LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 1er juillet 2005 en qualité de technicienne biologiste par M. Y..., lequel, a cédé son laboratoire le 3 février 2012 ; que contestant ses conditions de rémunération, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour faire droit aux demandes de rappel de salaire au titre de la rémunération des heures d'astreintes, de gardes et des frais de déplacement, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient l'employeur, aucune disposition contractuelle ne porte sur une rémunération forfaitaire couvrant les astreintes et les gardes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de travail stipulait qu'en contrepartie de sa prestation, Mademoiselle Agnès X... percevra une rémunération mensuelle brute forfaitaire de trois mille trois cent cinq euros, et soixante cinq centimes (3 305, 65 €), indemnité forfaitaire de logement incluse, dont la répartition sera la suivante : du lundi au vendredi de 7 heures à quinze heures dont 1/ 2 heure de pause déjeuner, le samedi de 7h00 à 12h00 en alternance 1 semaine sur deux, que cette rémunération tient compte des astreintes et des gardes, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen, sans portée à la suite de l'arrêt rectificatif rendu le 13 juin 2016 ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y...à payer à Mme X... diverses sommes au titre des heures d'astreinte, des heures de garde et des frais de déplacement, l'arrêt rendu le 9 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Y...à payer à Mme X... les sommes de 43. 565 € au titre des astreintes assurées de 2007 à 2011 ; 15. 630 € au titre des heures de gardes réalisées entre 2007 et 2011 et 978, 65 € au titre des déplacements consécutifs aux heures de gardes réalisées entre 2007 et 2011 ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Selon la convention collective nationale des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers du 3 février 1978, étendue par arrêté du 20 novembre 1978, l'astreinte est définie comme une période pendant laquelle le salarié reste à la disposition de l'employeur en dehors de son lieu de travail tout en pouvant vaquer librement à des occupations personnelles, pour satisfaire une éventuelle demande d'intervention sur une installation intérieure ou extérieure au laboratoire, cette astreinte ne pouvant supporter aucune autre sujétion que la disponibilité. Ladite convention précise dans son article 9-1-4 que, si les astreintes ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif, et ne peuvent être effectuées qu'en dehors de la durée conventionnelle de travail, elles sont rémunérées à hauteur de 30 % du salaire horaire réel, y compris la prime d'ancienneté, et à hauteur de 45 % pour les astreintes effectuées le dimanche ou un jour férié. Il est également prévu la prise en charge des frais de transport en cas d'intervention. La garde suppose la présence du salarié sur les lieux de travail, et constitue un temps de travail, étant relevé que dès le début d'une intervention du salarié pendant l'astreinte, celle-ci cesse et devient une garde jusqu'au retour du salarié à son domicile. Le contrat de travail de Mme X... prévoyait une rémunération forfaitaire brute de 3305, 65 euros, avec une indemnité forfaitaire de logement incluse, pour un horaire de travail réparti comme suit :
- du lundi au vendredi de 7hOO à 15hOO dont 1/ 2 heure de pause déjeuner,
- le samedi de 7hOO à 12hOO en alternance, une semaine sur deux, ce qui correspond à 40 heures par semaine.
Il n'était pas prévu contractuellement d'astreintes ni de gardes.
Les bulletins de salaires délivrés par M. Y...ne font pas apparaître la rémunération d'astreintes ou de gardes. Selon l'attestation établie par Mme Nathalie Z..., technicienne dans le même laboratoire depuis septembre 2005, les horaires de travail de jour étaient conformes à ceux énoncés ci-avant dans le contrat de travail de Mme X..., mais il était également organisé des horaires d'astreintes répartis de la façon suivante :
- de 15h à 7 h du matin, du lundi au vendredi,
- de 12h le samedi au lundi matin 7h, le laboratoire assurant un service d'urgence 24h/ 24h, 7jours/ 7jours avec seulement deux personnes, ces astreintes étant réparties entre celles-ci, une semaine sur deux.
Mme X... verse au débat un agenda de l'année 2011, sur lequel il est noté les astreintes et gardes effectuées à compter du 31 janvier 2011. La comptabilisation des heures d'astreinte et de garde ainsi consignées, fait ressortir 1203, 25 heures d'astreintes et 129, 50 heures de garde pour l'année 2011. Compte tenu du taux de rémunérations applicable, la rémunération correspondante à ces heures d'astreintes s'élève à la somme de 8 713, 93 euros, et celle correspondant aux heures de gardes atteint 3126, 13 euros. Les frais de trajet pour les gardes s'élèvent à 195, 73 euros. La réalité des heures d'astreintes est corroborée par les attestations du docteur Hamid A..., médecin urgentiste et collaborateur médical en biologie, et de Nicole B..., cadre supérieur de santé. Comme le fait remarquer l'intimé, l'examen de l'agenda produit par Mme X... fait surtout apparaître, notamment pour le mois de février 2011, les initiales " nl " aussi bien pour des heures normales de travail que pour des heures d'astreinte, ce qui correspondrait aux heures de travail et d'astreinte de Mme Nathalie Z..., mais il importe peu que les initiales de Mme X... n'y soient pas portées, puisque les deux techniciennes devaient nécessairement assurer les astreintes une semaine sur deux, et qu'elles avaient par conséquent à peu près le même nombre d'heures d'astreintes mensuelles à accomplir. Si des variations du nombre d'heures d'astreinte sont observées selon les mois, il y a lieu de souligner que les intéressées échangeaient des week-ends d'astreinte comme cela est mentionné dans l'agenda. Par ailleurs, contrairement à ce qu'avance l'intimé, il est bien mentionné dans l'agenda produit, l'objet des déplacements effectués par la salariée, et donnant lieu à rémunération pour " gardes ". Ces astreintes et ces gardes ayant été assurées lorsque que Mme X... était au service de M. Y..., qui était alors son employeur, dans le cadre du contrat de travail qu'ils avaient conclu ensemble, ce dernier est redevable jusqu'au 5 février 2012 de la rémunération non payée à la salariée, peu important que M. Y...ait cédé son laboratoire le 6 février 2012 et que Mme X...ait alors changé d'employeur. Si les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail prévoient d'une part qu'en cas de cession de l'entreprise, les contrats de travail subsistent et sont transférés à la charge du cessionnaire, et si le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert, celui-ci devant rembourser les sommes alors acquittées par le nouvel employeur et dues à la date du transfert, le salarié reste fondé à solliciter auprès du premier employeur le paiement des rémunérations qui auraient dû lui être versées pendant la période au cours de laquelle il a travaillé au service de ce dernier. Ainsi M. Y...ne peut être mis hors de cause.
L'organisation des astreintes ayant été fixée dès l'embauche de Madame X..., qui les a assurées en alternance avec Mme Z...à compter de l'embauche de celle-ci en septembre 2005, et a perduré au cours des années 2007 à 2011, la rémunération des astreintes et des gardes, ainsi que l'indemnisation des déplacements pour assurer les gardes, dues à Mme X... pour cette période seront fixées sur la base des chiffres retenues pour 2011 puisque ces astreintes et gardes sont réitérées d'année en année sur le même schéma d'organisation, soit :
-43 565 euros au titre des astreintes assurées de 2007 à 2011,
-15 630 euros au titre des gardes réalisées entre 2007 et 2011,
-978, 65 euros au titre des déplacements consécutifs aux heures de gardes réalisées entre 2007 et 2011. M. Y...sera en conséquence, en tant qu'employeur de Mme X..., condamné à payer ces sommes à cette dernière. Il est vain de la part de M. Y...de contester le montant des astreintes réclamées en critiquant les mentions figurant sur l'agenda produit par Mme X..., puisque, en tout état de cause, il ne nie pas qu'un système d'astreinte journalier ait été mis en place, à la charge alternative des salariées, tel qu'exposé par Mme Nathalie C...dans son attestation suscitée, laquelle précise même la durée de ces astreintes. Les astreintes n'impliquant pas de déplacements, il ne peut être fait droit à la demande d'indemnité pour des trajets qui seraient liés aux astreintes, étant rappelé que lorsqu'il y a une intervention à effectuer au cours d'une période d'astreinte, cette intervention devient une garde. Contrairement à ce que soutient M. Y..., aucune disposition contractuelle ne porte sur une rémunération forfaitaire couvrant les astreintes et les gardes. Par ailleurs il importe peu que les bulletins de salaires délivrés par le second employeur, M. D...comportent des mentions analogues ou plus défavorables à la salariée que celles figurant sur les bulletins de paie délivrés par M. Y.... Il appartiendra à Mme X..., qui est encore pour l'instant sous le lien de subordination de M. D...de prendre toute disposition nécessaire, en temps utile, pour faire valoir ses droits. Enfin le fait que M. Y...ait laissé Mme X... exploiter pendant ses heures de travail, un laboratoire SANELAB, qu'il avait lui-même créé, qu'il hébergeait dans ses propres locaux, et qu'il a transmis à Mme X..., ne saurait compenser la rémunération due à celle-ci au titre des astreintes » ;
ALORS en premier lieu QUE le juge ne peut dénaturer les pièces versées aux débats ; qu'en jugeant qu'« aucune disposition contractuelle ne porte sur une rémunération forfaitaire couvrant les astreintes et les gardes », quand le contrat de travail stipulait expressément que la rémunération forfaitaire de la salariée « tient compte des heures d'astreintes ou de gardes », la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ensemble l'article 1134 du code civil ;
ALORS en deuxième lieu QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en condamnant M. Y...au paiement de diverses sommes « compte tenu du taux de rémunération applicable », soit un taux horaire de 24, 14 euros invoqué par la salariée et qui correspondrait à la réalité de ses fonctions au regard de la grille de classification professionnelle, sans répondre à ses conclusions d'appel (p. 15 et 16) qui contestaient l'application d'un tel taux aux motifs, notamment, qu'il correspond à la classification conventionnelle de « cadre niveau II » à laquelle la salariée ne pouvait prétendre, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en troisième lieu QUE le juge ne peut dénaturer les pièces versées aux débats ; qu'en condamnant M. Y...au paiement de diverses sommes au titre des heures d'astreintes, de gardes et de déplacement effectuées entre 2007 et 2011 sur la seule base « du taux de rémunération applicable » en 2011, soit un taux horaire de 24, 14 euros, quand ce taux variait d'une année à une autre à la lecture des bulletins de paie, de sorte que le montant des condamnations salariales sur la période 2007-2011 devait être ajusté en fonction du taux horaire applicable pour chaque année, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS enfin QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en condamnant M. Y...au paiement de diverses sommes au titre des heures d'astreintes, de gardes et de déplacement effectuées entre 2007 et 2011 sur la seule base « du taux de rémunération applicable » en 2011, soit un taux horaire de 24, 14 euros, sans répondre à ses conclusions d'appel qui faisaient valoir que ce taux variait d'une année à une autre et que les calculs opérés par la salariée étaient donc erronés (p. 15), la cour d'appel à une nouvelle fois méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Y...à payer à Mme X... la somme de 3752 euros à titre d'indemnité de logement ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « L'article 12 du contrat de travail de Mme X... prévoit que M. Y...mettrait à la disposition de cette dernière un logement situé à Pointe Milou chez Jocelyne E...à Saint-Barthélémy. Il était prévu en outre à l'article 4 du contrat de travail qu'une indemnité forfaitaire de logement était incluse dans la rémunération mensuelle brute forfaitaire versée à la salariée. La fourniture du logement étant une stipulation contractuelle, la suppression de ce logement à l'initiative de l'employeur est de nature à donner droit à la salariée à une compensation. Toutefois en l'espèce, il ressort du courriel en date du 20 octobre 2008 adressé à M. Y...par M. Gaëtant F..., que celui-ci a donné à bail le logement d'habitation mis à la disposition de Mme X... par son employeur, et que c'est en réalité la salariée qui a entendu mettre fin à ce bail d'habitation pour occuper avec son conjoint la maison qu'ils ont fait construire. Le non prolongation du bail étant imputable à la salariée, celle-ci ne peut demander aucune indemnité pour l'absence de fourniture de logement » ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant, d'une part, dans la motivation de sa décision, que la salariée, ayant été à l'initiative de la rupture du bail, ne peut demander aucune indemnité pour absence de fourniture de logement et en décidant, d'autre part, dans le dispositif de sa décision, de condamner M. Y...au paiement d'une indemnité de logement, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile.