LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 9 décembre 2015), que M. et Mme [Y] ont constitué les sociétés civiles immobilières Malakoff et Elvis (les SCI), qui ont acquis un immeuble ; que la société FC2D a installé dans la maison d'habitation une cheminée avec un insert, l'ensemble étant fourni par la société [S] ; qu'un incendie a entraîné la destruction totale du bâtiment ; que les SCI et M. [Y] ont, après expertise, assigné la MACIF, la société FC2D, la SMABTP et la société Goupama, assureurs respectivement en garantie décennale et en responsabilité professionnelle de la société FC2D, ainsi que la société [S], en indemnisation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de dire la société FC2D entièrement responsable des préjudices subis par M. [Y] et les SCI ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'un logement entièrement détruit par l'incendie était impropre à sa destination, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que la garantie décennale de la société FC2D était due pour la totalité du dommage affectant le bâtiment, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de dire que la société FC2D était tenue, in solidum avec son assureur, d'indemniser M. [Y] à hauteur de 203 372,62 euros, de les condamner à lui régler la somme de 190 750,62 euros et de condamner la société FC2D à payer à la MACIF la somme de 67 133 euros ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a accordé une certaine somme au titre du préjudice de jouissance subi par M. [Y], a retenu, sans violer le principe de la réparation intégrale du préjudice, que c'était avec pertinence que le tribunal avait admis, au titre des préjudices annexes, les frais afférents à la réinstallation de M. [Y] dans un mobil home ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de dire qu'elle était tenue, in solidum avec la société FC2D et sans recours contre elle, de la somme de 441 759,58 euros à l'égard des SCI et de la condamner à leur régler la somme de 295 391,58 euros au titre du reliquat de leur préjudice immobilier ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'en tant qu'assureur de garantie décennale, la SMABTP était tenue d'indemniser l'entier préjudice entrant dans la garantie de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SMABTP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SMABTP et la condamne à payer à la société [S], à la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Rhône-Alpes Auvergne -Groupama, et à la MACIF la somme de 2 000 euros chacune ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la SMABTP
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait dit un installateur d'insert (la société FC2D), entièrement responsable des préjudices subis par l'occupant (M. [Y]) et les propriétaires (les SCI Elvis et Malakoff) de l'immeuble siège des travaux, entièrement détruit par un incendie ;
AUX MOTIFS QUE, sur le principe de responsabilité de la société FC2D, l'article 1792 du code civil met à la charge du constructeur d'un ouvrage une présomption de responsabilité de plein droit envers le maître d'ouvrage pour les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que lorsque les désordres affectant un élément d'équipement rendent l'ouvrage impropre à sa destination, il n'y a pas lieu de rechercher si cet élément d'équipement est ou non dissociable de l'ouvrage ; que la distinction posée par l'article 1792-2 du même code entre les équipements faisant corps ou non avec l'ouvrage dont ils sont le support n'a lieu que pour les désordres affectant l'élément d'équipement seul et non l'ouvrage existant lui-même ; qu'en l'espèce, la SARL FC2D avait réalisé la fourniture aux SCI Elvis et Malakoff et la pose, dans le logement de M. [Y], d'un insert de cheminée ; qu'il apparaissait indéniable, au vu notamment de l'expertise judiciaire, non critiquée sur ce point, que la cause principale de l'incendie ayant affecté l'immeuble appartenant aux SCI Elvis et Malakoff, était bien l'installation défectueuse de l'insert par la société FC2D, telle qu'elle avait été exactement caractérisée par les premiers juges ; que le sinistre avait consisté dans la destruction complète du bâtiment dans lequel l'insert avait été posé ; qu'il ne pouvait être contesté qu'un logement entièrement détruit par les flammes était impropre à sa destination ; qu'il importait peu dès lors de s'interroger sur le caractère divisible ou non de l'élément d'équipement que constituait l'insert litigieux pour considérer que la garantie décennale de la SARL FC2D était due pour la totalité du dommage affectant le bâtiment ; qu'en outre, les premiers juges, s'appuyant sur les conclusions claires et techniquement étayées du rapport d'expertise, avaient retenu que les divers manquements aux règles de l'art relevés à l'encontre de la SARL FC2D engageaient la responsabilité de cette dernière envers les tiers lésés pour les dommages non couverts par la garantie de l'article 1792 du code civil ;
que le tribunal avait également retenu à juste titre que l'utilisation en journée de la cheminée par l'introduction de bûches, fût-ce de trois bûches et fût-ce par grand vent et même en l'absence de l'occupant des lieux, constituait une utilisation normale de l'installation et aucunement une faute imputable à M. [Y] qui serait de nature à réduire son indemnisation ; que la SARL FC2D devait donc l'indemnisation intégrale des préjudices subis par les SCI Malakoff et Elvis, ainsi que par M. [Y] ;
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'en retenant la responsabilité de la SARL FC2D sur le fondement décennal, quand M. [Y] et les SCI Elvis et Malakoff n'avaient sollicité sa condamnation que sur le fondement contractuel de droit commun, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la mise en jeu de la garantie décennale d'un entrepreneur suppose la réalisation d'un ouvrage ; qu'en condamnant la société FC2D sur le fondement décennal, sans constater que la pose de l'insert litigieux constituait un ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'un installateur d'insert (la société FC2D) était tenu, in solidum avec son assureur (la SMABTP), d'indemniser l'occupant d'un immeuble (M. [Y]) détruit par incendie, à hauteur de 203 372,62 € (la SMABTP n'étant cependant tenue de cette somme qu'à hauteur de 76 224,61 €), de les avoir en conséquence condamnés à lui régler la somme de 190 750,62 € (la SMABTP n'étant cependant tenue qu'à hauteur de 63 602,61 €) et d'avoir condamné l'installateur d'insert à payer à un assureur subrogé (la Macif) la somme de 67 133 € ;
AUX MOTIFS QUE, sur le préjudice de jouissance subi par M. [Y], le tribunal avait exactement défini le préjudice de jouissance subi par M. [Y] et avait retenu comme base d'évaluation le coût non contesté d'une location équivalente à hauteur de 750 € par mois ; qu'en revanche, c'était sans raison apparente qu'il avait limité ce chef de préjudice à la somme de 9 000 € indemnisée par la Macif, alors que M. [Y] était toujours privé de la maison qu'il occupait gratuitement, non encore rebâtie, faute d'indemnisation à cette fin ; qu'à la date de sa dernière demande en septembre 2014, M. [Y] avait subi 10 ans et 5 mois de privation de jouissance de son domicile ; que son préjudice de ce chef devait être liquidé à la somme de 93 750 € ; que, sur les préjudices connexes de M. [Y], c'était avec pertinence que le tribunal avait retenu les frais afférents à sa réinstallation dans un mobil home, à hauteur d'un total de 4 108,62 € ;
ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice suppose que la victime soit replacée dans la situation qui aurait été la sienne sans le dommage, sans perte, mais aussi sans profit ; qu'en accordant à M. [Y] l'indemnisation, évaluée en valeur locative, de son préjudice lié à la privation de jouissance de la maison, ainsi que le remboursement des frais afférents à sa réinstallation dans un mobil home, la cour d'appel, qui a accordé à la victime une double indemnisation du même chef de préjudice, a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'assureur (la SMABTP) d'un installeur d'insert (la société FC2D) était tenu in solidum avec lui et sans recours contre lui de la somme de 441 759,58 €, à l'égard des propriétaires d'un immeuble détruit par incendie (les SCI Elvis et Malakoff) et de l'avoir en conséquence condamné à leur régler la somme de 295 391,58 € au titre du reliquat de leur préjudice immobilier ;
AUX MOTIFS QUE, sur la garantie obligatoire, en tant qu'assureur de responsabilité décennale, la SMABTP est tenue d'indemniser l'entier préjudice entrant dans la garantie de l'article 1792 du code civil ; qu'en l'espèce, la société FC2D était bien tenue d'indemniser intégralement sur ce seul fondement les SCI Malakoff et Elvis ; que ni ces dernières ni l'assuré ne pouvaient donc se voir opposer une clause contractuelle limitant la garantie de l'assureur au seul coût de l'ouvrage qu'il avait lui-même réalisé ou prévoyant un plafond chiffré, alors que l'assuré avait réalisé un insert dont les désordres avaient rendu impropre à son usage l'ouvrage dont il constituait un élément d'équipement ; que la SMABTP devait donc indemniser les deux SCI victimes de l'incendie, in solidum avec son assurée, à hauteur de la somme retenue pour le dommage immobilier, soit 441 759,58 € et lui devra garantie pour les sommes qu'il serait amené à payer de ce chef ;
ALORS QUE l'assureur de garantie décennale d'un installateur d'insert ayant causé un incendie ne garantit que le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué et les ouvrages existants qui lui sont indissociables ; qu'en ayant jugé que la SMABTP devait sa garantie à la société FC2D pour l'intégralité du préjudice immobilier subi par les SCI Elvis et Malakoff, sans rechercher si, s'agissant de travaux sur existants, la garantie de la SMABTP n'était pas limitée au paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assurée avait contribué et aux ouvrages existants qui lui étaient indissociables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1 et A 243-1 du code des assurances.