La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2017 | FRANCE | N°15-27543

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 avril 2017, 15-27543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 septembre 2015), que [L] [P] est décédé le [Date décès 1] 2005, en laissant pour lui succéder sa soeur, Mme [W] [P] ; que la déclaration de succession mentionnait des parts sociales d'une société civile immobilière ; que, le 12 septembre 2009, l'administration fiscale a notifié à Mme [P] une proposition de rectification rehaussant l'évaluation de ces parts ; qu'après mise en recouvrement d'un complément de droit de succession et de

pénalités de retard et rejet de sa réclamation, Mme [P] a saisi le tribunal ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 septembre 2015), que [L] [P] est décédé le [Date décès 1] 2005, en laissant pour lui succéder sa soeur, Mme [W] [P] ; que la déclaration de succession mentionnait des parts sociales d'une société civile immobilière ; que, le 12 septembre 2009, l'administration fiscale a notifié à Mme [P] une proposition de rectification rehaussant l'évaluation de ces parts ; qu'après mise en recouvrement d'un complément de droit de succession et de pénalités de retard et rejet de sa réclamation, Mme [P] a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargée de ce supplément d'imposition ;

Attendu que Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que la valeur des titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande, dans un marché réel ; que cette évaluation peut être déduite du prix de cession convenu à l'occasion d'une cession intervenue dans un temps voisin ; qu'en se bornant, pour approuver l'évaluation des parts sociales faite par l'administration fiscale, à énoncer que le prix de cession de 80 000 euros de ces parts en mars 2007 n'impliquait pas que leur valeur réelle ait été nécessairement inférieure en 2005, sans indiquer en quoi le prix de 80 000 euros auquel ces titres non cotés avaient été vendus n'aurait pas reflété le prix du marché et en quoi leur valeur aurait autant diminué en moins de deux ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 17 du livre des procédures fiscales ;

2°/ que lorsque l'immeuble, objet d'un bail à construction d'une durée inférieure à trente ans, revient sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail, la remise donne lieu à une imposition à la charge du bailleur ; que cet impôt constitue une dette future et certaine qui doit être prise en compte dans l'évaluation des parts sociales de la société bailleresse ; qu'en refusant de prendre en compte cet impôt dans l'évaluation des parts sociales de la SCI Balma, au motif inopérant que son taux ne pouvait être déterminé et que son montant dépendait de facteurs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 17 du livre des procédures fiscales et l'article 33 ter du code général des impôts ;

3°/ que lorsque l'immeuble revient sans indemnité au bailleur à l'expiration d'un bail à construction d'une durée inférieure à trente ans, la remise donne lieu à une imposition à la charge du bailleur ; que cet impôt constitue une dette future et certaine qui doit être prise en compte dans l'évaluation des parts sociales de la société bailleresse ; que cet impôt est exigible à partir de la date d'accession du bien, même en l'absence de toute cession de l'immeuble ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas lieu de pratiquer un abattement au titre d'une fiscalité latente, motif pris que le bien n'avait pas vocation à être vendu, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 17 du livre des procédures fiscales et l'article 33 ter du code général des impôts ;

4°/ que la valeur des titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande, dans un marché réel ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas lieu, pour déterminer la valeur des parts sociales de la SCI Balma, bailleresse à construction, de diminuer la valeur de l'immeuble de celle des loyers commerciaux que l'immeuble aurait pu procurer au regard de la nature du contrat de bail à construction et du fait que l'immeuble ne lui appartenait pas encore à la date du fait générateur de l'impôt, bien que la circonstance que le bailleur ne puisse donner la construction à bail avant l'échéance du bail consenti sur le terrain affecte la valeur de la construction et doive être prise en considération pour en évaluer le prix avant l'expiration du bail, la cour d'appel a violé l'article 7 du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en application de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, la valeur vénale réelle d'un bien s'évalue au moyen d'éléments de comparaison, antérieurs au fait générateur d'imposition, de biens intrinsèquement similaires ; que l'arrêt constate que le terme de comparaison proposé par Mme [P] est postérieur de près de deux ans au décès de M. [P] ; que par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'évaluation de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments disponibles de façon à faire apparaître une valeur aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande sur un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt ; que l'arrêt constate que la SCI devait accéder aux constructions réalisées par le preneur au terme du bail, en 2013, et qu'elle devait être soumise, en application de l'article 33 ter du code général des impôts, à une imposition pouvant s'étaler sur quinze ans, dont le taux ne pouvait être déterminé ; que, par motifs adoptés, il retient que cette imposition était soumise à différentes conditions dont rien ne permettait de dire qu'elles se seraient réalisées ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel a pu refuser de pratiquer un abattement au titre de la fiscalité latente liée au contrat de bail à construction conclu par la SCI ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant relevé le caractère hypothétique des loyers commerciaux que l'immeuble aurait pu procurer, c'est à bon droit que la cour d'appel a refusé de diminuer la valeur de l'immeuble ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme [P]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame [W] [P] de sa demande tendant à voir annuler la décision du 7 février 2011 par laquelle le Directeur régional des finances publiques a rejeté sa réclamation tendant à voir annuler l'avis de mise en recouvrement du 8 avril 2010 mettant à sa charge la somme globale de 77.673 euros ;

AUX MOTIFS QUE l'administration peut, en vertu de l'article L 17 du Livre des procédures fiscales, rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien lorsque le prix sur l'évaluation ayant servi de base à la perception d'une imposition apparaît inférieure à la valeur réelle de ce bien ; qu'elle peut alors calculer l'impôt sur la base de la valeur réelle et appliquer, s'il y a lieu, des pénalités ; qu'il s'agit en l'espèce d'apprécier la valeur vénale des parts de la SCI Balma recueillies par Mme [P] dans la succession de son frère ; que cette valeur doit être située à la date du décès du de cujus ([Date décès 1] 2005) et correspondre au prix qui aurait pu être alors obtenu par le jeu de l'offre et de la demande, abstraction faite de toute valeur de convenance ; que les termes de comparaison avancés doivent être antérieurs à cette date de référence ; que c'est pourquoi le prix et les conditions de la cession des 160 parts sociales en mars 2007 ne peuvent constituer des éléments pertinents quelle que soit la particularité du bien dont est titulaire la SCI BALMA (un terrain ayant fait l'objet d'un bail à construction) et la circonstance que Mme [P] n'était pas associées de la SCI ; que ce n'est pas par ce qu'elles ont été vendues au prix de 80.000 euros en mars 2007 par Mme [P], dans des conditions qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier dans le cadre de l'examen du présent litige, que leur valeur réelle était nécessairement moindre en novembre 2005 ; que dans un domaine où le marché de la cession de parts sociales d'une SCI propriétaire d'un terrain situé au Breuil-en-Auge ayant fait l'objet d'un bail à construction prenant fin 8 ans après le fait générateur de l'impôt est peu actif, on ne peut exiger de l'administration la production d'éléments de comparaison strictement identiques ; qu'il est dès lors est admissible de retenir une autre méthodologie relevant d'une appréciation patrimoniale corrigée ; que la méthodologie retenue par l'administration, qui consiste à incorporer dans la valeur du terrain immobilisé le cumul des amortissements des constructions pratiqués par le preneur comme étant représentatif du droit du bailleur à la pleine propriété des biens en fin de bail, apparaît pertinente ; qu'elle tient compte de l'objet social de la SCI Balma, qui consiste exclusivement à gérer son patrimoine ; que comme le bien immobilier à l'actif du bilan est nécessaire à l'activité de la société, il n'a pas vocation à être vendu : dès lors, il n'y a pas lieu de pratiquer un abattement au titre d'une fiscalité latente qui serait liée à l'impôt sur les sociétés déductible de la valeur vénale du terrain et des constructions, alors surtout que le taux de cet impôt applicable à partir de 2013 et les 14 années suivantes (cf article 33 ter-1 du Code général des impôts) ne peut être déterminé et que son montant dépend de facteurs (bénéfices réalisés notamment) purement hypothétiques ; qu'il n'y a pas lieu davantage de diminuer la valeur de l'immeuble de celle des loyers commerciaux, tout aussi hypothétiques, que l'immeuble aurait pu procurer au regard de la nature du contrat de bail à construction et du fait que l'immeuble construit n'appartenait pas encore à la date de référence à la SCI Balma ; qu'en revanche, des abattements doivent être opérés en raison de la non liquidité de la valeur du bien et de la clause d'agrément limitant la liberté de cession des parts sociales ; qu'en pratiquant des décotes de 20 % et 15 %, l'administration a fait une juste appréciation de ces particularités ; que sur ces bases, il convient de considérer, en substance, qu'au [Date décès 1] 2005 la SCI Balma était propriétaire d'un terrain d'une valeur de 121.105 euros (référence 31 décembre 2004 antérieur au fait générateur de l'impôt), qu'elle avait une valeur nette comptable de 71.283 euros (même référence) et que la valeur vénale de l'immeuble s'élevait à 936,349 euros (comme retenu par l'administration), étant observé que Mme [P] et les acquéreurs des parts avaient entériné celle de 1.200.000 euros en 2007 et que l'appelante accepte de retenir le chiffre avancé par l'intimé ; que cela conduit la cour à valider l'estimation de l'administration relative à la valeur du bien par la prise en compte des éléments suivants :
valeur du terrain : 121.105,00 euros
valeur actualisée du droit d'accession à la date de référence : 936.349,00 euros
plus-value apportée au terrain par l'évolution du bail à construction : 936.349 euros -
121,106 euros = …………………… ……….815.244,00 euros
actif net corrigé (400 parts) :
71,283 euros + 815,244 euros = 886.527,00 euros
valeur vénale de la part sociale :
886.527 euros : 400 = 2.216,31 euros arrondi à 2.200 euros (au lieu de 500 euros comme déclaré par Mme [P]) ; qu'après abattement de 35 % (20 % + 15 %), la valeur corrigée des 160 parts s'élève donc à :
2.200 euros X 65 % = 1.430 euros
1.430 euros X 160 parts = 228,800 euros (au lieu de 80,000 euros) soit une insuffisance taxable de 148.800 euros aboutissant à l'imposition pratiquée par l'administration ; qu'alors même que la procédure fiscale a été contradictoire et régulière et que l'administration ne fait qu'appliquer la loi en procédant, à juste titre, à la rectification d'une valeur déclarée inférieure à la valeur réelle, le fait que l'imposition soit finalement supérieure à la valeur déclarée à tort ne saurait constituer une spoliation et une violation de l'article 6 de la CEDH ; qu'aucun élément du dossier ne permet en outre de considérer que l'administration ait accepté de façon formelle, au sens de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, la valeur des parts de la SC1 Balma portées dans l'acte de mutation de 2007 ; qu'en fonction de l'ensemble de ces éléments, le jugement déféré mérite confirmation ;

1°) ALORS QUE la valeur des titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande, dans un marché réel ; que cette évaluation peut être déduite du prix de cession convenu à l'occasion d'une cession intervenue dans un temps voisin ; qu'en se bornant, pour approuver l'évaluation des parts sociales faite par l'Administration fiscale, à énoncer que le prix de cession de 80.000 euros de ces parts en mars 2007 n'impliquait pas que leur valeur réelle ait été nécessairement inférieure en 2005, sans indiquer en quoi le prix de 80.000 euros auquel ces titres non cotés avaient été vendus n'aurait pas reflété le prix du marché et en quoi leur valeur aurait autant diminué en moins de deux ans, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 17 du Livre des procédures fiscales ;

2°) ALORS QUE lorsque l'immeuble, objet d'un bail à construction d'une durée inférieure à trente ans, revient sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail, la remise donne lieu à une imposition à la charge du bailleur ; que cet impôt constitue une dette future et certaine qui doit être prise en compte dans l'évaluation des parts sociales de la société bailleresse ; qu'en refusant de prendre en compte cet impôt dans l'évaluation des parts sociales de la SCI BALMA, au motif inopérant que son taux ne pouvait être déterminé et que son montant dépendait de facteurs hypothétiques, la Cour d'appel a violé l'article 17 du Livre des procédures fiscales et l'article 33 ter du Code général des impôts ;

3°) ALORS QUE lorsque l'immeuble revient sans indemnité au bailleur à l'expiration d'un bail à construction d'une durée inférieure à trente ans, la remise donne lieu à une imposition à la charge du bailleur ; que cet impôt constitue une dette future et certaine qui doit être prise en compte dans l'évaluation des parts sociales de la société bailleresse ; que cet impôt est exigible à partir de la date d'accession du bien, même en l'absence de toute cession de l'immeuble ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas lieu de pratiquer un abattement au titre d'une fiscalité latente, motif pris que le bien n'avait pas vocation à être vendu, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 17 du Livre des procédures fiscales et l'article 33 ter du Code général des impôts ;

4°) ALORS QUE la valeur des titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande, dans un marché réel ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas lieu, pour déterminer la valeur des parts sociales de la SCI BALMA, bailleresse à construction, de diminuer la valeur de l'immeuble de celle des loyers commerciaux que l'immeuble aurait pu procurer au regard de la nature du contrat de bail à construction et du fait que l'immeuble ne lui appartenait pas encore à la date du fait générateur de l'impôt, bien que la circonstance que le bailleur ne puisse donner la construction à bail avant l'échéance du bail consenti sur le terrain affecte la valeur de la construction et doive être prise en considération pour en évaluer le prix avant l'expiration du bail, la Cour d'appel a violé l'article 17 du Livre des procédures fiscales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-27543
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 15 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-27543


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27543
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award