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20/04/2017 | FRANCE | N°16-80195

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 avril 2017, 16-80195


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 27 novembre 2013 n°12-81.618), a rejeté ses demandes après relaxe de M. [J] [L] et Mme [Y] [K] des chefs d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 mars 2017 où ét

aient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 27 novembre 2013 n°12-81.618), a rejeté ses demandes après relaxe de M. [J] [L] et Mme [Y] [K] des chefs d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 22 décembre 2005, les agents des douanes ont contrôlé Mme [K] à bord du TGV sur la ligne Paris-Lausanne et ont découvert dans ses valises plusieurs objets d'art islamique appartenant à M. [L] ; qu'arrivés en gare [Établissement 1], ils y ont trouvé d'autres objets d'art islamique anciens ; que les quinze objets découverts ont été expertisés ; que la direction des douanes a estimé que sept d'entre eux auraient dû faire l'objet d'une déclaration préalable d'exportation ou d'une demande d'autorisation ; que Mme [K] et M. [L] ont été poursuivis pour exportation sans déclaration de marchandises prohibées devant le tribunal correctionnel de Besançon qui les a déclarés coupables ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 111-2 et R. 111-1 du code du patrimoine, 5 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, du décret n°93-124 du 29 janvier 1993, du règlement CEE n° 3911/92 du Conseil du 9 décembre 1992, du règlement CE n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, du règlement CEE n° 918/83 du 28 mars 1983, 38, 215, 215 bis, 369, 392, 414, 423, 426, 428, 429, 432 bis, 437 et 438 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a renvoyé Mme [K] et M. [L] des fins de la poursuite et a ordonné la restitution des objets saisis à M. [L] ;

"aux motifs qu'il convient de constater qu'à l'issue de plus de trois ans de procédure douanière cette administration, après plusieurs expertises, a restitué à Mme [K] les objets référencés n° 2, 3, 5, 6, 7, 9, 10 et 11, qui ne sont pas visés dans la prévention ; que M. [Q] [A] [J], chef du bureau du mouvement des oeuvres d'art, a donné la position du ministère de la culture sur le classement de certains des objets détenus par Mme [K], à savoir que les objets n°1 (coupe sur piédouche) n° 4 (grand carreau de revêtement à décor épigraphique en bleu), n° 5 (carreau à décor de branches feuillues), n° 8 ( un lot d'éléments très abîmés en or provenant de colliers ou bracelets) et n° 15 (fragment apparemment authentique du plus grand Coran jamais réalisé pour le souverain [Z]) ; qu'il a été également retenu par M. [T] [X], directeur du livre au ministère de la culture, comme entrant dans la catégorie des incunables et manuscrits d'un âge supérieur à 50 ans les objets n° 12,13 et 14 ; qu'il convient de constater que les objets encore en cause sont de nature très différente : faïence, morceaux de décor mural, éléments des bijoux très abîmés, ouvrages imprimés et fragments de manuscrit ; que Mme [K] a toujours déclaré qu'elle est plutôt spécialisée dans la céramique ottomane et dans une moindre mesure elle connaît les métaux et que pour les livres anciens et manuscrits elle se fait aider par des personnes plus particulièrement compétentes en ce domaine ; qu'il convient de rappeler que l'art islamique couvre une période de 1200 ans sur trois continents, si bien que personne n'a une connaissance générale de tous les domaines de cet art ; que le meilleur exemple est l'objet n° 15 évalué par M. [I] [M] à 300 euros sur l'expertise de M. [G] [T], chef du bureau du patrimoine au ministère de la culture dans le domaine du patrimoine écrit chargé du contrôle de la circulation de ces oeuvres, lequel a déclaré avoir suivi l'avis de M. [M] mais qu'il faisait confiance à l'expertise de Mme [E] et qu'il n'avait jamais entendu parler du Coran de Baysunghur ; que si dans son audition du 25 juin 2008 Mme [X] [E], conservateur en chef du département des arts islamiques au Louvre, a estimé la valeur de chacune des pages de ce document à 200 000 euros, lors de son audition par le tribunal elle a déclaré en ayant pris connaissance de l'origine de ces objets « selon moi, je ne sais pas si ces fragments sont vrais ou pas » ; qu'ainsi l'affirmation des douanes selon lesquelles les déclarations de la conservatrice en chef du département des arts islamiques du Louvre indiquant que Mme [K] « en sa qualité d'expert en art islamique de tout premier plan devait probablement connaître la valeur des panneaux en cause » est bien peu fondée ; qu'au surplus la prévenue déchiffre avec peine la langue arabe, étant incapable de la parler, mais ne connaît absolument pas le persan, langue dans laquelle sont écrits les ouvrages litigieux ; que contrairement à ce qui est affirmé par les douanes Mme [K] a toujours déclaré que son travail consistait à faire de l'évaluation des objets et de contacter les acheteurs, sa prestation se limitant ensuite à envoyer le bordereau d'adjudication ainsi que le passeport, quand il a été demandé par le commissaire-priseur, et qu'elle ne s'occupait pas des opérations d'exportation, ce qui n'est pas son travail, ayant juste fait une exception pour M. [L] en raison de leurs relations amicales ; qu'il n'est nullement démontré la preuve contraire ; que même si dans son audition en garde à vue du 14 janvier 2008 Mme [K] a déclaré ne pas pouvoir ignorer du fait de ses activités la réglementation douanière sur les exportations d'objets d'arts, elle a précisé qu'elle ne s'en occupait pas personnellement car c'était le rôle du commissaire-priseur, qui prenait attache avec les services compétents pour se faire délivrer l'autorisation permettant l'exportation ; qu'il résulte de l'attestation de la SARL Art Services Transport, société spécialisée dans le transport des oeuvres d'art et bénéficiant d'un agrément en douane, avec laquelle Mme [K] a régulièrement travaillé, que celle-ci a « été en contact avec Mme [K] afin d'enlever quatre cartons destinés à transporter pour M. [L] et ceci dans le courant de l'année 2005. Nous ne pouvions pas donner suite à cette demande par manque de temps » ; qu'enfin l'absence d'intérêt national des objets litigieux dans l'esprit de Mme [K] résulte suffisamment des circonstances incontestables de l'espèce, à savoir le désintérêt pour ces objets pendant de très longues années par M. [L], qui les avait abandonnés dans un coffre, dont il ne payait pas la location, puis leur dépôt toujours en raison de ce désintérêt dans une chambre de service de l'appartement parisien de la famille [K], où ils n'étaient nullement protégés des dégradations et des vols ; que dans ces circonstances, à savoir principalement la très grande incertitude sur l'authenticité des oeuvres évaluées les plus chères, les conditions de stockage de ces objets pendant des années et l'absence de pratique de l'exportation d'oeuvres d'art par la prévenue, la bonne foi de Mme [K] est rapportée, d'autant plus que M. [L] lui avait déclaré qu'il s'agissait de" truc sans intérêt ", si bien que cette prévenue sera relaxée des fins de la poursuite et par voie de conséquences ce dernier le sera également faute pour lui d'être tenu pour intéressé à la fraude ; qu'en outre les objets saisis lui seront restitués ;

"1°) alors que le détenteur d'une marchandise de fraude ne peut combattre la présomption de responsabilité que l'article 392 du code des douanes fait peser sur lui qu'en établissant sa bonne foi ; qu'en renvoyant Mme [K] des fins de la poursuite aux motifs qu'elle « a toujours déclaré que son travail consistait à faire de l'évaluation des objets et de contacter les acheteurs, sa prestation se limitant ensuite à envoyer le bordereau d'adjudication ainsi que le passeport, quand il a été demandé par le commissaire-priseur, et qu'elle ne s'occupait pas des opérations d'exportation, ce qui n'est pas son travail, ayant juste fait une exception pour M. [L] en raison de leurs relations amicales » et que « même si dans son audition en garde à vue du 14 janvier 2008 Mme [K] a déclaré ne pas pouvoir ignorer, du fait de ses activités, la réglementation douanière sur les exportations d'objets d'arts, elle a précisé qu'elle ne s'en occupait pas personnellement car c'était le rôle du commissaire-priseur, qui prenait attache avec les services compétents pour se faire délivrer l'autorisation permettant l'exportation » pour en déduire sa bonne foi en raison de « l'absence de pratique de l'exportation d'oeuvres d'art par la prévenue » sans relever les diligences accomplies par Mme [K] pour s'assurer que les objets d'art qu'elle exportait n'étaient pas soumis à une obligation de déclaration conformément à la réglementation douanière qu'elle reconnaissait ne pas pouvoir ignorer du fait de son activité d'expert en art islamique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que la seule protestation d'ignorance de la fraude est insuffisante à écarter la présomption de responsabilité qui s'attache à la simple détention de la marchandise ; qu'en accordant à Mme [K] le bénéfice de la bonne foi aux motifs inopérants que « Mme [K] a toujours déclaré qu'elle est plutôt spécialisée dans la céramique ottomane et dans une moindre mesure elle connaît les métaux et que pour les livres anciens et manuscrits elle se fait aider par des personnes plus particulièrement compétentes en ce domaine ; qu'il convient de rappeler que l'art islamique couvre une période de 1200 ans sur trois continents, si bien que personne n'a une connaissance générale de tous les domaines de cet art », que « l'affirmation des douanes selon lesquelles les déclarations de la conservatrice en chef du département des arts islamiques du Louvre indiquant que Mme [K] « en sa qualité d'expert en art islamique de tout premier plan devait probablement connaître la valeur des panneaux en cause » est bien peu fondée ; qu'au surplus la prévenue déchiffre avec peine la langue arabe, étant incapable de la parler, mais ne connaît absolument pas le persan, langue dans laquelle sont écrits les ouvrage litigieux » et que « l'absence d'intérêt national des objets litigieux dans l'esprit de Mme [K] résulte suffisamment des circonstances incontestables de l'espèce, à savoir le désintérêt pour ces objets pendant de très longues années par M. [L], qui les avait abandonnés dans un coffre, dont il ne payait pas la location, puis leur dépôt toujours en raison de ce désintérêt dans une chambre de service de l'appartement parisien de la famille [K], où ils n'étaient nullement protégés des dégradations et des vols » alors que Mme [K], expert en art islamique, ne pouvait, pour exciper de sa bonne foi, se retrancher ni derrière son ignorance de la nature et de la valeur des biens qu'elle exportait, ni derrière sa négligence, dès lors qu'il lui appartenait de s'assurer, au besoin en s'adressant à des personnes plus compétentes, de la nécessité ou non de soumettre l'exportation de ces objets d'art à une déclaration en douane conformément à la législation douanière qu'elle déclarait ne pas ignorer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3°) alors que le détenteur d'une marchandise de fraude ne peut combattre la présomption de responsabilité que l'article 392 du code des douanes fait peser sur lui qu'en établissant sa bonne foi ; que la preuve de leur bonne foi du prévenu ne peut résulter de faits postérieurs à l'infraction douanière ; qu'en accordant à Mme [K] le bénéfice de la bonne foi au motif inopérant pris de « la très grande incertitude sur l'authenticité des oeuvres évaluées les plus chères » alors que seule l'authenticité du scellé n° 15 était remise en cause et qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que Mme [K] aurait déclaré avoir soustrait l'ensemble des objets d'art exportés à toute déclaration en douane en raison d'un doute sur leur authenticité, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour relaxer Mme [K], l'arrêt relève que les objets en cause sont de nature très différente, qu'elle était spécialisée dans la céramique mais connaissait moins les livres anciens et les manuscrits, qu'elle avait déclaré ne pas ignorer du fait de ses activités la réglementation douanière sur les exportations d'objets d'arts mais précisé qu'elle ne s'occupait pas personnellement de ces opérations et qu'elle avait fait une exception en raison des relations amicales qu'elle entretenait avec M. [L] et que dans son esprit l'absence d'intérêt national des objets litigieux résultait notamment du désintérêt prolongé de la part de leur propriétaire ; que les juges concluent que la très grande incertitude sur l'authenticité des oeuvres évaluées les plus chères, les conditions de stockage de ces objets pendant des années et l'absence de pratique de l'exportation d'oeuvres d'art par la prévenue établissaient sa bonne foi ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ne résulte pas que Mme [K], expert en art islamique, ait établi sa bonne foi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne de l'homme, L. 111-2 et R. 111-1 du code du patrimoine, 5 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, du décret n°93-124 du 29 janvier 1993, du règlement CEE n° 3911/92 du Conseil du 9 décembre 1992, du règlement CE n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, du règlement CEE n° 918/83 du 28 mars 1983, 38, 215, 215 bis, 369, 392, 414, 423, 426, 428, 429, 432 bis, 437 et 438 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a renvoyé Mme [K] et M. [L] des fins de la poursuite et a ordonné la restitution des objets saisis à M. [L] ;

"aux motifs qu'il convient de constater qu'à l'issue de plus de trois ans de procédure douanière cette administration, après plusieurs expertises, a restitué à Mme [K] les objets référencés n° 2, 3, 5, 6, 7, 9, 10 et 11, qui ne sont pas visés dans la prévention ; que M. [Q] [A] [J], chef du bureau du mouvement des oeuvres d'art, a donné la position du ministère de la culture sur le classement de certains des objets détenus par Mme [K], à savoir que les objets n°1 (coupe sur piédouche) n° 4 (grand carreau de revêtement à décor épigraphique en bleu), n° 5 (carreau à décor de branches feuillues), n° 8 ( un lot d'éléments très abîmés en or provenant de colliers ou bracelets) et n° 15 (fragment apparemment authentique du plus grand Coran jamais réalisé pour le souverain [Z]) ; qu'il a été également retenu par M. [T] [X], directeur du livre au ministère de la culture, comme entrant dans la catégorie des incunables et manuscrits d'un âge supérieur à 50 ans les objets n° 12,13 et 14 ; qu'il convient de constater que les objets encore en cause sont de nature très différente : faïence, morceaux de décor mural, éléments des bijoux très abîmés, ouvrages imprimés et fragments de manuscrit ; que Mme [K] a toujours déclaré qu'elle est plutôt spécialisée dans la céramique ottomane et dans une moindre mesure elle connaît les métaux et que pour les livres anciens et manuscrits elle se fait aider par des personnes plus particulièrement compétentes en ce domaine ; qu'il convient de rappeler que l'art islamique couvre une période de 1 200 ans sur trois continents, si bien que personne n'a une connaissance générale de tous les domaines de cet art ; que le meilleur exemple est l'objet n° 15 évalué par M. [I] [M] à 300 euros sur l'expertise de M. [G] [T], chef du bureau du patrimoine au ministère de la culture dans le domaine du patrimoine écrit chargé du contrôle de la circulation de ces oeuvres, lequel a déclaré avoir suivi l'avis de M. [M] mais qu'il faisait confiance à l'expertise de Mme [E] et qu'il n'avait jamais entendu parler du Coran de Baysunghur ; que si dans son audition du 25 juin 2008 Mme [X] [E], conservateur en chef du département des arts islamiques au Louvre, a estimé la valeur de chacune des pages de ce document à 200 000 euros, lors de son audition par le tribunal elle a déclaré en ayant pris connaissance de l'origine de ces objets « selon moi, je ne sais pas si ces fragments sont vrais ou pas » ; qu'ainsi l'affirmation des douanes selon lesquelles les déclarations de la conservatrice en chef du département des arts islamiques du Louvre indiquant que Mme [K] « en sa qualité d'expert en art islamique de tout premier plan devait probablement connaître la valeur des panneaux en cause » est bien peu fondée ; qu'au surplus la prévenue déchiffre avec peine la langue arabe, étant incapable de la parler, mais ne connaît absolument pas le persan, langue dans laquelle sont écrits les ouvrages litigieux ; que contrairement à ce qui est affirmé par les douanes Mme [K] a toujours déclaré que son travail consistait à faire de l'évaluation des objets et de contacter les acheteurs, sa prestation se limitant ensuite à envoyer le bordereau d'adjudication ainsi que le passeport, quand il a été demandé par le commissaire-priseur, et qu'elle ne s'occupait pas des opérations d'exportation, ce qui n'est pas son travail, ayant juste fait une exception pour M. [L] en raison de leurs relations amicales ; qu'il n'est nullement démontré la preuve contraire ; que même si dans son audition en garde à vue du 14 janvier 2008 Mme [K] a déclaré ne pas pouvoir ignorer du fait de ses activités la réglementation douanière sur les exportations d'objets d'arts, elle a précisé qu'elle ne s'en occupait pas personnellement car c'était le rôle du commissaire-priseur, qui prenait attache avec les services compétents pour se faire délivrer l'autorisation permettant l'exportation ; qu'il résulte de l'attestation de la SARL Art Services Transport, société spécialisée dans le transport des oeuvres d'art et bénéficiant d'un agrément en douane, avec laquelle Mme [K] a régulièrement travaillé, que celle-ci a « été en contact avec Mme [K] afin d'enlever quatre cartons destinés à transporter pour M. [L] et ceci dans le courant de l'année 2005. Nous ne pouvions pas donner suite à cette demande par manque de temps » ; qu'enfin l'absence d'intérêt national des objets litigieux dans l'esprit de Mme [K] résulte suffisamment des circonstances incontestables de l'espèce, à savoir le désintérêt pour ces objets pendant de très longues années par M. [L], qui les avait abandonnés dans un coffre, dont il ne payait pas la location, puis leur dépôt toujours en raison de ce désintérêt dans une chambre de service de l'appartement parisien de la famille [K], où ils n'étaient nullement protégés des dégradations et des vols ; que dans ces circonstances, à savoir principalement la très grande incertitude sur l'authenticité des oeuvres évaluées les plus chères, les conditions de stockage de ces objets pendant des années et l'absence de pratique de l'exportation d'oeuvres d'art par la prévenue, la bonne foi de Mme [K] est rapportée, d'autant plus que M. [L] lui avait déclaré qu'il s'agissait de" truc sans intérêt ", si bien que cette prévenue sera relaxée des fins de la poursuite et par voie de conséquences ce dernier le sera également faute pour lui d'être tenu pour intéressé à la fraude ; qu'en outre les objets saisis lui seront restitués ;

"1°) alors que sont réputés intéressés à la fraude en raison de leur qualité, les propriétaires de la marchandise de fraude ; qu'en renvoyant M. [L] des fins de la poursuite au motif qu'en conséquence de la relaxe de Mme [K] au bénéfice de la bonne foi, il ne pouvait être « tenu pour intéressé à la fraude » alors que M. [L] était réputé intéressé à la fraude en sa qualité de propriétaire des objets d'art exportés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que lorsque le prévenu est réputé intéressé à la fraude en raison de sa qualité, il ne peut renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur lui qu'en établissant sa bonne foi ; qu'en renvoyant M. [L] des fins de la poursuite en conséquence de la relaxe de Mme [K] prononcée au bénéfice de sa bonne foi alors que ce dernier, ne pouvait combattre la présomption de responsabilité attachée à sa qualité de propriétaire de la marchandise qu'en rapportant des éléments propres à établir sa bonne foi, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 399 du code des douanes ;

Attendu que, selon ce texte, le propriétaire de la marchandise de fraude est réputé intéressé à la fraude ; qu'il ne peut combattre cette présomption qu'en établissant sa bonne foi ;

Attendu que, pour relaxer M. [L], l'arrêt retient que la relaxe de Mme [K] entraîne la sienne par voie de conséquence, faute pour lui d'être tenu pour intéressé à la fraude ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que M. [L], intéressé à la fraude en sa qualité de propriétaire, n'a pas rapporté la preuve de sa bonne foi, laquelle, en tout état de cause devait être appréciée indépendamment de celle de Mme [K], la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est, de nouveau, encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 26 novembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Colmar à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80195
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 26 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 avr. 2017, pourvoi n°16-80195


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.80195
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