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25/04/2017 | FRANCE | N°15-87427

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 avril 2017, 15-87427


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. [T] [Y],
- La société De Rijke Normandie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2015, qui, pour entrave aux fonctions de délégué syndical, a condamné le premier, à 2 000 euros d'amende et la seconde, à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 février 2017 où étaient présents dans la formation pré

vue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. [T] [Y],
- La société De Rijke Normandie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2015, qui, pour entrave aux fonctions de délégué syndical, a condamné le premier, à 2 000 euros d'amende et la seconde, à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société De Rijke Normandie, en qualité de civilement responsable, ainsi que son directeur général, M. [T] [Y], en tant que prévenu, ont été cités à comparaître du chef susvisé devant le tribunal correctionnel à la demande de M. [P] [I], salarié de la société et délégué syndical, et du syndicat CGT De Rijke Normandie ; que les parties civiles reprochaient notamment à M. [Y] d'avoir mis à pied M. [I] du 17 au 19 septembre 2012 au motif que, à l'occasion des réunions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des 4 juin et 9 juillet 2012, ce dernier s'était montré insultant et méprisant à l'égard de son employeur en le qualifiant de "pathétique" et de "rigolo" ; qu'il était également reproché à M. [Y] d'avoir omis de convoquer M. [I] à une réunion d'information des conducteurs sur le projet d'accord sur la rémunération en date du 2 juin 2012 ; que le tribunal a déclaré M. [Y] et la société De Rijke Normandie coupables dudit chef et condamné chacun à 3 000 euros d'amende ; que M. [Y], la société De Rijke Normandie et le ministère public ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le deuxième moyen de cassation ;

Sur le troisième moyen de cassation ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 121-2 du code pénal, des articles 388, 390, 418, 423, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale, méconnaissance des termes du litige, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société De Rijke Normandie coupable de délit d'entrave et l'a condamnée en répression à une amende de 3 000 euros ;

"aux motifs propres d'abord que M. [Y], directeur général de la société De Rijke Normandie, a été poursuivi à la requête des parties civiles, M. [I] et le syndicat CGT de Rijke Normandie, pour avoir […] entravé l'exercice du droit syndical de M. [I], faits prévus et réprimés par les articles L. 2146-1, L. 2146-4, L. 2141-4, L. 2146-9, L. 2141-9 du code du travail ; que la SARL De Rijke Normandie a été poursuivie en tant que civilement responsable du délit commis par le susnommé ;

"aux motifs propres ensuite que le 12 février 2014, à la requête de M. [I] et du syndicat CGT de Rijke Normandie, était délivrée une citation à M. [Y] et à la société De Rijke Normandie pour avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel de Rouen pour délits d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'il convient de préciser que la citation visait M. [Y] en tant que prévenu et la société De Rijke Normandie en tant que civilement responsable des agissements du premier nommé ;

"aux motifs propres également qu' au terme de cette citation, M. [I] et le syndicat CGT demandaient : - que M. [Y] soit déclaré coupable d'entraves à l'exercice du droit syndical, - que la société De Rijke soit déclarée civilement responsable des délits d'entrave commis par son directeur ;

"aux motifs propres en outre que sur la mesure de mise à pied disciplinaire de M. [I] des 17, 18 et 19 septembre 2012, cette décision de mise à pied repose sur les reproches formulés par la direction à M. [I] d'avoir lors de deux réunions du CHSCT des 4 juin et 9 juillet 2012 traité M. [Y] de "rigolo" et de "pathétique" ; que deux salariés de l'entreprise, MM. [L] et [N], ont attesté de ce que le 9 juillet 2012, lors de la réunion du CE, ils avaient entendu M. [I] dire à M. [Y] : "vous êtes un rigolo et vous êtes pathétique", alors que M. [Q] indique avoir le même jour entendu M. [I] dire à M. [Y] qu'il "était pathétique et rigolo" ; que s'il est de jurisprudence constante que les agissements d'un représentant du personnel dans le cadre de l'exercice de son mandat ne peuvent faire l'objet d'une sanction disciplinaire sauf abus, il y a lieu de se référer, pour apprécier le caractère abusif du comportement de M. [I], aux décisions des juridictions pénales sur le délit de diffamation et celui d'injure ; qu'il ne saurait être question en l'espèce de diffamation, les termes employés ne comportant pas l'allégation d'un fait précis ; que pour apprécier l'éventuel caractère injurieux des propos tenus, il convient de les situer dans leur contexte, d'échanges pouvant être tendus et vifs lors de réunions du comité d'entreprise quand la direction négocie avec le personnel ; qu'au regard de ce contexte et de la nature des expressions employées, qui bien qu'inadaptées provenant d'un représentant du personnel qui devrait, en toutes circonstances, garder son sang-froid, la notion d'abus paraît insuffisamment caractérisée ; que l'attitude du salarié représentant du personnel aurait pu entraîner une réponse graduée dans le temps, à savoir un avertissement avant la mise à pied qui est une sanction forte ; que dès lors, la décision de première instance sera partiellement infirmée, en ce qu'elle a relaxé de ce chef, le délit d'entrave, du fait de la sanction disciplinaire de mise à pied de trois jours prononcée à l'encontre de M. [I] contre l'avis de l'inspecteur du travail, étant établi ; que sur l'absence de convocation du délégué syndical à une réunion concernant un projet d'accord sur la rémunération des salariés ; que le message transmis le 15 mai 2012 par M. [Y] via Transics à tous les conducteurs indique que la réunion prévue pour le 2 juin 2012 aura pour objet de "répondre aux questions posées sur les salaires et l'accord des rémunérations" ; que la direction de l'entreprise conteste à la réunion prévue le caractère de réunion syndicale, s'agissant seulement d'une réunion d'information ; que toutefois, l'objet de la réunion, à laquelle M. [I] n'a été convié qu'en qualité de chauffeur et non de représentant syndical, portant sur les salaires et l'accord des rémunérations, sujets cruciaux pour les salariés de l'entreprise, devait donner lieu à une convocation du délégué syndical ès qualité, en application des dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que la juridiction de première instance a retenu ce délit ;

"aux motifs propres enfin que du fait de la relaxe partielle pour six des délits d'entrave visés par la citation, seront condamnés : M. [Y] à une peine de 2 000 euros d'amende, la société De Rijke Normandie à une peine de 3 000 euros d'amende ;

"et aux motifs éventuellement adoptés, déclare en revanche M. [Y] et la société De Rijke Normandie coupables du chef de délit d'entrave à raison de l'absence de convocation de M. [I] à la réunion syndicale du 2 juin 2012 en sa qualité de délégué syndical, la circonstance que M. [I] y ait été convoqué en sa qualité de simple salarié étant inopérante ; condamne la société De Rijke Normandie à 3 000 euros d'amende ;

"1°) alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses motifs, la cour d'appel a constaté que, si M. [Y] avait été poursuivi pénalement du chef d'entrave au droit syndical de M. [I], en revanche, la société De Rijke Normandie n'avait été visée par la citation à comparaître qu'en tant que civilement responsable du délit commis par M. [Y] ; qu'en condamnant néanmoins, la société De Rijke Normandie à une amende de 3 000 euros du chef de ce délit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation des textes susvisés ;

"2°) alors que, et de la même manière, en déclarant la société De Rijke Normandie coupable du délit d'entrave et en la condamnant à une amende de 3 000 euros, tout en constatant que la citation à comparaître ne visait la société qu'en tant que civilement responsable des faits reprochés à M. [Y], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, violant à cet égard également les textes susvisés ;

"3°) alors que la citation directe à comparaître circonscrit le champ de la prévention ; que dès lors qu'une partie est seule visée comme auteur de l'infraction poursuivie, il est exclu que le juge répressif prononce une condamnation pénale contre une autre partie ; qu'en l'espèce, les juges ont eux mêmes constaté que, si la citation à comparaître délivrée le 12 février 2014 visait M. [Y] en tant qu'auteur du délit d'entrave, elle ne visait en revanche la société De Rijke Normandie qu'en tant que civilement responsable de ce délit ; qu'en déclarant néanmoins cette société coupable du délit d'entrave pour la condamner à une amende de 3 000 euros, les juges du fond ont encore violé les textes susvisés, et notamment les articles 388, 390, 418, 423, 551 ;

"4°) alors que, et en toute hypothèse, en application du principe dispositif, les juges sont tenus par les termes du litige tels que fixés par les prétentions des parties à l'instance ; qu'en l'espèce, M. [I] et le syndicat CGT demandaient, tant en première instance qu'en cause d'appel, de déclarer M. [Y] coupable du délit d'entrave au droit syndical et de déclarer la société De Rijke Normandie civilement responsable du préjudice résultant de la commission de ce délit ; qu'en déclarant néanmoins la société De Rijke Normandie coupable du délit d'entrave et en la condamnant en répression à une amende de 3 000 euros, les juges du fond ont à cet égard également violé les textes susvisés, ensemble le principe dispositif ;

"5°) alors que, et au surplus, une personne morale ne peut- être déclarée coupable d'une infraction que s'il est établi que l'infraction a été commise pour leur compte par leurs organes ou représentants ; qu'en se bornant en l'espèce à se fonder sur les faits commis par M. [Y] sans indiquer en quoi ceux-ci auraient été commis pour le compte de la société, la cour d'appel a de toute façon privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, et notamment de l'article 121-2 du code pénal" ;

Vu l'article 388 du code de procédure pénale ;

Attendu que le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par la comparution des parties, soit par la citation, soit par la convocation par procès-verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction ;

Attendu que pour déclarer la société De Rijke Normandie coupable du chef susvisé en raison des faits précédemment rappelés, la cour d'appel, après avoir énoncé que cette société avait été citée à comparaître en qualité de civilement responsable, prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société De Rijke Normandie n'avait pas été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel en qualité de prévenue, ce dont il résultait que la juridiction correctionnelle n'était pas saisie d'infractions de sa compétence commises par cette société, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 12 novembre 2015, en ses seules dispositions ayant déclaré la société De Rijke Normandie coupable d'entrave aux fonctions de délégué syndical et ayant statué sur les intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-87427
Date de la décision : 25/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 12 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 avr. 2017, pourvoi n°15-87427


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.87427
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