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31/05/2017 | FRANCE | N°15-19425

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2017, 15-19425


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen, pris en ses deux dernières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 avril 2015), que M. X..., engagé le 1er octobre 2001 en qualité de directeur de l'établissement Tremplin 04 par l'Association pour la promotion des actions sociales et éducatives, a été licencié, par lettre du 11 mai 2011, pour faute grave et pour cause personnelle ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes liées au licenciement, alors, selon le

moyen :

1°/ que le juge ne saurait dénaturer les termes clairs et précis d'un é...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen, pris en ses deux dernières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 avril 2015), que M. X..., engagé le 1er octobre 2001 en qualité de directeur de l'établissement Tremplin 04 par l'Association pour la promotion des actions sociales et éducatives, a été licencié, par lettre du 11 mai 2011, pour faute grave et pour cause personnelle ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes liées au licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne saurait dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, en considérant que la lettre de licenciement du salarié énonçait deux séries de faits distinctes respectivement qualifiées de faute grave et d'insuffisance professionnelle quand, en réalité, les mêmes faits y étaient relatés ensemble pour y être présentés, ensuite, sous ces deux qualifications alternatives différentes, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, l'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute ; qu'en l'espèce et en conséquence de sa dénaturation des termes clairs et précis de la lettre de licenciement, la cour d'appel, qui a refusé de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les faits d'insuffisance professionnelle allégués contre le salarié à cette lettre relevaient d'une mauvaise volonté délibérée de sa part et, en conséquence, s'ils étaient susceptibles de justifier son licenciement pour faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement énoncé qu'aucune disposition légale n'interdisait à l'employeur d'invoquer plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne du salarié à la condition qu'ils procèdent de faits distincts et que les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement soient respectées, la cour d'appel, qui a constaté que la rupture du contrat était motivée par des faits qualifiés de faute grave distincts des faits constitutifs d'une insuffisance professionnelle, n'encourt pas le grief de dénaturation de la lettre de licenciement ;

Et attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a constaté que les faits fautifs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement étaient établis, a pu décider, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que son comportement rendait impossible son maintien dans l'association et constituait une faute grave ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ce qui rend sans objet les deux premières branches du troisième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Jean-Marie X... de sa demande d'annulation de l'avertissement qui lui avait été adressé le 2 novembre 2010 ;

Aux motifs que : « aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

En l'espèce, Monsieur X... fait valoir que l'avertissement lui a été notifié plus de deux mois après la date des faits ayant motivé cette sanction (procédure de licenciement de Madame Y...), qu'en effet, l'employeur en était informé dès le début, de sorte qu'en application des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, cet avertissement doit être annulé.

L'APPASE explique n'avoir été informée des faits sanctionnés que le 6 Octobre 2010, à travers le courrier du syndicat qui se plaignait de l'attitude de Monsieur X..., soit moins de 2 mois avant l'envoi de la lettre d'avertissement.

La cour relève que Monsieur X... ne produit aucun élément, ni pièce de nature à établir la date à laquelle a été engagée la procédure de licenciement de Madame Y...et à contredire les termes de la lettre d'avertissement qui fait référence au courrier du syndicat, date à laquelle l'employeur a eu connaissance des faits qui lui ont été reprochés.

Il y a lieu dès lors de considérer que l'avertissement, dont Monsieur X... ne conteste pas le bien fondé, a été notifié dans le délai légal sus-visé.

Monsieur X... sera débouté de ce chef de demande » ;

Alors que il appartient à l'employeur d'établir qu'il n'a été informé des faits que moins de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'en l'espèce, en imposant à M. X... qu'il établisse la date des faits allégués de fautifs par son employeur et leur connaissance par ce dernier avant le courrier du syndicat du 6 octobre 2010 qui se plaignait de l'attitude de M. X..., soit à l'intérieur du délai de deux mois, au lieu de faire peser sur l'employeur la charge de prouver ses allégations, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article L. 1332-4 du Code du Travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Jean-Marie X... de sa demande de dommages-intérêts pour mesures vexatoires en raison du harcèlement moral qu'il avait subi ;

Aux motifs que : « Monsieur X... sollicite la somme de 20 000 € « à ce titre s'appuyant sur l'attestation de Monsieur Z...qui a attesté des mesures de harcèlement mises en place pour le déstabiliser » sur le fondement de l'article 1134 du code civil.

Monsieur X... ne fournit aucune explication, ni autre élément pour étayer cette prétention.

Il convient de relever que cette seule attestation ne suffit pas à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article 1134 du code civil et des articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1154-1 du code du travail.

Monsieur X... sera débouté de ce chef de prétention » ;

Alors que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié, lequel n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent d'en présumer l'existence ; qu'en l'espèce, en refusant de reconnaître à l'attestation de M. Z..., qui témoignait expressément et de façon circonstanciée des mesures de harcèlement mises en place pour déstabiliser M. X..., la valeur d'élément de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral et en exigeant de celui-ci qu'il fournisse, en sus, des explications et éléments supplémentaires pour étayer sa prétention, la Cour d'appel a imposé au salarié la charge d'une preuve renforcée et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du Travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Jean-Marie X... de ses demandes liées au licenciement ;

Aux motifs que : « Sur le licenciement

Selon l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Aucune disposition légale n'interdit à l'employeur d'invoquer plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne du salarié à la condition qu'ils procèdent de faits distincts et que les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement soient respectées.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, liste des faits liés au comportement de Monsieur X... à l'égard d'autres salariés et des faits liés aux conditions dans lesquelles Monsieur X... a exécuté le contrat de travail, l'ensemble de ces faits étant qualifiés de faute grave.

Monsieur X... fait valoir que, régulièrement depuis son embauche, il a été salué par la présidence de l'APPASE pour son implication, qu'un climat de rupture s'est installé lors de l'arrivée de la nouvelle directrice générale et a perduré jusqu'à la fin de son contrat.

Il explique que le rapport rédigé le 16 Décembre 2008 par l'association régionale ACT Méditerranée sur le mal-être existant au sein de l'établissement a conclu à la nécessité de repositionner l'équipe dirigeante, c'est-à-dire les chefs de service sous les ordres du directeur d'établissement en améliorant le recrutement du personnel et en redéfinissant le rôle de chacun.

Il expose qu'il a, dans un courrier en date du 11 Mai 2009, répondu de façon très circonstanciée, et points par points, à la lettre d'observation qui lui a été adressée le 16 Avril 2009 et que ce courrier n'a donné lieu à aucun démenti ni réaction de la part de la présidence.

Il indique qu'à compter du mois de Janvier 2010, la présidence de l'association a mis en place une politique visant à dresser l'ensemble des employés de Tremplin 04, y compris les chefs de service, qu'à la suite de plusieurs réunions des cadres, le bureau de la direction a décidé de la mise en place d'un conseil de tutelle qui a encouragé, au sein des salariés de Tremplin, un esprit de délation.

Il soutient que les griefs évoqués par la lettre de licenciement ainsi que les documents visés par celle-ci relèvent de l'incompétence professionnelle et non pas du droit disciplinaire, et qu'en l'absence de mauvaise volonté délibérée visée, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir que l'APPASE ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité des faits qui lui sont reprochés que ce soit les injures, les faits de dénigrements, d'humiliation ou d'un quelconque harcèlement vis-à-vis de qui que ce soit.

Il affirme que ce qui lui est reproché consiste dans une gestion incorrecte de l'établissement avec une incapacité à conserver un personnel stable, à organiser les emplois du temps, à délimiter les fonctions de chacun, à répercuter les informations au siège, à assouplir son relationnel avec ses subordonnés … c'est-à-dire des insuffisances professionnelles.

Monsieur X... conteste en tout état de cause les faits qui lui sont reprochés, affirme que le turn-over des salariés ne lui est pas imputable, que les appréciations et critiques formulées par les salariés à son égard sont subjectives, que le rapport établi par Madame A..., psychologue, qui dénonce un malaise entre le personnel et la direction composée du directeur et des chefs de service, ne doit pas être pris pour parole d'Evangile et ne formule aucune accusation spécifique à son encontre.

Il explique que contrairement aux affirmations de son employeur, il a tenu au courant le conseil de tutelles des démarches entreprises avec la médecine du travail et l'inspection du travail au sujet de la mise en place du document unique d'évaluation des risques et que les délégués du personnel ont été associés à la mise en place de ce document.

Il ajoute que Monsieur Z..., administrateur au sein de l'APPASE, atteste que son licenciement a été décidé sans consultation préalable et avis du conseil exécutif et dénonce l'acharnement des co-présidents à mettre en cause de façon permanente, ses compétences, sa manière de diriger …

L'association APPASE explique que les fonctions de Monsieur X... s'organisaient autour du secteur social et médico-social et impliquaient la définition des enjeux, l'identification du contexte et des évolutions, l'appréhension des stratégies, l'animation et la gestion des ressources humaines.

Elle expose que si Monsieur X... a toujours donné satisfaction dans son rôle de planificateur et d'organe de pilotage, son management a, de façon répétée, révélé un style de commandement centralisé, avec des procédures de contrôle considérées comme autoritaires et tatillonnes par ses subordonnés.

Elle affirme que Monsieur X... a été plusieurs fois invité à faire preuve de souplesse, à modifier ses méthodes de management.

Elle fait valoir que le licenciement de Monsieur X... est fondé sur deux motifs, l'un de nature disciplinaire lié à son comportement inacceptable vis-à-vis de ses subordonnés, ses propos déplacés et son attitude méprisante, griefs qui constituent une faute grave, le second constitutif d'une insuffisance professionnelle caractérisée par l'incompétence de Monsieur X... à accroître la cohésion et l'efficacité des groupes de travail placés sous son autorité, son insuffisance technique dans la mise en oeuvre des procédures sociales et son incapacité d'apprécier ses lacunes.

Elle soutient que rien n'interdit à l'employeur d'invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, à condition que les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement soient respectées.

Elle décrit et commente de façon chronologique les rapports de situation et les observations adressées à Monsieur X... et visés par la lettre de licenciement :

- Le 21 Décembre 2006, le président de l'APPASE a informé Monsieur X... que l'un des délégués syndicaux s'était plaint du mauvais climat relationnel qui régnait dans son établissement et de son attitude vis-à-vis de certains de ses collaborateurs et a été invité à faire preuve de vigilance dans ses propos.

- Le 12 Novembre 2008, la direction de l'APPASE a réceptionné un courrier de Monsieur B...qui se plaignait des difficultés à travailler aux côtés de Monsieur X... dont les méthodes de management s'apparentent à du harcèlement moral. Cet ancien chef de service fait état d'accès de colère et d'attitudes d'intimidation de la part du directeur, d'une direction intransigeante et s'interroge sur la compétence et les pratiques de ce directeur.

- Le rapport d'audit établi par ACT Méditerranée le 16 Décembre 2008 fait état d'un mal être chez les salariés dont certains évoquent une souffrance au travail, des revendications des salariés sur l'organisation du travail, notamment la lourdeur des procédures, la gestion et le management, l'existence d'un turn-over important, la longueur et l'importance des arrêts maladie.

Il est également noté que les salariés souhaitent bénéficier de plus de reconnaissance de leur travail et de plus de soutien, ressentent une sensation de flou dans les prises de décision et les fonctions de chacun, se plaignent d'une absence de rigueur dans la gestion des plannings et de participer à des réunions démotivantes, sans ordre du jour préalablement fixé …

- Le 16 Avril 2009, l'APPASE a adressé certaines observations au salarié et lui a notamment reproché la persistance des dysfonctionnements révélés par l'audit, voire leurs accentuations, le manque de communication avec ses chefs de service, le caractère maladroit de sa décision d'avoir fait frapper une lettre de reproche par cellelà même qui en était destinataire.

Il lui était demandé de transmettre avant le 4 Mai 2009 la liste des démarches et mesures prises afin d'améliorer le fonctionnement de son établissement.

- Le procès-verbal du comité d'entreprise du 22 janvier 2010, le rapport du 19 Janvier 2010, les divers courriers et procès-verbaux des réunions administratives, datés de 2011, mettent en exergue la persistance des dysfonctionnements et du mauvais climat social, la peur de certains salariés à prendre la parole lors des réunions, l'attitude dictatoriale et intransigeante du directeur, l'absence de communication entre Monsieur X..., le conseil de tutelle et la direction générale notamment sur le projet de repositionnement des cadres et des échanges ayant eu lieu entre Monsieur X..., l'inspection du travail et la médecine du travail concernant la sécurité du personnel, les conditions de travail et la gestion des agressions au sein de l'établissement.

- Le document d'évaluation Tremplin 04 du 29 Octobre 2010, qui reprend de façon synthétique le rapport établi par Madame A..., liste les ressentis des salariés aux termes duquel sont imputés au directeur des « propos déplacés, des jugements à l'emporte pièces, des réflexions à la limite de l'humiliation faite en public » …

- Le témoignage de Monsieur C..., coordinateur d'un des 4 services attachés à Tremplin 04, recueilli par le conseil de tutelle le 24 Mars 2011, aux termes duquel il observe que les décisions hiérarchiques manquent de cohérence, que les personnels n'ont plus confiance à leur direction, d'autant plus que cette direction manque de considération envers eux.

- Le témoignage de Mesdames D...et G...devant le conseil de tutelle le 11 Avril 2011, à l'occasion duquel il est fait référence « à la perversité, l'égocentricité et à la misogynie contenues » de Monsieur X..., à leur crainte de venir travailler, leur peur des sautes d'humeur de celui-ci, Madame D...précisant que jusqu'en 2009, Monsieur X... l'a « hélait comme une chèvre ».

L'association APPASE soutient que ces derniers événements confirmaient l'incapacité récurrente de Monsieur X... à préserver le lien social et révélaient une attitude, des propos et des actes positifs qui, dans leur expression vis-à-vis de ses collaborateurs, sont attentatoires à leur bien être et par eux-mêmes générateurs d'une souffrance au travail.

L'examen des griefs évoqués par la lettre de licenciement et des pièces s'y rapportant permet de constater que la rupture du contrat est motivée par des faits qualifiés de faute grave, distincts des faits constitutifs, selon l'employeur, d'une insuffisance professionnelle.

Il convient en conséquence d'examiner ces deux motifs de rupture.

et- Sur les faits fautifs

Il résulte des témoignages recueillis que plusieurs salariés se sont plaints de façon concordante, précise et circonstanciée, à des dates différentes et dans un contexte différent de l'attitude humiliante, insultante et méprisante de Monsieur X... et de son mode de gestion dictatorial.

L'examen des procès-verbaux du conseil de tutelle révèle que ces faits ont généré pour ces salariés un mal être et une souffrance au travail.

La cour relève que Monsieur X... qui se contente de qualifier de subjectifs les propos de Madame D...ne conteste pas sérieusement la réalité et la matérialité de ces griefs.
Il ressort de l'ensemble des pièces communiquées par l'employeur que celui-ci n'a été en mesure de prendre la mesure du caractère répété du comportement ainsi imputé à Monsieur X... qu'au mois d'Avril 2011, date à laquelle il a eu connaissance du document d'évaluation d'Octobre 2010 et des déclarations des salariés concernés recueillis par le conseil de tutelle.

La cour estime que l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur justifie la mesure de licenciement pour faute grave, eu égard aux observations et avertissement notifiés antérieurement à Monsieur X... notamment pour son autoritarisme, son manque de réflexion et de discernement et son attitude irrespectueuse des droits des salariés.

En conséquence, au vu des éléments fournis par les parties, sans qu'il soit besoin d'ordonner des mesures d'instruction qu'il estime utiles, la cour considère que ces faits constituent une violation des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis au sens des dispositions sus-visées.

et- Sur l'insuffisance professionnelle

De l'examen de l'ensemble des documents visés précédemment et commentés par chacune des parties, il ressort que Monsieur X... ne produit aucun élément de nature à contredire les faits qui lui sont reprochés et dont la cour estime qu'ils sont suffisamment étayés, notamment l'absence de travail d'équipe et de communication avec les chefs de service et la direction, la gestion des personnels et des plannings inadaptée, la mauvaise gestion des procédures sociales concernant les salariés qui sont sous son autorité …

Aux termes de l'attestation établie par Monsieur Z..., administrateur à l'APPASE versée au débat par Monsieur X..., il existe des rapports très conflictuels entre les dirigeants et trois directeurs d'établissement dont Monsieur X..., que durant les trois années de son mandat qui a débuté le 24 Juin 2009, il n'a constaté aucune amélioration du climat social, que Monsieur X... a fait « l'objet d'agissements répétés dans le but de le déstabiliser dans sa fonction de direction de la part des dirigeants », que depuis le départ de Monsieur X..., les mêmes dysfonctionnements subsistent et que la décision de licencier Monsieur X... a été prise sans consultation préalable du conseil exécutif.

Il convient de constater que les termes de ce témoignage ne permettent pas de remettre en cause la réalité et la matérialité des griefs invoqués par l'employeur.

Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que l'insuffisance professionnelle reprochée à Monsieur X... repose sur des éléments concrets et pertinents, l'employeur ayant, à plusieurs reprises, invité Monsieur X... à se conformer à ses obligations contractuelles inhérentes à ses fonctions de directeur et à améliorer son mode de gestion.

Il est par ailleurs constant au vu des derniers rapports du conseil de tutelle que l'insuffisance professionnelle était de nature à nuire aux intérêts de l'association.

La cour estime dès lors que les faits reprochés à Monsieur X... au titre de l'insuffisance professionnelle justifient la mesure de licenciement.

En conséquence, Monsieur X... sera débouté de ses demandes relatives au licenciement.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef » ;

1. Alors que, d'une part, en application de l'article 625 du Code de Procédure civile, la cassation du chef de décision ayant débouté M. X... de sa demande d'annulation de l'avertissement en date du 2 novembre 2010 entraînera l'annulation par voie de conséquence du chef l'ayant débouté de ses demandes liées à son licenciement, cette dernière mesure se rattachant par un lien de dépendance nécessaire à la sanction disciplinaire prononcée le 2 novembre 2010, à laquelle elle faisait suite et sur laquelle elle s'appuyait notamment pour justifier la rupture du contrat de travail ;

2. Alors que, d'autre part, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou même les avoir relatés ; que, dès lors, en application de l'article 625 du Code de Procédure civile, ensemble les article L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du Travail, la cassation du chef de décision ayant débouté M. X... de sa demande au titre du harcèlement moral qu'il avait subi entraînera l'annulation par voie de conséquence du chef l'ayant débouté de ses demandes liées à son licenciement, cette rupture de son contrat de travail se rattachant par un lien de dépendance nécessaire au harcèlement dont il avait été victime et qu'il refusait de continuer à subir ;

3. Alors que, par ailleurs, le juge ne saurait dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en l'espèce, en considérant que la lettre de licenciement de M. X... énonçait deux séries de faits distinctes respectivement qualifiées de faute grave et d'insuffisance professionnelle quand, en réalité, les mêmes faits y étaient relatés ensemble pour y être présentés, ensuite, sous ces deux qualifications alternatives différentes, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

4. Alors qu'enfin, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, l'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute ; qu'en l'espèce et en conséquence de sa dénaturation des termes clairs et précis de la lettre de licenciement, la Cour d'appel, qui a refusé de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les faits d'insuffisance professionnelle allégués contre M. X... à cette lettre relevaient d'une mauvaise volonté délibérée de sa part et, en conséquence, s'ils étaient susceptibles de justifier son licenciement pour faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19425
Date de la décision : 31/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2017, pourvoi n°15-19425


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19425
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