mme B...épouse Y... que M. Y... sont irrecevables à en demander l'interprétation », la Cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige ensemble les articles 1 du Protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et 6 § 1 de ladite convention.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum Madame B...épouse Y... à payer à Maître Z...ès-qualités la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné in solidum Madame B...épouse Y... et Monsieur Y... à payer la somme de 1. 000 € à la Société Banque Delubac et à la Société Cdr Créances au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur l'article 700 du code de procédure civile : Me Z...ès-qualités, la société Banque Delubac et la société Créances ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif »

ALORS QU'aux termes de leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame Y... ont soutenu qu'aucune somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne pouvait être mise à leur change en raison du dessaisissement de Monsieur Y... par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire et de l'appréhension du patrimoine de Madame Y... par l'effet de cette même procédure ; qu'il a été avancé : « En tout état de cause, Monsieur Y... demande à la Cour de débouter la banque Delubac de sa demande présentée contre lui au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En effet, cette demande est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre Monsieur Y..., en liquidation judiciaire, à titre personnel, en raison du dessaisissement dont ce dernier fait l'objet, ainsi que l'a jugée la Cour de cassation dans un arrêt en date du 13 mars 2012 (Cass. com 13 mars 2012, pourvoi n° 10-27811). Cette demande est irrecevable, également, en ce qu'elle est dirigée contre Madame Y..., mariée à Monsieur Y... sous le régime de la communauté de biens, en raison de l'appréhension de son patrimoine par l'effet de la procédure collective ouverte à l'encontre de son mari (Cass. com 16 novembre 2010 pourvoi n° 09-68459) » ; qu'en s'abstenant d'apporter toute réponse à un tel moyen, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-11401
Date de la décision : 28/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 jui. 2017, pourvoi n°16-11401


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Rémy-Corlay, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11401
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