La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2017 | FRANCE | N°16-83927

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 2017, 16-83927


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Michel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 10 mai 2016, qui, pour homicide involontaire aggravé, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin

, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Michel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 10 mai 2016, qui, pour homicide involontaire aggravé, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle BOULLOCHE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, que, le 3 juillet 2014, M. Michel X..., qui circulait au volant de sa voiture et s'apprêtait à tourner à gauche pour emprunter le chemin menant à son domicile, a heurté la motocyclette de David Y..., qui le dépassait, laquelle a percuté avec violence le parapet d'un pont, le conducteur étant projeté en contrebas et mortellement blessé, qu'après avoir laissé son fils, M. Laurent X..., se présenter comme conducteur du véhicule, M. Michel X..., dont le permis était invalidé depuis le 11 mai 2009, a reconnu être l'auteur de l'accident ; que le tribunal correctionnel l'a condamné, du chef d'homicide aggravé, à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et à une interdiction de conduire tous véhicules ; que M. X... ainsi que le procureur de la République ont interjeté appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-6-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé M. Michel X... coupable d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur dont le permis de conduire a été invalidé, en répression l'a condamné à la peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement, dont douze mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de deux ans, et a renvoyé la cause devant le tribunal correctionnel de Grenoble afin qu'il soit statué sur les intérêts civils ;
" aux motifs que selon les éléments objectifs recueillis au cours de l'enquête et des débats, M. X... circulait sur une portion de route rectiligne et horizontale, en plein jour, sur une chaussée en bon état et sèche dans une zone n'offrant aucun obstacle à la visibilité ; qu'il est admis qu'il s'apprêtait à quitter la chaussée sur laquelle il circulait, par la gauche ; que lors des constatations faites par les gendarmes, le clignotant gauche était actionné ; que selon le marquage effectué par les gendarmes, et d'ailleurs repris par Me Z..., huissier requis par le prévenu pour préserver la défense de ses droits, les roues du véhicule conduit par M. X... étaient toutes sur la partie gauche de la chaussée à l'entrée du chemin des clayettes ; que la trajectoire suivie par M. X... pour réaliser sa manoeuvre a donc consisté à couper en biais la partie gauche de la chaussée pour rejoindre le chemin sur sa gauche et non, comme l'exige le code de la route, qui en son article R. 415-4 dispose que :
" I.- Tout conducteur s'apprêtant à quitter une route sur sa gauche doit serrer à gauche.
II.- Lorsque la chaussée est à double sens de circulation il ne doit pas en dépasser l'axe médian..... " ; que le marquage du positionnement des roues confirme les observations de l'expert M. A...sur l'irrégularité de la manoeuvre de M. X... qui, selon ses indications, juste avant que ne survienne la collision, était en action de circulation et n'a pas regardé sur sa gauche avant d'entreprendre ou poursuivre sa trajectoire sur la partie gauche de la chaussée et n'a donc pas vu arriver la moto ; qu'au regard de ces considérations et à défaut d'éléments objectifs avérés établissant l'existence d'une faute quelconque de conduite de David Y..., c'est bien la manoeuvre perturbatrice et imprudente de M. X..., par ailleurs, démuni de titre de conduite, qui est la cause unique et exclusive de l'accident à l'occasion duquel le motocycliste est décédé ; que le jugement déféré est confirmé en ce que la culpabilité du prévenu a été retenue ;

" 1°) alors que constitue un homicide involontaire, le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 du code pénal, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer M. X... coupable d'homicide involontaire, qu'il se trouvait lors du choc sur la partie gauche de la chaussée à double sens de circulation, tandis qu'il n'aurait pas dû dépasser l'axe médian avant de bifurquer, sans constater que s'il avait procédé de la sorte, le choc aurait pu être évité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le décès de M. Y..., n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que constitue un homicide involontaire, le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 du code pénal, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer M. X... coupable d'homicide involontaire, qu'il n'avait pas vu arriver la motocyclette faute d'avoir regardé sur sa gauche avant d'entreprendre ou de poursuivre sa trajectoire sur la partie gauche de la chaussée, sans constater que s'il avait procédé de la sorte, le choc aurait pu être évité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le décès de David Y..., a exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation ;
" 3°) alors que le délit d'homicide involontaire n'est pas constitué, lorsque le décès trouve sa cause exclusive dans une faute de la victime ; qu'en déclarant M. X... coupable d'homicide involontaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la cause exclusive de l'accident résidait dans le comportement de David Y..., dès lors qu'il était constant que M. X... roulait à faible allure, qu'il avait regardé dans son rétroviseur et avait enclenché son clignotant avant de se déporter sur la voie de circulation de gauche à l'entrée du chemin des Clayettes, tandis que David Y... avait entrepris sa manoeuvre de dépassement à très vive allure, alors que M. X... avait déjà entrepris de se déporter sur la gauche en ayant préalablement signalé sa manoeuvre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la culpabilité du prévenu, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en appréciant souverainement, sans insuffisance ni contradiction, que la manoeuvre fautive et le défaut d'attention du prévenu étaient à l'origine exclusive du décès de la victime, à l'encontre de qui aucune faute en lien de causalité avec l'accident ne pouvait être établie, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 du code pénal, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, et 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Michel X... à la peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement, dont douze mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de deux ans ;
" aux motifs qu'en application de l'article 132-19 du code pénal, lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue ; qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux sous-sections 1 et 2 de la section 2 du présent chapitre ; que lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux mêmes sous-sections 1 et 2, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'il ne peut être éludé des débats le comportement fuyant de M. X..., ancien chef de corps des pompiers, qui à l'occasion d'un accident dont il est l'auteur, panique et laisse à son fils, certes dans des circonstances mal définies, l'initiative et la responsabilité de se dénoncer sans réagir, alors qu'il avait connaissance qu'un décès était intervenu ; qu'il ne peut être éludé aussi le fait que cet ancien pompier, habitué aux situations d'accident et donc informé des opérations obligatoires de contrôle en pareil cas, après avoir laissé son fils endosser la responsabilité de l'accident, a quitté les lieux avec le véhicule accidenté pour le faire réparer ; que l'ensemble de ces éléments illustre le peu de considération de cet ancien pompier, chef de corps, pour la notion de responsabilité et pour la victime ; qu'il apparaît en outre que M. X..., parfaitement informé de l'invalidation de son permis de conduire et donc de son interdiction de conduire, bravait régulièrement celle-ci depuis plusieurs années au mépris des risques dont l'accident survenu le 3 juillet 2014 est une tragique illustration ; qu'au regard de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu, une peine d'emprisonnement s'impose, toute autre sanction étant manifestement inadéquate ; qu'en répression des faits poursuivis, M. X... sera condamné à la peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement dont douze avec sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans avec obligation de soin et de réparer les dommages causés par l'accident, s'abstenir de conduire tous véhicules nécessitant pour leur utilisation l'obtention d'un permis de conduire, accomplir un stage de citoyenneté ; que M. X... est à la retraite : il lui appartiendra de fournir au juge d'application des peines toutes justifications de nature à lui éviter l'incarcération ; qu'aucun aménagement ab initio ne peut être prononcé ; qu'au regard des préjudices nombreux découlant de l'accident et sur lesquels le premier juge n'a pas encore statué, les dispositions civiles du jugement déféré seront confirmées ;
" 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en décidant, d'une part, que toute mesure d'aménagement de peine ne pouvait être prononcée ab initio et, d'autre part, qu'il appartenait à M. X... de fournir au juge de l'application des peines toutes justifications propres à un aménagement de sa peine, la cour d'appel, qui a affirmé simultanément que la peine prononcée pouvait faire l'objet d'un aménagement et n'était pas susceptible d'un tel aménagement, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
" 2°) alors que, lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux mêmes sous-sections 1 et 2, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en décidant que la peine d'emprisonnement de M. X... ne pouvait faire l'objet d'aucun aménagement ab initio dès lors qu'il était à la retraite, sans motiver sa décision de ne pas aménager cette peine au regard notamment de la situation matérielle, familiale et sociale de M. X..., la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation " ;
Vu l'article 132-19 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; que, si cette peine d'emprisonnement sans sursis n'excède pas deux ans ou un an en cas de récidive, il doit motiver spécialement sa décision de ne pas l'aménager au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ;
Attendu que, pour condamner M. X... à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant par ces seuls motifs, sans s'expliquer au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu pour refuser d'aménager la peine prononcée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 10 mai 2016, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83927
Date de la décision : 13/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 10 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 2017, pourvoi n°16-83927


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83927
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award