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14/06/2017 | FRANCE | N°15-85572

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 juin 2017, 15-85572


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Yves X...,- M. Jean-Christophe Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 19 mai 2015, qui, dans l'information suivie, contre MM. Franck Z..., Gilles A...et Eric B... des chefs d'escroquerie en bande organisée, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'

article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ste...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Yves X...,- M. Jean-Christophe Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 19 mai 2015, qui, dans l'information suivie, contre MM. Franck Z..., Gilles A...et Eric B... des chefs d'escroquerie en bande organisée, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Steinmann, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEINMANN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle MATUCHANSKY OUPOT et VALDELIÈVRE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal et 591 à 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu à poursuivre de MM. Z..., A... et B... ;
" aux motifs qu'après le rachat de la Société d'investissement immobilier (SIH) par les sociétés Groupe Cardinal et Financière Vauban le 24 avril 2008, il était reproché par M. Y... à M. A..., agissant à la demande de M. Z..., d'avoir pris un certain nombre de décisions portant gravement atteinte à ses intérêts, sans que ces engagements n'aient été signalés dans le protocole de vente du 24 avril ; que de fait, au cours de l'assemblée générale du 12 mars 2008 de SIH où étaient présents l'Alpic, actionnaire unique, représentée par MM. Z..., A..., gérant, et B... " conseil, invité par l'assemblée générale à se joindre aux débats relatif à la stratégie de développement de la société " qui sera désigné comme secrétaire de séance, et au cours de celle du 13 mars 2008, était approuvée la signature d'un jeu d'options croisées d'achat et de vente au terme duquel la société Antaeus faisait l'acquisition de la société Olkyrent SA portant le concept d'une activité Scootlib, et C...Promotion transférait sur la société luxembourgeoise l'Alpic ses deux immeubles de Grenoble estimés à environ quatre millions d'euros ; que le 14 mars 2008, par décision de la SIH prise par M. Z..., représentant l'Alpic actionnaire unique, il était octroyé à M. A... une prime de 350 000 euros en cas de révocation de la gérance de SIH, ainsi que la somme de 100 000 euros à M. B... ; que le 25 avril 2008, M. A..., gérant de SIH, exerçait l'option sur les actions Olkyrent et la société Alpic devenait propriétaire de la société C...Promotion ; que le 14 mai 2008, les associés résultant du protocole de cession révoquaient M. A... comme gérant de la SIH et de la société C...Promotion et désignaient M. Y... comme nouveau gérant ; qu'ils réfutaient également le jeu des promesses croisées réalisées entre SIH et Alpic, raison pour laquelle cette dernière assignait SIH devant le tribunal de commerce de Paris le 13 août 2008 ; qu'un nouveau dépôt de plainte pour tentative d'escroquerie au jugement était effectué par l'avocat du Groupe Cardinal pour faire obstacle à la procédure commerciale ; qu'il convient d'observer qu'à la date où les actes concernant les options croisées ont été signés, le Groupe Cardinal n'apparaissait pas ; que cet élément résulte notamment de la déposition de M. Y..., en date du 19 mai 2008, selon laquelle la première proposition qui lui avait été faite de prendre une participation dans le groupe C...l'avait été par M. Christian
C...
le 25 mars ; que le procès-verbal d'assemblée générale du 12 mars 2008 expose les raisons correspondant à l'intérêt des sociétés concernées dans ces jeux d'option ; que le rapport du capitaine de la police judiciaire de Lyon mentionne, dans le rappel de l'historique des faits en page 3, " c'est dans ce contexte que le 21 avril 2008 intervenait le groupe Cardinal qui était déjà en négociation avec M.
C...
pour la reprise de son groupe " ; qu'il résulte également de cet historique que les événements se sont précipités, puisqu'une première réunion se tenait au Luxembourg entre M. Y..., ses avocats, et M. Z... pour une offre de rachat concernant Antaeus le 21 avril 2008, que le lendemain, M. Z... se voyait proposer une offre d'achat, non plus sur les 60 % des parts de la société Immoval Sainte-Croix dans la société Alpic, mais sur les 100 % de la SIH, et que le 24 avril 2008, il était soumis à la signature de M. Z... la convention de cession de parts sociales précitée ; qu'il est exact que ce protocole de cession, signé le 24 avril 2008, ne fait pas mention de ce jeu de promesses croisées, alors même qu'elles modifient considérablement l'aspect de la société rachetée et de ses engagements ; qu'en outre, l'exercice de l'option d'achat a été réalisé par M. A... le 25 avril 2008, soit le lendemain de la signature de ce document ; que M. A... a, pendant sa garde à vue, contesté toute infraction, affirmé ne rien savoir de tous ces événements et n'avoir agi que sur instruction de M. Z... ; qu'il a cependant confirmé que les documents concernant l'assemblée générale du 12 mars 2008 correspondaient bien à la réalité, même s'ils n'avaient été placés dans les registres des assemblées générales de SIH que plus tard, peu avant le 25 avril 2008 ; qu'il contestait formellement qu'ils aient été rédigés a posteriori ; qu'il assurait que sa rémunération de dirigeant d'un groupe ayant un chiffre d'affaires de 18 millions d'euros et les indemnités de révocation correspondantes n'étaient pas exorbitantes ; qu'il a réitéré ses explications devant le juge d'instruction, ajoutant qu'il n'avait été informé du protocole de vente avec le groupe Cardinal que le 25 ou le 26 avril par mail et qu'il avait obéi aux injonctions de M. Z... pour lever les options ; que ce dernier affirmait pour sa part que l'avocat du groupe Cardinal et Vauban savait dès le 24 avril 2008 que ces engagements existaient même s'ils n'en connaissaient pas le détail, il estimait que les ratures faites sur l'acte visant Biasi Promotion en étaient la preuve ; que de fait, ledit protocole signé le 24 avril 2008 entre la SIH et le groupe Cardinal et Financière Vauban comprend de nombreuses ratures et notamment toutes références au fait que SIH est propriétaire des filiales SCI le Maona à hauteur de 99 %, SAS C...Promotion à hauteur de 100 %, Antaeus à hauteur de 100 %, donc toutes références à la cession des titres des dites filiales ; que M. Z... a soutenu que le Groupe Cardinal et ses avocats n'avaient, préalablement à la cession, ni demandé la transmission des registres d'assemblées générales des sociétés du groupe pour en prendre connaissance, ni demandé la confirmation du périmètre de cession, ni effectué les diligences habituelles en pareille matière, ni manifesté la volonté d'obtenir une garantie d'actif ou de passif ; que la procédure ne permet pas de comprendre pourquoi la signature de cette convention s'effectuait dans une telle urgence et sans les vérifications nécessaires habituelles, d'autant que M. Y... avait tout de suite identifié en M. Z... un escroc, selon ses propres dires ; que les ratures figurant sur l'acte de cession démontrent que la société vendue a été vidée de sa substance puisqu'il n'existe plus de mention de ses filiales ; qu'au vu de ces éléments, il n'est pas établi que l'absence de mention des engagements croisés des sociétés Alpic et SIH lors de la cession de la société SIH au groupe Cardinal-Financière Vauban soit constitutive de manoeuvres frauduleuses ;
" 1°) alors que les manoeuvres frauduleuses ayant pour objet de tromper des personnes morales pour les déterminer, à leur préjudice, à remettre des fonds caractérisent le délit d'escroquerie ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que le protocole de cession signé entre les parties le 24 avril 2008 ne contenait aucune mention du « jeu de promesses croisées » « alors même qu'elles modifient considérablement l'aspect de la société rachetée et de ses engagements », « jeu » qui a permis aux mis en examen de « vider de substance » la société SIH selon les propres termes de l'arrêt et ce dès le lendemain de la cession, soit le 25 avril 2008 ; que la chambre de l'instruction a en outre constaté que les documents concernant l'assemblée générale du 12 mars 2008 au cours de laquelle « ces promesses croisées » avaient été prises, n'avaient été placés dans les registres des assemblées générales de SIH que peu avant le 25 avril 2008 ; que néanmoins, la chambre de l'instruction a écarté les manoeuvres frauduleuses, au motif pris que la présence de ratures sur le protocole démontrait que les acquéreurs avaient connaissance du fait que « la société vendue avait été vidée de sa substance », puisque le protocole de cession avait supprimé toute référence aux filiales cédées ; qu'en se prononçant par cet unique motif, quand l'article 2. 1 du protocole de cession, intitulé « Désignation des titres cédés », indique au contraire clairement que « La cession, objet des présentes... porte sur la pleine propriété de 100 % des parts sociales de la SARL SIH dont est propriétaire la SARL L'Alpic. Il est convenu entre les parties que, au jour de la signature des présentes, la société SIH détient 100 % du capital de la SAS C...Promotion, les 20 actions détenues par la société Alpic ayant été cédées à la société SIH, préalablement à la signature des présentes, à la valeur nominale », la cour d'appel s'est mise en contradiction avec cette pièce de la procédure et l'a dénaturée, en méconnaissance des textes susvisés ;
" 2°) alors que la chambre de l'instruction a pour obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte et des pièces y analysées, sous toutes leurs qualifications possibles ; que selon les réquisitions du parquet, la plainte déposée par les sociétés Groupe Cardinal, Financière Vauban et SIH visait également la qualification d'abus de biens sociaux ; que dans leur mémoire, ces sociétés ont insisté sur le caractère préjudiciable à la société SIH des décisions des 12 et 13 mars 2008 prises par MM. Z... et A... à une période où ceux-ci se trouvaient à la tête de cette société ; qu'également, la chambre de l'instruction a relevé que ces décisions prises par MM. A... et Z..., alors qu'ils dirigeaient la société SIH étaient « au préjudice des sociétés du groupe C...et au bénéfice de leurs sociétés luxembourgeoises » ; qu'en outre, l'arrêt a ajouté que l'information n'avait pas démontré l'existence de la créance de plus de 1 300 000 euros dont aurait été débitrice la société SIH, M. Z... ne l'ayant justifié par aucun documents comptables ; qu'en conséquence de ces constatations, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier s'il n'existait pas à l'encontre de MM. Z... et A... des charges suffisantes d'avoir agi dans leur propre intérêt contraire à celui de la société SIH et de s'être ainsi rendu coupable du délit d'abus de biens sociaux " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non lieu du juge d'instruction sur les faits dénoncés par la partie civile, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble de ces faits, a retenu, à bon droit, qu'ils ne pouvaient admettre aucune qualification pénale ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ; Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1018 A du code général des impôts et 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge de « la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique » un droit fixe de 169 euros ;
" alors que lorsque l'action publique est mise en mouvement par réquisitoire du parquet et non par une plainte avec constitution de partie civile, cette dernière ne saurait être condamnée à payer un droit fixe en application de l'article 1018 A du code général des impôts ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour d'appel et des pièces de la procédure, que l'action publique a été mise en mouvement par réquisitoire du parquet ; que, dès lors, en décidant de mettre à la charge de « la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique » ce droit fixe à contribution, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 1018 A du code général des impôts ;
Attendu que, selon ce texte, le droit de 169 euros qu'il institue est recouvré en cas de décision de non-lieu ou de relaxe sur la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique ;
Attendu que pour mettre à la charge de la partie civile ce droit de 169 euros, l'arrêt énonce qu'elle a mis en mouvement l'action publique ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que l'action a été mise en mouvement par le ministère public, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 19 Mai 2015, en ses seules dispositions ayant mis à la charge de la partie civile le droit fixe institué par l'article 1018 A du code général des impôts, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-85572
Date de la décision : 14/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, 19 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jui. 2017, pourvoi n°15-85572


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.85572
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