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17/05/2017 | FRANCE | N°16-87320

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 mai 2017, 16-87320


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Michel Z...,
- La société Z... cap sur seine,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 15 novembre 2016, qui dans l'information suivie contre M. Pascal Z..., des chefs de proxénétisme aggravé en bande organisée, association de malfaiteurs et traite des êtres humains aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prononçant une saisie pénale immobilière ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Michel Z...,
- La société Z... cap sur seine,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 15 novembre 2016, qui dans l'information suivie contre M. Pascal Z..., des chefs de proxénétisme aggravé en bande organisée, association de malfaiteurs et traite des êtres humains aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prononçant une saisie pénale immobilière ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, M. Steinmann, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif commun aux demandeurs produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette convention, préliminaire, 706-141 à 706-147, 706-148, 706-150 à 706-152, 706-153, 706-154, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie du bien immobilier situé 170 rue du Président Wilson à Levallois-Perret ;
" aux motifs qu'il résulte des articles 131-21 du code pénal et 706-148 du code de procédure pénale la saisie à titre conservatoire, des biens de la personne mise en examen ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont elle à la libre disposition, peut être autorisée, au cours de l'instruction, que la loi qui réprime le crime ou le délit poursuivi prévoit la confiscation ; qu'en l'espèce, M. Pascal Z... a été mis en examen des chefs de proxénétisme aggravé et traite des êtres humains ainsi que d'association de malfaiteurs ; que dans l'hypothèse où il serait reconnu coupable de ces faits, il encourt au titre des articles 225-22, 225-24 et 225-25 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens lui appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; qu'il résulte de l'article 1842 du code civil que la société civile dotée de la personnalité a un patrimoine propre, distinct de celui des associés, et que de ce fait, les associés ne sont pas propriétaires des biens de la société ; que l'appartement sis 170, rue du Président Wilson à Levallois-Perret, objet de la saisie pénale, a été acquis en nue-propriété par la société civile immobilière Z... Cap/ Seine le 28 octobre 1997, l'usufruit étant détenu par M. Michel Z... ; que M. Pascal Z... détient 98 % des parts de la société civile immobilière, tandis que son père, gérant de la société, en détient 2 % ; qu'il est donc acquis que M. Pascal Z... n'est aucunement le propriétaire du bien saisi ; qu'il convient dès lors de déterminer si l'immeuble litigieux, actif de la société civile immobilière, peut être considéré comme un bien dont, en sa qualité d'associé, M. Pascal Z... a la libre disposition et qu'il en est ainsi le " propriétaire économique réel " ; que le droit de disposer d'un bien, prérogative essentielle du droit de propriété, dont est titulaire tout propriétaire ou nu-propriétaire, ne se limite pas au pouvoir d'aliénation de ce bien, mais recouvre également d'autres pouvoirs, notamment celui de décider de son affectation ou de modifier sa destination ; qu'ainsi la notion de libre disposition d'un bien immobilier ne saurait être uniquement réduite à la vente d'un bien immobilier ; qu'en l'espèce, M. Pascal Z..., en détenant 98 % des parts sociales de la société, possède la quasi-totalité des votes ; que cette large majorité, au-delà de la seule maîtrise de la répartition des bénéfices sociaux, lui confère, par le biais des décisions prises en assemblée générale extraordinaire, conformément à l'article 18 des statuts de la société civile immobilière, tous pouvoirs quant à l'existence et au patrimoine de la société, de sorte qu'il doit être regardé, au sens de l'article 131-21 du code pénal, comme ayant la libre disposition de cet élément d'actif que constitue l'immeuble saisi ; qu'en outre, si la société civile immobilière Z... Cap/ Seine peut effectivement être qualifiée de propriétaire de bonne foi, ses droits sont préservés à ce stade, l'ordonnance de saisie prise par le juge d'instruction ayant, par essence, un caractère conservatoire et non définitif, et que, s'agissant de M. Michel Z..., n'ayant que le droit d'usage et de jouissance découlant de sa seule qualité d'usufruitier, il ne saurait alléguer cette qualification de propriétaire de bonne foi, n'ayant aucun des droits de disposer du bien attachés à la propriété dudit bien ; que c'est donc à juste titre que le magistrat instructeur a, sur réquisitions conformes du procureur de la République, en date du 5 avril 2016, ordonné le 8 avril 2016 la saisie pénale de l'appartement situé 170, rue du Président Wilson à Levallois-Perret (92) dont la société civile immobilière Z... Cap/ Seine est nue propriétaire et dont l'usufruitier est M. Michel Z... ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise prise ;
" 1°) alors qu'en application de l'article 706-148 du code de procédure pénale, la saisie de tout ou partie des biens de la personne mise en examen en vue de garantir l'application éventuelle d'une peine de confiscation générale du patrimoine ne peut intervenir que sur requête du procureur de la République ou d'office après avis du ministère public ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 8 avril 2016, le juge d'instruction a, sur le fondement des articles 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale, ordonné la saisie en valeur d'un bien immobilier dont la nue-propriété appartient à la société civile immobilière Z... et dont l'usufruit appartient à M. Michel Z... ; que la chambre de l'instruction ne pouvait substituer ses motifs à ceux de l'ordonnance de saisie en jugeant que celle-ci avait pour objet de garantir la peine de confiscation générale du patrimoine, en l'absence d'avis du ministère public à propos d'une telle saisie ;
" 2°) alors qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction, statuant sur appel d'une ordonnance de saisie, ne peut modifier d'office le fondement de celle-ci sans avoir invité au préalable les parties à en débattre ; qu'en remplaçant la saisie en valeur qui avait été décidée par le juge d'instruction par une saisie de patrimoine, sans avoir invité les parties à en débattre, la chambre de l'instruction a violé les textes précités ;
" 3°) alors que seuls les biens dont le mis en examen a la libre disposition sont confiscables ; que c'est en violation de ce principe que la chambre de l'instruction a prononcé la saisie d'un bien dont la nue-propriété appartient à une société civile immobilière dans laquelle le mis en examen ne détient pas la totalité des parts, et dont l'usufruit appartient à M. Michel Z... ; qu'il en résulte en effet que la personne mise en examen ne peut être considérée comme ayant en l'espèce la libre disposition de ce bien ;
" 4°) alors que les saisies pénales spéciales doivent être mises en oeuvre dans le respect des droits des tiers de bonne foi : qu'en saisissant un bien immobilier dont la nue-propriété appartient à la société civile immobilière Z... Cap/ Seine qu'elle a expressément qualifiée de propriétaire de bonne foi, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations " ;
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, la chambre de l'instruction, statuant sur l'appel d'une ordonnance de saisie, ne peut modifier d'office le fondement de celle-ci sans avoir invité au préalable les parties à en débattre ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Pascal Z..., mis en examen des chefs susvisés, possède 98 % des parts sociales de la société civile immobilière Z... Cap sur Seine, elle-même nue-propriétaire d'un appartement ; que son père, M. Michel Z..., gérant, détient le reste des parts, ainsi que l'usufruit de l'appartement ; que le juge d'instruction a ordonné la saisie en valeur de la nue-propriété de ce bien immobilier après avoir estimé que sa valeur était largement inférieure au produit supposé de l'infraction ; que MM. Pascal et Michel Z... et la société civile immobilière Z... Cap sur Seine ont interjeté appel ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de M. Michel Z..., qui arguait de sa bonne foi, et celle de M. Pascal Z..., mis en examen, qui faisait valoir qu'il n'est pas propriétaire de l'appartement et n'en a pas la libre disposition, la chambre de l'instruction retient qu''il s'agit d'une saisie de patrimoine et que M. Pascal Z..., mis en examen des chefs de proxénétisme aggravé, association de malfaiteurs et traite des êtres humains, encourt la peine complémentaire de confiscation de son patrimoine et doit être regardé, au sens de l'article 131-21 du code pénal, comme ayant la libre disposition de l'immeuble ;
Mais attendu qu'en modifiant ainsi le fondement de la saisie sans inviter les parties à en débattre, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 novembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept mai deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-87320
Date de la décision : 17/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 15 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 mai. 2017, pourvoi n°16-87320


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.87320
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