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18/05/2017 | FRANCE | N°15-18404

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 mai 2017, 15-18404


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ont été ouverts dans les livres de la société Banque populaire Lorraine Champagne, devenue la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), un compte joint au nom de Mme X...et de M. François Y..., alors époux de cette dernière, deux Plans épargne logement (PEL), l'un au nom de Mme X..., et l'autre à celui de son fils, M. Stéphane Y..., ainsi qu'un compte au nom de la SARL Société des transports Y..., alors dirigée par M. François Y... ; qu'entre

octobre 2004 et mars 2005, divers virements ont été effectués au profit ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ont été ouverts dans les livres de la société Banque populaire Lorraine Champagne, devenue la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), un compte joint au nom de Mme X...et de M. François Y..., alors époux de cette dernière, deux Plans épargne logement (PEL), l'un au nom de Mme X..., et l'autre à celui de son fils, M. Stéphane Y..., ainsi qu'un compte au nom de la SARL Société des transports Y..., alors dirigée par M. François Y... ; qu'entre octobre 2004 et mars 2005, divers virements ont été effectués au profit de ce dernier compte en provenance tant du compte joint, qui avait notamment été crédité du solde du PEL de Mme X..., que du PEL de M. Stéphane Y... ; que le 12 octobre 2006, M. Stéphane Y... et Mme X... ont mis en demeure la banque de justifier de l'autorisation qui lui aurait été donnée de réaliser ces opérations ; qu'ils l'ont ensuite assignée en remboursement ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil et l'article 1341 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à Mme X... la somme de 26 720 euros et à M. Stéphane Y... celle de 7 752, 61 euros, outre intérêts capitalisés, l'arrêt retient que la banque est dans l'impossibilité de produire le moindre ordre écrit des virements contestés et n'avance aucune explication sur cette absence d'écrit, qui est contraire aux règles gouvernant le mandat, puisque, si la validité d'une autorisation de prélèvement sur un compte bancaire n'est pas subordonnée à son établissement par écrit, la preuve d'un mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences des articles 1341 et suivants du code civil qui imposent la production d'un écrit pour toutes sommes ou valeurs dépassant un certain montant fixé par décret, soit à compter du 1er janvier 2005 la somme de 1 500 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition légale n'impose qu'un ordre de virement soit prouvé par un écrit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil et l'article 1341 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à M. Stéphane Y... la somme de 7 752, 61 euros, outre intérêts capitalisés, l'arrêt retient qu'en ce qui concerne le prélèvement opéré sur le PEL de ce dernier, les règles de l'administration légale relatives à la gestion des biens des mineurs, si elles permettaient éventuellement à M. François Y..., père de M. Stéphane Y..., de réaliser une telle opération, ne dispensaient pour autant pas l'établissement bancaire, et plus spécialement dans le cas d'un mineur, de n'exécuter cette opération qu'après l'établissement d'un ordre écrit en ce sens ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition légale n'impose qu'un ordre de virement soit prouvé par un écrit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à Mme X... la somme de 26 720 euros, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que si la réception sans protestation ni réserve de relevés de compte fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, cette présomption n'est pas irréfragable et est susceptible de la preuve contraire et que le client peut toujours, soit pendant le délai convenu ou à défaut pendant le délai de prescription, reprocher à celui qui a effectué les opérations querellées d'avoir agi sans mandat, tel étant bien le cas en l'espèce des griefs formulés par Mme X... et M. Y... contre la banque qui tenait leurs différents comptes et PEL, retient que c'est sans inverser la charge de la preuve que le tribunal a constaté que la banque est dans l'impossibilité de produire le moindre ordre écrit des virements contestés ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme X..., dont elle avait constaté qu'elle n'avait pas protesté pendant un an et demi à deux ans après la réception des relevés de compte l'ayant informée des opérations litigieuses, rapportait la preuve, à sa charge, de l'absence d'ordre de virement de sa part, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne Mme X... et M. Stéphane Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Banque Populaire Lorraine Champagne à payer à madame Patricia X... la somme de 26. 720 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2008, et capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2011 et à monsieur Stéphane Y... la somme de 7. 752, 61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10juin 2008, et capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2011 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur la faute de la banque : (…) c'est sans reverser la charge de la preuve, que le tribunal a constaté à juste titre que la banque était, et est toujours, dans l'impossibilité de produire le moindre ordre écrit des virements contestés par Mme Patricia X... et Stéphane Y..., alors que la plupart de ces sommes, hormis les virements des 12 et 18 mars 2005 (700 € et 350 €) sont des sommes d'un montant conséquent et qu'en outre la BPLC n'avance aucune explication sur cette absence complète d'écrit, absence non seulement contraire à la pratique bancaire, mais principalement contraire aux règles gouvernant le mandat, puisque, si la validité d'une autorisation de prélèvement sur un compte bancaire n'est pas subordonnée à son établissement par écrit, la preuve d'un mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences des articles 1341 et suivants du code civil qui imposent la production d'un écrit pour toutes sommes ou valeurs dépassant un certain montant fixé par décret, soit à compter du 1er janvier 2005 la somme de 1500 € ; (…) La BPLC ne peut se réfugier derrière la notion de mandat apparent (ici au profit de M. Y...), notion inopérante s'agissant des transferts opérés depuis le compte joint au profit de la Société Transports Y..., dès lors que les deux époux étaient titulaires conjointement dudit compte joint et notion surtout injustifiée s'agissant des prélèvements effectués à partir du PEL de Mme Patricia X... épouse Y... ; (…) en ce qui concerne le prélèvement opéré sur le PEL de Stéphane Y..., les règles de l'administration légale relatives à la gestion des biens des mineurs, si elles permettaient éventuellement à M. François Y..., père de Stéphane Y..., de réaliser une telle opération, ne dispensaient pour autant pas l'établissement bancaire, et plus spécialement dans le cas d'un mineur, de n'exécuter cette opération qu'après l'établissement d'un ordre écrit en ce sens ; (…) au fond il y a donc lieu également d'approuver la décision prise par les premiers juges de condamner la BPLC à rembourser les sommes prélevées indûment au détriment de Mme Patricia X... épouse Y... et de Stéphane Y... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Monsieur Y... et Madame X... font valoir à juste titre que la S. A. BPLC n'a jamais démontré les demandes de réaliser ces opérations. Il est pourtant plus qu'usuel dans le secteur bancaire de rédiger un document justificatif pour toute opération, et en particulier pour les virements effectués, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un virement vers le compte d'un tiers, et ce même si les ordres de virements ont d'abord été donnés oralement. Or, la S. A. BPLC ne donne aucune explication quant à cette absence de tout document relatif aux ordres de virements. Il serait possible d'admettre, s'agissant d'une famille qui détenait plusieurs comptes dans un même établissement bancaire (compte-joint des époux, plusieurs P. E. L. dont celui de l'enfant, compte de la société dont l'époux est le gérant,...) qu'une pratique " plus souple " s'était instaurée pour certaines de ces opérations, les moins importantes, telles que par exemple les virements de 350 ou 700 euros. Mais cette explication ne convient plus, comme en l'espèce, pour des opérations très importantes telles que le virement de 20. 000 euros. À ce stade du raisonnement, il ne peut qu'être conclu que la S. A. BPLC ne démontre pas l'existence d'ordres de ses clients à l'origine des opérations litigieuses, et qu'elle ne fournit pas davantage d'explications à ce sujet. La S. A. BPLC fait encore valoir que Madame X... a été à deux reprises informée de ces opérations, par les extraits de comptes personnels et ceux de la S. T. P., le virement de 20. 000 euros du 21 octobre 2004 effectué du compte-joint des époux portant la mention " ASTE STP APPORT CIC ". Elle ajoute que le relevé de compte produit par Madame X... porte la mention manuscrite " OK " en face de cette opération, ce qui démontrerait tant sa connaissance que son approbation de cette opération. Cependant, ces arguments, bien que non dénués d'intérêt, ne démontrent pas davantage des demandes de réaliser les opérations en cause. Ainsi, la mention " OK " peut résulter d'un simple pointage " mécanique " des relevés bancaires, la vérification ne portant que sur le fait que le débit du compte-joint apparaissait bien en crédit du compte de la société. Et il en va de même pour les autres opérations dont Madame X... a été informée " en double " (extraits de comptes personnels et extraits de comptes de la société). À supposer que son ex-époux prenait seul les décisions financières concernant le ménage, Madame X... a pu ne procéder qu'à une vérification purement arithmétique en pensant que son époux avait donné ces ordres de virements. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut qu'être constaté que la preuve des demandes de réaliser les opérations litigieuses n'est pas rapportée » ;

ALORS 1°) QU'aucune disposition n'impose qu'un ordre de virement, même émanant d'un non-commerçant, soit rédigé par écrit ; qu'en considérant, pour condamner la banque à rembourser à ses clients les sommes débitées du compte au moyen des virements litigieux, que la preuve d'un mandat ne pourrait être reçue que conformément aux règles générales de la preuve des conventions et devrait répondre aux exigences des articles 1341 et suivants du code civil qui imposent la production d'un écrit pour toute somme ou valeur dépassant un certain montant, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1341 du code civil ;

ALORS 2°) QU'aucune disposition n'impose qu'un ordre de virement, même émanant d'un non-commerçant, soit rédigé par écrit ; qu'en considérant, pour condamner la banque à rembourser aux clients les sommes débitées du compte au moyen des virements litigieux, qu'elle n'aurait pas été dispensée de n'exécuter l'opération concernant le compte PEL de monsieur Stéphane Y... qu'après l'établissement d'un ordre écrit, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1341 du code civil ;

ALORS 3°) QU'en l'absence de contestation à réception de relevés de compte par le titulaire de ce compte c'est à ce dernier qu'il incombe de rapporter la preuve qu'il n'a pas donné son accord sur les opérations figurant sur ce relevé ; qu'en considérant que la banque aurait été dans l'impossibilité de produire un ordre écrit des virements contestés par madame X... et monsieur Stéphane Y..., la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS 4° QU'en l'absence de contestation à réception de relevés de compte par le titulaire de ce compte c'est à ce dernier qu'il incombe de rapporter la preuve qu'il n'a pas donné son accord sur les opérations figurant sur ce relevé ; qu'en considérant qu'« à supposer » que monsieur Y... prît les décisions financières concernant le ménage, madame X... « aurait pu » ne procéder qu'à une vérification arithmétique des relevés de compte qu'elle a reçus « en pensant » que son époux avait passé les ordres de virement, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques, impropres à renverser la présomption d'accord de madame X... aux opérations mentionnées sur les relevés, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-18404
Date de la décision : 18/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 19 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 mai. 2017, pourvoi n°15-18404


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.18404
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