LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 5 juillet 1992 en qualité de secrétaire médicale par Mme Y..., a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 2 et 17 octobre 2012 ; que le 28 novembre suivant, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le premier moyen ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert des griefs non fondés de violation de la loi, de manque de base légale et de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a fait ressortir l'impossibilité pour l'employeur, dont l'effectif ne comptait qu'un emploi, de procéder au reclassement de la salariée ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'un solde de congés payés, l'arrêt retient que si l'attestation Pôle emploi mentionne que la salariée a perçu 2 780 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés tout en chiffrant les jours ouvrables à 67, 42, cette différence s'explique par le plafonnement des droits à une année en application de l'article L. 3141-5 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée demandait le paiement d'une indemnité correspondant aux congés payés acquis antérieurement à son arrêt maladie et non à ceux acquis pendant cet arrêt, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement d'un rappel de congés payés, l'arrêt rendu le 27 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Mme Y... a satisfait à son obligation de reclassement et d'avoir en conséquence débouté Mme X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la 2° visite d'aptitude du 17 octobre 2012 a conclu ainsi qu'il suit « Inapte au poste mais apte à un autre » ; que le médecin du travail émet les propositions suivantes : « Travail d'accueil, poste aménagé » ; que la lettre de licenciement pour inaptitude du 28 novembre 2012 rappelle qu'une étude de poste a été réalisée par le cabinet ASTAV afin d'étudier des possibilités d'aménagement au regard des fonctions suivantes exercées par la salariée en sa qualité de secrétaire médicale :- ouverture du cabinet et des volets roulants avec sangle ou manivelle,- gestion des appels téléphoniques,
- rédaction des comptes rendus médicaux, des lettres et commentaires des ECG sur cartons,- envoi des courriers aux patients et aux médecins (pliage du courrier et mise sous enveloppe),- envoi des comptes rendus électrocardiographiques aux patients ce qui implique l'obligation de les découper avec des ciseaux, de les plier et de les agrafer à la main dans un carton dédié,- gestion des archives des dossiers médicaux des patients,- préparation journalière des dossiers médicaux ; que l'employeur poursuit en exposant que le médecin du travail a admis que, en raison des difficultés rencontrées par la salariée dans l'utilisation de ses mains, l'ensemble des tâches à effectuer ne pourraient pas être exercées de façon optimale que l'employeur poursuit en indiquant que la seule fonction d'accueil et l'éventuel travail de frappe (sous réserve de l'efficacité de la dictée vocale) « ne permettraient pas au cabinet de fonctionner normalement dans la mesure où je n'emploie qu'une salariée (...) » ; que la Sameth, organisme compétent pour le maintien dans l'emploi de travailleurs handicapés, a dressé une synthèse de sa visite organisée chez l'employeur le 10juillet 2012 ; qu'il préconise les 5 acquisitions suivantes :- achat d'armoires de rangement adaptés,- achat pack de reconnaissance vocale,- achat d'un clavier ergonomique filaire,- achat d'une mini souris sans fil optique,- achat d'un casque téléphonique sans fil ; que si le rapport Astav qui a suivi chiffre le coût de ces aménagements à 2. 095, 48 euros pour l'employeur et que cette somme est effectivement supportable, cet organisme évalue la compensation du handicap à entre 100 % et 80 % pour la rédaction des comptes rendus médicaux pour les patients et les courriers divers mais seulement à 70 % pour la gestion des appels téléphoniques et la gestion des dossiers médicaux des patients ; que, de plus, ces préconisations n'ont pas été validées par le médecin du travail qui, par courrier du 15 novembre 2012 indique à l'employeur : « après étude de poste, toutes les tâches à effectuer ne pourraient pas être exercées de façon optimale (cf. découpage, encartage, et pliage des ECG et Echographie cardiaque ; classement des dossiers). Le poste aménagé sur la fiche d'aptitude du 17 octobre 2012 concerne essentiellement le poste de frappe du courrier (cf étude ergonomique réalisée par I'Astav). (...) » ; qu'il ne peut pas être reproché à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre des aménagements non validés par le médecin du travail ; que, contrairement à ce que soutient la salariée, toutes les tâches dévolues à la secrétaire d'un cabinet de cardiologie doivent nécessairement être exercées de façon optimale ; que les pièces versées portant sur la période postérieures au licenciement sont inopérantes ; qu'il se déduit de ce qui précède que l'employeur dont l'effectif comportait un salarié unique a satisfait à son obligation de reclassement ; que Mme X... doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ; que Mme X... réclame le paiement de la somme de 2. 021 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 202, 10 euros pour congés payés afférents ; qu'elle expose avoir perçu une indemnité de préavis correspondant à 2 mois de salaires s'agissant d'un licenciement fondé sur une inaptitude d'origine professionnelle mais prétend avoir droit à un mois supplémentaire en application de l'article L. 5213-9 du code du travail ; Mais que l'indemnité prévue par l'article L. 5213-9 du code du travail n'est pas applicable à l'indemnité prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail ;
que cette demande doit également être rejetée ;
ALORS QUE, d'une part, l'employeur est tenu d'exécuter de bonne foi son obligation de reclassement du salarié déclaré inapte à son emploi ; que, dès lors qu'un aménagement de poste permet au salarié d'exécuter ses fonctions de manière satisfaisante tant pour sa sécurité et ses conditions de travail que pour l'employeur, ce dernier est tenu de mettre en oeuvre les aménagements nécessaires au reclassement du salarié ; qu'il résulte des éléments du débat qu'aux termes de la seconde visite de reprise du 17 octobre 2012, le médecin du travail a préconisé un « travail d'accueil, poste aménagé » et que le poste de Mme X... pouvait être aménagé, notamment en ce qui concernait le poste de frappe, en vue d'une compensation du handicap de la salariée comprise entre 70 % et 100 % ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur de ne pas avoir mis oeuvre les aménagements préconisés par le rapport Astav, dès lors que toutes les tâches dévolues au poste de secrétariat médical ne pouvaient être exercées de « façon optimale », quand il suffisait que celles-ci le soient de façon satisfaisante, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
ALORS QUE, d'autre part, Mme X... faisait valoir précisément dans ses conclusions d'appel (p. 4) que les raisons invoquées par Mme Y... dans sa lettre du 22 novembre 2012 pour justifier l'impossibilité de reclassement alléguée étaient liées pour l'une aux tâches secondaires de découpage, pliage et encartage des EGC et échographies et pour l'autre au classement des dossiers pourtant entrant dans le cadre de l'aménagement de poste ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de troisième part, il incombe à l'employeur de saisir le médecin du travail autant de fois que nécessaire pour avoir son avis sur les aménagements envisageables pour le poste concerné ; qu'ainsi, pour justifier son refus d'aménager le poste de secrétaire médicale, Mme Y... ne pouvait tirer prétexte de ce que le courriel du médecin du travail du 15 novembre 2012 ne validait pas les aménagements de poste préconisés par l'Astav, quand ce courriel, reprenant les conclusions de l'organisme qui évaluaient une compensation possible du handicap de Mme X... comprise entre 70 % et 100 %, sans autre commentaire que celui indiquant qu'« après étude de poste, toutes les tâches à effectuer ne pourraient pas être exercées de façon optimale », ne les écartait pas davantage ; qu'en en décidant le contraire, hors de toute consultation complémentaire du médecin du travail par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;
ALORS QU'enfin, Mme X... démontrait avoir occupé, après son licenciement, des postes de secrétaire médicale à l'entière satisfaction de ses employeurs ; qu'en affirmant, sans s'en expliquer, en quoi les pièces versées portant sur la période postérieure au licenciement étaient inopérantes quand ces dernières établissaient que, bien que licenciée le 28 novembre 2012 en raison d'une prétendue inaptitude à occuper un poste de secrétaire médicale, l'exposante a été employée en cette qualité dès le mois de mars 2013, à la satisfaction de ses employeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté de Mme X... de sa demande de solde de congés payés ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... réclame également la condamnation de son employeur à lui verser 3. 254, 23 euros à titre de solde restant dû sur les congés payés ; Mais que si l'attestation Pole Emploi du 4 décembre 2012 a mentionné que la salariée avait perçu 2. 780 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés tout en chiffrant les jours ouvrables à 67, 42, cette différence s'explique par le plafonnement des droits à une année en application de l'article L. 3141-5 du code du travail, ainsi que l'expose l'employeur ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande ;
ALORS QUE l'indemnité compensatrice de congés payés est due, en l'absence de faute lourde, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la rupture du contrat de travail est le fait du salarié ou de l'employeur ; qu'il résultait des éléments du débat que la salariée avait acquis en novembre 2009 un solde de 32 jours de congés payés et qu'elle a été en arrêt maladie professionnelle à compter du 16 novembre 2009 jusqu'au 1er octobre 2012 ; qu'ainsi, outre l'indemnité compensatrice de congés payés plafonnée à un mois de salaire pour la période couvrant les trois années d'arrêt de travail pour maladie professionnelle, soit la somme de 2. 780 € mentionnée sur l'attestation Pôle Emploi, Mme X... réclamait le versement d'une indemnité compensatrice pour les congés acquis, tels que visés par son bulletin de salaire de novembre 2009 ; qu'en retenant cependant qu'il résulte de l'attestation Pole Emploi du 4 décembre 2012 que la salariée a été remplie de ses droits après avoir perçu la somme de 2. 780 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, bien que chiffrant les jours ouvrables à 67, 42 jours, en raison du plafonnement de ses droits à une année en cas de maladie professionnelle, quand l'intéressée ne réclamait pas d'être indemnisée des congés payés acquis pendant son arrêt maladie mais des congés payés acquis antérieurement à cet arrêt maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail ;
ALORS QU'en tout état de cause, en retenant que la salariée réclamait une indemnité compensatrice pour les congés payés acquis pendant son arrêt maladie, quand celle-ci sollicitait une indemnité compensatrice pour les congés payés acquis au jour de son arrêt maladie, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.