LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 janvier 2016), que, par acte du 5 mai 2010, M. [K] et Mme [N] ont vendu un bien immobilier à M. et Mme [O], par l'intermédiaire de l'agence Sarl Viza ; que, soutenant que la maison principale n'était pas raccordée au réseau d'assainissement communal, M. et Mme [O] ont assigné leurs vendeurs et l'agence immobilière en paiement du coût des travaux de raccordement et dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de constater la conformité de l'immeuble aux mentions figurant dans l'acte de vente ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte authentique de vente mentionnait que l'immeuble vendu était raccordé à l'assainissement communal, mais que le vendeur ne garantissait pas la conformité des installations aux normes en vigueur, et, souverainement retenu, sans dénaturation, qu'il ressortait des pièces du dossier que le bien était raccordé au réseau d'assainissement public, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a pu en déduire que M. [K] et Mme [N] n'avaient pas manqué à leur obligation de délivrance conforme ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation de la société Viza ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation, que le mandat donné à la société Viza ne contenait pas de mention relative à la fosse septique et retenu que celle-ci ne pouvait révéler une situation dont elle n'avait pas connaissance, la cour d'appel a pu en déduire que les demandes des acquéreurs à l'encontre de l'agent immobilier devaient être rejetées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le quatrième moyen :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que, pour condamner M. et Mme [O] à payer à la société Viza des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que l'agent immobilier ne pouvait révéler une situation dont il n'avait pas connaissance, la mention d'un tout-à l'égout étant suffisante sans qu'il soit tenu de solliciter auprès des vendeurs des éléments, et qu'il ressort des motifs ainsi exposés que l'appel formé par M. et Mme [O] est abusif à l'égard de la société Viza qui subit un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'interjeter appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. et Mme [O] à payer à la société Viza la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 22 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;
Condamne la société Viza aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [O].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté la conformité de l'immeuble aux mentions figurant dans l'acte de vente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « il est constant que l'acte authentique en date du 5 mai 2010 contient dans le paragraphe « Diagnostics techniques et environnementaux » un tableau très lisible qui mentionne à la rubrique « Assainissement » : « Immeuble d'habitation non raccordé au réseau collectif d'égout ». Le paragraphe intitulé « Assainissement » contient néanmoins des précisions en ce que : « Le vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l'immeuble vendu (maison principale et maison annexe) est raccordé à l'assainissement communal mais ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuellement en vigueur ». Par courrier du 2 septembre 2010, le service d'assainissement communal a indiqué : - qu'en ce qui concerne la maison principale, les eaux usées se rejettent dans un système d'assainissement non collectif alors que le réseau dessert la rue et qu'il faudra prévoir le raccordement au réseau public d'assainissement. – qu'en ce qui concerne la maisonnette, les eaux usées et les eaux pluviales se déversent en mélange dans le réseau public et qu'il faudra sortir les eaux pluviales afin de les ramener en épandage sur la parcelle. Il ressort ainsi des pièces du dossier que le bien est raccordé au réseau d'assainissement public (« le réseau dessert la rue »), en conformité avec les énonciations de l'acte de vente. Les vendeurs n'ont pas garanti la conformité du système et des rejets avec les normes en vigueur. En effet, la maison est reliée à une fosse septique qui a été maintenue après le raccordement au réseau public, un système de trop-plein permettant l'évacuation de la fosse vers le réseau communal. Si cette installation n'est en effet pas conforme aux normes, les acquéreurs étaient parfaitement informés par l'acte de vente d'une éventuelle non-conformité. C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que l'immeuble vendu était conforme aux éléments mentionnés dans l'acte de vente et a rejeté la demande fondée sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme »;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « L'acte de vente en date du 5 mai 2010 mentionne, tout d'abord en page 13 dans la rubrique relative aux diagnostics et la mention assainissement : « Immeuble d'habitation non raccordé au réseau collectif d'égout », puis en page 14 dans le paragraphe relatif à l'assainissement : « Le vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l'immeuble vendu (maison principale et maison annexe) est raccordé à l'assainissement communal, mais ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuellement en vigueur ». Suite au contrôle demandé par les acquéreurs le 17 août 2010, le service assainissement de [Localité 1] les informe des éléments suivants : - maison principale : les eaux usées se rejettent dans un système d'assainissement non collectif alors que le réseau desserre la rue. Il vous faudra prévoir le raccordement au réseau public d'assainissement. Par contre le raccordement est existant entre la limite de propriété et le réseau public. – maisonnette : les eaux usées et les eaux pluviales se rejettent en mélange dans le réseau public d'assainissement. Il vous faudra toutefois prévoir de sortir les eaux pluviales afin de les ramener en épandage sur la parcelle. Dans un courrier daté du 2 décembre 2010, [Localité 1] mentionne que le contrôle effectué le 17 août 2010 a constaté le raccordement de l'immeuble au réseau public d'assainissement mais mis en évidence la non conformité de ce raccordement. Il résulte des courriers du service compétent que se posait seulement le problème de la conformité de ce raccordement qui intervenait par le biais d'une fosse septique. Sur l'obligation de délivrance conforme : L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. L'acquéreur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle commandée. En l'espèce, l'acte de vente mentionne « le vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l'immeuble vendu est raccordé à l'assainissement communal, mais ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuelles en vigueur ». Les indications du service d'assainissement dans son courrier du 2 décembre 2010 qui précise que le contrôle du 17 août 2010 a constaté le raccordement de l'immeuble mais mis en évidence la non conformité de celui-ci confirment la mention de l'acte de vente. En effet le raccordement intervient par le biais d'une fosse septique, système non conforme aux exigences légales. L'immeuble vendu, compte tenu de ces éléments est conforme à ce qui a été mentionné dans l'acte de vente » ;
ALORS 1°) QU'en considérant d'une part que, par courrier du 2 septembre 2010, le service d'assainissement communal avait indiqué qu'en ce qui concernait la maison principale, les eaux usées se rejetaient dans un système d'assainissement non collectif et qu'il faudrait prévoir le raccordement au réseau public d'assainissement, d'autre part qu'il ressortirait des pièces du dossier que le bien serait raccordé au réseau d'assainissement public, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que par un courrier du 2 septembre 2010 le service Eau et assainissement du [Localité 1] a indiqué à M. [O] à propos de la maison principale : « les eaux usées se rejettent dans un système d'assainissement non collectif alors que le réseau dessert la rue. Il vous faudra prévoir un raccordement au réseau public d'assainissement » ; qu'en considérant qu'il ressortirait des pièces du dossier, notamment de ce courrier que le bien litigieux serait raccordé au réseau d'assainissement public en conformité avec les énonciations de l'acte de vente, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les éléments de la cause et de l'article 1134 d code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux [O] de leurs demandes tendant à voir constater la faute dolosive de M. [K] et Mme [N] et à dire et juger que la faute dolosive empêche l'application de toute clause limitative de responsabilité stipulée dans l'acte authentique du 5 mai 2010 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la demande fondée sur la réticence dolosive des vendeurs, les acquéreurs ne démontrent pas que les vendeurs leur auraient caché l'existence d'une fosse septique. Les vendeurs produisent le mandat consenti à une autre agence qui précise dans la description du bien : « raccordé au tout-à-l'égout (passage par ancienne fosse) » ainsi qu'une fiche de vente du bien sur laquelle figure la mention : « Le tout-à-l'égout est relié à une fosse septique ». Bien que le mandat donné à l'agence Viza ne contienne pas de mention relative à la fosse septique, les pièces précédemment citées ainsi que les mails et courriers de M. [K] et de Mme [N] permettent d'établir que les vendeurs n'ont eu aucune intention de cacher l'existence de la fosse. Les appelants ne démontrent pas leur faute dolosive ni qu'ils n'auraient pas acheté le bien s'ils avaient eu connaissance de la présence d'une fosse, étant observé qu'il est établi au dossier que les acquéreurs sont des professionnels de l'immobilier qui achètent des biens et les rénovent en vue de leur revente. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions des époux [O] sur le dol. De même, en l'absence de mauvaise foi des vendeurs, la clause d'exclusion de garantie des vices cachés reçoit application, le jugement étant également confirmé » ;
AUX MOTIFS PRESUMES ADOPTES QUE : « Sur le dol : Le dol suppose pour être constitué que les époux [O] démontrent que si la présence de la fosse septique leur avait été révélée avant la vente, cette information aurait eu pour conséquence de les empêcher de la conclure. Ils indiquent que les vendeurs connaissaient parfaitement l'existence de la fosse et qu'ils se sont volontairement abstenus de les en informer, et que n'étant nullement des professionnels ils n'avaient aucune raison de soupçonner l'omission de cette information importante. Ils ne démontrent cependant pas qu'ils n'auraient pas acquis le bien en connaissant la présence de cette fosse septique » :
ALORS 1°) QU'il n'est pas permis au juge de dénaturer l'objet du litige ; que les exposants n'invoquaient pas le dol, vice du consentement impliquant des manoeuvres ayant conduit une partie à contracter mais soutenaient, sur le fondement des articles 1147 et 1151 du code civil, que M. [K] et Mme [N] avaient commis une faute dolosive dans l'exécution du contrat en taisant l'existence d'une fosse septique ; qu'en retenant, pour rejeter la demande des exposants, que ceux-ci n'avaient pas démontré qu'ils n'auraient pas acheté le bien s'ils avaient eu connaissance de la présence d'une fosse, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QU'en considérant que les pièces précédemment citées ainsi que les mails et courriers de M. [K] et de Mme [N] permettraient d'établir que les vendeurs n'avaient eu aucune intention de cacher l'existence de la fosse, sans analyser ne serait-ce que sommairement les pièces sur lesquelles elle a fondé sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QU'en considérant qu'il serait établi au dossier que les acquéreurs seraient des professionnels de l'immobilier qui achètent des biens et les rénovent en vue de leur revente, sans indiquer ni analyser, ne serait-ce que sommairement les pièces sur lesquelles elle a fondé cette affirmation, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme [O] de leurs demandes tendant à voir dire et juger que la société Viza avait commis une faute délictuelle et la voir condamner, in solidum avec M. [K] et Mme [N] à réparer leurs préjudices ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'agissant de la responsabilité de la Sarl Viza dont le mandat ne contenait pas de précision sur la présence d'une fosse, l'agent immobilier ne pouvait révéler une situation dont il n'avait pas connaissance, la mention d'un tout-à-l'égout étant suffisante sans qu'il soit tenu de solliciter auprès des vendeurs des éléments supplémentaires. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [O] de leur demande à l'encontre de la Sarl Viza » ;
AUX MOTIFS PRESUMES ADOPTES QUE « Sur la responsabilité de l'agent immobilier. Les époux [O] reprochent à l'agent immobilier d'avoir affirmé que l'immeuble était raccordé au tout à l'égout et d'avoir omis de mentionner l'existence de la fosse septique, commettant une faute engageant sa responsabilité. Si l'agent immobilier est tenu d'une obligation de conseil vis à vis de chacune des parties à la convention et doit informer l'acquéreur des vices apparents affectant l'immeuble, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir révélé une situation dont il n'avait pas connaissance. En effet en l'espèce le mandat de vente donné à l'agence Avis (Viza SARL) mentionne le raccordement au tout à l'égout sans faire état de la présence de la fosse septique qui si elle rend le raccordement non conforme ne le supprime pas. Les acquéreurs ne justifient d'aucun élément ayant pu permettre à l'agent immobilier de douter de l'information donnée par les vendeurs, ce d'autant que cet agent n'est pas un professionnel de la construction ni des systèmes d'assainissements. En conséquence faute de démontrer une faute imputable à l'agent immobilier, les époux [O] seront déboutés de leur demande » ;
ALORS 1°) QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que le document annexé au mandat de la société Viza mentionne : « le tout-à-l'égout est relié à la fosse septique » ; qu'en considérant que le mandat de la société Viza n'aurait pas contenu de précision sur la présence d'une fosse septique, la cour d'appel a dénaturé ce mandat, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause et de l'article 1134 du code civil ;
ALORS subsidiairement 2°) QUE l'agent immobilier est tenu en sa qualité de professionnel de vérifier au besoin avec l'assistance d'un tiers si une maison qualifiée de maison d'habitation est équipée d'un réseau d'évacuation des eaux usées et fluviales raccordé aux collecteurs municipaux ; qu'en considérant que l'agent immobilier n'aurait pu révéler une situation dont il n'avait pas connaissance, la mention d'un tout-à-l'égout étant suffisante sans qu'il soit tenu de solliciter auprès des vendeurs des éléments supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum M. et Mme [O] à payer à la société Viza la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS QUE : « s'agissant de la responsabilité de la Sarl Viza dont le mandat ne contenait pas de précision sur la présence d'une fosse, l'agent immobilier ne pouvait révéler une situation dont il n'avait pas connaissance, la mention d'un tout-à-l'égout étant suffisante sans qu'il soit tenu de solliciter auprès des vendeurs des éléments supplémentaires. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [O] de leur demande à l'encontre de la Sarl Viza. Il ressort des motifs ainsi exposés que l'appel formé par M. et Mme [O] est abusif à l'égard de la Sarl Viza qui subit un préjudice. Ils seront en conséquence condamnés à lui verser la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts » ;
ALORS QUE l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus donnant naissance à une dette indemnitaire qu'en cas de faute de celui qui l'exerce ; qu'en considérant qu'il ressortirait des motifs de l'arrêt que l'appel formé par M. et Mme [O] serait abusif à l'égard de la société Viza, sans caractériser la faute des exposants ayant fait dégénérer en abus l'exercice de leur droit d'agir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.