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15/06/2017 | FRANCE | N°16-10828

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 juin 2017, 16-10828


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 15 octobre 2015), que la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (la CAFAT), lui ayant décerné, le 28 février 2013, quatorze contraintes au titre des cotisations dues pour la période du troisième trimestre 2009 au quatrième trimestre 2012, afférentes à son activité de travailleur indépendant, M. Y... a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale

;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de re...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 15 octobre 2015), que la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (la CAFAT), lui ayant décerné, le 28 février 2013, quatorze contraintes au titre des cotisations dues pour la période du troisième trimestre 2009 au quatrième trimestre 2012, afférentes à son activité de travailleur indépendant, M. Y... a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que devant la juridiction d'appel de Nouvelle-Calédonie statuant en matière sociale, la procédure est orale ; qu'en l'espèce, en ne se référant qu'aux seules conclusions écrites qu'avaient prises M. Y... pour soutenir son appel, s'abstenant ainsi de tenir compte de ses conclusions orales, qui pourtant la saisissaient, et d'en mentionner le contenu, pour en conclure que l'appelant ne formulait devant elle aucune demande de réformation, la cour d'appel a ignoré le caractère oral de la procédure et a violé, par refus d'application, les articles 887-7 et 880-1 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ensemble, par fausse application, son article 910-3 ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des productions, que M. Y... avait développé oralement à l'audience une demande de réformation du jugement attaqué ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les directives européennes n° 92-49-CEE et n° 92-96-CEE du 18 juin 1992 et du 10 novembre 1992, adoptées sur le fondement des articles 85 et 86 du Traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE), s'appliquent aux assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale pratiquées par des entreprises, excluant ainsi tout monopole ; que sont des entreprises les caisses de sécurité sociale, peu important leur qualification d'organismes de droit privé chargés d'une mission de service public ne poursuivant pas un but lucratif ; qu'en jugeant le contraire pour refuser à M. Y... le droit de choisir librement un régime de protection sociale aux lieu et place de celui offert par le RUAMM et rejeter ses oppositions à contraintes, la cour d'appel a violé ces dispositions ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 182 à 188 du Traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 198 à 204 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'interprétés par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE, 12 février 1992,

X... c/Territoire de la Polynésie française, C.260/90), et de la décision n° 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne, que sauf dispositions expresses, ni les dispositions du traité, ni le droit qui en est dérivé ne sont automatiquement applicables aux pays et territoires d'outre mer bénéficiant d'un régime d'association à l'Union européenne, au nombre desquels se trouve la Nouvelle-Calédonie ;

Que dès lors, le champ d'application territorial des directives invoquées au soutien du moyen ne s'étend pas aux pays et territoires d'outre-mer ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en sa seconde branche, annexé, qui est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'opposition déposée par M. Patrick Y... et d'avoir validé les contraintes n° 13-550, 13-551, 13-552, 13-553, 13-554, 13-555, 13-556, 13-557, 13-558, 13-559, 13-560, 13-561, 13-6.961 et 13-11.970 émises par la Caisse de Compensation des Prestations Familiales, des Accidents du Travail et de Prévoyance des Travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT) le 28 février 2013 pour avoir paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues au titre des cotisations à compter du troisième trimestre de l'année 2009 jusqu'au quatrième trimestre de l'année 2012 ;

Aux motifs que : « la cour constate que M. Y... a abandonné ses moyens initiaux tenant à l'absence d'identification du signataire des contraintes et à la légalité des textes de la CAFAT, et ne reprend pas davantage ses demandes de saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes ou du tribunal administratif ;

Que, sans même formuler de demande de réformation, il se limite à demander à la cour de répondre à l'un des moyens écarté par le tribunal du travail tenant à l'absence d'applicabilité du droit européen à la Nouvelle-Calédonie ce dont il déduit l'absence de monopole de la CAFAT ;

Que ces conclusions qui ne formulent aucune demande de réformation ne répondent pas aux exigences de l'article 910-3 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie » ;

Alors que, devant la juridiction d'appel de Nouvelle-Calédonie statuant en matière sociale, la procédure est orale ; qu'en l'espèce, en ne se référant qu'aux seules conclusions écrites qu'avaient prises M. Y... pour soutenir son appel, s'abstenant ainsi de tenir compte de ses conclusions orales, qui pourtant la saisissaient, et d'en mentionner le contenu, pour en conclure que l'appelant ne formulait devant elle aucune demande de réformation, la Cour d'appel a ignoré le caractère oral de la procédure et a violé, par refus d'application, les articles 887-7 et 880-1 du Code de Procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ensemble, par fausse application, son article 910-3.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

A titre subsidiaire

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'opposition déposée par M. Patrick Y... et d'avoir validé les contraintes n° 13-550, 13-551, 13-552, 13-553, 13-554, 13-555, 13-556, 13-557, 13-558, 13-559, 13-560, 13-561, 13-6.961 et 13-11.970 émises par la Caisse de Compensation des Prestations Familiales, des Accidents du Travail et de Prévoyance des Travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT) le 28 février 2013 pour avoir paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues au titre des cotisations à compter du troisième trimestre de l'année 2009 jusqu'au quatrième trimestre de l'année 2012 ;

Aux motifs propres que : « à admettre que l'appelant sollicite de la cour de constater qu'en application du droit de l'Union européenne, la CAFAT ne dispose d'aucun monopole ce dont il découlerait la nullité des contraintes, la cour ne peut que confirmer l'analyse faite par le premier juge dont les motifs seront adoptés ;

Qu'il résulte en effet des dispositions du « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » et du « traité sur l'Union européenne » applicables aux pays et territoires d'outre-mer – dont la Nouvelle-Calédonie – que ceux-ci font l'objet d'un régime spécial d'association ;

Que le Conseil de l'Union Européenne, par une décision du 237 novembre 2001, dite « décision d'association outre-mer », a rappelé que les Pays et Territoires d'outre-mer, s'ils ne constituent pas des pays tiers, ne font pas non plus partie du marché intérieur, et a posé le principe du partenariat dans leurs relations avec les Etats membres auxquels ils sont rattachés ;

Que les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE excluent de leur champ d'application les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale, ce qui est le cas du régime établi en Nouvelle-Calédonie par la loi de Pays du 11 janvier 2002 ;

Que dans ces conditions, les directives qui découlent du Traité, notamment celles invoquées par M. Y..., ne sont pas applicables en Nouvelle Calédonie ;

Qu'il sera relevé au surplus que l'article L. 362-2 du code des assurances métropolitain sur lequel s'appuie M. Y..., n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, celleci étant compétente en matière de droit des assurances aux termes de l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Qu'en conséquence, le moyen tiré de l'applicabilité des directives européennes et de l'absence de monopole de la CAFAT n'étant pas fondé, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que : « il résulte des dispositions du Traité de Rome, instituant la Communauté Européenne, que les pays et territoires non européens, dont la NOUVELLE CALEDONIE fait partie en application de l'annexe II du Traité, entretenant notamment avec la France, des relations particulières, sont soumis à un régime d'association, dont le but est la promotion du développement économique et social de ces pays et territoires et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté ;

Une décision du Conseil de l'Union Européenne dite « décision d'association outremer », intervenue le 27 novembre 2001 dans ce cadre, a rappelé que les « PTOM », s'ils ne constituent pas des pays tiers, ne font pas non plus partie du marché intérieur, posant par ailleurs le principe du partenariat dans leurs relations avec les Etats membres auxquels ils sont rattachés ;

Dans ces conditions, il ne saurait être retenu que le Traité instituant la Communauté Européenne et les directives qui en découlent, dont celles invoquées par M. Y... soient applicables en NOUVELLE-CALEDONIE ;

Au surplus, la directive 92/49/CEE du 18 juin 1992 concernant l'assurance directe autre que l'assurance vie, indique expressément en son article 2 qu'elle s'applique aux assurances en entreprises visées à l'article 1er de la directive 73/239/CEE, laquelle précise qu'elle ne s'applique pas, notamment, aux assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale, ce qui est bien le cas de la Loi de Pays du 11 janvier 2002 ;

Cette exclusion s'applique également à la directive 92/96/CEE ;

Dès lors, il ne saurait être fait droit à la demande visant à saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes de la question de la conformité de la Loi du 11 janvier 2002 aux directives européennes ;

[
] La loi du pays n° 2001/016 du 11 janvier 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie, complétée par une Délibération du 19 décembre 2001, a instauré un régime général de sécurité sociale ;

Aux termes de l'article Lp 23, la branche relative aux risques « maladie, maternité, invalidité et décès » est garantie par le Régime Unifié d'Assurance Maladie Maternité dit RUAMM ;

Selon les dispositions des articles Lp 26-9 et Lp 30, les travailleurs indépendants, qu'ils soient actifs ou retraités, sont affiliés obligatoirement à ce régime à compter du 1er juillet 2002 ;

Ces dispositions sont d'ordre public de sorte que l'affiliation au RUAMM s'impose aux travailleurs indépendants, peu importe les autres engagements contractuels couvrant les mêmes risques qu'ils ont pris par ailleurs.

Dès lors M. Y... qui ne conteste pas entrer dans la catégorie des travailleurs indépendants visés par la Loi du Pays est affilié à ce régime d'assurance obligatoire.

Il lui appartient donc de renseigner les déclarations de ressources qui lui ont été adressées afin de permettre à la CAFAT de calculer les cotisations réellement dues ainsi que de régler les cotisations dues.

M. Y... ne contestant pas le quantum des contraintes,

Elles seront validées à hauteur de leur montant » ;

1. Alors que, d'une part, les directives européennes n° 92-49-CEE et n° 92-96-CEE du 18 juin 1992 et du 10 novembre 1992, adoptées sur le fondement des articles 85 et 86 du Traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE), s'appliquent aux assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale pratiquées par des entreprises, excluant ainsi tout monopole ; que sont des entreprises les caisses de sécurité sociale, peu important leur qualification d'organismes de droit privé chargés d'une mission de service public ne poursuivant pas un but lucratif ; qu'en jugeant le contraire pour refuser à M. Y... le droit de choisir librement un régime de protection sociale aux lieu et place de celui offert par le RUAMM et rejeter ses oppositions à contraintes, la Cour d'appel a violé ces dispositions ;

2. Alors que, d'autre part, les principes de non-discrimination et d'égalité entre les citoyens commandent que la faculté de choisir librement un régime de protection sociale aux lieu et place de celui offert par le régime légal soit reconnue aux citoyens résidant en Métropole et aux citoyens résidents dans un Pays ou Territoire d'Outre-Mer ; qu'en l'espèce, en refusant à M. Y... de pouvoir invoquer le bénéfice des dispositions des directives européennes n° 92-49-CEE et n° 92-96-CEE du 18 juin 1992 et du 10 novembre 1992, adoptées sur le fondement des articles 85 et 86 du Traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE) en se fondant sur la circonstance qu'il résidait en Nouvelle-Calédonie, la Cour d'appel a violé ces dispositions.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-10828
Date de la décision : 15/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OUTRE-MER - Association à l'Union européenne - Droit de l'Union européenne - Application - Conditions - Détermination - Portée

UNION EUROPEENNE - Association des pays et territoires d'outre-mer - Droit de l'Union européenne - Application - Conditions - Détermination - Portée OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Sécurité sociale - Législation - Droit de l'Union européenne - Directives n° 92-49 et 92-96 des 18 juin 1992 et 10 novembre 1992 concernant la concurrence en matière d'assurance - Application (non) UNION EUROPEENNE - Conseil des Communautés européennes - Directives - Directives n° 92-49 et 92-96 des 18 juin 1992 et 10 novembre 1992 concernant la concurrence en matière d'assurance - Application - Pays et territoires d'outre-mer (non)

Il résulte des articles 182 à 188 du Traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 198 à 204 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'interprétés par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE, 12 février 1992, Leplat c/ Territoire de la Polynésie française, C-260/90), et de la décision n° 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne, que sauf dispositions expresses, ni les dispositions du traité, ni le droit qui en est dérivé ne sont automatiquement applicables aux pays et territoires d'outre-mer bénéficiant d'un régime d'association à l'Union européenne, au nombre desquels se trouve la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, est inopérant le moyen de cassation qui soutient l'application à la Nouvelle-Calédonie des directives 92/49/CEE du Conseil du 18 juin 1992, et 92/96/CEE du Conseil du 10 novembre 1992, relatives aux assurances, alors que leur champ d'application territorial ne s'étend pas aux pays et territoires d'outre-mer


Références :

d'outre-mer à la Communauté européenne
articles 182 à 188 du Traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 198 à 204 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 

décision n° 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 relative à l'association des pays et territoires

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 15 octobre 2015

Sur l'applicabilité du droit de l'Union européenne aux pays et territoires d'outre-mer bénéficiant du régime d'association, cf. :CJCE, arrêt du 12 février 1992, Leplat c/ Territoire de la Polynésie française, C-260/90


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 jui. 2017, pourvoi n°16-10828, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10828
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