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04/05/2017 | FRANCE | N°15-19375;15-50051

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mai 2017, 15-19375 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° V1519375 et P1550051

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail :
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses dé

cisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° V1519375 et P1550051

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail :
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Thierry X..., décédé le 18 mars 2013, aux droits duquel viennent M. Henri X... et Mme Arlette X..., ses ayants droit, avait été engagé par la société Autoroutes Paris Rhin Rhône en 1987 en qualité d'auxiliaire, puis le 1er avril 1990 en qualité d'ouvrier routier qualifié, avant d'être affecté en mars 1996 à un poste de receveur de péage dans le district de Villefranche-sur-Saône, d'abord à temps partiel, puis après refus de plusieurs demandes, à temps complet à compter du 23 décembre 2007 ; que l'intéressé, qui avait exercé divers mandats, notamment de délégué syndical, et qui prétendait avoir été victime d'une discrimination syndicale, avait saisi le 22 novembre 2011 la juridiction prud'homale ; que ses ayants droit ont repris l'instance ;
Attendu que pour dire que Thierry X... n'avait pas été victime de discrimination syndicale et débouter ses ayants droit de leurs demandes de dommages-intérêts à ce titre et de leur demande de rappel de salaire, l'arrêt retient, après avoir examiné successivement les éléments invoqués par les ayants droit de l'intéressé, que de la confrontation de ces éléments, la cour tire la conviction que Thierry X... n'avait pas été victime d'une discrimination syndicale ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les éléments invoqués par le salarié relatifs aux refus de l'employeur de faire droit aux demandes du salarié de passer à temps complet entre le 24 juin 1998 et le 23 décembre 2007, aux trois retenues sur salaire en 2005 concernant les activités de conseiller de salarié, à la stagnation salariale de l'intéressé relative à la valorisation de la performance, à l'absence d'entretiens d'évaluation avant 2011, à la mutation en 2011 contraire à un usage et à sa conséquence sur la prime de perception, qui laissaient supposer l'existence d'une discrimination syndicale, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi des ayants droit de Thierry X... emporte la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen de ce pourvoi et relatif aux dommages-intérêts pour changement unilatéral d'affectation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Thierry X... n'a pas été victime de discrimination syndicale et en ce qu'il déboute M. Henri X... et Mme Arlette X..., ayants droit de Thierry X..., de leurs demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et pour changement unilatéral d'affectation ainsi que de leur demande de rappel de salaire, l'arrêt rendu le 1er avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points
, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Autoroutes Paris Rhin Rhône aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Autoroutes Paris Rhin Rhône et condamne celle-ci à payer à M. et Mme X... ayants droit de M. Thierry X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs et identiques produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Thierry X... n'a pas été victime de discrimination syndicale et D'AVOIR débouté les époux X... de la demande de dommages-intérêts formée à ce titre et de la demande de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QUE les ayants droit de Thierry X... arguent de plusieurs éléments qui doivent être examinés successivement ; que, sur le refus de l'employeur de compléter le temps partiel, suite à la perte de son permis de conduire, Thierry X... a été affecté en mars 1996 à un poste de receveur de péage à temps partiel car il ne pouvait plus assurer son poste d'ouvrier routier ; que l'employeur a refusé à Thierry X... son passage à temps complet le 24 juin 1998, le 31 décembre 1998, le 14 novembre 2001 et le 9 janvier 2002 ; que l'employeur a fait passer Thierry X... sur un poste de receveur à temps complet à compter du 23 décembre 2007 ; que les ayants droit de Thierry X... versent l'état du personnel intérimaire en 2010 et 2011, soit pour une période bien postérieure au temps partiel ; que, sur les trois retenues sur salaire injustifiées, les ayants droit de Thierry X... versent les fiches de paie de Thierry X... d'avril, mai, juin, juillet et août 2011 sur lesquelles n'apparaissent pas de retenue sur salaire ; que, sur la stagnation salariale, le 1er avril 1990, Thierry X... a été embauché en qualité d'ouvrier routier échelle VI, échelon 1, indice 190, 50 ; que, le 20 novembre 1990, en application de l'accord paritaire du 8 mars 1990, son emploi a été ouvrier autoroutier qualifié 1C ; que, le 1er février 1991, il a été classé à l'indice 196, 50 ; que, le 1er août 1993, il a été classé à l'indice 204 ; qu'en 1995, il a été classé à l'indice 210 ; que le 1er janvier 1996, il a été classé à l'indice 212, 60 ; qu'en mars 1996, l'employeur a affecté Thierry X... à un poste de receveur de péage à temps partiel ; qu'en décembre 2001, il a été classé à l'indice 196, 50 ; qu'au 1er janvier 2002, en application de l'accord paritaire du 29 octobre 2001, il a été classé à l'indice 237, 80 ; que, le 23 décembre 2007, il a été classé à l'indice 253 ; que, le 15 septembre 2009, en application de l'accord du 24 juillet 2009, il a été classé receveur chef, échelle VII ; que, le 27 janvier 2010, l'employeur lui a attribué la polyvalence permanente supervision ; que les ayants droit de Thierry X... versent ses fiches de paie des mois d'avril, mai, juin, juillet et août 2011 et un tableau d'évaluation des salaires pour la période du 1er janvier 2009 au 1er avril 2010 ; qu'ils ne produisent aucun élément de comparaison ; que le salaire de base se montait à 1. 695, 81 euros en mai 2011 et à 1. 702, 07 euros en août 2011 ; que les feuilles de paie montrent que Thierry X... était receveur chef, échelle 7, échelon a, indice 272 en août 2011 et en mai 2011 à l'indice 271 ; que l'employeur communique un tableau et une image informatique qui montrent que Thierry X... était à l'indice 279, 9 en janvier 2013 et se situait dans la moyenne ; que Thierry X... n'a jamais répondu aux courriers pour lesquels l'employeur lui proposait des dates de rendez-vous pour son entretien de progrès de l'année 2011 ; que, sur la tentative du chef de district de discréditer Thierry X..., le 21 septembre 2010, le chef de district a écrit à Thierry X... qu'il avait noté que le 7 septembre, il était en demi-poste en RMA et en demi-poste en délégation, que le 15 septembre il s'est déclaré gréviste pour la journée du 7 septembre, qu'un tel changement ne pouvait se faire a posteriori et que son salaire sera calculé pour le 7 septembre pour un demi-poste en RMA et un demi-poste en délégation ; que, sur la mutation et la suppression de la prime, de mai 2011 à août 2001, Thierry X... a touché une prime mensuelle de perception qui était variable ; que, depuis mars 1996, Thierry X... était receveur de péage au district de Villefranche-Limas et pouvait donc être affecté à la barrière de péage de Villefranche ou à la barrière de péage de Limas qui sont très proches l'une de l'autre ; que l'employeur a changé l'affectation de Thierry X... ce qui a influé sur la prime de perception ; que, de la confrontation de ces éléments, la cour tire la conviction, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction que les parties ne sollicitent d'ailleurs pas, que Thierry X... n'a pas été victime de discrimination syndicale ;
ALORS, 1°), QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le refus avéré de l'employeur, entre le 24 juin 1998 et le 23 décembre 2007, soit pendant près de dix ans, de faire droit à la demande du salarié tendant à un passage à temps complet, était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
ALORS, 2°), QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, dans leurs conclusions d'appel (p. 15), les époux X... soutenaient que le salarié avait été victime, dans le courant de l'année 2005, de trois retenues sur salaire injustifiées qui n'avaient été régularisées qu'après la saisine de la juridiction des référés du conseil de prud'hommes ; qu'en répondant à ce grief que les bulletins de salaire de l'année 2011 ne faisaient pas apparaître de retenue sur salaire, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une discrimination syndicale commise en 2005, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
ALORS, 3°), QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, dans leurs conclusions d'appel (p. 16), les époux X... soutenaient que le salarié n'avait bénéficié d'aucune autre augmentation de salaire que celles découlant, de manière automatique, de l'ancienneté et de la négociation annuelle obligatoire et que, notamment, aucune gratification de points d'indice ne lui avait jamais été attribuée au titre de sa performance ; qu'en se bornant à relever que l'indice de rémunération du salarié avait fait l'objet d'augmentations successives, que les ayants droit du salarié ne produisaient pas d'éléments de comparaison et que sa rémunération se situait « dans la moyenne », la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le salarié avait bénéficié d'augmentations de salaire pour la valorisation de ses performances et, dans le cas contraire, si une absence d'augmentation de salaire à ce titre était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
ALORS, 4°), QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, dans leurs conclusions d'appel (p. 16, in fine), les époux X... soutenaient que le salarié n'avait jamais bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation ; qu'en se bornant à relever, en réponse à ce grief, que le salarié n'avait pas répondu aux courriers de son employeur lui proposant des dates en vue d'un entretien d'évaluation au titre de la seule année 2011, la cour d'appel, qui, au travers de cette seule constatation isolée, s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une discrimination syndicale, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
ALORS, 5°), QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, dans leurs conclusions d'appel (p. 18), les époux X... soutenaient que l'employeur avait imposé au salarié un changement d'affectation, qui avait eu un impact négatif sur sa rémunération, au mépris de l'usage constant dans l'entreprise selon lequel, en cas de mutation, seule l'ancienneté est prise en compte pour déterminer les salariés potentiellement concernés par une mobilité ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter ce grief, que l'employeur avait exercé son pouvoir de direction, sans rechercher si la décision de changer l'affectation de Thierry X... plutôt que celle d'un autre salarié était conforme aux usages en vigueur dans l'entreprise et était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de leur demande de dommages-intérêts pour changement unilatéral d'affectation ;
AUX MOTIFS QUE, depuis mars 1996, Thierry X... était receveur de péage au district de Villefranche-Limas ; qu'il pouvait donc être indifféremment affecté à la barrière de péage de Villefranche ou à la barrière de péage de Limas, qui sont proches l'une de l'autre ; que l'employeur a changé l'affectation de Thierry X... ; que l'employeur a exercé son pouvoir de direction et d'organisation, étant observé que rien ne lui interdisait de faire tourner les receveurs sur les deux barrières ; que les éléments du dossier ne permettent pas de caractériser une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction et d'organisation ;
ALORS, 1°), QUE la cassation à intervenir sur la discrimination syndicale et, en particulier, sur la cinquième branche du premier moyen, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition relative au rejet de la demande de dommages-intérêts pour changement unilatéral d'affectation, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en considérant que l'employeur n'avait fait, en affectant le salarié à la barrière de péage de Limas, qu'exercer son pouvoir de direction, après avoir pourtant relevé que ce changement d'affectation avait exercé une influence sur la prime de perception, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19375;15-50051
Date de la décision : 04/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 01 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mai. 2017, pourvoi n°15-19375;15-50051


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19375
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