LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, ci-après annexés :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 février 2016), que, par acte sous seing privé du 3 septembre 1990, M. et Mme X... ont vendu divers biens immobiliers à vocation agricole à M. Eric Y... ; que celui-ci s'était engagé à signer l'acte authentique et à payer le prix de la vente le 18 janvier 1993 ; que M. et Mme Y..., parents de l'acquéreur, se sont portés caution de la bonne exécution des engagements de leur fils ; que M. Eric Y... a refusé de signer l'acte authentique de vente ; qu'un arrêt du 5 septembre 2005 l'a condamné à réitérer l'acte de vente sous astreinte et a déclaré non valable l'acte de caution ; que, René X... étant décédé, Mme Jeanne Z... épouse X..., sa veuve, Mme Chantal X... épouse A..., et ses enfants, MM. Pascal, Denis et Frédéric X... (les consorts X...) ont assigné M. B..., notaire, et son mandataire judiciaire, aux fins de le voir déclarer responsable de l'inefficacité de l'acte du 3 septembre 1990 et de le voir condamner à payer le prix de la vente, ainsi que la société Les Mutuelles du Mans assurances (la société MMA) en garantie ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la vente avait été consentie et acceptée moyennant le paiement du prix comptant le jour de la signature de l'acte authentique, et retenu, par une interprétation souveraine de la volonté des parties, que M. Eric Y... n'était tenu de payer le prix qu'une fois dressé l'acte authentique de vente, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que les demandes formées contre le notaire et son assureur ne pouvaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme Jeanne Z... épouse X..., Mme Chantal X... épouse A... et MM. Pascal, Denis et Frédéric X... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. Pascal X..., demandeur au pourvoi principal, Mme Jeanne Z... épouse X..., Mme Chantal X... épouse A..., et MM. Denis et Frédéric X..., demandeurs au pourvoi incident
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a déclaré recevables mais mal fondées les demandes présentées par les consorts X... à l'encontre de la compagnie d'assurances Mutuelles du Mans IARD ;
Aux motifs que la promesse de vente souscrite, le 3 septembre 1990, en l'étude de Me B..., entre M. Eric Y..., en qualité d'acquéreur d'une part, les époux René X...- Jeanne Z..., en qualité de vendeurs d'autre part, stipulait que l'acquéreur serait propriétaire des biens à lui vendus à compter du jour de la signature de l'acte authentique, et qu'il en prendrait la jouissance à compter du même jour ; que la vente était consentie et acceptée moyennant le prix de six cent mille francs payable comptant le jour de la signature de l'acte authentique. Bien que la vente fût parfaite en raison de l'accord des parties sur la chose et sur le prix, celles-ci n'ayant pas fait de la réitération par acte authentique de la promesse de vente un élément constitutif de leur consentement, ainsi que l'a relevé la cour dans son arrêt du 5 septembre 2005, M. Eric Y... a toujours refusé d'exécuter son obligation de signer l'acte authentique de vente de sorte qu'il a été condamné, par arrêt de la cour du 5 octobre 2009, au paiement de la somme de 15. 000 € en exécution de l'astreinte dont le tribunal de grande instance de Verdun avait assorti cette obligation dans son jugement du 11 avril 1996. Les consorts X... qui n'ont pas demandé au tribunal, en 1996, que le jugement à intervenir soit considéré comme valant acte authentique, et soit publié comme tel à la conservation des hypothèques, ne peuvent prétendre aujourd'hui que M. Eric Y... ayant manqué à son obligation de payer le prix de vente, ses parents auraient pu être actionnés en paiement, en leur qualité de caution, si Me B... avait satisfait à son obligation de dresser un acte conforme aux exigences de l'article 1326 du code civil. En effet, ainsi que l'a relevé le tribunal, la perspective de voir M. Eric Y... signer l'acte authentique et payer le prix de vente est désormais illusoire dans la mesure où il s'y est refusé pendant vingt ans, ce pourquoi il a été condamné au paiement de la somme de 15. 000 €, montant auquel a été liquidé l'astreinte qui assortissait cette obligation. Les consorts X... n'ayant pas sollicité la liquidation de l'astreinte, qui n'était pas limitée dans le temps, pour une période postérieure au 14 février 2006, ils doivent être considérés comme ayant retrouvé leur liberté de disposer des biens constituant l'objet de la promesse de vente du 3 septembre 1990. Ainsi, la caution ne pouvant être tenue d'exécuter l'obligation aux lieu et place du débiteur que si celui-ci y est lui-même tenu et n'y satisfait pas, et M. Eric Y... n'étant tenu de payer le prix qu'une fois établi l'acte authentique de vente, le jugement mérite d'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux X... de leurs demandes dirigées contre la société MMA, en sa qualité d'assureur de responsabilité de Me B..., et constaté que l'appel en garantie formé par la société MMA à l'encontre de M. Eric Y... était sans objet ;
Et aux motifs du jugement confirmé sur le bien fondé des demandes présentées par les consorts X... que l'acte sous seing privé du 3 septembre 1990 stipule que : " Les présentes seront converties en un acte authentique qui sera adressé par la SCP Serge C..., Jean B..., Notaires associés " titulaire d'un office notarial à ... (Meuse) choisie d'un commun accord par toutes les parties à l'exclusion de tous autres, d'ici au plus tard le 15 décembre 1992. (…) Pour l'exécution des présentes et de leurs suites, les soussignés font élection de domicile à ... en l'office notarial ci-avant désigné. Fait en un seul original qui restera en l'office notarial susnommé, négociateur des présentes. " Cet acte a été annexé à la minute d'un acte dressé par Maître B... le 4 février 1993. Il en découle que Maître B... est intervenu dans la rédaction de l'acte du 3 septembre 1990. L'absence d'efficacité de l'engagement de caution de Monsieur et Madame Y..., non conforme aux exigences de l'article 1326 du code civil, révèle une faute du notaire. Il appartient cependant aux consorts X... de démontrer qu'ils ont subi un préjudice en lien direct avec le manquement imputable à Maître B.... Les consorts X... expliquent qu'ils sont privés de la possibilité d'agir en garantie du paiement du prix de vente de l'immeuble à l'encontre de Monsieur et Madame Y.... Or, les consorts X... ne peuvent réclamer le paiement du prix de vente tant que l'acte de vente n'est pas réitéré par Monsieur Éric Y.... À cet égard, il y a lieu de relever que l'acte du 3 septembre 1990 devait être initialement réitéré le 18 janvier 1993. Mais Monsieur Éric Y... refuse obstinément de réitérer l'acte de vente, depuis plus de vingt ans, en dépit des astreintes prononcées à son encontre. Au regard de ces seuls éléments, la probabilité d'une réitération de l'acte – et partant de pouvoir réclamer le prix de vente – est infirme, voire inexistante. Dans ces conditions, les consorts X... ne justifient pas d'une perte de chance d'appeler en garantie Monsieur et Madame X... du fait de l'inefficacité de l'engagement de caution. Il convient par conséquent de les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la compagnie MMA ;
1° Alors que l'acquéreur condamné à réitérer par acte notarié la vente, jugée parfaite, de biens immobiliers, est débiteur du prix de vente ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle constatait que la vente était parfaite et que M. Éric Y... avait été condamné sous astreinte à réitérer par acte notarié l'acte sous seing privé du 3 septembre 1990, la cour d'appel a violé les articles 1612 et 1650 du code civil ;
2° Et alors que les conventions légalement formées tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne pouvant être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, une vente parfaite non résolue lie les parties ; qu'en retenant que les consorts X... n'ayant pas sollicité la liquidation de l'astreinte, qui n'était pas limitée dans le temps, pour une période postérieure au 14 février 2006, auraient dû être considérés comme ayant retrouvé leur liberté de disposer des biens constituant l'objet de la promesse de vente du 3 septembre 1990, sans constater qu'une demande en résolution de cette vente, qui était parfaite, aurait été formée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.