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18/05/2017 | FRANCE | N°16-13799

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 mai 2017, 16-13799


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Gilles X..., grand reporter couvrant le conflit armé en Syrie, est décédé le 11 janvier 2012 à Homs lors d'un échange de tirs alors qu'il accomplissait son métier de journaliste ; que son père et sa soeur, M. et Mme X..., ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions de demandes en paiement d'une somme à titre de provision en r

éparation de leur préjudice moral ;

Attendu que, pour y faire droit, l'arrêt én...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Gilles X..., grand reporter couvrant le conflit armé en Syrie, est décédé le 11 janvier 2012 à Homs lors d'un échange de tirs alors qu'il accomplissait son métier de journaliste ; que son père et sa soeur, M. et Mme X..., ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions de demandes en paiement d'une somme à titre de provision en réparation de leur préjudice moral ;

Attendu que, pour y faire droit, l'arrêt énonce que les circonstances de la mort de Gilles X... induisent l'existence de l'élément matériel de l'infraction de meurtre réprimé par les dispositions de l'article 221-1 du code pénal ou d'homicide involontaire puni par les dispositions de l'article 221-6 du même code dans l'hypothèse où il n'aurait pas été personnellement visé par le tireur et qu'il a donc bien été victime d'un fait, volontaire ou non, qui présente le caractère matériel d'une infraction et que, si les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale comportent des exceptions visant les accidents de la circulation routière et les atteintes ayant pour origine un acte de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles, aucune ne concerne le décès survenu lors d'opérations militaires au cours d'un conflit opposant l'armée d'un Etat à des forces rebelles ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que le seul fait que le décès de Gilles X... soit survenu lors de combats au cours d'un conflit opposant l'armée d'un Etat à des forces rebelles ne suffit pas à établir que ce décès résulte de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction ouvrant droit à l'indemnisation prévue par le texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réforme le jugement déféré, d'AVOIR condamné le FGTI à payer à Mme Valérie X... la somme de 12. 000 euros, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral consécutif au décès de son frère Gilles X..., et d'AVOIR condamné le FGTI à payer à M. Georges X... la somme de 25. 000 euros, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral consécutif au décès de son fils Gilles X... ;

AUX MOTIFS QUE sur le droit à indemnisation, il résulte des dispositions de l'article 706-3 du Code de procédure pénale que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne lorsque ces faits ont entraîné, notamment, la mort, à l'exclusion des atteintes à la personne relevant de l'application de la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ou ayant pour origine un acte de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles ; que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, retenant que la seule production d'un acte de décès est insuffisante à caractériser une infraction pénale et que le décès étant survenu lors d'opérations militaires au cours d'un conflit opposant l'armée syrienne à des forces rebelles au régime politique constituent des conditions excluant l'indemnisation prévue par les dispositions précitées, a ajouté deux conditions à la loi ; qu'en premier lieu l'article 706-3 du Code de procédure pénale n'exige pas la preuve d'une infraction pénale, mais seulement de son élément matériel, or en l'espèce les consorts X... établissent désormais, par la production de son acte de décès mais également par des communiqués de la présidence de la République, du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères que Gilles X... est décédé lors d'un échange de tirs dans le cadre d'une attaque à Homs en Syrie alors qu'il accomplissait son métier de journaliste ; que les circonstances de cette mort induisent l'existence de l'élément matériel de l'infraction de meurtre réprimé par les dispositions de l'article 221-1 du Code pénal ou d'homicide involontaire puni par les dispositions de l'article 221-6 du même Code dans l'hypothèse où Gilles X... n'aurait pas été personnellement visé par le tireur ; que Gilles X... a donc bien été victime d'un fait, volontaire ou non, qui présente le caractère matériel d'une infraction ; que les dispositions de l'article 706-3 du Code de procédure pénale comportent, en outre, des exceptions visant les accidents de la circulation routière et les atteintes ayant pour origine un acte de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles, mais aucune ne concerne le décès survenu lors d'opérations militaires au cours d'un conflit opposant l'armée d'un État à des forces rebelles, exception qu'a pourtant caractérisée la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, étant surabondamment relevé que la jurisprudence invoquée par le Fonds de garantie exclut la garantie d'une atteinte causée à un soldat dans le cadre d'une opération militaire de riposte ordonnée par le Président de la République car constituant une infraction politique, alors que le fait pour un tireur d'atteindre, lors de combats, un journaliste qui n'y participait pas, ne saurait caractériser une infraction politique ; qu'au demeurant, les dispositions de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, exigeant l'existence d'un fait volontaire ou non présentant le caractère matériel d'une infraction, n'excluent pas plus les infractions politiques ; que le jugement déféré sera, en conséquence, réformé en ce qu'il a débouté les consorts X... de leurs demandes de réparation ; que, sur le montant de l'indemnisation provisionnelle, Mme Valérie X... et Monsieur Georges X... sollicitent une indemnisation provisionnelle de leur préjudice moral ; qu'il sera alloué à madame Valérie X..., en sa qualité de sœur de la victime, une provision de 12. 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral ; concernant monsieur Georges X..., père de la victime, le montant de cette provision sera fixé à la somme de 25. 000 euros ;

1) ALORS QUE ne présentent pas le caractère matériel d'une infraction les faits survenus à l'occasion d'affrontements entre deux factions opposées d'une guerre civile ; qu'en jugeant que M. X... avait été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction, quand il ressortait de ses propres constatations qu'il avait été victime d'un tir de mortier à Homs, en Syrie, dans une zone d'affrontements entre l'armée fidèle au régime et des forces rebelles, la Cour d'appel a violé l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge qui retient la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction doit préciser la nature et les éléments matériels de l'infraction dont elle estime que le demandeur à l'action a été victime ; qu'en se bornant à relever que « Gilles X... est décédé lors d'un échange de tirs dans le cadre d'une attaque à Homs en Syrie » et que « les circonstances de cette mort induisent l'existence de l'élément matériel […] d'homicide involontaire puni par les dispositions de l'article [du Code pénal] dans l'hypothèse où Gilles X... n'aurait pas été personnellement visé par le tireur » (arrêt, p. 4, in fine et p. 5, in limine), sans caractériser la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement imputable à l'auteur de l'infraction qu'elle retenait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 221-6 du Code pénal et 706-3 du Code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-13799
Date de la décision : 18/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 21 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 mai. 2017, pourvoi n°16-13799


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13799
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