La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2017 | FRANCE | N°15-28544

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2017, 15-28544


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a soutenu avoir été engagé à compter du 4 mai 1991 en qualité d'avitailleur et chauffeur semi poids-lourds par contrat de travail temporaire avec l'entreprise de travail temporaire Adecco pour être affecté au sein du GIE GANCA, aux droits duquel vient la société SASCA, notamment composé des compagnies pétrolières BP, Total et Elf ; que ces contrats se sont poursuivis jusqu'au 30 novembre 2005 ; que le 30 septembre 2010, M. X... a saisi la juridiction prud'homale p

our obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée in...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a soutenu avoir été engagé à compter du 4 mai 1991 en qualité d'avitailleur et chauffeur semi poids-lourds par contrat de travail temporaire avec l'entreprise de travail temporaire Adecco pour être affecté au sein du GIE GANCA, aux droits duquel vient la société SASCA, notamment composé des compagnies pétrolières BP, Total et Elf ; que ces contrats se sont poursuivis jusqu'au 30 novembre 2005 ; que le 30 septembre 2010, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée et le paiement de sommes au titre de la requalification et de la rupture du contrat de travail ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;

Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que les contrats de missions confiés par Adecco ne l'étaient qu'à compter du 13 janvier 1997, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la période antérieure à cette date ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune partie ne contestait que M. X... avait été engagé à compter de 1991 par la société Adecco sous son ancienne dénomination sociale Ecco, la cour d'appel qui a d'office remis en cause un fait pourtant non contesté et qui n'a pas invité les parties à en discuter préalablement et contradictoirement, a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ensemble l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'à compter du 13 janvier 1997, il avait signé des contrats de mission pour être engagé au sein des sociétés utilisatrices Total, BP mais également Elf qui n'est pas membre du GIE GANCA et qu'il avait en conséquence soutenu à tort avoir travaillé pour le GIE GANCA, Total et BP ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'il ressortait tant des conclusions d'appel de la société Total et du GIE GANCA, reprises oralement à l'audience, que des pièces versées aux débats par le salarié notamment des exemplaires salariés des relevés d'heures ainsi que des exemplaires de contrats de mission émis par Adecco et signés du client GANCA, que ce GIE y figurait comme société utilisatrice, que la société Elf était membre du GIE GANCA, la cour d'appel a dénaturé par omission lesdits documents et violé le principe et l'article susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article L. 1251-16 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de requalification, l'arrêt retient que le nom du salarié absent a manifestement été omis au profit du motif détaillé de son absence, que cette omission ne saurait justifier la requalification en contrat à durée indéterminée et que c'est uniquement par négligence que le nom du salarié parti en stage n'a pas été mentionné, cette erreur ne pouvant dès lors, dans l'esprit de la loi, justifier la requalification sollicitée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1251-16 du code du travail ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la quatrième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes indemnitaires, de rappel de salaires et de congés payés à l'égard des sociétés Adecco, BP France, Total et SASCA, l'arrêt rendu le 13 janvier 2015, entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties en l'état où elle se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les sociétés Adecco, BP France, Total et SASCA aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Adecco France, BP France, Total et SASCA à payer à la SCP Coutard et Munier-Apaire la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement, en ce qu'il a débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes.

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... indique qu'il a conclu de très nombreux contrats de travail temporaire avec la société ADECCO pour être affecté au sein du GIE GANCA qui n'a pourtant aucune activité propre et alors qu'il travaillait en réalité successivement ou cumulativement pour les sociétés TOTAL et BP afin d'assurer le ravitaillement des avions présents sur l'aéroport de Nice ou de Cannes Mandelieu suivant les directives données par ces 2 sociétés, soutenant avoir été « engagé par la société ADECCO dans le cadre de 365 contrats sur une période de 14 ans avec les sociétés utilisatrices GANCA, TOTAL et BP » mais ne produit de contrats de mission confiés par ADECCO qu'à compter du 13 janvier 1997 de sorte que toute la période antérieure au cours de laquelle il a obtenu des missions de la part d'autres entreprises de travail temporaire (ECCO et ONEPI) n'a pas lieu d'être examinée ; Attendu par ailleurs qu'à compter du 13 janvier 1997 Monsieur X... a signé des contrats de mission pour être engagé au sein de plusieurs entreprises utilisatrices à savoir TOTAL et BP mais également au sein de la société ELF, qui n'est pas appelée en la cause et qui n'est pas membre du GIE GANCA et c'est en conséquence à tort qu'il soutient avoir travaillé pour « GANCA, TOTAL et BP » de sorte que ces alternances de sociétés utilisatrices dont la société ELF qui n'est pas dans la cause ne lui permettent pas de solliciter pendant toute la période de cette alternance entre les trois sociétés en question soit jusqu'au 27 mars 2000, une requalification de ses missions en contrat de travail à durée indéterminée. Attendu que Monsieur X... se prévaut d'irrégularités liées aux motifs des contrats litigieux indiquant qu'à 12 reprises les contrats auraient fait l'objet d'un double motif, à savoir « accroissement temporaire d'activité » et « saison estivale », ce qui ne constitue pas un double motif mais l'explication par le second membre de phrase de l'accroissement d'activité figurant au premier, précision faite que les 6 premiers contrats qu'il cite sont exclus de la période pouvant être examinée et que les 6 suivants ont été conclus avec la chambre de commerce et d'industrie de l'aéroport de Nice Côte d'Azur au sein de laquelle il a été embauché en avril 2008 et alors même qu'il s'est désisté de toute instance et de toute action à l'encontre de cette dernière, de sorte que ces contrats ne sauraient être cités au soutien de sa demande ; Attendu que Monsieur X... indique encore qu'à 4 reprises il a conclu deux contrats de travail à durée déterminée d'une journée à temps plein citant les contrats 85 et 86 conclus le 31 octobre 2013, les contrats 92 et 93 conclus le 11 janvier 1994, les contrats 127 et 128 conclus pour la période du 13 et 14 avril 1996 et les contrats 190 et 191 conclus le 31 octobre 1997, soit des contrats conclus à des dates exclues de la période examinée pour se situer antérieurement au 27 mars 2000 et concernant de surcroît s'agissant des deux derniers de missions effectuées au sein de la société ELF qui n'est pas dans la cause ; Attendu que Monsieur X... cite enfin la journée du 22 juillet 1991 au cours de laquelle il a été engagé pour remplacer à la fois Monsieur Y...et Monsieur Z...et qui précédemment concerne une période exclue de la période examinée, et ne saurait donc justifier la requalification sollicitée. Attendu que Monsieur X... fait également valoir le non-respect des règles liées à l'aménagement du terme citant des contrats dont la « souplesse » dépasse les 2 jours prévus à l'article L. 1251-30 du Code du travail, à savoir les contrats 373, 374 et 379, tous les 3 conclus au bénéfice de la chambre de commerce et d'industrie qui n'est pas dans la cause et à l'égard de laquelle comme il a été dit précédemment il s'est désisté de toute instance et de toute action de sorte que le manquement relevé ne saurait justifier la requalification sollicitée. Attendu que Monsieur X... doit donc être débouté de sa demande de requalification à l'encontre des sociétés BP, TOTAL et GANCA devenu la société SASCA et de toutes les demandes en rappel de salaire et indemnités de rupture en découlant ;

1°) ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, ce dont il résulte qu'un fait allégué non contesté par l'autre partie doit être considéré comme acquis ; qu'en l'espèce M. X... faisait valoir et justifiait qu'il avait été engagé en mission depuis 1991 par des contrats de mission conclus avec ADECCO, ce qu'aucune partie n'a contesté ; qu'en affirmant que les contrats de mission confiés par ADECCO ne l'étaient qu'à compter du 13 janvier 1997, alors qu'aucune entreprise en défense ne le contestait car il était constant que M. X... avait été engagé auprès d'elle à compter de 1991 sous son ancienne dénomination sociale (ECCO), la Cour d'appel, qui a d'office remis en cause un fait pourtant non contesté, qu'elle aurait dû considérer comme acquis car non litigieux, a ainsi violé les articles 4 et 16 du Code de procédure civile.

2°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations contradictoirement ; que pour rejeter les prétentions de M. X..., la cour d'appel, qui a d'office considéré qu'il n'y a pas lieu d'examiner la période antérieure au 13 janvier 1997 pour laquelle le salarié produit les contrats de missions obtenus auprès d'autres entreprises de travail temporaire (ECCO et ONEPI) quand aucune partie n'avait contesté que M. X... avait été engagé depuis 1991 par des contrats de mission confiés par ADECCO, la Cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à en discuter préalablement et contradictoirement, ne leur a pas permis d'exprimer leurs observations sur ce point et a violé les articles 4 et 16 du Code de procédure civile.

3°) ALORS D'AUTRE PART QU'IL est imposé au juge de ne dénaturer ni les termes ni les documents de la cause ; que la cour d'appel ne pouvait débouter M. X... de ses demandes en retenant qu'à compter du 13 janvier 1997, il avait signé des contrats de mission pour être engagé au sein des sociétés utilisatrices TOTAL, BP mais également ELF « […] qui n'est pas membre du GIE GANCA » et que c'est en conséquence à tort qu'il avait soutenu avoir travaillé pour « GANGA, TOTAL et BP » (arrêt p. 6) quand il ressortait tant des conclusions d'appel de la société TOTAL et du GIE GANCA que du nombre de pièces versées aux débats par M. X..., notamment des exemplaires salariés des relevés d'heures ainsi que des exemplaires de contrats de mission émis par ADECCO et signés du client GANCA, que ce GIE y figurait comme société utilisatrice, mais en outre que la société ELF était membre du GIE GANCA et que le salarié avait travaillé pour l'entreprise utilisatrice GANCA ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé par omission lesdits documents et a violé le principe sus-évoqué ainsi que l'article 4 du Code de procédure civile.

4°) ALORS, ENFIN QU'EN application des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail, la possibilité donnée à une entreprise utilisatrice de recourir à des missions d'intérim successives avec le même salarié ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ; qu'il en résulte qu'une entreprise utilisatrice ne peut pas recourir, de façon systématique, aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre ; que la cour d'appel ne pouvait débouter le salarié de ses demandes en affirmant « qu'à compter du 13 janvier 1997 M. X... a signé des contrats de mission pour être engagé au sein de plusieurs sociétés utilisatrices à savoir TOTAL, BP et ELF qui n'est pas appelée en la cause et qui n'est pas membre du GIE GANCA » et (que) c'est en conséquence à tort qu'il soutient avoir travaillé pour « GANCA, TOTAL et BP » » sans rechercher s'il ne résultait pas des pièces versées aux débats par M. X... et également des écritures d'appel de TOTAL et du GIE GANCA que ce dernier était lui-même l'entreprise utilisatrice et si sur les relevés d'heures individuelles et les contrats de mission le concernant le GIE apparaissait être constitué par les sociétés utilisatrices BP, TOTAL et ELF ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement, en ce qu'il a débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société ADECCO.

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... cite le contrat numéro 299 concernant la journée du 12 avril 2000 qui ne contient ni le nom ni le prénom du salarié remplacé ce qui est exact, la seule mention relative aux motifs du recours étant « remplacement absence stage gestes et postures », de nature selon lui à justifier, faute de répondre aux exigences de l'article L. 1251-16 du Code du travail, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée ; Attendu toutefois que ce contrat unique dans lequel le nom du salarié absent a manifestement été omis au profit du motif détaillé de son absence (stage geste et postures) ne saurait justifier la requalification en contrat à durée indéterminée puisqu'il apparaît que tous les autres contrats conclus pour le remplacement d'un salarié mentionnaient toujours le nom du salarié remplacé, de sorte que cet oubli unique concernant un seul jour démontre que c'est uniquement par négligence que le nom du salarié parti en stage n'a pas été mentionné, cette erreur ne pouvant dès lors dans l'esprit de la loi justifier la requalification sollicitée. Attendu que Monsieur X... doit en conséquence être débouté de sa demande en requalification à l'encontre de la société ADECCO et de toutes ses demandes indemnitaires et en rappel de salaire en découlant ».

ALORS QUE le contrat écrit que l'entreprise de travail temporaire doit adresser au salarié intérimaire au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition doit notamment comporter la qualification du salarié, ainsi que, s'il s'agit d'un contrat de mission pour remplacement, le nom et la qualification du salarié remplacé ; qu'il en résulte que le non-respect par l'entreprise de travail temporaire de l'une des prescriptions des dispositions de l'article L. 1251-16 du Code du travail, lesquelles ont pour objet de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, implique la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée ; qu'après avoir constaté que dans un des contrats ADECCO le nom du salarié absent a manifestement été omis au profit du motif détaillé de son absence, la cour d'appel ne pouvait en déduire que cette omission ne saurait justifier la requalification en contrat à durée indéterminée et que c'est uniquement par négligence que le nom du salarié parti en stage n'a pas été mentionné, cette erreur ne pouvant dès lors dans l'esprit de la loi justifier la requalification sollicitée, car en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1251-16 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-28544
Date de la décision : 09/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2017, pourvoi n°15-28544


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28544
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award