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21/04/2017 | FRANCE | N°15-28595

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 avril 2017, 15-28595


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 octobre 2015) rendu sur renvoi après cassation (soc. 27 novembre 2014 pourvoi n° 13-16.276), que M. [G], engagé le 12 mars 2001 par la société Perrenot en qualité de chauffeur poids lourds zone longue, a démissionné de son emploi le 30 novembre 2011 après avoir obtenu la condamnation de son employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour la période antérieure au 31 mars 2007 et congés payés afférents ainsi que d'une

indemnité, congés payés inclus, au titre des repos compensateurs non pris, de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 octobre 2015) rendu sur renvoi après cassation (soc. 27 novembre 2014 pourvoi n° 13-16.276), que M. [G], engagé le 12 mars 2001 par la société Perrenot en qualité de chauffeur poids lourds zone longue, a démissionné de son emploi le 30 novembre 2011 après avoir obtenu la condamnation de son employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour la période antérieure au 31 mars 2007 et congés payés afférents ainsi que d'une indemnité, congés payés inclus, au titre des repos compensateurs non pris, de respectivement 1 993,10 euros bruts et 1 962,40 euros par le conseil de prud'hommes de Valence le 24 novembre 2011 et été débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période du 31 mars au 22 avril 2010 ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une indemnité forfaitaire de travail dissimulé de six mois de salaire, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; qu'en retenant, pour la condamner à payer au salarié la somme de 12 864 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail, que l'employeur avait volontairement dissimulé une partie importante du temps de travail du salarié, alors pourtant que pour la condamner à verser au salarié la somme de 1 993,10 euros au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au 31 mars 2007, la cour d'appel avait définitivement reconnu que l'ensemble des heures de travail effectuées avaient été déclarées par l'employeur mais qu'à la suite de l'annulation du décret du 31 mars 2005 par le Conseil d'Etat, les heures supplémentaires devaient être décomptées à la semaine et non sur le mois comme l'avait fait l'employeur, la juridiction de renvoi a violé les dispositions des articles 623 à 625 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil ;

2°/ qu'en retenant, pour la condamner à payer la somme de 12 864 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail, que de la comparaison entre les fichiers téléchargés du chronotachygraphe et les bulletins de paie établis par l'employeur en mars 2006, mai 2006, septembre 2006, novembre 2006, janvier 2007 et mars 2007, il ressort de ceux-ci une durée de temps de service de ce salarié notablement supérieure à celles portées sur le bulletin de paye et que «l'examen des fiches de paye pour chacun des mois suivant ces bulletins n'y fait apparaître aucune régularisation de ces durées », alors pourtant qu'il apparaît clairement et précisément à la lecture des bulletins de paie l'existence d'un décalage de la paie, la rémunération du salarié étant calculée sur la base du temps de travail accompli le mois précédent, la juridiction de renvoi a dénaturé les bulletins de paie, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en se bornant à retenir, pour la condamner à payer la somme de 12 864 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail, que l'employeur avait porté sur les bulletins de salaire, pendant près d'un an, un nombre d'heures très inférieur à celui réellement effectué, sans avoir caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé, la juridiction de renvoi n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître la portée de la cassation opérée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 27 novembre 2014, cette cassation ayant pour effet de remettre en question l'appréciation des éléments de fait et de droit du travail dissimulé, et hors toute dénaturation des bulletins de paie produits qui étaient sujets à interprétation, que la cour de renvoi a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'employeur avait de manière intentionnelle dissimulé une partie importante du temps de travail du salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Perrenot aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Perrenot

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Perrenot à payer à M. [G] la somme de 12 864 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 8221-1, 1er du code du travail interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce même code ; que selon l'article L. 8221-5 est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : (…) 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; que la dissimulation d'emploi salarié prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué ; que dans le secteur du transport routier des marchandises, l'employeur, auquel incombe de contrôler la durée de travail de ses salariés et établir les documents nécessaires au décompte de cette durée, est soumis à des obligations particulières ; qu'il est ainsi tenu d'indiquer chaque mois, par une mention sur le bulletin de paie ou par la transmission d'un document annexé au bulletin de paie (la synthèse d'activité) la durée des temps de conduite, la durée des temps de service autres que la conduite, l'ensemble de ces temps constitutifs du temps de service rémunéré récapitulés mensuellement et indiquant les heures qui sont payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause ; que par l'analyse des temps réalisés par son chauffeur au moyen du chronotachygraphe numérique, il a donc une connaissance précise et différenciée des horaires effectués par le salarié, ce qui lui sert à établir le calcul de la rémunération mensuelle, qu'il reporte ensuite sur le bulletin de paye après détermination d'éventuelles heures supplémentaires et des repos compensateurs en résultant ; qu'or, en l'espèce, de la comparaison entre les fichiers téléchargés du chronotachygraphe et les bulletins de paie établis par l'employeur en mars 2006, mai 2006, septembre 2006, novembre 2006, janvier 2007 et mars 2007, il ressort de ceux-ci une durée de temps de service de ce salarié notablement supérieure à celles portées sur le bulletin de paye ; qu'ainsi, en mars 2006, le temps de service effectif sera réduit sur la fiche de paye à 215h17 au lieu de 219h28, en mai 2006 à 204h92 au lieu de 217h08, en septembre 2006 à 210h42 au lieu de 226h65, en novembre 2006 à 213h61 au lieu de 218h05, en janvier 2007 à 223h54 au lieu de 230h28 et enfin en mars 2007 à 206h30 au lieu de 218h21 ; qu'or, l'examen des fiches de paye pour chacun des mois suivants ces bulletins n'y fait pas apparaître aucune régularisation de ces durées ; que par voie de conséquence, le décompte mensuel des heures supplémentaires, qui s'est effectué sur la base mensuelle d'une durée réduite de temps de travail effectif – tel qu'il a été mentionné sur le bulletin de paye du salarié, s'est nécessairement effectué au détriment de ses droits ; qu'alors que chacun des éléments de calcul – temps de travail effectif et décompte des heures supplémentaires – tels qu'ils ressortent de la confrontation de ces documents, a été effectué sur une base mensuelle, la société Perrenot ne s'explique pourtant pas sur cette discordance et sur les raisons du non-report du temps effectif de travail sur les bulletins de paye concernés ; qu'à partir du moment où elle se prévaut d'une méthodologie mensuelle des décomptes des heures supplémentaires elle ne saurait de surcroît valablement arguer de sa bonne foi, en soutenant que sa condamnation aux paiements des heures supplémentaires était due au seul changement de la méthode de calcul du fait de l'annulation du décret du 31 mars 2005 ; que l'employeur, qui avait à disposition des moyens de contrôle fiables et détaillés pour quantifier le temps de travail de son salarié, a ainsi volontairement dissimulé une partie importante du temps de travail du salarié ; que la dissimulation a ainsi atteint une durée mensuelle de plus de 11 heures sur le seul bulletin de mai 2006 et elle s'est prolongée pendant près d'un an ; qu'en conséquence, la longue durée de la dissimulation et le nombre des heures déclarées très inférieur à celui réellement effectué révèle que c'est de manière intentionnelle que la société Perrenot a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'elle sera condamnée à payer à [M] [G] la somme de 12 864 € qu'il réclame de ce chef ;

1°) ALORS QUE la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; qu'en retenant, pour condamner la société Perrenot à payer à M. [G] la somme de 12 864 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail, que l'employeur avait volontairement dissimulé une partie importante du temps de travail du salarié, alors pourtant que pour condamner la société Perrenot à verser au salarié la somme de 1.993,10 € au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au 31 mars 2007, la cour d'appel avait définitivement reconnu que l'ensemble des heures de travail effectuées par M. [G] avaient été déclarées par l'employeur mais qu'à la suite de l'annulation du décret du 31 mars 2005 par le Conseil d'Etat, les heures supplémentaires devaient être décomptées à la semaine et non sur le mois comme l'avait fait l'employeur, la juridiction de renvoi a violé les dispositions des articles 623 à 625 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil ;

2°) ALORS QU'en retenant, pour condamner la société Perrenot à payer à M. [G] la somme de 12 864 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail, que de la comparaison entre les fichiers téléchargés du chronotachygraphe et les bulletins de paie établis par l'employeur en mars 2006, mai 2006, septembre 2006, novembre 2006, janvier 2007 et mars 2007, il ressort de ceux-ci une durée de temps de service de ce salarié notablement supérieure à celles portées sur le bulletin de paye et que « l'examen des fiches de paye pour chacun des mois suivants ces bulletins n'y fait pas apparaître aucune régularisation de ces durées », alors pourtant qu'il apparaît clairement et précisément à la lecture des bulletins de paie l'existence d'un décalage de la paie, la rémunération du salarié étant calculée sur la base du temps de travail accompli le mois précédent, la juridiction de renvoi a dénaturé les bulletins de paie, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS QUE la dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société Perrenot à payer à M. [G] la somme de 12 864 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail, que l'employeur avait porté sur les bulletins de salaire, pendant près d'un an, un nombre d'heures très inférieur à celui réellement effectué, sans avoir caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé, la juridiction de renvoi n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-28595
Date de la décision : 21/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 15 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 avr. 2017, pourvoi n°15-28595


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28595
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