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24/05/2017 | FRANCE | N°15-14696

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2017, 15-14696


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 239 du code des douanes communautaire ;

Attendu qu'aux termes de cet article, il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation dans certaines situations qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifestes de la part de l'intéressé ; que la Cour de justice de l'Union européenne a énoncé que les dispositions de cet article sont d'interprétation stricte, que seuls peuvent en bén

éficier les opérateurs placés dans une situation exceptionnelle par rapport aux a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 239 du code des douanes communautaire ;

Attendu qu'aux termes de cet article, il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation dans certaines situations qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifestes de la part de l'intéressé ; que la Cour de justice de l'Union européenne a énoncé que les dispositions de cet article sont d'interprétation stricte, que seuls peuvent en bénéficier les opérateurs placés dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité les conduisant à supporter des préjudices dépassant les risques commerciaux ordinaires, et à condition d'avoir accompli toutes les diligences pour éviter le préjudice qu'ils prétendent avoir subi (29 avril 2004, British American Tobacco, C-222/01, points 62 à 64 ; 11 novembre 1999, Söhl et Söhlke, C-48/98, point 52) ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société DHL Global Forwarding France (la société DHL), commissionnaire en douane, a fourni ses prestations à la société Outiror en acceptant de lui avancer le montant des droits de douane et de la TVA dont celle-ci était redevable au moment de la souscription des déclarations d'importation ; que la société Outiror ne lui ayant plus remboursé ses avances, la société DHL a cessé ses prestations ; que par ordonnance du 22 janvier 2007, le juge des référés d'un tribunal de commerce, saisi par la société Outiror, a enjoint à la société DHL de maintenir ses prestations au profit de sa cliente pendant une durée de douze mois et, notamment, de continuer à faire l'avance des droits et taxes, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard ; qu'un arrêt du 22 février 2007 a infirmé cette ordonnance ; que la société DHL n'a pas déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Outiror, ni demandé à être relevée de sa forclusion dans le délai légal ; que le 3 septembre 2007, la société DHL a déposé, sur le fondement de l'article 239 du code des douanes communautaire, une demande de remboursement des droits et taxes dont elle avait fait l'avance entre le 26 janvier et le 22 février 2007, puis, le 17 janvier 2012, a assigné l'administration des douanes à cette fin ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société DHL, l'arrêt retient que cette dernière a dû déférer à une décision de justice exécutoire assortie d'une astreinte dissuasive qui lui imposait, d'une façon dont il est définitivement jugé qu'elle était illégitime, de faire l'avance de très importants droits et taxes au profit d'un client dont la solvabilité douteuse l'alertait sans qu'elle pût s'en prémunir, se voyant interdire de réclamer l'avance qu'il est alors d'usage d'obtenir, et même contrainte d'accorder d'importants délais de remboursement, à peine d'accroître son encours, de fragiliser sa position et de devoir financer la poursuite d'activité d'un opérateur en pleine déconfiture ; qu'il ajoute que le paiement des sommes litigieuses ne procédait d'aucune négligence manifeste de la part de la société DHL qui avait contesté l'ordonnance de référé en se faisant autoriser à agir à jour fixe et s'était mise en état si rapidement que l'affaire avait pu être retenue en quelques jours devant la cour d'appel, dont l'arrêt infirmatif était intervenu un mois après la décision déférée, manifestant ainsi une diligence exempte de toute faute ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une situation exceptionnelle de la société DHL par rapport aux autres opérateurs économiques exerçant la même activité, et sans rechercher si la société DHL avait pris toutes les décisions utiles pour se prémunir de l'insolvabilité et de la faillite de la société Outiror, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société DHL Global Forwarding France, l'arrêt rendu le 15 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société DHL Global Forwarding France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects et la direction régionale des douanes et droits indirects du Centre.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que la société DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE a été contrainte par une décision de justice assortie d'une astreinte à faire l'avance de droits et taxes pour le compte de la société OUTIROR, d'AVOIR dit qu'elle s'est trouvée, en cela, dans une situation particulière par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité, d'AVOIR dit qu'elle n'a fait montre d'aucune négligence ou manoeuvre et d'AVOIR condamné en conséquence la direction régionale des douanes et droits indirects du Centre à rembourser à la société DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE l'ensemble des droits et taxes acquittées auprès de la recette principale des douanes de TOURS entre le 27 janvier et le 22 février 2007, soit les sommes de 33.261 euros au titre des droits de douane, 168.718 euros au titre de la TVA à l'exportation et 143 euros au titre des droits de port et autres taxes nationales ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article 239 du Code des douanes communautaire, invoqué par l'administration à l'appui de son refus, le débiteur d'une dette douanière qui justifie se trouver dans une situation particulière par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité et qui démontre qu'aucune négligence manifeste et/ou manoeuvre ne lui est imputable, a le droit d'en obtenir le remboursement ou la remise ; qu'en l'espèce, les sommes litigieuses, soit 202.122 euros au total, n'ont été déboursées par la société DHL que pour déférer à une décision de justice exécutoire qui le lui commandait sous peine d'être redevable d'une astreinte fixée à la somme exceptionnellement comminatoire de 20.000 euros par jour de retard, dont le montant, sur la période du 27 janvier au 22 février 2007 où elle a dû s'exécuter, se serait donc élevé à la somme, très supérieure, de euros ; que, dans son arrêt du 22 février 2007 par lequel elle a infirmé cette décision, la Cour de céans a déjà indiqué que DHL venait de se voir contraindre le 11 janvier 2007 par une précédente ordonnance à faire cesser le droit de rétention qu'elle exerçait au préjudice d'OUTIROR sur 130 conteneurs de marchandises encore sous son contrôle pour sûreté d'une créance d'1.300.000 euros résultant de factures impayées de mai à décembre 2006 incluant les dédouanements dont elle avait fait l'avance, en se voyant imposer d'en être réglée sur vingt-quatre mois ; que la situation de trésorerie d'OUTIROR, alors en procédure de conciliation, ne permettait à celle-ci ni de reprendre possession des marchandises ainsi rendues à sa disposition, ni a fortiori d'en régler les frais de dédouanement et de manutention, évaluables à eux seuls à environ 1.000.000 euros ; et que si l'ancienneté des relations commerciales entre les parties pouvait justifier d'imposer à DHL de maintenir pendant une certaine durée les prestations qu'elle assumait au profit d'OUTIROR, ce ne pouvait être, comme ordonné par le juge des référés, en l'obligeant à dédouaner sans provision préalable ces marchandises et celles à venir, ce qui aggraverait encore son encours en contrepartie d'un hypothétique remboursement, mais aux conditions légales et contractuelles antérieures, et donc, vu l'importance des inexécutions de sa cocontractante, désormais à la condition d'avoir reçu d'elle provision préalable pour l'accomplissement des formalités douanières et relatives à la TVA ; que c'est donc bien dans le cadre d'une situation exceptionnelle la plaçant dans une position particulière par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité, et non pas du tout dans le cadre d'un aléa normal inhérent à son activité économique et au risque commercial auquel est exposé tout commissionnaire comme le soutient l'administration, que DHL a versé les sommes litigieuses, puisqu'elle ne l'a fait que pour déférer à une décision de justice exécutoire assortie d'une astreinte extrêmement dissuasive qui lui imposait, d'une façon dont il est définitivement jugé qu'elle était illégitime, de faire l'avance de très importants droits et taxes au profit d'un client dont la solvabilité douteuse l'alertait sans qu'elle pût s'en prémunir, se voyant interdire de réclamer l'avance qu'il est alors d'usage d'obtenir, et même contrainte d'accorder d'importants délais de remboursement, à peine d'accroître son encours, de fragiliser sa position et de devoir financer la poursuite d'activité d'un opérateur en pleine déconfiture ; et que contrairement à ce que soutient l'administration, le paiement des sommes litigieuses ne procédait, de la part de DHL, d'aucune négligence manifeste ; qu'elle a contesté l'ordonnance de référé en se faisant autoriser à agir à jour fixe, et s'est mise en état si rapidement que l'affaire a pu être retenue en quelques jours devant la cour, dont l'arrêt infirmatif est intervenu un mois après la décision déférée ; qu'il est vain, de la part de l'intimée, de faire valoir que le commissionnaire aurait négligé de se couvrir du risque en demandant à sa cliente une provision ou en persistant dans le régime de représentation indirecte en douane qui le rend solidairement tenu des droits et taxes avec son mandant, puisque les sommes versées l'ont été précisément en vertu d'une décision de justice qui imposait à DHL de maintenir son concours dans les mêmes conditions, lui interdisait de solliciter toute provision, et lui imposait même d'être remboursée à tempérament, et sur un long délai ; qu'il est tout aussi inopérant, pour la direction des douanes, de soutenir que ce paiement ne serait que la conséquence du choix de DHL d'avoir mis en oeuvre son droit de rétention, alors que ce recours au droit de rétention par un commissionnaire impayé depuis plusieurs mois d'un très important montant de factures constituait, tout au contraire, une manifestation de diligence exempte de toute faute et propre à lui conférer en application des articles 2324 et 2347 du Code civil et L.132-2 et L.521-3 du Code de commerce le plus efficace et le mieux classé des privilèges pour garantir sa créance en principal, intérêts, commissions et frais, y compris en cas de mandat ad hoc ou de procédure collective, contrairement au recours à la banale procédure d'injonction de payer de droit commun vantée par l'administration, qu'une simple opposition du débiteur met à néant et qui ne confère aucune sorte de privilège à la créance reconnue ; que l'action en remboursement est ainsi bien fondée et sera accueillie pour le montant sollicité, conforme aux productions, et non contesté en lui-même ;

1°) ALORS QUE ne peuvent prétendre bénéficier d'un remboursement de droits que les opérateurs qui sont placés dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité les conduisant à supporter des préjudices dépassant les risques commerciaux ordinaires ; que tel n'est pas le cas lorsqu'est rendue à l'encontre de l'opérateur une décision de justice qui lui est financièrement défavorable et qui fait par la suite l'objet d'une infirmation, ce qui constitue un risque commercial ordinaire dont tout opérateur économique doit tenir compte ; qu'en affirmant que la SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE avait été placée dans une situation exceptionnelle du fait qu'elle n'avait versé les droits litigieux que pour déférer à une décision de justice exécutoire assortie d'une astreinte dissuasive ultérieurement jugée illégitime, la Cour d'appel a violé l'article 239 du Code des douanes communautaire ;

2°) ALORS QUE ne peuvent prétendre bénéficier d'un remboursement de droits que les opérateurs qui sont placés dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité les conduisant à supporter des préjudices dépassant les risques commerciaux ordinaires ; que tel n'est pas le cas lorsque les droits payés par l'opérateur n'ont pu être récupérés du fait de l'insolvabilité ou de la faillite de l'un de ses cocontractants qui constituent des risques commerciaux ordinaires dont tout opérateur économique doit tenir compte ; qu'en considérant que la SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE avait été placée dans une situation exceptionnelle du fait qu'elle avait dû faire l'avance d'importants droits et taxes à sa cliente, la société OUTIROR, dont la solvabilité douteuse l'alertait et de financer ainsi la poursuite d'activité d'un opérateur en pleine déconfiture, la Cour d'appel a derechef violé l'article 239 du Code des douanes communautaire ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, ne peuvent pas prétendre bénéficier d'un remboursement de droits les opérateurs qui ont commis une négligence manifeste, ce qui est le cas lorsqu'ils n'ont pas fait toutes diligences pour éviter le préjudice qu'ils allèguent avoir subi ; qu'en affirmant que la SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE n'aurait commis aucune négligence manifeste du fait qu'elle avait exercé son droit de rétention, qu'elle avait contesté au plus vite l'ordonnance de référé qui l'avait condamnée à faire l'avance des droits et taxes litigieux et que cette décision lui imposait de maintenir son concours sans pouvoir solliciter de provision, sans rechercher, comme cela le lui était demandé, si la société commissionnaire n'avait pas omis, dans la période qui a précédé l'exercice de son droit de rétention, comme dans celle qui a suivi le prononcé de l'arrêt ayant infirmé l'ordonnance de référé, de prendre toutes décisions lui permettant de se prémunir contre l'insolvabilité et l'état de faillite de la société OUTIROR, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 239 du Code des douanes communautaire.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-14696
Date de la décision : 24/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Droits - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions - Détermination

Aux termes de l'article 239 du code des douanes communautaire, il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation dans certaines situations qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifestes de la part de l'intéressé. La Cour de justice de l'Union européenne a énoncé que les dispositions de cet article sont d'interprétation stricte, que seuls peuvent en bénéficier les opérateurs placés dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité les conduisant à supporter des préjudicies dépassant les risques commerciaux ordinaires, et à condition d'avoir accompli toutes les diligences pour éviter le préjudice qu'ils prétendent avoir subi (29 avril 2004, British American Tobacco, C-222/01, points 62 à 64 ; 11 novembre 1999, Söhl et Söhlke, C-48/98, point 52)


Références :

article 239 du code des douanes communautaire

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 15 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2017, pourvoi n°15-14696, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.14696
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