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26/04/2017 | FRANCE | N°15-26293;15-26294

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 avril 2017, 15-26293 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Q 15-26.293 et R 15-26.294 ;

Attendu, selon les jugements attaqués, statuant en dernier ressort, que la société Rolltainer Logistique Services (RLS) exploite une activité de transport routier de marchandises ; que M. [R] et un autre salarié exerçant la profession de chauffeur-livreur ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;<

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Q 15-26.293 et R 15-26.294 ;

Attendu, selon les jugements attaqués, statuant en dernier ressort, que la société Rolltainer Logistique Services (RLS) exploite une activité de transport routier de marchandises ; que M. [R] et un autre salarié exerçant la profession de chauffeur-livreur ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que l'employeur fait grief aux jugements de le condamner à payer diverses sommes au titre des majorations pour heures supplémentaires, compensation illicite dans la modulation et reliquat de prime de fin d'année pour les années 2012 et 2013, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en appréciant la validité de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail au sein de la société RLS conclu le 7 novembre 2009 sur le fondement de critères applicables aux seuls dispositifs d'aménagement du temps de travail mis en place unilatéralement par l'employeur en l'absence d'accord collectif prévu par l'article L. 3122-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé l'article susvisé et par fausse application l'article D. 3122-7-1 du code du travail ;

2°/ que dans ses conclusions, reprises oralement à l'audience, la société RLS faisait valoir que même à défaut d'accord collectif, elles étaient libres de moduler le temps de travail sur des périodes de quatre semaines en application de l'article D. 3122-7-1 du code du travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le conseil de prud'hommes a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, tant les dispositions de l'article L. 3122-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que celles de l'article D. 3122-7-1 du même code imposent, dans le cas d'une organisation d'une durée du travail supérieure à la semaine, que soit établi un programme indicatif de la variation de la durée du travail ;

Et attendu que les jugements relèvent l'absence de programme indicatif de la variation de la durée du travail ;

Qu'il en résulte que l'employeur ne pouvait, que ce soit en application d'un accord de modulation ou d'une décision unilatérale, décompter le temps de travail des salariés sur une durée supérieure à la semaine ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 3121-9 du code du travail en sa rédaction alors applicable, ensemble le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 ;

Attendu que pour faire droit aux demandes des salariés, les jugements retiennent que le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 n'a pas été pris après avis du Conseil d'Etat ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le paragraphe 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, instituant des temps d'équivalence dans le domaine des transports routiers, n'a pas été annulé par le Conseil d'Etat, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent l'employeur à verser aux salariés diverses sommes au titre des majorations pour heures supplémentaires, de compensation illicite dans la modulation et de reliquat du montant de la prime de fin d'année pour les années 2012-2013 outre intérêts, les jugements rendus le 3 août 2015, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Rolltainer Logistique Services, demanderesse aux pourvois
n° Q 15-26.293 et R 15-26.294

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF aux jugements attaqués D'AVOIR condamné les sociétés RLS et COTRAM à verser aux salariés diverses sommes à titre de majorations pour heures supplémentaires, de compensation illicite dans la modulation et de reliquat du montant de la prime de fin d'année 2012 et 2013 avec intérêts légaux depuis la date de la demande ;

AUX MOTIFS QUE l'article D. 3122-7-1 mentionne : « en l'absence d'accord collectif, la durée du travail de l'entreprise ou de l'établissement peut être organisée sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de quatre semaines au plus. L'employeur établit le programme indicatif de la variation de la durée du travail. Ce programme est soumis pour avis, avant sa première mise en oeuvre, au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s'ils existent. Les modifications du programme de la variation font également l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent. L'employeur communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel un bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail. Les salariés sont prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement intervient » ; que la dérogation est fixée par les dispositions de l'article L. 3121-9 du code du travail qui stipule « une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit pas décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou conventions collectives de travail » ; que le décret n° 83-40 n'est pas pris après avis du Conseil d'Etat ; que la Cour de cassation, en sa chambre sociale, a rappelé que : le Conseil de prud'hommes, qui a constaté que la société ne disposait pas d'un accord de modulation conforme à la législation, a exactement décidé que la demande de paiement des heures supplémentaires de la salariée était fondée ; que le moyen ne peut être accueilli (Cass. Soc., 12 mars 2008, société les ateliers de Belleville, n° 06-45.274) ; qu'en l'espèce, il est démontré au conseil que l'employeur n'a jamais : établit de programme indicatif de la variation de la durée du travail, soumis pour avis, avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise, communiqué au moins une fois par an au comité d'entreprise un bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation du travail, respecté le délai de 7 jours de prévenance ; qu'en l'absence des dispositions ci-dessus nécessaires à la conformité de l'accord sur la modulation du temps de travail le conseil constate l'absence d'accord ; qu'en l'espèce c'est un système dérogatoire ; que l'inspecteur du travail par un écrit joint aux débats et qui indique que « s'agissant d'un domaine dérogatoire, les dispositions de cet accord ne sont donc pas à ce jour juridiquement applicables » ; que la convention collective nationale du transport ne s'appliquant pas à l'Ile de la Réunion, le conseil constate que c'est le régime de droit commun qui s'applique s'agissant du paiement et de la majoration des heures supplémentaires ; qu'il n'est pas contesté par les parties que la convention collective nationale ne s'applique pas à la Réunion ; qu'en conséquence le conseil constate l'absence d'accord sur la modulation du temps de travail dans l'entreprise et, dit et juge que c'est le droit commun qui s'applique pour le paiement des heures supplémentaires ; que l'employeur a admis et procédé au paiement et à la majoration des heures supplémentaires mais uniquement à partir de décembre 2013 ; qu'en l'espèce, le conseil dit et juge que s'agissant du paiement et des majorations des heures supplémentaires c'est le droit commun qui s'applique ; que ladite règle du droit commun mentionne que la majoration et le paiement des heures supplémentaires s'effectue dès la 36ème heure ; qu'il est étonnant que dans ses conclusions l'employeur mentionne : « (…) majoration des heures de temps de service à compter de la 36ème heure : non ! (…) » alors qu'il écrit juste après avoir, au titre de la libéralité, payé la majoration des heures supplémentaires à partir de la 36ème heure mais uniquement à partir de décembre 2013 ;

1°) ALORS QU' en appréciant la validité de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail au sein des sociétés COTRAM et RLS conclu le 7 novembre 2009 sur le fondement de critères applicables aux seuls dispositifs d'aménagement du temps de travail mis en place unilatéralement par l'employeur en l'absence d'accord collectif prévu par l'article L. 3122-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé l'article susvisé et par fausse application l'article D. 3122-7-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE dans leurs conclusions, reprises oralement à l'audience, les sociétés COTRAM et RLS faisaient valoir que même à défaut d'accord collectif, elles étaient libres de moduler le temps de travail sur des périodes de quatre semaines en application de l'article D. 3122-7-1 du code du travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le conseil de prud'hommes a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF aux jugements attaqués D'AVOIR condamné les sociétés RLS et COTRAM à verser aux salariés diverses sommes à titre de majorations pour heures supplémentaires, de compensation illicite dans la modulation et de reliquat du montant de la prime de fin d'année 2012 et 2013 avec intérêts légaux depuis la date de la demande ;

AUX MOTIFS QUE l'article D. 3122-7-1 mentionne : « en l'absence d'accord collectif, la durée du travail de l'entreprise ou de l'établissement peut être organisée sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de quatre semaines au plus. L'employeur établit le programme indicatif de la variation de la durée du travail. Ce programme est soumis pour avis, avant sa première mise en oeuvre, au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s'ils existent. Les modifications du programme de la variation font également l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent. L'employeur communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel un bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail. Les salariés sont prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement intervient » ; que la dérogation est fixée par les dispositions de l'article L. 3121-9 du code du travail qui stipule « une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit pas décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou conventions collectives de travail » ; que le décret n° 83-40 n'est pas pris après avis du Conseil d'Etat ; que la Cour de cassation, en sa chambre sociale, a rappelé que : le Conseil de prud'hommes, qui a constaté que la société ne disposait pas d'un accord de modulation conforme à la législation, a exactement décidé que la demande de paiement des heures supplémentaires de la salariée était fondée ; que le moyen ne peut être accueilli (Cass. Soc., 12 mars 2008, société les ateliers de Belleville, n° 06-45.274) ; qu'en l'espèce, il est démontré au conseil que l'employeur n'a jamais : établit de programme indicatif de la variation de la durée du travail, soumis pour avis, avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise, communiqué au moins une fois par an au comité d'entreprise un bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation du travail, respecté le délai de 7 jours de prévenance ; qu'en l'absence des dispositions ci-dessus nécessaires à la conformité de l'accord sur la modulation du temps de travail le conseil constate l'absence d'accord ; qu'en l'espèce c'est un système dérogatoire ; que l'inspecteur du travail par un écrit joint aux débats et qui indique que « s'agissant d'un domaine dérogatoire, les dispositions de cet accord ne sont donc pas à ce jour juridiquement applicables » ; que la convention collective nationale du transport ne s'appliquant pas à l'Ile de la Réunion, le conseil constate que c'est le régime de droit commun qui s'applique s'agissant du paiement et de la majoration des heures supplémentaires ; qu'il n'est pas contesté par les parties que la convention collective nationale ne s'applique pas à la Réunion ; qu'en conséquence le conseil constate l'absence d'accord sur la modulation du temps de travail dans l'entreprise et, dit et juge que c'est le droit commun qui s'applique pour le paiement des heures supplémentaires ; que l'employeur a admis et procédé au paiement et à la majoration des heures supplémentaires mais uniquement à partir de décembre 2013 ; qu'en l'espèce, le conseil dit et juge que s'agissant du paiement et des majorations des heures supplémentaires c'est le droit commun qui s'applique ; que ladite règle du droit commun mentionne que la majoration et le paiement des heures supplémentaires s'effectue dès la 36ème heure ; qu'il est étonnant que dans ses conclusions l'employeur mentionne : « (…) majoration des heures de temps de service à compter de la 36ème heure : non ! (…) » alors qu'il écrit juste après avoir, au titre de la libéralité, payé la majoration des heures supplémentaires à partir de la 36ème heure mais uniquement à partir de décembre 2013 ;

1°) ALORS QUE les horaires d'équivalence peuvent être mis en place soit par un décret en Conseil d'Etat, soit par un décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche ; que le régime d'équivalence dont les sociétés RLS et COTRAM revendiquent l'application est issu du décret n° 2002-622 du 25 avril 2002, pris en Conseil d'Etat, ayant modifié l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 ; qu'en jugeant que le droit commun devait s'appliquer au paiement et à la majoration des heures supplémentaires au motif inopérant que la convention collective du transport ne s'appliquait pas à la Réunion, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 3121-9 du code du travail et les dispositions des décrets susvisés ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE lors de son adoption, le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 « relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée de travail dans les entreprises de transport routier » a été pris au visa de l'article L. 212-2 du code du travail qui renvoyait alors à des décrets en Conseil des ministres l'aménagement et les dérogations aux horaires de travail ; qu'en écartant le régime d'équivalence au motif que le décret du 26 janvier 1983 n'a pas été pris après avis du Conseil d'Etat, le Conseil de prud'hommes a violé les dispositions du décret susvisé, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du code du travail dans leur version en vigueur à compter du 1er février 1982 et l'article L. 3121-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-26293;15-26294
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de La Réunion, 03 août 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-26293;15-26294


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26293
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