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22/06/2017 | FRANCE | N°16-13203

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juin 2017, 16-13203


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 312-3, 2°, et L. 137-2 du code de la consommation, devenus L. 313-2, 2°, et L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 7 septembre 2007, la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à M. X...et à son épouse un prêt destiné à acquérir un bien immobilier en l'état futur d'achèvement ; qu'ayant prononcé

la déchéance du terme, la banque a, le 13 juin 2013, fait pratiquer une saisie-attribut...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 312-3, 2°, et L. 137-2 du code de la consommation, devenus L. 313-2, 2°, et L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 7 septembre 2007, la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à M. X...et à son épouse un prêt destiné à acquérir un bien immobilier en l'état futur d'achèvement ; qu'ayant prononcé la déchéance du terme, la banque a, le 13 juin 2013, fait pratiquer une saisie-attribution, contestée par les emprunteurs devant un juge de l'exécution ;

Attendu que, pour ordonner la mainlevée de cette mesure, après avoir considéré que le prêt litigieux n'était pas destiné à financer une activité professionnelle, l'arrêt retient que la prescription biennale de la créance est acquise ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. et Mme X...avaient souscrit le prêt litigieux à fin d'acquérir un lot de copropriété destiné à la location au sein d'une résidence hôtelière et que l'époux était inscrit au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé professionnel, ce dont il résultait que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action introduite par M. et Mme X..., et en ce qu'il rejette leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. et Mme X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Lyonnaise de banque.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR annulé la saisie attribution opérée le 13 juin 2013 par la société Lyonnaise de banque auprès de la société Gestissimo et d'en avoir ordonné mainlevée aux frais de l'établissement bancaire,

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription, l'article L. 137-2 est issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription des droits et actions en matière civile, loi d'application immédiate s'agissant d'une loi de procédure, et il est indifférent qu'il n'existât point au jour de la souscription du prêt litigieux ; que, quelque peu convaincue de cette évidence, la SA Lyonnaise de banque a déposé des conclusions aux fins d'interrompre cette prescription dont il sera question ci-après ; que c'est en vain qu'elle conteste en premier lieu aux appelants le bénéfice de l'article précité ; qu'en effet, seul M. X...est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur de meublé professionnel et cet argument n'est pas opposable à I'épouse qui a la qualité de co-emprunteur ; qu'il est constant que I'acquisition du lot de copropriété en l'état futur d'achèvement a été réalisée par les appelants dans le cadre d'une option fiscale, ouverte à tout contribuable, option exigeant une telle immatriculation sans que pour autant l'activité professionnelle réelle des époux X.../ Y... en ait été modifiée, leur participation à la gestion des immeubles acquis n'étant ni démontrée ni même invoquée par la banque, observation faite de surcroît que l'immeuble de Saint-Maur-des-Fossés n'a pas été achevé ; qu'on peut ajouter que l'article L. 123-7 du code de commerce n'institue qu'une présomption quant à la qualité de commerçant pour la personne physique qui s'inscrit au registre du commerce et que cette qualité n'est réellement acquise que pour « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » ainsi qu'il ressort de l'article L. 121-1 du même code ; le statut de loueur en meublé professionnel ne correspond ainsi à aucune activité économique réelle et cela est si vrai que l'administration fiscale l'accorde au contribuable quand bien même le greffe du tribunal de commerce lui aurait refusé cette inscription purement formelle, ce qui démontre, si besoin est, qu'il s'agit d'un régime dérogatoire destiné à favoriser un placement patrimonial reposant sur des déductions fiscales ; que, s'agissant d'une résidence hôtelière, l'immeuble financé est à usage d'habitation au sens de l'article L 312-2 du code de la consommation ; que la portée générale de ces dispositions tant dans leur rédaction ancienne (loi du 13 juillet 1979) que postérieure à la modification législative du 1er juillet 2010 la rend applicable non pas au seul consommateur au sens strict du terme mais à tout particulier souscrivant un emprunt pour acquérir un immeuble de cette nature, la loi ne distinguant pas entre des acquisitions destinées à une habitation effective ou celles destinées à un investissement ; qu'il n'est pas indifférent de relever que les formulaires « demande de prêt » et « demande de crédit » établis par la banque intimée mentionnent pour le premier « procédure Scrivener 2 » et pour le second « immobilier Scrivener 2 » ; qu'en dénonçant les agissements de la banque au travers d'une action en paiement de dommages-intérêts visant à compenser le solde du prêt litigieux, la SA Lyonnaise de banque ne peut soutenir que les époux X.../ Y... ont reconnu leur dette de telle sorte que le débat abordé à titre subsidiaire sur « l'adaptation sémantique de l'ancien article 2272 du code civil » n'a pas lieu d'être ; qu'enfin, l'inscription par la banque des époux X.../ Y... au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (F. I. C. P.), réservée aux seuls consommateurs contredit expressément son argumentaire ; que les appelants sont donc fondés à se prévaloir de la prescription biennale » ;

1°/ ALORS, d'une part, QUE suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il résulte de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation que sont exclus du champ d'application des dispositions de ce code relatives au crédit immobilier les prêts qui sont destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ; que la cour d'appel a constaté que M. X...est inscrit en qualité de loueur meublé professionnel au registre du commerce et des sociétés, que les époux X...ont réalisé une acquisition immobilière dans le cadre d'une option fiscale, ouverte à tout contribuable, exigeant une telle immatriculation et que l'immeuble est compris dans une résidence hôtelière et, partant, destiné exclusivement à la location ; qu'il se déduisait de ces constations que le prêt souscrit par les époux X...était destiné à financer une activité professionnelle, par laquelle était procuré en jouissance l'immeuble acquis par eux au sein d'une résidence hôtelière ; que relativement au prêt ainsi souscrit et destiné à une activité professionnelle, les époux X...ne pouvaient donc revêtir la qualité de consommateur au sens de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; qu'en décidant cependant de faire application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, la cour d'appel a violé les articles L. 312-2 et L. 312-3, 2° du code de la consommation, ensemble l'article L. 137-2 du même code ;

2°/ ALORS, d'autre part, QUE suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il résulte de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation que sont exclus du champ d'application des dispositions de ce code relatives au crédit immobilier les prêts qui sont destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ; que la cour d'appel a énoncé que I'acquisition du lot de copropriété en l'état futur d'achèvement a été réalisée par les époux X...dans le cadre d'une option fiscale, ouverte à tout contribuable, option exigeant une telle immatriculation sans que pour autant l'activité professionnelle réelle des époux X...en ait été modifiée, leur participation à la gestion des immeubles acquis n'étant ni démontrée ni même invoquée par la banque, observation faite de surcroît que l'immeuble de Saint-Maur-des-Fossés n'a pas été achevé ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il suffit que l'activité professionnelle que le prêt est destiné à financer présente un caractère accessoire à une autre activité, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

3°/ ALORS, enfin, QUE suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que, dans ses écritures d'appel, la Lyonnaise de banque a fait valoir (concl., n° 1-2, p. 3) que pour revêtir la qualité de consommateur, une personne doit agir dans le cadre normal de la consommation de biens et services, et que tel n'était pas le cas en présence d'une multiplication d'investissements d'ampleur, démonstrative d'une activité qui dépasse le cadre normal de la consommation ; qu'elle exposait ainsi que les époux X...ont inscrit le prêt litigieux dans un cadre d'une opération d'investissement de sept acquisitions et sept prêts pour un total de 1 341 390 euros et avaient acquis grâce au prêt litigieux un bien parmi les sept et les ont tous effectivement donnés à bail commercial ; qu'elle en concluait que ces acquisitions constituent une opération incompatible avec la notion de consommation ; qu'elle ajoutait (n° 1-3, p. 4 s.) que le statut de loueur de meublé professionnel est incompatible avec la notion de consommateur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que les époux X...ne pouvaient revêtir la qualité de consommateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré nulles et de nul effet les saisies attributions effectuées par la Lyonnaise de banque entre les mains de la Société générale en son agence d'Aubenas, le 24 juin 2013, et, au besoin, et d'en avoir ordonné mainlevée aux frais de la Lyonnaise de banque,

AUX MOTIFS QUE « les appelants sont donc fondés à se prévaloir de la prescription biennale et il convient d'examiner en second lieu si celle-ci a été valablement interrompue ; qu'au regard de la cessation du remboursement du prêt à compter de l'échéance d'avril 2010 (cf ci-dessus), la SA Lyonnaise de banque devait agir au plus tard en avril 2012 et c'est en vain qu'elle se prévaut des conclusions signifiées le 11 octobre 2010 dans la procédure en paiement de dommages-intérêts engagée à son encontre par les appelants devant le tribunal de grande instance de Marseille ; qu'en effet, si un créancier peut disposer de deux titres exécutoires pour une même créance, il doit d'une part avoir un intérêt au sens de l'article 31 du code de procédure civile à solliciter un second titre et d'autre part l'action doit être introduite à cette fin de manière non équivoque ; qu'or les conclusions invoquées sont ainsi libellées : « attendu que M. et Mme X...ont sollicité le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et que la Lyonnaise de banque n'a pas entendus s'y opposer. Mais attendu que la concluante, afin d'interrompre la prescription, entend formuler des demandes reconventionnelles en paiement » ; qu'il en résulte que ces demandes ne sont formées qu'à titre préventif ou conservatoire et n'ont pas pour finalité de faire liquider une créance, les époux X.../ Y... faisant justement observer que la SA Lyonnaise de banque a repris purement et simplement le montant de sa mise en demeure avec déchéance du terme du 8 juillet 2010 sans liquider les intérêts échus à la date des conclusions ; qu'ils soutiennent alors à bon droit que la seule volonté d'interrompre la prescription biennale ne constitue pas un intérêt à agir puisque l'acte notarié permet de le faire et c'est ce que fera la banque en procédant à la saisie attribution contestée du 13 juin 2013 mais tardive au regard d'impayés datant de trois ans ; que le jugement déféré sera infirmé sans qu'il y ait lieu d'examiner tous autres moyens » ;

1°/ ALORS, d'une part, QUE suivant l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; que, suivant l'article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; qu'en refusant de faire produire à la demande reconventionnelle de la Lyonnaise de banque, tendant au paiement de sa créance, son effet interruptif de prescription, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

2°/ ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE l'acte notarié, bien que constituant un titre exécutoire, ne revêt pas les attributs d'un jugement et qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance, de sorte que la titularité d'un acte notarié n'était pas en soi de nature à priver la banque de son intérêt à agir à fin de condamnation de son débiteur en paiement de la créance constatée dans cet acte ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour refuser de faire produire son effet interruptif de prescription aux conclusions de la Lyonnaise de banque devant le tribunal de grande instance de Marseille, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 du code civil ;

3°/ ALORS, enfin et en toute hypothèse, que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans faire ressortir en quoi la demande dont elle était saisie par la Lyonnaise de banque n'aurait pas tendu au même but que sa demande reconventionnelle du 11 octobre 2010, devant le tribunal de grande instance de Marseille et n'y aurait pas été virtuellement comprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-13203
Date de la décision : 22/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 07 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jui. 2017, pourvoi n°16-13203


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13203
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